Dans la vie, tout est question de dextérité et d’habilité. D’autant plus quand on est un artisan. Pourquoi ? Eh bien, c’est très simple, les amis.
Imagine un instant qu’ma poigne n’est pas assez solide ou fluide dans j’suis occupé à brasser une cuve de bière, le résultat sera totalement différent à cause d’un geste mal effectué. Un grain qui ne répand pas correctement son arôme, une épice qui s’accroche à la perche ou encore une goutte de sueur qui tombe dans le liquide. V’là la raison expliquant autant de méthode dans la brasserie.
Pourquoi est-ce que j’parle de ça ? Alors, c’est très simple. M’voilà à la foire qui a ouvert à Costa Del Sol et j’ai découvert l’attraction la plus compliquée qui m’a été donné de voir dans ma vie.
Une machine à pince.
La partie coûte deux munnies, j’peux déplacer la pince d’un coup sur la verticale et l’horizontale pour attraper l’objet de mon désir. Enfin, là, c’est une superbe peluche à l’effigie de l’un des héros de la Lumière. C’est vrai ! Il y a devant moi une peluche de Cissneï, Aqua, Roxas, Primus et d’autres personnes dont j’ai pas la moindre idée de qui il peut s’agir ! Enfin, il n’y a pas que la Lumière qui est concernée. Sur ma droite, il y a la Coalition Noire et le Consulat à la gauche. Si j’arrive à enfin attraper cette maudite réplique de mon maître, j’vais m’occuper d’attraper celle qui ressemble au patron. Il sera surement ravi d’avoir une peluche à son effigie.
D’ailleurs, j’tiens à dire à celui qui a créé la peluche pendant dans la machine à gauche que je n’ai pas autant de ventres ! Non mais, il n’y a plus de respect. Bon, revenons à nos moutons. Pour la dixième fois de la journée, j’glisse une p’tite pièce dans la machine et j’me prépare à répéter ce mouvement afin d’agripper la tête toute bleue d’Aqua.
Une fois qu’la pièce est dans la machine, la cabine s’illumine et la musique se lance. Il n’y avait pas de budget pour plus de trois notes, et v’là que l’stress et à son paroxysme. Deux boutons à appuyer, un qui pointe vers le haut et le second vert la droite. Et c’est quoi l’pire dans l’histoire ?! La peluche que j’veux est au fond à droite. Pas moyens d’coller le grappin au fond, il y a la distance suffisante pour qu’la pince ne l’agrippe pas. Tout est une question de dextérité, vous le savez dorénavant.
— À nous deux…
La paume de ma main appuie sur le bouton pour la verticale. Il y a temps de réponse entre le bouton et l’grappin, j’le sais maintenant. Le mécanisme fait filer le grappin vers le fond et j’fais bien attention à relâcher mon emprise un peu avant. Parfait ! L’autre bouton, maintenant.
— Il n’y a pas d’échappatoire !
Deuxième pression, la pince part sur la droite et balance légèrement comme un balancier. V’là le plus compliqué dans l’histoire. Cette fois, j’dois me baser sur la position du mécanisme est non de la pince, si j’veux atteindre ma cible. La musique change ! Ce n’est plus qu’une note qui est retenue alors que ma paume et sur l’bouton. Maintenant ! L’mécanisme se bloque et le mouvement de balancier ne s’arrête pas, horreur, elle descend quand même et j’ai la peur dans le ventre.
La pince va tomber à côté et ne rien agripper, encore deux munnies dans l’vent ! Le câble se détend progressivement j’imagine déjà la scène. L’échec, pour la dixième fois, la pince qui se referme dans le vide pour revenir vers le bac et me narguer.
— Ah non, pas encore !
V’là que j’emporte. Il n’y avait pas de suspens, j’avais vu clair dans le jeu de la pince et elle s’ouvre devant moi afin d’me faire constater mon nouvel échec. Mauvais réflexe, j’donne un coup d’pied dans la machine qui bascule légèrement en même temps que mon orteil craque sous la douleur !
— Oh ! Pas touche aux machines, délinquant !
— C’pas ma faute !
— Bien entendu, et moi, j’suis l’dernier Primarque.
Le forain s’écarte alors que j’sautille sur un pied en tenant mon orteil douloureux. C’en est pas fini, il me faut absolument cette peluche. Plongeant une patte dans la poche, j’la sens, la dernière pièce que j’ai sur moi. La mort ou la gloire, à moins que j’retourne à l’entrée de la foire pour échanger un autre billet et qu’un seau de pop-corn ne prenne en embuscade.
La musique retentit pour la dernière fois.
Premier bouton, vertical, j’connais la musique et la pince se positionne parfaitement. Deuxième bouton, encore ce mouvement de balancier, c’est le moment d’y aller à l’instinct. Il balance de gauche à droite, lentement, il va falloir relâcher le bouton. Il suffit d’y croire. Fermant les paupières un bref instant, j’laisse l’destin choisir pour moi et pour cette peluche représentant Aqua.
La pince descend. Mon coeur s’arrête alors que la chute se fait inexorable devant moi. Elle tombe sur le torse de la peluche et se referme. Une grande inspiration. Le câble se tend et la peluche s’élève et se diriger vers moi, c’est une réussite !
Machinalement, mon poing se dresse vers les cieux en même temps qu’une intonation de joie indescriptible ! À moi la peluche d’Aqua, la reconnaissance d’avoir vaincu cette maudite machine. C’est devant mes yeux que ma récompense tombe, le temps s’arrête, la pince s’est ouverte avant d’atteindre le coin inférieur gauche et elle chute lourdement sur la tête de Primus.
— C’est pas vrai !
La peluche ! Par réflexe, j’attrape la machine entre mes deux pattes et commence à la secouer avec vigueur pour exprimer toute mon indignation. Ce n’est pas juste, le monde n’est que tromperie.
— Vous ! Dégagez de mon stand, j’veux pas voir r’voir.
— Attendez, encore une dernière partie et…
— Pour briser mes machines, j’veux plus vous voir chez moi.
L’forain est là, il s’approche de moi et m’fait bien comprendre que c’est mort. Cette peluche, jamais je ne pourrais l’offrir à Aqua alors que deux mains se posent dans mon dos pour me pousser en dehors de la salle d’arcade. La machine est truquée, c’est injuste et j’peux même pas m’plaindre.
— Et si j’vous r’trouve ici, j’vous dégage à coup d’pied au cul.
— Arnaqueur !
— Pardon ?!
V’là qu’il amène sa main au pied pour brandir sa savate alors que j’me tire le plus vite possible. Ma grand-maman faisait ça, je n’ai pas confiance. Après tout, ils viennent de perdre un client !
Sauf que, m’voilà d’nouveau entre les attractions et les pattes profondément ancrées dans les poches de mon short en bambou. Moi, j’veux rien d’plus que faire rire Aqua en lui montrant cette peluche. Vraiment injuste. Même le soleil ne parvient pas à m’faire oublier ça alors que j’suis tranquillement en train d’le prendre. Qu’est-ce que j’peux bien faire, maintenant. La vie ne vaut plus vraiment le coup maintenant que j’ai plus accès à la salle d’arcade de la foire, et aux peluches.
— Venez démontrer votre force, la seule et la vraie devant les héros des grands châteaux !
Là, j’tends l’oreille et j’vois un gars à moustache qui agite un gros marteau au-dessus de la tête. Il y a aussi une grande tige et une cloche au sommet. Curieux, j’décide d’aller voir, surtout par rapport à c’qui venait de dire. Et là, c’est le miracle. Il y a aussi un mur avec toutes les peluches que j’ai vues !
— Ne serait-ce pas le grand Chen Stormstout, Maître brasseur et ambassadeur du Moulin Rouge ?!
— C’est moi !
— Un vrai héros pour défier la cloche, venez ici et frapper de toute vos forces pour savoir ce que vous méritez vraiment ! Tout ça, pour dix munnies. Si la cloche sonne, vous aurez droit de choisir ce que vous désirez, à la mesure de votre force !
— Même les peluches…?
— Surtout les peluches !
Il m’a eu. Directement, j’sors la somme de ma poche et lui donne. Il me tend l’marteau que j’regarde un instant avant de m’avancer vers la zone à frapper. C’est l’moment de faire mon show ! J’roule les épaules un instant, j’crache dans la paume de mes mains et j’me poste bien avec la masse dans les mains. Un mouvement simple, j’dresse l’arme au-dessus de ma tête avant d’donner l’coup plus puissant que j’peux ! BANG et ensuite DING !
— Nous avons un gagnant !
Bon, finalement, tout n’est pas une question de dextérité. Parfois, il faut simplement taper fort.