Son monstre généreux venait de l’appeler « apprenti. »
Ioan était certain de n’avoir aucun tuteur, il tenait bien debout tout seul. Quant à se faire « kidnapper, » il n’était pas bien sûr de savoir ce que cela signifiait. Curieux, sa bouche s’était entrouverte pour demander quelques éclaircissements… mais cela lui importait peu désormais. Son esprit était tout à fait accaparé par une autre pensée, une pensée radieuse : il était l’apprenti de Chen, son ami, et Père Noël. Or de ce statut, l’enfant se sentait honoré — si la créature bénévole qui l’accompagnait s’était faite un camarade précieux, et s’il lui avait proposé de le suivre dans son atelier… Ioan n’aurait pas espéré pouvoir être son apprenti.
Ce mot avait tout un sens, puissant, important. Il était témoignage de confiance, et un avatar de transmission. La promesse d’un savoir, la promesse d’un moment, la promesse d’un lien. Y avait-il plus belle chose que d’avoir un individu vous confier ce qu’il sait ? Vous confier comme il pratique son art ? Vous permettre de tirer de lui, de sa créativité, de sa pratique, ce qu’il a de plus personnel ? — car, le garçon s’en convainquait, c’était bien en créant que l’on s’exprimait le mieux.
Il était vrai que Ioan n’aurait su, exactement, dire qui de lui ou de Chen avait amené l’autre jusqu’ici. Mais il était certain que cette escapade lui faisait le plus grand bien. Il se sentait léger.
Il était vrai que Ioan n’aurait su, exactement, pourquoi les cuves du Père Noël auraient prit feu. Pourquoi s’en serait-il ainsi éloigné ? Ce n’était pas prudent, assurément. Néanmoins, voilà qui eut été fâcheux. Que tout brûle. Comment son ami ferait-il, sans son atelier ? Si tout n’était que cendres ? La main du garçon se resserra doucement sur le bras de Chen, comme pour le rassurer. Sa première cuvée. Ioan sourit. Il dodelina de la tête. « On doit aller à l’atelier, » dit-il d’un air tranquille et sans hésitation. Hors de question de s’attarder plus, si tout allait prendre feu ! — L’odeur des cuisines d’un restaurant lui parvint ; relevée, attirante… — non ! Il ne devait pas s’attarder. Il devait rester concentré.
Le tourmenteur de sonnette l’observa d’un air confus et ennuyé, passant les yeux sur son monstre généreux avant de revenir à lui. Puis encore une fois. Ioan le fixait en retour, avisant ses yeux d’un vert tilleul — sur les feuilles duquel étaient sertis des éclats malachite. Un beau regard, d’un précieux naturel. Communicatif. « Je… bien. » La mine manifestement perplexe, l’homme regarda tout autour de lui. Il paraissait hésiter ; semblait penser que la démarche d’un homme chargé de sacs et le rire d’une femme lui apporteraient une forme de réponse. De réponse à quoi ? — « Nous ne sommes pas encore totalement habitués aux… hybrides. Veuillez m’excuser du dérangement. » Le port droit, raidit et gêné, il inclina du chef.
Le vent, avec lui, se laissa entraîner vers l’avant, soufflant Ioan et son ami. « Faites bonne route, » finit-il par laisser tomber. Mollement, ses mots s’éclatèrent contre les pavés.
Lentement, il se redressait. Puis il fit un pas.
Un autre.
Il allait partir. Il leur faisait dos. Sa tête se leva vers le ciel. Ses épaules s’affaissèrent en un souffle.
« Vous devriez pas y aller si fort avec la sonnette. »
L’homme se retourna, adressant un regard au garçon. Ioan ne le quittait pas des yeux, inébranlable. Pauvre sonnette, comme elle s’égosillait, de sa voix cassée ! — Mais cela, l’homme ne l’entendait pas. Un rictus troublé, tout simplement, si rapidement, et il s’échappait. Il s’écartait. Il ne se retournait pas. Ne demandait pas son reste. Tout au moins, comme rien ne le pressait, ne pressait-il pas sa pauvre camarade. L’enfant expira, une seconde. Un temps. Puis prestement se retourna vers son ami ! « En route, maître ! » lança-t-il, excité, saupoudrant ses paroles d’un peu de rire léger. Puis saisissant sa patte, l'entraîna dans la rue commerçante !
Ioan disait au revoir. Au Soleil, au labyrinthe festivalier, aux mouettes, aux conciles de tulipes, aux pavés, aux fleurs rampant sur les murs — à sa paisible place, son banc, son arbre, son local. Il saluait le vent, le laissant courir entre ses jambes. Silencieusement, il promettait à ce monde d'y revenir. De pouvoir l'apprécier, le découvrir, une fois de plus.
Pour l'heure, une autre étoile nourrissait son cœur. Une lueur chaleureuse qu'il suivait sans peine.
Comme une étoile, oui, à elle seule ; ronde et agréable, à l'œil d'or et de mimosa.
Ioan était certain de n’avoir aucun tuteur, il tenait bien debout tout seul. Quant à se faire « kidnapper, » il n’était pas bien sûr de savoir ce que cela signifiait. Curieux, sa bouche s’était entrouverte pour demander quelques éclaircissements… mais cela lui importait peu désormais. Son esprit était tout à fait accaparé par une autre pensée, une pensée radieuse : il était l’apprenti de Chen, son ami, et Père Noël. Or de ce statut, l’enfant se sentait honoré — si la créature bénévole qui l’accompagnait s’était faite un camarade précieux, et s’il lui avait proposé de le suivre dans son atelier… Ioan n’aurait pas espéré pouvoir être son apprenti.
Ce mot avait tout un sens, puissant, important. Il était témoignage de confiance, et un avatar de transmission. La promesse d’un savoir, la promesse d’un moment, la promesse d’un lien. Y avait-il plus belle chose que d’avoir un individu vous confier ce qu’il sait ? Vous confier comme il pratique son art ? Vous permettre de tirer de lui, de sa créativité, de sa pratique, ce qu’il a de plus personnel ? — car, le garçon s’en convainquait, c’était bien en créant que l’on s’exprimait le mieux.
Il était vrai que Ioan n’aurait su, exactement, dire qui de lui ou de Chen avait amené l’autre jusqu’ici. Mais il était certain que cette escapade lui faisait le plus grand bien. Il se sentait léger.
Il était vrai que Ioan n’aurait su, exactement, pourquoi les cuves du Père Noël auraient prit feu. Pourquoi s’en serait-il ainsi éloigné ? Ce n’était pas prudent, assurément. Néanmoins, voilà qui eut été fâcheux. Que tout brûle. Comment son ami ferait-il, sans son atelier ? Si tout n’était que cendres ? La main du garçon se resserra doucement sur le bras de Chen, comme pour le rassurer. Sa première cuvée. Ioan sourit. Il dodelina de la tête. « On doit aller à l’atelier, » dit-il d’un air tranquille et sans hésitation. Hors de question de s’attarder plus, si tout allait prendre feu ! — L’odeur des cuisines d’un restaurant lui parvint ; relevée, attirante… — non ! Il ne devait pas s’attarder. Il devait rester concentré.
Le tourmenteur de sonnette l’observa d’un air confus et ennuyé, passant les yeux sur son monstre généreux avant de revenir à lui. Puis encore une fois. Ioan le fixait en retour, avisant ses yeux d’un vert tilleul — sur les feuilles duquel étaient sertis des éclats malachite. Un beau regard, d’un précieux naturel. Communicatif. « Je… bien. » La mine manifestement perplexe, l’homme regarda tout autour de lui. Il paraissait hésiter ; semblait penser que la démarche d’un homme chargé de sacs et le rire d’une femme lui apporteraient une forme de réponse. De réponse à quoi ? — « Nous ne sommes pas encore totalement habitués aux… hybrides. Veuillez m’excuser du dérangement. » Le port droit, raidit et gêné, il inclina du chef.
Le vent, avec lui, se laissa entraîner vers l’avant, soufflant Ioan et son ami. « Faites bonne route, » finit-il par laisser tomber. Mollement, ses mots s’éclatèrent contre les pavés.
Lentement, il se redressait. Puis il fit un pas.
Un autre.
Il allait partir. Il leur faisait dos. Sa tête se leva vers le ciel. Ses épaules s’affaissèrent en un souffle.
« Vous devriez pas y aller si fort avec la sonnette. »
L’homme se retourna, adressant un regard au garçon. Ioan ne le quittait pas des yeux, inébranlable. Pauvre sonnette, comme elle s’égosillait, de sa voix cassée ! — Mais cela, l’homme ne l’entendait pas. Un rictus troublé, tout simplement, si rapidement, et il s’échappait. Il s’écartait. Il ne se retournait pas. Ne demandait pas son reste. Tout au moins, comme rien ne le pressait, ne pressait-il pas sa pauvre camarade. L’enfant expira, une seconde. Un temps. Puis prestement se retourna vers son ami ! « En route, maître ! » lança-t-il, excité, saupoudrant ses paroles d’un peu de rire léger. Puis saisissant sa patte, l'entraîna dans la rue commerçante !
Ioan disait au revoir. Au Soleil, au labyrinthe festivalier, aux mouettes, aux conciles de tulipes, aux pavés, aux fleurs rampant sur les murs — à sa paisible place, son banc, son arbre, son local. Il saluait le vent, le laissant courir entre ses jambes. Silencieusement, il promettait à ce monde d'y revenir. De pouvoir l'apprécier, le découvrir, une fois de plus.
Pour l'heure, une autre étoile nourrissait son cœur. Une lueur chaleureuse qu'il suivait sans peine.
Comme une étoile, oui, à elle seule ; ronde et agréable, à l'œil d'or et de mimosa.