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Nous sommes quatorze ans après les évènements de Kingdom Hearts 2. En tant d’années, les choses ont considérablement changé. Les dangers d’hier sont des soucis bénins aujourd’hui, et au fil du temps, les héros ont surgi de là où on ne les attendait pas. Ce sont les membres de la lumière qui combattent jour après jour contre les ténèbres.

Ce n’est plus une quête solitaire qui ne concerne que certains élus. C’est une guerre de factions. Chaque groupe est terré dans son quartier général, se fait des ennemis comme des alliés. Vivre dehors est devenu trop dangereux. Être seul est suicidaire. A vous de choisir.

La guerre est imminente... chaque camp s'organise avec cette même certitude pour la bataille.

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Toujours gagnant, jamais perdant !

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Dans la vie, tout est question de dextérité et d’habilité. D’autant plus quand on est un artisan. Pourquoi ? Eh bien, c’est très simple, les amis.

Imagine un instant qu’ma poigne n’est pas assez solide ou fluide dans j’suis occupé à brasser une cuve de bière, le résultat sera totalement différent à cause d’un geste mal effectué. Un grain qui ne répand pas correctement son arôme, une épice qui s’accroche à la perche ou encore une goutte de sueur qui tombe dans le liquide. V’là la raison expliquant autant de méthode dans la brasserie.

Pourquoi est-ce que j’parle de ça ? Alors, c’est très simple. M’voilà à la foire qui a ouvert à Costa Del Sol et j’ai découvert l’attraction la plus compliquée qui m’a été donné de voir dans ma vie.

Une machine à pince.

La partie coûte deux munnies, j’peux déplacer la pince d’un coup sur la verticale et l’horizontale pour attraper l’objet de mon désir. Enfin, là, c’est une superbe peluche à l’effigie de l’un des héros de la Lumière. C’est vrai ! Il y a devant moi une peluche de Cissneï, Aqua, Roxas, Primus et d’autres personnes dont j’ai pas la moindre idée de qui il peut s’agir ! Enfin, il n’y a pas que la Lumière qui est concernée. Sur ma droite, il y a la Coalition Noire et le Consulat à la gauche. Si j’arrive à enfin attraper cette maudite réplique de mon maître, j’vais m’occuper d’attraper celle qui ressemble au patron. Il sera surement ravi d’avoir une peluche à son effigie.

D’ailleurs, j’tiens à dire à celui qui a créé la peluche pendant dans la machine à gauche que je n’ai pas autant de ventres ! Non mais, il n’y a plus de respect. Bon, revenons à nos moutons. Pour la dixième fois de la journée, j’glisse une p’tite pièce dans la machine et j’me prépare à répéter ce mouvement afin d’agripper la tête toute bleue d’Aqua.

Une fois qu’la pièce est dans la machine, la cabine s’illumine et la musique se lance. Il n’y avait pas de budget pour plus de trois notes, et v’là que l’stress et à son paroxysme. Deux boutons à appuyer, un qui pointe vers le haut et le second vert la droite. Et c’est quoi l’pire dans l’histoire ?! La peluche que j’veux est au fond à droite. Pas moyens d’coller le grappin au fond, il y a la distance suffisante pour qu’la pince ne l’agrippe pas. Tout est une question de dextérité, vous le savez dorénavant.

À nous deux…
La paume de ma main appuie sur le bouton pour la verticale. Il y a temps de réponse entre le bouton et l’grappin, j’le sais maintenant. Le mécanisme fait filer le grappin vers le fond et j’fais bien attention à relâcher mon emprise un peu avant. Parfait ! L’autre bouton, maintenant.

Il n’y a pas d’échappatoire !
Deuxième pression, la pince part sur la droite et balance légèrement comme un balancier. V’là le plus compliqué dans l’histoire. Cette fois, j’dois me baser sur la position du mécanisme est non de la pince, si j’veux atteindre ma cible. La musique change ! Ce n’est plus qu’une note qui est retenue alors que ma paume et sur l’bouton. Maintenant ! L’mécanisme se bloque et le mouvement de balancier ne s’arrête pas, horreur, elle descend quand même et j’ai la peur dans le ventre.

La pince va tomber à côté et ne rien agripper, encore deux munnies dans l’vent ! Le câble se détend progressivement j’imagine déjà la scène. L’échec, pour la dixième fois, la pince qui se referme dans le vide pour revenir vers le bac et me narguer.

Ah non, pas encore !
V’là que j’emporte. Il n’y avait pas de suspens, j’avais vu clair dans le jeu de la pince et elle s’ouvre devant moi afin d’me faire constater mon nouvel échec. Mauvais réflexe, j’donne un coup d’pied dans la machine qui bascule légèrement en même temps que mon orteil craque sous la douleur !

Oh ! Pas touche aux machines, délinquant !
C’pas ma faute !
Bien entendu, et moi, j’suis l’dernier Primarque.

Le forain s’écarte alors que j’sautille sur un pied en tenant mon orteil douloureux. C’en est pas fini, il me faut absolument cette peluche. Plongeant une patte dans la poche, j’la sens, la dernière pièce que j’ai sur moi. La mort ou la gloire, à moins que j’retourne à l’entrée de la foire pour échanger un autre billet et qu’un seau de pop-corn ne prenne en embuscade.

La musique retentit pour la dernière fois.

Premier bouton, vertical, j’connais la musique et la pince se positionne parfaitement. Deuxième bouton, encore ce mouvement de balancier, c’est le moment d’y aller à l’instinct. Il balance de gauche à droite, lentement, il va falloir relâcher le bouton. Il suffit d’y croire. Fermant les paupières un bref instant, j’laisse l’destin choisir pour moi et pour cette peluche représentant Aqua.

La pince descend. Mon coeur s’arrête alors que la chute se fait inexorable devant moi. Elle tombe sur le torse de la peluche et se referme. Une grande inspiration. Le câble se tend et la peluche s’élève et se diriger vers moi, c’est une réussite !

Machinalement, mon poing se dresse vers les cieux en même temps qu’une intonation de joie indescriptible ! À moi la peluche d’Aqua, la reconnaissance d’avoir vaincu cette maudite machine. C’est devant mes yeux que ma récompense tombe, le temps s’arrête, la pince s’est ouverte avant d’atteindre le coin inférieur gauche et elle chute lourdement sur la tête de Primus.

C’est pas vrai !
La peluche ! Par réflexe, j’attrape la machine entre mes deux pattes et commence à la secouer avec vigueur pour exprimer toute mon indignation. Ce n’est pas juste, le monde n’est que tromperie.

Vous ! Dégagez de mon stand, j’veux pas voir r’voir.
Attendez, encore une dernière partie et…
Pour briser mes machines, j’veux plus vous voir chez moi.

L’forain est là, il s’approche de moi et m’fait bien comprendre que c’est mort. Cette peluche, jamais je ne pourrais l’offrir à Aqua alors que deux mains se posent dans mon dos pour me pousser en dehors de la salle d’arcade. La machine est truquée, c’est injuste et j’peux même pas m’plaindre.

Et si j’vous r’trouve ici, j’vous dégage à coup d’pied au cul.
Arnaqueur !
Pardon ?!

V’là qu’il amène sa main au pied pour brandir sa savate alors que j’me tire le plus vite possible. Ma grand-maman faisait ça, je n’ai pas confiance. Après tout, ils viennent de perdre un client !

Sauf que, m’voilà d’nouveau entre les attractions et les pattes profondément ancrées dans les poches de mon short en bambou. Moi, j’veux rien d’plus que faire rire Aqua en lui montrant cette peluche. Vraiment injuste. Même le soleil ne parvient pas à m’faire oublier ça alors que j’suis tranquillement en train d’le prendre. Qu’est-ce que j’peux bien faire, maintenant. La vie ne vaut plus vraiment le coup maintenant que j’ai plus accès à la salle d’arcade de la foire, et aux peluches.

Venez démontrer votre force, la seule et la vraie devant les héros des grands châteaux !
Là, j’tends l’oreille et j’vois un gars à moustache qui agite un gros marteau au-dessus de la tête. Il y a aussi une grande tige et une cloche au sommet. Curieux, j’décide d’aller voir, surtout par rapport à c’qui venait de dire. Et là, c’est le miracle. Il y a aussi un mur avec toutes les peluches que j’ai vues !

Ne serait-ce pas le grand Chen Stormstout, Maître brasseur et ambassadeur du Moulin Rouge ?!
C’est moi !
Un vrai héros pour défier la cloche, venez ici et frapper de toute vos forces pour savoir ce que vous méritez vraiment ! Tout ça, pour dix munnies. Si la cloche sonne, vous aurez droit de choisir ce que vous désirez, à la mesure de votre force !
Même les peluches…?
Surtout les peluches !

Il m’a eu. Directement, j’sors la somme de ma poche et lui donne. Il me tend l’marteau que j’regarde un instant avant de m’avancer vers la zone à frapper. C’est l’moment de faire mon show ! J’roule les épaules un instant, j’crache dans la paume de mes mains et j’me poste bien avec la masse dans les mains. Un mouvement simple, j’dresse l’arme au-dessus de ma tête avant d’donner l’coup plus puissant que j’peux ! BANG et ensuite DING !

Nous avons un gagnant !
Bon, finalement, tout n’est pas une question de dextérité. Parfois, il faut simplement taper fort.


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Les odeurs de nourriture, battues par le Soleil comme l’était sa tête, l’amenaient au bord de la raison — aux frontières de la confusion. Les voix et les couleurs se mélangeaient en son esprit. Le flot incessant d’une foule à l’unisson. Les stands tenaient bon, maltraités par l’ardeur avec laquelle la marée humaine venait se fracasser sur eux. Une érosion surnaturelle, accélérée par les passages.

Chaud.

Il avait chaud.

Ioan bascula en avant sans toutefois tomber. Un homme l’avait bousculé sans y prêter attention. Grand, le teint halé, entretenu physiquement mais autrement quelque peu négligé. Ses cheveux, une crinière sauvage, ne suggéraient qu’un soin modéré — et pourtant ils expiraient comme un esprit de liberté. Il se dégageait de lui, se sa posture, un oasis de décontraction. Un fraîcheur bienvenue. Le garçon, enfermé dans son costume sombre, peinait à le suivre.

« Hep. Où vas-tu toi ? »

La main qui avait manqué sa tête s’abattit sur son épaule. Ioan se retourna sur un homme aux cheveux courts et au regard dur.
Dur ? Non. Gris aiguisé. Une lame. Cependant ses traits étaient doux, et son sourire pur. Paradoxe.
C’était lui dont on avait dit à l’enfant qu’il devait l’accompagner. C’était vrai. Mais Ioan n’en avait aucune envie.

Ce que le garçon voulait, c’était se libérer de son carcan, se laisser porter par les vagues. Suivre les invitations de l’air et se bercer des effluves joyeuses qui circulaient dans cet océan d’individus. Se poser aux côtés d’un stand malmené, et lui apporter son soutien tout en regardant la mer.

Cet homme ne le laisserait pas faire.

Le tissu noir et épais qui recouvrait l’enfant lui parut soudain comme une prison plus lourde que le fer. « Je… je ne me sens pas très — » Chut !
— Un air chaud vint embraser sa gorge comme pour le réduire au silence. Un instant ! Le temps se suspendit à ses lèvres, le vent cessa de souffler. Il ne transporta qu’une exclamation, comme un murmure qui vint chatouiller Ioan aux oreilles.

« C’pas ma faute ! »

La voix.

Familière. Etrange. Accueillante.

Ioan parut hésiter, un instant… mais la main qui l’ancrait ici l’abandonna ; mais un coup de vent vint le pousser ! L’encourager ! La flèche rose suspendue à un étal semblait lui indiquer la direction à suivre. Tout l’invitait, tout, à suivre ce chemin. Cette piste. Ce sentier inconnu que nul ne voyait et qu’il percevait pourtant.

Le monde prit une teinte jaune safran, mêlée de mimosa.

Le souvenir d’une belle journée.

Le garçon prit son envol.

Ses jambes se délièrent, les vêtements qui l’enserraient ne parvinrent plus à le retenir. La voix de son geôlier s’effaçait dans l’écume de mots qui trottait de passant à passant. L’homme ne percevait pas le chemin. Il ne vit pas le chien se faufilant entre les flâneurs, espiègle et habile, révélant un passage dangereux entre les jambes des couples et des visiteurs esseulés ; des familles et des festivaliers. Autant de gambettes musclées ou non, fines ou non, comme autant de lames de fond de cet environnement profondément humain. L’homme ne vit pas non plus l’invitation criarde de la porte de service d’un stand, à mi-ouverte — éreintée mais complice — et qui permettait de couper pour rejoindre la salle d’arcade.

Pourtant, la voix de l’homme n’était pas sans pouvoir. Chaque fois qu’elle semblait lui parvenir, le sable paraissait se faire meuble sous les pieds de l’enfant. Sensible à l’appel de la Raison, l’impitoyale Soleil tentait d’attraper, de retenir ce gamin désobéissant. Etait-ce parce qu’il lui avait toujours préféré la Lune, qu’il voulait le battre avec une telle passion ? L’astre ne semblait pas vouloir abandonner. Il frappait, encore, toujours. Et Ioan sentit son pas devenir lourd, son souffle lent et douloureux.
L’ombre de la salle d’arcade vint le cacher de ceux qui le poursuivaient, l’enlaçant d’un peu de fraîcheur.

— — —

« C’est pas vrai ! »

La machine crie à l’aide lorsque la bête s’en saisit, un grincement métallique comme supplique dramatique. Ioan se redresse, se faufile jusqu’à elle. Jusqu’à la victime et son agresseur. Le monstre généreux qu’il avait déjà aperçu est là. Comme désespéré. Et l’Ordre est présent pour le réprimander.
« — Attendez, encore une dernière partie et…
- Pour briser mes machines, j’veux plus vous voir chez moi. »

Agitation. Les forains, comme le remous des vagues, le repoussent vers le sable. Hors de la salle. Pour une seconde, l’enfant hésite. Mais la machine chante comme pour lui faire signe. « Arnaqueur ! » entend-t-il en fond.
Les peluches le regardent. Petites créatures aux pastilles profondes pour yeux. Des pastilles vides mais brillantes. Un appât : car elles pensent avoir à envier aux autres une âme, les peluches essaient de mimer la lueur, l’éclat, de celles qu’elles captivent.

Pourquoi ? Cela semble pourtant à l’enfant profondément triste.
Prisonnières de la machine, elles ne lui répondent pas.

« Tu veux tenter ta chance petit ? » Lui demande le forain en revenant à sa machine.
« Laquelle il voulait, le père noël ? »

— — —

Chaud. Ioan a chaud. Ses poumons hurlent, sa gorge se dessèche à chaque pas. Du sable. C’est comme s’il respirait du sable au lieu d’inspirer de l’air. Il le ralentit. Il l’attrape. Il le cloue au sol. Le garçon court. Pourtant, il se sent lent. Plus lent même que s’il avait été immobile.

Il ne distingue rien. Le monde est confus. Ils ne semble plus aller à même vitesse que son environnement. Le chemin s’efface à chaque pas.

Pourquoi ? — Le sable le saisit. Il tombe.

Debout.

La brise marine caresse sa joue, dans un élan de pitié.« Tu y es presque, allons, » paraît-elle lui glisser. « N’as-tu pas cherché à libérer cette demoiselle pour lui ? Il t’a offert quelque chose, non ? Ne voulais-tu pas lui retourner cette faveur ? Tu aimes ce qu’il t’a offert, n’est-ce pas ? Il a tant envie de l’avoir, cette peluche… »

Dans un dernier effort, Ioan s’élance. Son monstre généreux est si proche ! Qu’importe de ne plus voir le chemin. Il le sent, en lui. Une direction à suivre. Mais après quelques pas seulement, il s’effondre.

La petite demoiselle à la chevelure d’eau qu’il tient en main est la première à heurter le sol.

« Nous avons un gagnant ! » Hurle un homme à moustache à un petit mètre de lui. La bête ainsi couronnée semble satisfaite. Retrouvée ! Il l’avait retrouvée.

Enfin…

Si proche du but…

L’enfant au costume noir par une chaude journée d’été s’étale de tout son long, le sable brûlant dans la bouche.
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Là, j’peux quand même penser que j’ai un tant soit peu la classe. L’marteau est posé à mes côtés et j’tiens l’bout du manche en même temps qu’l’autre patte est sur mes hanches dans la posture du victorieux. À s’demander si l’forain à pas l’soleil qui tape un peu trop fort pour m’avoir choisi comme concurrent pour son épreuve de force. Il doit penser qu’la fourrure ne cache que du gras.

Bref, à moi la peluche ! Là, j’croise les doigts en espérant qu’Aqua va pas faire une tête de six pieds d’long en voyant l’cadeau. Il faut bien que j’me rattrape pour le coup de l’écurie.

Toutefois ! Car l’histoire ne s’arrête pas là, v’là qu’une voix s’élève derrière moi avant même que j’puisse choisir mon lot. Attends, là, j’parle d’une voix. Ça r’semble plus à une femme qui hurle un truc vachement aigu et la création d’un cercle humain à cinq mètres derrière moi, v’là l’truc inattendu d’ma journée. Alors, pas d’surprise, j’me suis retournée et j’ai écarté deux ou trois personnes pour comprendre c’qui se passe. Enfin, c’est aussi parce que j’suis d’une curiosité maladive.

Qu’est-ce qui ce passe ?!
Un enfant, j’pense, il vient d’tomber par terre.
Appelé une ambulance, vite !
Où sont les parents…? Ce n’est pas sérieux, voyons…

Alors, comment est-ce qu’il remarque que c’est un enfant, c’est un mystère pour moi. Là, il y juste un p’tit tas informe et noir qu’est tombé sur l’sol. À moins que ce soit la peluche d’mon maître qu’il tenait dans la main qui donnait l’indication. Il considère qu’il n’y a que les gosses qui peuvent avoir des peluches ? Bref, j’me perds. Là, ils sont justes en cercle autour de lui et personne n’fait rien.

Il paraît qu’mon rôle de porteur de Keyblade doit m’pousser à aider les gens, autant prendre en compte cet enseignement et m’lancer ! Patte droite sur une épaule et patte gauche sur un autre gars, j’écarte les curieux pour m’aventurer dans le cercle.

Laissez-moi passer, j’ai mon brevet de secourisme et c’gamin est dans l’mal !
Pour les curieux, si tu veux être professeur à l’académie du Consulat, il faut vraiment passer un brevet de secourisme au cas où un élève te claque dans les doigts. De plus, il y a un vieux gars d’la Terre des Dragons qui m’a appris deux ou trois trucs. C’est l’moment de m’appliquer. Ici, j’suis devant lui et pose mes deux genoux à terre pour l’regarder. Bon, j’sais plus c’qui faut faire. Toutefois ! J’vois bien qu’il est en train de suffoquer dans son costume noir. Première étape, j’me retourne pour fixer un type dans l’public.

Vous !
Moi…?
Un granité pour l’gamin, il meurt de chaud et doit certainement avoir très soif.
Un… Granité…?
Oui. Et j’en veux bien un, aussi. À la cerise. Prenez-en deux à la cerise !

Avec ça, il aura moins chaud. Enfin, j’devrais p’tet aussi retirer sa veste. Attends, j’sais pas si c’est très éthique de faire ça. Bon, dans l’pire des cas, j’balance l’histoire du brevet et ça va passer. Du coup, pas d’surprise, j’commence à enlever la veste avant sentir qu’il est aussi chaud qu’un pain qui sort du four. Il va falloir plus qu’un granité.

Là, j’pose sa tête sur mes genoux et j’me positionne de façon à c’que ma carrure agisse comme un parasol pour l’gamin. Il me rappelle quelqu’un, tiens. Il va falloir, un jour, que j’tente d’me souvenir des gens autrement que par leurs odeurs.

Bref, il est là et surement prêt à ventre un château pour une brise fraîche. Heureusement que j’suis là. Pas d’temps à perdre, j’me concentre un instant en frottant mes pattes les unes contre les autres jusqu’à ressentir la magie dans l’bout d’mes doigts pour que finalement finir l’incantation d’un sort de vent que j’laisse tranquillement filer l’bout d’mes pattes afin d’rafraichir l’gamin. V’là qu’je passe de Maître Brasseur à ventilateur, belle promotion sociale. En attendant, ça à son p’tit effet et j’vois qu’sa pupille gigote de l’autre côté d’la paupière.

Gamin…? T’es là où j’dois commencer le bouche-à-bouche ?


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L’oiseau de feu, d’un battement d’ailes, s’éloigne. Ses plumes tombent en braises que le vent vient gorger d’orgueil. Il n’est aucune Lumière dans ces flammes qui grimpent le long des arbres, elles brillent pourtant — des Ténèbres. Dangereuses mais attirantes. Elles ne te jugent pas, elles. Elles t’invitent, tel que tu es. Complet. Ton coeur plein de ses défauts, de ses impuretés, de ses bassesses.

Et toi, tu pars en cendres. Une brise tranquille vient emporter ce qu’il reste de toi, après avoir tant lutté. Et tu es bien. Tes doigts s’effilent, ta peur se dénoue et ta peine s’oublie. Tu te laisses partir.

Une ombre rassurante.

Une gueule ouverte prête à engloutir ton coeur.


———

Les yeux du garçon s’entrouvrent sur une masse informe — obscure. Quoi ? Un bosquet de dents blanches et acérées, entretenues, s’impose à lui. Où ? Une ombre, immense et grotesque. Menaçante et pourtant rassurante. Comment ? Un vent léger lui insuffle un souffle nouveau, apaise sa peau brûlante — comme un médecin bienveillant serait venu prendre soin de ses plaies.

« Est-ce que vous allez me manger..? » demande-t-il, le regard calme. Serein.

Petit à petit Ioan perçoit, par-delà le bois blanc, les yeux d’or de son monstre généreux. Si brillants. Si précieux. Une invitation toute informelle ; quel mal y eut-il à se laisser bercer par le tintement scintillant de leur éclat ? Tout semble bien plus calme désormais qu’il est là. Le Père Noël, tel qu’il a pu le connaître — et il le protège des coups du soleil qui, enragé, lutte pour percer son cuir. Les sourcils de Ioan se froncent.

N’a-t-on donc jamais appris à ce noble astre que la violence ne résout rien ? L’enfant remet en place les pièces du puzzle ; ces quelques minutes décousues dont il essaie de rattraper le sens. Sa course, la peluche dans sa main… sa chute.

Le pas hâtif d’un petit homme sans nom, étouffé par le sable, parvient à ses oreilles. « J’ai les granités ! » s’écrie-t-il, tout emprunt de l’urgence de sa mission (des plus essentielles). « Tenez… monsieur ! » ajoute-t-il, butant dans l’insidieuse poussière d’os et de roche et en projetant jusqu’au visage du garçon. « Est-ce qu’il va s’en sortir ? » L’homme remet en place ses lunettes rondes sur son nez aquilin et tend son granité à la bête.

Ioan, un grain de sable à l’oeil, se redresse non sans avoir aperçu celui qui s’est approché. Crâne dégarni et perlé de sueur — une vision qui renvoie l’enfant à son propre état, et à la douce main de l’air passant dans ses cheveux humides. « Oh. » L’arrivant souffle presque de déception. Sans y faire plus attention, le garçon tend son trésor à son sauveur, se frottant un oeil larmoyant (perfide sable !). « J’ai ça. »

La magnifique Aqua Peluche sort de son lit chaud. Elle s’éveille, s’étire, se laisse épousseter avec soin par son nouvel ami. L’enfant qui la sauva des griffes métalliques d’une abominable prison de fer et de plexiglas — un calvaire à la vue de tous ! Un enfer regardé avec curiosité ou émerveillement par les passants. Elle voit son Chevalier, enfin. Celui qui avait lutté pour elle, celui qui avait hurlé pour elle. La bête dont elle serait la belle, avec un peu d’aide. Que n’avait-elle été désolée, effondrée, terrifiée, en le voyant se faire rejeter par les infâmes sbires de son geôlier ! Heureusement, Ioan a vu sa détresse. L’enfant observe les prunelles vides de la demoiselle une dernière fois. Et désormais, il la tend à son futur compagnon d’existence.

« Elle attendait après vous. Prenez. Elle ne veut sûrement pas être mangée. »

Le petit homme aux lunettes rondes, chemise blanche en toile portée dans un style faussement décontracté, avise l’ursidé bicolore. « Il a l’air d’avoir pris un coup sur la tête. »

« Le soleil m’a frappé. »
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Pour une surprise, c’est une surprise ! V’là que l’gamin m’file une peluche d’Aqua, qu’est-ce que j’vais faire d’celle que j’viens de choper…? Oh, ça m’fera deux peluches d’Aqua ! La deuxième ira à Fabrizio, il sera surement content d’avoir ça ! Ou p’tet pas, seul le temps m’le dira.

Enfin, j’vais pas faire l’gamin et j’prends celle qu’il me tend avant d’la regarder un instant et d’répondre.

Héhé, c’est sympa gamin ! Par contre, faut éviter à c’que l’soleil te frappe de nouveau
Vous êtes certain que…
Il doit bien y avoir une infirmerie dans l’coin, j’vais l’y emmener.

Le touriste m’regarde en hochant la tête, forcément que c’est une bonne idée. Si tu tombes dans l’sable à cause du soleil, c’est qu’il y a un problème. Bon, je m’avance un peu, j’suis pas médecin après tout. Néanmoins, j’sais déjà qu’il ne faut pas lui proposer une p’tite bière pour deux raisons. La première étant qu’il s’agit d’un enfant, la seconde est qu’la bière déshydrate et qu’ça fait jamais bon ménage avec l’soleil.

Pourquoi j’parle de ça, déjà ? Bref, j’me recentre et vérifie si l’gamin à bien son granité.

Prends un coup et on décolle, j’vais t’emmener voir un expert en coup de soleil et ça ira mieux. Si t’es partant, il y a même moyen de s’arrêter devant un glacier !
Et l’infirmerie…?
Après l’infirmerie, vous avez raison !

Et puis, nous avons déjà un granité. Prendre une glace en plus, ce serait de la gourmandise ! D’ailleurs, les enfants des humains, ils sont pas particulièrement gourmands ? Moi, j’en sais rien, j’suis toujours avec des adultes et les seuls enfants que j’vois traine dans les rues d’la Cité des Rêves tente toujours de piquer le pain dans les boulangeries. Sauf que, l’pain, c’est pas des sucreries dont j’sais pas si c’est par nécessité ou gourmandise.

Ouais, j’me pose les vraies questions. En tout cas, l’cercle humain c’est dispersé et il semble que la mission de gérer l’gamin m’incombe. Il n’y a pas de milice, dans ce monde ? Il n’a pas de parents ? Il doit y avoir moyen de passer une annonce, ou quelques choses comme ça. Il y a p’tet moyen que j’sois en train d’faire une grosse bêtise en aidant l’gamin… Bwarfs, ou pas, j’suis sympa comme gars.

Donc, gamin, t’es pas contre à ce que j’te conduise jusqu’à une infirmerie ou un glacier ? L’choix t’appartient, ou du moins, jusqu’à c’que j’retrouve tes parents.
Si j’le prends sur mon épaule et que j’le traîne à l’autre bout d’la plage, j’sais pas si ça va bien passer. Les gars n’ont pas l’air d’avoir réagi en mal, ça doit venir de la fourrure. Une fois de plus, elle me sauve la mise.

Et t’inquiète pas, j’vais pas te manger, t’es trop maigrelet pour moi.
Là, j’lui fais un p’tit clin d’oeil avant d’prendre mon granité et aspirer l’truc avec la paille. La cerise était un bon choix, c’est toujours un bon choix. L’truc, il passe sur ma langue et reste une promesse de sucre et d’hydratation… Tiens, j’ai pas donné l’ombre d’un munnies aux gars, ce n’est pas très honnête, va falloir faire quelque chose pour faire pardonner auprès de l’univers.


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« Oh. C’fâcheux. » commente-t-il. Si le monstre généreux a de l’appétit, Ioan ne peut le contenter. Il lui faut trouver quelque chose — mais le sable étouffe les suggestions du vent, les murmures des passants et les propositions des étals. « Vous a… — dit-il en se redressant — Vous avez faim ? » Là ! Le Soleil tient son ouverture : l’ombre massive de la bête peine à couvrir le sommet du crâne de sa cible. Il se hâte, le mate ! Un coup sec, un coup de maître.

Le soleil fait valser le monde sur un tour de potier et l’enfant vacille.

Un jour, le garçon pourra lui faire comprendre qu’il n’a rien à craindre de lui.
Lui suggérer d’emmener la Lune au bal.

Ioan se laisse retourner au sol. A l’abri de l’astre, au couvert de son protecteur. L’ailleurs se perd, ses paupières tombent en un rideau difficile à tenir ouvert. Sa respiration est marquée. Un souffle. Ne reste qu’une oasis sombre au milieu d’un océan d’or et de cris — excités, amusés, inquiets, colériques, extatiques. Un souffle rauque. Le regard de son monstre généreux est posé sur lui, tandis que le sien se baigne dans le lit glacé qui saigne entre ses mains. Les gouttes fraîches qui perlent entre ses doigts. Le regard d’or. Ioan le sent. Il attend. La bête attend qu’il parle avec ses mots et non ses mains, non ses yeux, non son pas hésitant. « Ça vous ennuie.. juste une minute ? Attendre ? Je… le Soleil n’a pas l’air calmé. » — Sa bouche lui paraît déverser plus de mots qu’une bourse percée ne laisse s’échapper les pièces. Ils cliquettent, s’entrechoquent dans une tonalité penaude et maladroite.

Ne reste qu’une oasis sombre au milieu d’un océan d’or et de cris — des cris de gens. Des amas de chair et d’os mouvants et mourants. Le monde de Ioan, lui, demeure muet. Et l’enfant se sent sourd. Il croit percevoir l’ombre du monstre s’agiter, sentir le bois blanc frissonner. Mais c’est l’éclat grenat qui brille entre ses pattes qui intéresse son regard. Le paille à la matière étrange — flexible, lisse — dont l’air se fait poulie. Doucement, Ioan se met en tailleur, se courbe légèrement et plante la sienne dans son granité. Son estomac se tord avec répulsion, lève les boucliers dans sa gorge. L’enfant lève les yeux sur son interlocuteur, attendant que le traître organe oublie ses idées de révolution interne.

L’infirmerie ou le glacier.
Le garçon s’interroge, réfléchit. Il en est un que la curiosité pare de plus de couleurs. « Je pensais pas qu’y pourrait y avoir un glacier dans un monde comme c’lui-là. Vous me montrez ? »

Un grand glacier, majestueux, immortel. Imaginer le souffle froid courant sur ses pentes raides fait sourire Ioan — bien préférable à l’air étouffant de cette journée chaude et humide à la Costa del Sol. N’aurait-il pas dû la voir, cette formation rocheuse imposante ? Peut-être est-elle bien dissimulée, cachée à la vue de tous. Cachée à la vue du soleil, afin qu’il ne vienne pas fondre ses neiges éternelles.
Peut-être ce père noël est-il le seul dans la confidence. Un allié secret et dévoué, pourtant prêt à s’ouvrir à lui. Ioan se gorge d'enthousiasme. « Je pourrai vous montrer des choses après moi aussi. »

Et taisant son estomac, avec amusement, imite son interlocuteur; laisse le sang aqueux sucrer son palais, et pincer l'arrête son nez. L'enfant ouvre de grands yeux surpris.
Voilà bien un goût qu'il ne connaît pas. Rond, doux, réconfortant.
Comme son monstre généreux.
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V’là que mes babines s’étirent à la dernière proposition du gamin, ils me font bien rire les enfants. En réponse à sa proposition, j’me contente de lui poser ma main sur l’épaule dans un rire franc.

Oh, j’suis curieux de voir c’que tu peux me montrer !
Il n’a pas l’air d’avoir grand-chose sur lui, ce sera surement une collection de ville ou de dessin ! Moi, à son âge, j’avais ma propre collection de feuille ! Bon, vous allez m’dire que c’est nul. Sauf que chez moi, il a des tonnes de foret avec des dizaines de dizaines d’arbres différents. Alors, j’avais un super livre avec toutes mes feuilles ! D’abords, celle des arbres dans l’jardin, ensuite des feuilles que j’ai ramassées lors de promenades avec mes parents.

Bref, vous vouez l’idée ! Ma collection, elle était géniale et elle doit encore traîner chez mes parents, il va falloir qu’je songe à y retourner pour voir ça. Ma mère aussi, par la même occasion.

Donc, comme l’gamin est d’accord de partir voir l’glacier, j’prends l’chemin afin d’nous écarter un peu d’la plage. Avec mes grosses pattes, j’ai pas trop de mal à marcher dans l’sable. Alors que lui ? Pas la peine de vous faire un dessin. En plus, de mémoire, j’ai vu un gars derrière ses réfrigérateurs vers la jetée. Quand nous serons sur des planches de bois, il sera un peu moins dans l’mal. Au pire, j’vais faire comme la plupart des paternels et lui proposer de grimper sur mes épaules ! Bon, faut vraiment que j’me recentre pour la suite, histoire que j’loupe pas les glaces.

Tu serais bien étonné du nombre de glacier qu’il y a dans ce seul monde, à croire qu’ils se sont tous donné le mot. Seulement, ce n’est pas le plus important, il faut savoir lequel est le meilleur !
Malheureusement, c’est mon deuxième voyage dans c’monde et j’ai pas eu le temps d’me faire une idée. Alors que si nous étions à la Cité des Rêves, j’en connais un, il est à se taper le cul par terre.

Enfin, nous avançons bien tranquillement et finalement, j’vois l’enseigne qui brille un peu plus loin. ! Un cornet de glace avec trois boules, j’vais me contenter de ça. Du coup, j’attire l’attention du gamin avant d’presser l’pas pour arriver dans la file devant l’revendeur. Il y a la liste des parfums un peu plus loin et j’ai la chance d’la voir uniquement par ma taille. Une nouvelle mission m’incombe, celle d’énoncer les gouts pour qu’il fasse son choix ! Encore une tâche à ma hauteur.

Alors mon gars, c’est l’moment de faire son choix pour une glace chez l’glacier ! Tu dois choisir entre cornet et pot, ensuite le gout de tes boules et finalement la décoration. Oh, il y a du choix, en plus. Vanille, chocolat, pistache, fraise, framboise, eau de mer, moka, banane, fruits des bois, amande, kiwi, menthe, nougat… Tu m’le dit si j’vais trop vite… Réglisse, poire, coco, violette, citron, coquelicot…
Il y a vraiment beaucoup trop de choix ! V’la que j’suis perdu et que j’sais pas quoi faire, c’est tout moi, l’indécis de service. Bon, ont s’concentre, ce n’est pas difficile comme choix. Surtout que, il y a des trucs que j’ai jamais vus ! Alors, j’vais y réfléchir longuement et rappeler la règle de base à mon nouveau compagnon.

Déjà, te sens pas limité, prends autant de boule que tu veux ! L’argent, ce n’est pas un problème pour moi. Et pour les décorations, c’est pareil, te limite pas aux copeaux de chocolat.
Après un granité, une glace. Vive le régime en cette journée, enfin, ça reste un moment de fête ! J’vais alors m’prendre pistache, moka, violette et nougat avec une crème chantilly recouvert de chocolat fondu ! Ahahaha, il y a de quoi faire avec ça.


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Alors ces petits vallons colorés qu’il croyait percevoir n’étaient autre que des glaciers ?! Mais comment ? Par quel artifice l’homme qui se trouvait de l’autre côté du comptoir avait-il réussi à contenir ces pentes éternelles dans de simples petits caissons d’un gris anthracite ? Ioan ne put retenir une bouche-bée. Il devait y voir de plus près ! Sans trop attendre, il prit appui sur le bord du comptoir, espérant s’y hisser du bout des bras à l’aide d’un peu d’élan. Mais… l’élan était parti flâner et ne lui fut que d’un soutien très modéré. « Wop, attention ! » s’exclamait le charmeur de séracs dans un réflexe surpris ! Une seconde tout au plus le garçon avait-il pu admirer ces glaciers transformés avant que son poids ne le rappelle au sol, et que ses bras ne lui soufflent sa non-relative faiblesse.

Ses pieds touchèrent le sol lourdement.
« Dis petit, t’as besoin que j’te relise les parfums ? Fallait le dire, grimpe pas comme ça. » L’homme avait le teint mat, et cachait ses yeux sous de petits panneaux noirâtres qui surmontaient son nez. L’enfant n’aimait pas trop cette chose-ci. Après tout, il était bien une raison pour laquelle Ioan appréciait tant les yeux : ils avaient tous une histoire à raconter. Pourquoi vouloir la taire ? — Ses cheveux étaient courts, blonds… et légèrement humides, comme s’il eut sauté dans un lac. La mer. Le garçon pensa à la mer. Ce miroir dans lequel le Soleil et la Lune aimaient à s’admirer. Immense ! Mais à peine assez grand pour refléter leur superbe. Pourtant, là, depuis le sol, la mer était une plaine infinie sur laquelle dansait le vent, et se perdaient les hommes.

Le vent frais.
Frais.

Les glaciers !

« … réglisse, poire, coco, violette, citron, coquelicot. » — l’homme eut tôt fini d’énumérer les parfums, et tourna la tête vers l’enfant avec un sourire bienveillant. « Quelque chose qui te plais ?
- Mhm... — Ioan réfléchissait.
- Tu peux aussi réfléchir l’temps que je prenne la commande de ton.. ami. »

Les lèvres du commerçant s’étaient crispées un instant alors qu’il tournait légèrement la tête vers le monstre généreux. Pourtant, Ioan ne le remarqua pas. Il ne l'observait pas. Le garçon venait de comprendre quelque chose d’important : glacier, ne voulait peut-être pas dire glacier. « Une glace chez l’glacier » n’était-ce pas ce que le Père Noël avait dit ? Alors… à moins que cet homme ne soit un glacier… un glacier n’était pas un glacier. L’enfant leva le regard sur le jeune blond. Il n’avait sûrement pas l’air d’un glacier, non. En tous les cas, il ne dégageait rien de leur superbe millénaire. Et il n’y avait rien d’un petit air hors du temps trottant autour de lui.
Non, non, cet homme n’était pas un glacier. Ou s’il était un glacier, il n’était pas un glacier. Et la glace ? Donc, ce qui reposait sur le comptoir, lové dans son cocon métallique, était de la glace ? Ca n’y ressemblait pas pourtant. Compact mais… non, non, certainement pas. Ioan en était persuadé. La glace n'avait sûrement pas cette texture. Alors pourquoi ? Maintenant qu’il y pensait, ces listes qu’on lui avait répété… il n’en était pas sûr mais certains étaient des aliments ? Donc ça se mangeait ? Lune ! Il n’aurait sûrement pas osé manger un glacier !

Ces réflexions perturbantes avaient toutefois un aspect positif ! La bouche de l’enfant s’étirait avec enthousiasme, et ses mots roulaient déjà sur sa langue. « Est-ce que… est-ce qu’on peut tout essayer ?! » Peut-être comprendrait-il alors ! Ses yeux cherchèrent ceux de son accompagnateur. « Et pourquoi vous appelez ça un glacie — euh, une glace ? Ca ressemble pas à de la glace ! … je crois ? Je suis presque sûr de moi. Et comment on en fait ? J’en ai jamais vu ! »

Là, à l’abri du soleil… cette journée était décidément une bonne journée. Il en était certain ! Qu’apprendrait-il encore ? Ioan avait bien fait, oui, de se laisser pousser par le vent.

« Alors, euh... vous prenez quoi ? »
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Ahaha ! Il est génial ce gamin, j’l’aime déjà. J’ai presque envie d’le prendre sous l’bras et l’ramener à la maison, quoique, j’pense pas que ce soit une bonne idée d’faire ça.

On est d’accord, ce n’est pas bien ?

Il faut que j’pose la question avant, genre, pour ne pas m’retrouver dans un vaisseau de la Shin’ra blanc et noir avec les gyrophares. Après, ça risque de donner une sale réputation au Consulat et j’vais encore me faire taper sur les doigts. Heureusement qu’Genesis est plus au top de sa forme, il ne risque pas de taper trop fort. Dans l’doute, évitons d’agir ainsi. Ou bien à l’abri des regards. Il faut l’dire ! Ce gamin, il est aussi gourmand qu’moi et ce serait surement bénéfique d’le ramener au Moulin Rouge afin qu’il goûte à plein d’nouvelles choses.

Par contre, il y a l’glacier qui m’regarde avec deux yeux d’merlans en attendant ma réponse. Bon, suffit d’ce lancer ! Y paraît.

C’est possible d’avoir un gros pot, avec une boule de chaque goût ? Parce qu’ici, une vingtaine de cornet dans les mains, ça risque d’être compliqué. Avec deux cuillères ?
Il m’regarde dépité, il tapote ensuite le prix d’sa cuillère à glace pour m’faire sortir ma bourse à munnies. Heureusement que j’travail pas gratuitement à la maison ! Donc, j’sors la monnaie et il y a déjà l’grand saladier qui s’présente devant nous. À moins que ce soit un cul-de-poule ? Le mystère est entier. Enfin, cinq minutes plus tard, j’me retrouve avec le plat dans les mains et deux cuillères à la recherche d’un banc.

Merci mon brave ! Et toi, viens ici que j’t’apprenne la vie et l’histoire d’la glace, c’est important…
Un ton solennel avant d’me retrouver à m’empiffrer, c’est beau la vie et les leçons qu’elles apportent. Ah oui, nous avons trouvé un banc à l’abri du soleil, histoire à c’que le saladier ne devienne pas une mélasse sans nom.

Alors, pourquoi est-ce que nous appelons ça une glace alors que ce n’est pas de la glace ? En voilà une bonne question. C’est comme la cuisinière ! C’est à la fois un outil et une dame qui cuisine. Tu vois c’que j’veux dire ?
Ça, j’lui raconte en tenant ma cuillère avec un morceau d’glace qui traine dessus, prêt à chuter à chaque mouvement.

Oui ! Il y a aussi le mot « canard ». Tu sais qu’un canard désigne à la fois l’animal, un journal, une fausse note en musique et un sucre qui trempe dans le café ?! Moi, j’le sais depuis peu de temps. C’est la magie de la langue et des mots. Ils peuvent dire plusieurs trucs en même temps. Comme la glace, qui désigne l’eau qui gèle et c’que nous sommes en train de manger. Et j’préfère manger la glace ici que celle qui s’trouve en hiver ! T’es pas d’accord, gamin ?!
Bon, j’dois être super-relou en vérité. Heureusement que j’ponctue mes phrases d’un coup d’cuillère et d’un morceau d’glace sur la langue ! Bon, par contre, j’ai dû mal à distinguer les gouts pour l’instant. P’tet que j’ai exagéré sur la quantité pour faire plaisir à un gamin ? Bwarf, j’suis plus à une bêtise. Au pire, on mélange tout et voilà. Est-ce qu’il est d’accord au moins ? J’vais lui faire savoir par un malin coup d’oeil et un geste de la cuillère. Ou p’tet lui parler de canard.


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« J'ai pas essayé d’manger la glace d'hiver. J'aurais dû ? » Quel dommage, il avait donc manqué cette expérience ? Son ami Beld ne s'y était pas essayé pourtant.

Quoiqu’il en était, c'était donc bien cela. Un glacier n'était pas un glacier. Les joues du garçon rosirent d'auto-satisfaction : il avait eu un bon instinct. Désormais qu'il y pensait, cela faisait tout à fait sens. Les mots étaient un code complexe dont chaque élément se voyait influencé par les autres. Ainsi chacun se paraît d'atours changeants selon l'habit de ses voisins.

Enfin. Le costume des mots attendrait : Ioan devait s'essayer à la dégustation de glace ! Voilà une oeuvre nouvelle qui avait de quoi l'enchanter. La cuisine, d'une façon générale, le laissait admiratif. Il y avait quelque chose, dans son caractère tant nécessaire qu'éphémère, qui fascinait l'enfant. C'était un art dont on conservait le souvenir en son coeur sans réel espoir de pouvoir le revisiter à l'identique. On pouvait s'en approcher, on pouvait l'évoquer — mais il paraissait au combien plus complexe de reproduire un goût exact, que de réobserver une peinture aimée. Quoiqu'encore, était-ce vrai ? La découverte nouvelle d’une œuvre avait toujours cela de particulier qu’elle était un pas vers l’inconnu. Nul second regard pourrait changer cela. Si ? Ioan prit le temps de la réflexion tandis que son monstre généreux faisait virevolter sa cuillère dans une danse hâtive. Charmante cuillère. L’enfant sourit, se rehaussant de hâte et d’anticipation. Le Père Noël lui dévoila le bois blanc un bref instant, avant de plonger le couvert dans l'imposant récipient ! Tournent les couleurs ! Tournent les collines de glace dans un bal maladroit ! Il fallait donc tout mélanger. Quelles saveurs en ressortiraient ? Le garçon observa, attendit — puis il y prit sa part.

Quel était ce goût ? Sucré, certainement. Mais qu’était-ce exactement ? Ioan ne savait qualifier ni l’ensemble qu’il dégustait, ni ce qui le composait. Tout à fait inédit. Cette exclusivité n’était pas pour lui déplaire. Peut-être était-ce une pointe de fraise qui venait chatouiller ses papilles ? L’enfant en avait déjà mangé, c’était bon ça ! Désormais, il voulait goûter chacun des parfums séparément pour pouvoir les retrouver par la suite. Ce glacier qui en était un sans l’être recevrait de nouveau sa visite, il pouvait y compter ! « Alors, vous êtes un expert en glaces Père Noël ? Vous savez en faire ?! Vous m’montreriez ? Et vous connaissez bien l’sens des mots ? Vous en connaissez d’autres comme canard ? »

Quoique. Pouvait-il vraiment y compter ?
Quand devrait-il quitter ce monde déjà ? Au coucher du soleil croyait-il se souvenir. Sa voix baissa d'un ton.

« Dites. Je sais que ça m’ferait beaucoup de cadeaux, mais vous voulez pas faire le tour du monde avec moi ? » demanda-t-il un peu penaud, reprenant une cuillère de glace. Tiens. Etait-ce de… de… cette fleur rouge très jolie mais un peu fébrile ? Il aurait dû demander son nom.

Lentement, ses yeux se relevèrent vers le monstre généreux. Ioan avait tant voulu voir ce qui se cachait derrière la lumière des étoiles. Il n’avait pourtant fait que l’entrapercevoir depuis qu’on lui avait fait quitter l’atelier de son mentor. Alors peu importait le soleil. Peu importaient ses coups et la chaleur de son inimitié. Il voulait juste voir. Tout voir.
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Alors, là, il vient d’me couper la chic. Dans l’mouvement ? La cuillère, j’la croque avec le manche qui dépasse de mes canines avec mes yeux grands ouverts.

Moi, j’étais pas loin d’lui conseiller d’éviter d’manger la neige et la glace jaune.

Maintenant ? J’ai l’occasion de d’venir la nounou personnelle d’un gamin qui mange de la glace à profusion. Autant dire que l’évolution, elle s’présente ici ! Sauf qu’là, il y a une vraie question à c’poser dans l’histoire. Qu’est-ce que j’vais faire…? Parce qu’ici, j’suis vachement chaud à lui faire découvrir le monde ! Ça m’rappel ma jeunesse, quand j’me rendais d’un point à l’autre avec l’goût de l’aventure dans les tripes. Sauf qu’il y a deux problèmes qui se posent. Déjà, il manque de munnies dans ma bourse pour visiter ce monde ! Ensuite, il y a rien d’illégal à faire visiter l’monde à un gamin ? Même, c’est quasiment un devoir, un partage de patrimoine.

Du coup, j’pose le saladier d’glace sur ses genoux avant d’prendre un ton solennel, le genre que j’réserve aux grands jours.

Écoute, petit…
Ouais, j’ai l’air sérieux. Sérieux comme un patron qui s’apprête à virer un employé un peu trop bavard. Le genre sérieux que tu n'as pas envie de voir. Ma grosse patte se pose sur son épaule, ou plutôt, ma patte est pas trop loin ! Sinon, il sera écrasé.

Il faut que tu saches que…
La tension est à son comble, si j’lui brise le coeur ? C’est qu’un gamin ! Il ne faut pas briser les rêves des enfants, c’est la porte vers l’imaginaire. Et qui j’suis pour briser ça ?

C’est dans la poche ! Viens ici et en route pour les aventures avec l’grand Chen Stormstout !
Yeah ! Inattendu. Dans un réflexe, j’le chope et j’le pose sur mes épaules. Pour d’belles aventures, il faut une belle monture ! Mon, j’ai un peu d’embonpoint et il a p’tet pas besoin d’le savoir. Mais plus important, c’est d’choisir la destination.

Tu gardes la glace et tu donnes le cap ! C’est où qu’on va ?!
Prochain trophée du meilleur de l’année, seule une personne d’éligible, moi et moi-même !


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En l’espace de quelques secondes, Ioan avait tour à tour été déçu par anticipation, puis empli d’une joie sans bornes. Enfin ! Enfin il pourrait tout voir ! Et quelle vue avait-il, d’ores et déjà ! Perché sur les massives épaules de son bestial ami, il observait les alentours comme il n’avait jamais pu le faire auparavant. Tout ce qui lui paraissait si grand lui semblait désormais ô combien moins imposant. Les adultes, les auvents des étals… mais comme il voyait loin ! Comme il sentait la brise qui survolait les passants ! L’enfant prit une profonde inspiration — et une cuillerée de glace. Un sourire large comme la plage s’invita sur ses lèvres, et un petit picotement parcourut ses pommettes. Un léger balancement des jambes, cont— Ah ! Un équilibre précaire le rappela à un peu de prudence. Heureusement, son monstre généreux était là pour contrebalancer sa maladresse. Le garçon cala le couffin de glaces au-dessus de la tête poilue qui lui était présentée, cherchant à s’offrir un peu de stabilité.

Où iraient-ils ? « Vous voulez qu’je choisisse ? De vrai ?! » Comment l’enfant pourrait-il repayer cette générosité ? Qu’avait-il à lui offrir, à cette grande bête ? Ce si gentil artisan de rêve ? Chen. Le garçon n’avait eu qu’à demander, et il avait accepté de le réaliser. Il n’en perdrait pas une miette ! Par où commencer ?!  « Alors… » Il y avait tant de possibilités, tant d’opportunités ! Ioan avait entraperçu les petites ruelles dont chaque pavé avait une histoire, les maisonnées blanches dont le revêtement parfois craquelé faisait le charme… et tous ces bâtiments aux formes si étranges au loin. Et puis il y avait aussi…

Oui. Il y avait aussi ça. Comme Maître Patregain aurait voulu le voir, se disait le garçon ! « Le toit de verre... » laissa-t-il échapper. Un immense toit de verre si long qu’on put se demander s’il n’était pas le ciel lui-même. Combien de souffleurs avaient dû se mettre à la tâche ? Combien de temps avait demandé la réalisation d’un pareil chef-d’œuvre ? « J’voudrais le voir de près s’il vous plaît ! C’est par… »

Par où était-ce ? Oh mais il le voyait, par-delà la plage, donnant sur la promenade ! « Là ! » s’exclama-t-il en pointant du doigt ce qu’il ne savait pas être la rue commerçante. En poste sur son nid-de-pie improvisé, Ioan frémit. Tout ceci était enthousiasmant et prometteur.
Demeurait toutefois un ultime défi, que l’enfant abordait avec plaisir. Le malicieux festival, véritable labyrinthe d’échoppes et de stands de jeux, voulait s’amuser ; être comme la dernière épreuve qui séparerait le garçon de la félicité de sa découverte nouvelle. Soit. Ioan jouerait ! Il suffisait, simplement, de se souvenir du chemin qu’il avait emprunté.

« Du coup… » commença-t-il tout bas, tout aussi absent qu’il était concentré sur ses souvenirs, « depuis l’glacier, faut rev’nir vers là où j’vous ai trouvé. » Etonnant, comme tout lui semblait confus. Le garçon ne se souvenait plus que du goût amer du sable, et de l'ombre réconfortante de son ami. D'un peu de fraîcheur, et d'un sang sucré. « Vous avez le ch’min ? Et la Aqua va bien ? » Le Soleil n’y avait vraiment pas été de main morte. L’enfant se tordit d’une moue que le ballet des serviettes poussées par le vent fit s’envoler. Aussi légères que des fées. Pour en avoir vu, il pouvait se permettre la comparaison. « Il faut repartir vers la Cage aux Peluches, » continua-t-il. « Et faire attention au sable. Il peut faire chuter. Et ça peut faire mal une mauvaise chute. » C’eut été bien malheureux, que d’une simple association, le Père Noël se retrouve les pattes en l’air par sa faute. « A partir de là je sais. Y’a un passage par un stand, très sympathique. ‘Faut éviter d’se faire emporter par le courant dans la foule en r’montant le chemin après. On verra la flèche à partir de là. On pourra pas la louper ! » C’est qu’elle aimait être vue et suivie. Il l'avait remarqué. « Mais faudra aller dans l’aut’sens, sinon on r’viendrait sur nos pas. » Ioan espérait d’ailleurs qu’elle ne s’en formalise pas trop. « Là ce sera pas loin de la fin du labyrinthe, et on pourra traverser la plaine de sable. Après les douze marches faut aller vers les tulipes ; le groupe où trois se sont habillées en jaune. » Elles restaient bien entre elles. Il faudrait par ailleurs, se dit-il, prendre garde en empruntant les marches. L'une d'elle, martyrisée par des passages indélicats, s'en était trouvée creusée. Inutile de la faire souffrir plus avant, pensait Ioan. « Passer… un… deux… » énumérait-il à voix haute, « trois… quat’… cinq… six des p’tits salons floraux qui viennent ensuite. Contourner le grand arbre long… mais c’est facile, y’a tout un cercle autour où on peut marcher. Et là on sera à dix mâts de métal de la destination. » Le festival serait presque dépité d’une mémoire aussi surprenamment aiguisée. Comment un enfant si aisément perdu pouvait-il garder en lui de si futiles détails ?  Le garçon, pour autant qu’il était concerné, plongea sa cuillère une nouvelle fois dans la glace, banquise colorée fondant en une mer bariolée. Magnifique. « Vous voulez en r’prendre ? » s’enquit-il tout en remuant son précieux butin.

La présence de son monstre généreux lui était plus qu’agréable. Chen avait pour lui cette attitude joviale et solaire qui, et c’était une aubaine pour Ioan, bien loin de l’assommer, l’attirait comme les papillons volaient vers la lumière à la nuit tombée. Il y avait quelque chose d’un peu curieux dans son caractère animal, mais d’amusant et fascinant tout à la fois. Alors que l’ursidé anthropomorphe avançait d’un pas balourd, cherchant à suivre tant bien que mal les directives peu conventionnelles de son guide, le garçon ne put s’empêcher de jouer avec ses oreilles du bout des doigts. Et d’un petit air tantôt joueur, tantôt intéressé, les regardait remuer prestement ! Les siennes ne bougeaient pas ainsi, il en était bien certain. « Ca fait pas trop bizarre quand on vous fait ça ? » questionnait-il, renchérissant de nombreuses interrogations que l’on avait tôt fait d’oublier.

Sans mal les deux acolytes progressaient. Les hommes se poussaient face au titan velu ! Mais le labyrinthe festivalier, lui, ne se divertissait guère de soubresauts d’esgourdes ! — et dans un dernier défi, vint poser à l’enfant un fourbe piège. Lune ! Jamais le Père Noël ne pourrait se faufiler comme il l’avait fait dans le stand permettant d’aller des prisons miniatures au fleuve humain qu’il fallait pourtant rejoindre.

Il devait trouver un autre chemin. Maître des airs, investi de l'inestimable avantage de la taille et du surplomb, Ioan guettait. Mais tandis qu’il était ainsi ralenti, le labyrinthe referma sur lui son odieux stratagème. Au sol, deux hommes s’étaient approchés. L’un le regard inquiet, l’autre mort. Leurs yeux vert-bleu épiaient la créature bicolore — puis ayant saisi une occasion de l’approcher, s’étaient glissés de quelques pas habiles et habitués entre les passants. Vêtus d’un short au rouge aussi criard que leur musculature entretenue, ils se déployèrent auprès du duo. D’aucuns y auraient vu un rapprochement des plus banals, sans prétentions. Le garçon, pour sa part, ne pouvait s’empêcher d’y voir le mouvement de prédateurs entraînés.

« — Bonjour à vous, commença le plus jeune d’un air affable. J’espère que vous passez un bon moment sur notre plage. Nous sommes sincèrement navrés de vous déranger, continua-t-il tout en repoussant une mèche brune tombée sur son front, simplement nous sommes à la recherche d’un jeune garçon.
- On nous a rapporté qu’un enfant était tombé plus tôt, et qu’un — il marqua une hésitation, pourquoi ? — individu correspondant à votre description l’avait prit en charge.
- Un monsieur a perdu son neveu, ajouta rapidement son collègue. »

Si ce n’était que cela. Ioan pourrait rapidement voir le ciel de verre.
Après tout, il n’était sûrement pas un neveu. Du moins le pensait-il ? Il en aurait eu conscience si cela avait été le cas, n’est-ce pas ?
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Bon, j’vais être honnête l’espace d’un instant. Même si, d’habitude, j’suis quelqu’un d’honnête. Enfin, ça m’arrive de dire c’que les gens ont envie de dire pour éviter le conflit et que c’est p’tet pas a la meilleure idée du monde.

Sauf qu’ici, j’suis pas là pour parler d’ma vie.

Mais là, l’indication qu’il me donne, j’ai pas compris le quart d’un tiers de c’qu’il m’a raconte ! Résultat ? Mes yeux se lèvent et j’regarde les directions qu’il me pointe du doigt. Est-ce que j’prends un moment pour tendre la langue afin qu’il y dépose de la glace. Mauvaise idée, j’vais passer pour un dingue. En tout cas, j’ai un truc à répondre dans l’histoire.

T’sais, mon gars, il y a pas tout l’temps quelqu’un sur mes épaules pour jouer avec mes oreilles. Dans l’doute, j’vais dire que ça m’chatouille ! Un peu comme quand l’coiffeur use de son peigne et de son ciseau pour faire les pointes, tu vois l’idée ?
Bon, j’vais pas rajouter le refrain sur le fait que j’ai pas assez d’neurones connectés pour comprendre la direction donné. Mais j’dois dire un truc, la façon dont-il parle en analogie, ça m’parle un peu. On dirait presque l’poète qui m’parle d’arroser une plante, tu sais ce qu’il fait sans comprendre ce qu’il raconte, c’est spéciale.

Dans le bon sens, spécial. Pas comme quand on dit qu’un enfant est spécial en l’regardant de haut. Sauf qu’avant qu’pose ma question, v’là qu’alerte à Costa Del Sol m’interpelle et v’là qu’ils m’parlent d’un gars qui recherche son neveu. Déjà, on va s’mettre au clair. L’gamin, il était seul dans une fête foraine pour ensuite s’évanouir et il n’y a personne avec lui. Tu parles d’un oncle ! Pas fichu d’garder son neveu deux minutes ? Même s’il est agité, c’pas compliqué d’garder un gosse à l’oeil, j’y arrive bien. Donc, c’est sûrement un piège de la Coalition Noire qui tente d’enlever des gamins pour les recruter comme tueur sanguinaire.

En résumé, pas d’preuve ? J’garde le gamin. Et heureusement, j’ai une diversion dans mon tonneau.

Ma que pabla espagnola dela papel ¡¿ Esta bene musta stu pourqa dela camissa negra ¡ Pablo del pentos piga kallessi ¿
Les Indiens du Nouveau Monde, on arrête d’être sur leurs dos à l’instant où on ne comprend pas le moindre de mot de ce qu’ils racontent. Avec un peu de chance, ce sera pareil. Ou bien, ça va faire comme les Mercenaires et ils vont tirer à vue. Ils n'ont pas de pistolet, si ?

Pardon ?
Qu’est-ce qu’il raconte… Monsieur, nous avons entendu que…

Hop, surenchère ! Avec une pointe d’énervement et j’me tire comme un prince avec ça.

Bilbao mucho gracias ¡¿ Brasilia issa vin diesel mocha paba ¡
Qu’est-ce qu’on fait…?
Brassilia dela portugala ¡

Ainsi, j’me retourne et j’reprends ma route. Une victoire pour la Keyblade et une défaite pour la Coalition Noire. Bon, par contre, j’rentre le ventre et j’vais sur la pointe des pattes pour passer la foule. Avec cela, les porteurs de shorts n’arriveront pas trop à m’suivre. Sinon, pour la suite, j’vais innover avec un autre accent pas piqué des hannetons.

Bon, les grands trucs des villes, c’est l’hôtel ? Si j’me trompe, tu l’dis ! Et sinon, j’ai plein d’autres moyens d’esquiver les méchants d’la Coalition Noire, t’es en sécurité avec moi.
Un sourire de victoire et j’reprend la marche, dans l’pire des cas, j’change de direction avec ses indications.


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L’enfant sentit un frisson le parcourir. Sans trop s’expliquer pourquoi, quelque chose dans les paroles de son ami le touchait. Son cœur s’était serré, comme ayant reçu bien trop, trop rapidement, et n’ayant su s’adapter. Retenant l’imposant bol de glace d’un bras, il remua le second prudemment, caressant maladroitement — la faute à une posture peu optimale additionnée à du mouvement — un bout de tête de son monstre généreux. Il était en sécurité avec lui, disait-il. Ioan ne connaissait pas les « méchants d’la Coalition Noire. » Il ne savait pas ce qu’ils pourraient lui vouloir. Mais cette attention de la part de Chen lui laissait un sentiment aussi doux que l’était le pelage qui passait entre ses doigts fins. Les mouettes pour leur part rirent de son air benêt ! Tournoyant dans les airs, surveillant tout un chacun et sa chacune depuis les abords du labyrinthe estival, elles avaient pu observer tout ce qui s’y était passé et s’y passait. Ce qu’elles semblaient y voir paraissait les amuser au plus haut point. L’enfant ne s’offusqua pas de leurs railleries, leur jetant tout au plus un regard curieux. Mieux valait en effet qu’elles se divertissent ; que cela soit ou non à son dépens.

Mais pour l’heure, il devait guider le Père Noël ! Grande mission dont il continuait à s'acquitter. Ainsi les points d'intérêt des villes étaient des hôtels ? Il irait les voir eux aussi. Les rapaces humains qui les avaient abordés avaient été semés, et le garçon les avait regardé se noyer sous les têtes des voyageurs et leurs étoffes colorées.
Mais qui sait ? Peut-être surgiraient-ils d’entre deux passants complices, ou au côté d’un étal prit en otage ? Son ami ne les avait-il pas qualifié comme « méchants » ? Des individus qui cherchaient à faire du mal. C’était ce que Ioan avait compris des contes des Histoires de Grimm tels que son mentor les lui avait confié. La figure du vilain l’intriguait en un sens. Leur comportement lui apparaissait si alien que l’enfant ne pouvait s’empêcher une forme de curiosité. Car s’il était vrai qu’il pouvait simplement apprécier un instant, le garçon aimait comprendre — chercher ce qui nourrissait et liait chaque chose comme chaque individu. Pourtant, l’idée de faire du mal le piquait. La souffrance ne l'attirait guère. Alors bien qu’intrigué, Ioan ne se sentait nullement aguiché par le vilain de l’histoire. Un bref moment cependant, il avait hésité. L’un des deux hommes qui étaient venus les voir, avant de disparaître, l’avait agrippé d’un regard inquiet. L’enfant s’était figé, s’était demandé « pourquoi ? » — puis il l’avait perdu et le rire des mouettes l’avait distrait.

Mais s’ils les rattrapaient, et qu'ils étaient méchants, feraient-ils du mal à Chen ? C'était cette question qui lui restait, plus qu'une autre. La prise de l’enfant se raffermit sensiblement. Ils étaient méchants, avait dit son monstre généreux, et il était en sécurité avec lui.

Il n’avait aucune raison de douter.
Alors il lui fallait y donner tout son cœur !

« A droite ! » Et à gauche ! « Tout droit ! » Puis de nouveau à droite. Eviter la table, ne pas bousculer les chaises. La flèche rose ! Le garçon la salua, et huma l’odeur des crêpes. Ils n’étaient plus bien loin de la sortie. Un sifflement de satisfaction trottait dans les oreilles de l’enfant, qui le jouait du bout des doigts sur les tentures vichy de parasols ouverts. Se désaltérant d’un liquide à la couleur aussi peu identifiable que son goût, Ioan en oubliait le Soleil, dont l’agacement se tempérait de timides nuages. Il se laissait bercer, balloté par le pas parfois balourd de son camarade, quand enfin — enfin ! — ils parvinrent à la sortie.

Mais à peine purent-ils entendre les trompettes de la victoire, à peine fanfaronnèrent-elles, qu’un autre son vint tinter à leurs oreilles ! « HEY ! VOUS LA ! » hurla une jeune femme en short rouge, le bras aussi énergétique que son regard était déterminé. « STOPPEZ-VOUS ! » L’enfant, légèrement avachi, se redressa d’un coup, avisant la demoiselle d’un oeil perplexe. Rapidement, un homme surgit à son côté. Sa caractéristique mèche brune trahit son identité ! Ioan le reconnut. « Chen... j’crois qu’les méchants d’la Coalition Noire nous ont r’trouvé, » commenta-t-il. Il fallait qu’il pense à quelque chose. Son monstre généreux avait tant fait pour lui. Il s’était même mit en danger. L’enfant ne savait imaginer ce que lui feraient ces méchants en culottes rouges. Il lui fallait un lieu où se cacher, un lieu tranquille. Un lieu secret. Ses lèvres sèches se pincèrent d’une réflexion.

« Dites… vous m’faites confiance..? » risqua-t-il.

Il y avait, là-bas, par-delà la plaine de sable, les rues de la Costa del Sol. Il en était, loin des plus fréquentées, de petites pavées — montantes ou descendantes selon qu’elles étaient appréciées dans un sens ou l’autre. Des chemins de ville resserrés entre les façades fleuries des maisons blanches où s’accrochaient des treillis chargés. Il y avait, il se souvenait, passé une maison dont une fenêtre du premier étage refusait de se fermer, le battant lâche, une passe fine serpentant le long de demeures aux murs bombés. Il y avait là, caché derrière ce passage, une petite cour déserte au centre de laquelle un vieil arbre dormait. Un banc solide lui tenait compagnie. Nul bruit perçait depuis les rues adjacentes — c’était là un sanctuaire paisible qu’il avait découvert en suivant un chat gris aux tâches claires. L’enfant se souvenait du local ronflant au fond de la cour ; comme il semblait calme et intouché depuis des lunes. Comme sa porte bleuie dansait au gré du vent.
Il n’avait pu s’y aventurer. Il avait été retenu. Mais si les chats allaient s’y lover avec sérénité, ce ne pouvait être qu’un lieu tranquille, se disait-il.

Alors, si son ami était prêt à lui faire confiance, il pourrait bien l’y guider. Autrement, il devrait trouver une autre solution. Il ne voulait pas tant que les méchants attrapent le Père Noël.

Ioan réfléchissait.
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Mince, ils nous ont retrouvés ! Les v’là ! Première chose, ne pas se retourner où le stratagème de la langue étrangère sera un échec. Donc, qu’est-ce que j’peux faire ?! L’gamin, il doit être protégé et j’vais pas m’laisser avoir par une bande en culotte courte.

T’inquiète gamin, j’te fais confiance autant que j’peux !
Bon, il va m’guider alors ? En attendant, il faut voiler les pistes.

Deux secondes, v’là le temps qu’il faut pour prendre Ioan de mes épaules jusqu’à mes bras devant moi. Malheureusement ? Le cul-de-poule de glace tombe au sol. Une tragédie. Un mort que nous allons pleurer plus tard ! Avec une autre glace, ou p’tet des churros. À voir.

La suite ?! Ioan que j’tiens contre moi comme s’il était dans un porte-bébé et il m’reste plus qu’à préparer la diversion pour ne pas être suivi.

Heureusement pour moi, la plage a le privilège de laisser du sable partout et d’me donner la distraction parfaite. L’gamin dans les bras, j’prends une grande inspiration par le nez et j’laisse l’air rentrer dans mes poumons. Après cinq secondes, il y a ce qu’il faut et j’relâche l’souffle à mes pieds. Pas d’magie, juste d’la cervelle d’ursidé. Le résultat ? Un nuage de sable qui crée la stupéfaction autour de nous !

Mais il manque un truc, une signature et une certitude de pas m’retrouver coincé dans deux rues.

Pour ça, j’dois m’concentrer un peu plus de deux secondes. Heureusement qu’il y a un nuage de sable. Donc, c’est quoi la surprise ? Mes yeux s’ferme et j’laisse un courant nager en moi. Un peu comme la magie, sauf que j’vais pas créer une bourrasque de plus. Imagine ? Un sort de vent et j’fais disparaitre mon nuage de fumée, un coup à avoir l’air stupide. Alors, j’laisse l’énergie couler en moi et elle se dirige dans mon dos et se glisse le long de mon échine. Et là ? Pouf ! Une copie parfaite de moi, un peu comme un clone, fait son apparition et m’fait un signe de la main.

Une réussite totale. On r’commence et v’la que trois pandas s’partagent le nuage de fumée. Un signe de tête et j’glisse l’idée à mes copies d’partir dans des directions aléatoires. Chen numéro deux qui s’en va vers la station, numéro trois qui fonce vers la plage et il ne reste plus que moi avec le Ioan dans les bras. J’le regarde avec un large sourire avant d’hausser les épaules et commencer à partir vers la cachette du gamin. Sauf que j’vais où ? Exactement.

Si tu veux, j’vais t’apprendre le tour ! Sauf que là, guide-moi et n’perdons pas un instant !
Ouais, il y a des copies de moi ! Malheureusement, j’suis incapable de te dire combien de temps ils vont tenir et si la bande aux shorts est assez bête pour tomber dans mon plan.


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Le brouillard tombait sur la plage ; un brouillard épais, un nuage sablonneux. Les réalités s’envolaient, et trois monstres généreux couraient à constante allure, taillés chacun d’un bloc d’endurance que les méchants ne faisaient, pour leur part, que se partager — inéquitablement. Ils se dispersaient, poursuivant leurs chimères : perdant en souffle, perdant en vitesse, perdant en force. Ioan tenait, tâchant de s’agripper à son protecteur. Mais ses propres bras faiblissaient alors que ceux de son ami demeuraient vaillants. Alors qu’il courait sans faillir tout en le soutenant, d’un effort monocorde.

Comme l’enfant se sentait petit.

Les grains de sable retombaient, encore secoués de leur rodéo inattendu. Les culottes rouges rapetissaient, leur grandeur et leurs cris emportés par les vagues. Le Soleil se serait fait une joie d’attraper nos deux compères, mais le vent était las de ses jérémiades. Alors d’un souffle fatigué mais taquin, il tâchait de les rafraîchir. Rapidement, ils arriveraient en bordure de la plaine, dans la forêt de pavés, de béton et de pierres.

Comme l’enfant se sentait petit.
Comme le cœur de son monstre généreux était puissant, comme il battait une mesure entraînante ! — Un son quelque peu rondouillard, mais plaisant.
Il était en sécurité avec lui, disait son ami.

Mais il y aiderait ! Ioan devait le guider. L’enfant perdu, pour une fois, connaissait le chemin. Tout au moins, était-on prêt à le suivre. A lui faire confiance.
Cette journée si amère prenait décidément un goût sucré, loin d’être désagréable.

L’enfant tourna maladroitement la tête, tâchant de voir au mieux ce qui les attendait, lui et son acolyte ! « Attention ! Sautez la première marche ! » lança-t-il immédiatement, constatant avec stupéfaction que le Père Noël avait déjà rejoint les escaliers qui découpaient la plage ! Ouf ! Il avait su éviter à cette vieille dame un poids de plus, qui lui aurait creusé l’échine.
Oh il y avait là tant de monde, tant de bruit : les hommes qui riaient, les mouettes qui s’égosillaient, les cailloux qui grognaient au passage d’un pied peu regardant... Certains s’écartaient, Ioan le sentait, à l’approche de son ami. Tant mieux, peut-être. Il ne fallait pas perdre un instant disait son ami. Il fallait donc poursuivre, traverser la rue où se hâtaient des carrosses sans chevaux ; ne pas se laisser happer par le chant des sirènes qui perdent en mer les marins, et en ville les passants. Le garçon adressa un salut rapide aux tulipes, qui n’y répondirent guère. Occupées, se dit-il.

L’enfant soufflait ses directions, suivant le souvenir d’un volet bleu, et l’odeur de glycines couvrant une rue piétonne. Il fallait aller vite, parfois prendre un chemin plus long — ce feuillet tombé depuis une fenêtre ouverte était bien un appel, non ? — mais toujours tâcher de garder en tête son objectif. Si les sirènes avaient été un danger, elles se faisaient moins entendre ici. Mais cette fontaine qui sifflait sur la petite place ? Le garçon s’y serait volontiers arrêté, aurait volontiers plongé ses yeux dans ceux de la demoiselle de pierre qui s’était assise en son centre… mais que savait-il des déplacements des vilains ? Ioan devait faire un effort. Ne pas perdre un instant, disait son ami. Alors il poursuivit ; il courut après l’évocation d’une porte fêlée, et l’impression d’un toit tout juste pomponné. Le rappel d’une fenêtre revêche et refusant de se laisser fermer, jouant sa mélodie au gré du temps. Clack. Clack. Clack-clack. « Désolé ! » cria-t-il à l’adresse d’un pavé branlant qu’ils avaient délogé.

« Là, il faut se glisser là, » montra-t-il à Chen. Une passe fine serpentant le long de demeures aux murs bombés.

Ioan y retrouvait sa petite cour déserte et son arbre somnolant — et le banc solide qui accueillit nos deux camarades sans un mot. Tout semblait calme ici, et la mauvaise chorale des vacanciers s’était estompée. Seule la porte du local de fond de cour leur adressa une salutation timide, exécutant une légère révérence. « C’est… c’est bon là hein ? » demanda-t-il bas. « Et — et merci. » Ses pieds retouchèrent terre. Il faillit vaciller, se laissant choir sur le banc. « Je connaissais pas la Coalition Noire. Je me serais sûrement fait avoir, » ajouta-t-il en souriant doucement.

Oh ! Vrai. « Vous vouliez m’apprendre un tour ? Vos images vont bien ? »

Comme l’enfant se sentait petit, et comme il était fatigué.
Comme l’enfant aimait sa journée.
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Pourquoi est-ce que j’n’ai pas pris une bouteille d’eau en chemin ?! Là, après la course et et mon p’tit tour de passe-passe, j’ai soif. Et puis, pas d’bière avant dix-huit heures, c’est mal venu. D’autant plus avec la présence d’un enfant, j’dois pas donner une mauvaise image avant ses seize ans, ou vingt-et-un ? Mince, avec la totalité des mondes qui nous entoure, j’retiens jamais les us et coutumes pour la consommation de bière.

Une seule et unique loi, générale, ce serait pas si mal ! Un dictateur en moins, pas un truc de coalisés, c’est mal ce genre de méthode.

En bref, v’là que l’confort du banc est tout trouvé et j’peux que remercier l’gamin d’avoir donné l’chemin à un gars comme moi. Bon, j’peux être content d’moi ! Il n’a pas été capturé par la Coalition Noire en sous-marin dans s’monde, l’maître sera content de l’apprendre, j’fais des efforts pour le bien des mondes !

T’inquiète gamin ! Maintenant qu’tu sais comment il se comporte, tu n’te fera plus jamais avoir. Et puis, j’ai dis que j’serais présent pour t’aider. Non ?
Méthode pour rassurer les enfants ? Une franche réussite. Maintenant, il sera alerte ! Plus de shorts rouges pour l’embêter, il aura la jugeote pour les éviter.

Il n’y a pas d’soucis à s’faire pour mes copies. À l’heure qu’il est ? Elles doivent avoir semés les vilains pour ensuite revenir à moi, dans mon corps ! Enfin, j’crois, j’y connais rien à la magie et à ce genre de truc.
En disant ça, j’me suis tapé l’bedon, comme si j’venais d’faire un bon repas ! D’ailleurs, ça m’fait penser que j’dois trouver un spécialiste pour m’expliquer ce genre d’histoire. Au final ?! Moi, j’réussi à m’cloner pour cinq minutes sans comprendre comment. Il serai temps d’apprendre. En attendant, j’peux faire un autre truc, il va voir !

T’sais, même si j’y connais rien, j’ai quand même quelques astuces. L’genre de truc pour amuser la galerie ou encore m’sortir de vilaine situation. Comme nous v’nons de faire pour échapper à la Coalition Noire, de quoi distraire l’ennemi pour s’enfuir ! Car le plus grand des combats, c’est celui où l’on ne doit pas combattre… Regarde…
La magie, c’est simple, un geste et tu guides ta magie. Là, j’fixe Ioan dans les yeux en haussant les sourcils. Avec ça ? Derrière lui, une projection à mon effigie lui tapote l’épaule avec une onomatopée digne des plus grands poètes ! Ou des fantômes de bas-étage, au choix. En attendant, j’attends que la distraction passe pour lui faire une grimace. Inattendu. Est-ce que j’suis un gamin ?


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Deux Chen ! Deux monstres généreux ! Passé le sursaut, passée la surprise, Ioan ouvrit deux grands yeux ronds. Il… il n’avait rien remarqué ! Tout juste un instant avant d’être appelé d’une simple onomatopée, avait-il ressenti une présence dans son dos. Comment ? Oui.. « Comment ? »

« Comment vous avez fait ? » s’enquit-il auprès du Père Noël. « Je.. je vous ai rien vu faire de — de spécial. Alors comment ? » Debout désormais, Ioan tournait autour de son nouvel acolyte ; passant sous ses grosses pattes en s’abaissant, répondant à son sourire d’un rictus timide. Il bougeait, riait ! Quel tour que celui-ci ? Ce monstre généreux-ci était bien vivant, il était bien là ! Son ami était-il donc, plus que le Père Noël, un maçon de vie ?

Cette constatation, d’abord émerveillée, finit pourtant par laisser l’enfant pensif — et il cessa de tournoyer, de s’égayer, de s’étonner.

Disparaitrait-il, ce monstre généreux ? Qu’avait-il de si différent du Père Noël que Ioan avait rencontré quelques mois plus tôt, et qui les observait ? Ressentait-il cet amalgame complexe d’émotions, de sentiments, que le garçon percevait pour sa part vibrer en lui ? Ses réactions le laissaient entendre. Si oui, qu’est-ce que cela lui ferait, de disparaître ? En avait-il seulement l’envie, le réalisait-il ? Et si, un jour alors qu’il avait disparu, un double devait venir sur l’appel de son ami, serait-ce lui ou un autre qui répondrait ? Dormait-il donc, quelque part, en Chen, ou alors était-il condamné dès la naissance à une vie si courte qu’il n’aurait pas le temps de contempler toute sa beauté ?
Ioan n’aurait su, en tout état de cause, avoir un regard condescendant sur la « copie » d’un autre, tant il en réalisait lui-même avec passion. Mais elles tenaient, vivaient aussi longtemps que leur soi-disant original — parfois peut-être plus. Elles pouvaient expérimenter, être mises à l’épreuve de la vie ; de ses mauvaises chutes nées de maladresses, ou d’un grand soin offert aux objets les plus précieux. Ce monstre généreux-ci avait-il cette possibilité ? Chen l’avait dit, il reviendrait « en lui, » sûrement, comme les autres. Alors, vivrait-il par le Père Noël, ce monstre généreux ? Ou allait-il au néant ? S’éteignait-il simplement, silencieusement, comme s’il n’avait jamais été ? Le garçon restait là, silencieux, à fixer les yeux d’or de son éphémère compagnon tout en s’interrogeant. Jusqu’à ce qu’il brise le court silence qui s’était instauré, avec toute la douceur qui émanait de ses traits encore enfantins.

« Dis… il y a quelque chose que tu veux faire ? » demanda-t-il, avec un sourire fin. « Et je dois t’appeler comment ? » ajouta le garçon en avisant tour à tour Chen et le nouvel arrivant.

Que cet éclat de vie soit des plus brillants, au moins.
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Un Chen de par et d’autre du gamin, et l’un qui semblait l’intéresser plus que l’autre ! Ah, les enfants, ils sont si charmants. Bon, j’vais p’tet devoir lui expliquer l’histoire avec mon bagou. Ma copie m’regarde, hausse les épaules et fixe Ioan en posant sa grosse patte sur ses cheveux.

Tu m’connais déjà, je suis Chen !
Ah non, Chen, c’est moi.

Il m’fixe, l’regard plein de malice avant de s’abaisser pour s’mettre à sa hauteur.

Il est moi, et je suis lui !
C’est aussi simple que ça.
Et ce n’est pas compliqué pour autant.

Du coup, c’est moi qui m’relève et qui m’pose à côté du clone. Là ? Comme si nous avions répété le spectacle, nous nous attrapons par la tête et nous tournons sur nous-même, histoire de changer de place.

Le même…
Pas la moindre différence !

Au milieu de cette place, l’banc et l’arbre comme témoin d’un étrange spectacle, j’suis plus en train de jouer au idiot que d’expliquer c’qui se passe vraiment.

Il n’y a jamais eu que moi.
Ou que nous !

Hop, pour conclure, nous nous donnons un coup d’bassin l’un à l’autre et v’là que mon clone est comme aspiré en moi. Voilà, la pièce de théâtre est terminée et j’me retrouve seul pour raconter la suite de l’histoire.

Tu vois, Ioan…
Encore se réflexe de s’abaisser, peut-être parce que j’fais plus de deux mètres de haut ?

Ici, dans ce monde et dans les autres, il n’y a pas que la force de nos bras ou l’agilité de nos doigts. Au-dessus de nos têtes, dans les étoiles, il y a des endroits où tu pourras explorer des merveilles ou des créations de personnes capable de rompre la logique elle-même. Ici ? C’était un simple tour de passe-passe qu’un gars m’a appris en Terre des Dragons, une façon d’utiliser les énergies qui nous entourent chaque instant.
On attend un instant pour l’faire digérer l’information et j’me recule d’un pas. Un soupir pour m’vider la tête. Une inspiration pour m’centrer. La position pour faire circuler le flux.

Comme il est possible de créer une clone à son effigie et à lui insuffler assez de volonté pour vivre, il y a moyen de créer les éléments. Regarde.
Mes bras son tendu et mes paumes sont l’une en face de l’autre. Encore un soupire est j’commence à faire tourner mes pattes dans l’vide jusqu’à ce que l’vent soit créé, j’sens la magie circuler dans les bras et donner forme à un souffle, c’est quand même pas facile.

Ensuite ? L’mouvement s’arrête et j’laisse la bourrasque partir afin d’agiter le vieil arbre dont les feuilles tombent sous l’effet du sort.

Tu comprends ? Il ne faut pas avoir peur, il suffit d’ouvrir son esprit et le monde s’ouvrira à toi… Et il parait que c’est possible de créer du chocolat avec cette magie !
Bon, c’est peut-être une information de trop. En attendant, c’est vrai ! Il y’a un gars dans ce monde qui est réputer pour savoir créer du chocolat avec sa magie. Bref. L’idée est là, j’me demande comment il va accepter l’idée. Ce serait malin s’il s’enfuit en criant à la sorcière après avoir découvert que l’panda pouvait souffler les arbres et s’multiplier comme un lapin par sa simple volonté.


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Son existence s’était effacée aussi rapidement que sa présence lui était apparue — le second Chen, sa « copie, » ce « lui » qui vivait hors de lui, avait disparu en un souffle. Ioan retint une inspiration, laissant les restes de la bourrasque dégagée par son monstre généreux lui chatouiller le cou. Si elle était lui, et il était elle, comment Chen savait-il qu’il n’était pas le lui de quelqu’un d’autre ? « Dis Chen… » Si le garçon le lui demandait, le Père Noël saurait-il répondre ? En aurait-il lui-même conscience ? Après tout, l’enfant n’aurait su se prononcer avec certitude en ce qui le concernait. Si son monstre généreux n’était pas le lui d’un autre, alors comment pouvait-il être sûr que le lui auquel il insufflait la volonté de vivre, puisque tels étaient ses termes, n’était pas plus lui que lui ?
Peut-être était-ce pour cela, parce qu’il était impossible de le savoir, que Chen estimait que sa copie était lui autant qu’il était elle — mais alors, qu’est-ce qui donnait à l’un le droit de poursuivre son existence quand l’autre disparaissait ? Lui avoir donné l’envie de vivre ? Comment ? Avoir été créé en premier ? Si tel était le cas, et que son double pouvait se mouvoir comme lui se mouvait, parler comme lui parlait alors… « Comment vous savez que vous êt’ pas un... un clone ? » finit par marmonner le garçon, confus, une mine inquiète sur le visage. Comment l’enfant saurait-il, lui-même, qu’il n’en était pas un ? Comment en avoir l’assurance ? Toute cette situation apportait son lot de troubles, dont Ioan avait du mal à sortir.

Ne sachant où se mettre, que faire, l’enfant laissait son regard se perdre sur les pavés, serrant et desserrant machinalement des mains qui avaient besoin d’être occupées. Son monstre généreux était vraiment exceptionnel. Il commandait au vent, pensait-il, visionnant de nouveau le « tour » qu’il avait joué pour lui. La tête légèrement baissée, il esquissa un sourire. « Vous en avez de la chance, le vent m’écoute jamais, » souffla-t-il. « J’devrais essayer, vous faites comment ? » Ioan rehaussa le regard, plus léger. Si ses interrogations demeuraient, il devait pour autant profiter de la présence de son ami.

Le discours de Chen ne l’avait pas étonné ou prit de cours. Le garçon savait qu’il existait quelque chose qui le dépassait, qui existait en dehors de lui ; hors de son monstre généreux, hors des autres. Il en était certain. Savoir que son ami en était lui aussi conscient le rendait heureux. Souvent, il se sentait seul à voir cet « autre chose, » bien que cette solitude ne le rendait pas morose. Il ne la regrettait pas. Il s’agissait, alors, de son univers personnel. Son savoir caché. Néanmoins, l’idée de partager cela avec un autre le saisissait d’engouement. Son ami, qui plus était ! « J’aimerais voir les étoiles moi aussi. Mais y’en a plein ! » Prit d’un regain d’entrain, l’enfant se rapprocha de son protecteur, prêt à tenter l’impensable : que le vent accepte de jouer avec lui. Avant de se lancer, il leva la tête vers le ciel. Le Soleil était toujours là. Ioan plissa les yeux. « On peut pas les voir, là. Mais j’aim’rais. On dit que ce sont des mondes. Vous en avez vu beaucoup ? » Il avisa Chen, de nouveau. « Vous croyez que les gens d’la Coalition sont partis ? J’voulais voir le monde avec vous. Enfin… » … s’il le voulait toujours. Ses yeux croisèrent ceux de son camarade.
Leur éclat… était le même que celui de l’autre.

Le même, exactement.

Et était-ce un mal, après tout, que d’être une copie ? Si on était autant l’autre que l’autre est soi, alors, peut-être n’était-ce pas tant un souci. Si on pouvait être plusieurs mais n’être qu’un. Oui, peut-être, mais… « Tu vas pas disparaître, si ? » Ioan appréhendait l’idée, instinctivement.
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Là, j’me sens un peu comme le vieux maître qui doit faire la l’çon au plus jeune. Directement, j’suis emballé à cette idée ! Pour l’moment, c’est Aqua qui fait la patronne avec moi. Ici ? V’là l’patron qui s’invite et ramène sa science ! Un peu comme l’histoire avec les danseuses, sauf que c’est avec un gamin de dix ans.

Belle évolution. En attendant, j’dois d’abord l’rassurer.

C’pas un clone qui va décider d’lutter contre la Coalition Noire en short, tu sais. Même s’ils ont une certaine volonté, ils restent esclaves des ordres qu’ils entendent. Ici, c’est moi qui décide de venir à ton aide, de t’montrer comment parler au vent et à t’faire visiter les étoiles.
Pouce levé, j’le r’garde avec mon plus beau sourire ! Celui qui n’est pas bardé de crocs et de crainte, celui qui est gentil avec les babines.

Tu sais, il y tellement de monde, il me faudrait encore une vie pour tous les visiter. Toi, il te reste assez de temps pour partir à l’aventure. Donc, j’te montre une fois et j’explique l’histoire.
Alors, j’crois que c’est la première fois d’puis longtemps que j’passe autant d’temps à lancer des sorts. D’habitude, j’cours pour éviter les soucis et dans l’pire des cas, j’tape juste assez fort pour qu’le gars s’retrouve groggy.

Donc, j’craque les phalanges comme un bonhomme et j’prends position.

On fléchit les genoux, on écarte les pieds et l’bassin doit s’aligner avec le dos. L’idée ? D’après l’livre que j’ai trouvé il y a un an, c’est d’faciliter la circulation de l’énergie dans l’corps. Ensuite ? Les bras pliés en équerre et les poings fermés.

Un regard sur Ioan, un clin d’oeil et on continue.

Les poings ouverts, j’laisse les doigts s’détendre pour ensuite dresser la totalité d’ma patte droite. Un peu comme un entonnoir, c’est juste pour laisser l’énergie s’échapper d’mon corps.

Ensuite, on tourne les mains pour accumuler l’énergie. Là ? J’ressens l’picotement qui grimpe le long d’mon dos et qui s’dirige vers mon bras. Comme l’filtreur d’un alambic ! Ça monte, et ça s’dirige vers la sortie ! Et là, boom, j’tends mon bras droit tout en reculant l’gauche. La bourrasque se crache d’mes doigts et j’fais trembler l’arbre une fois d’plus !

C’qui est bien, avec la magie, c’est qu’on est incapable d’le comprendre d’un regard.
Ioan et moi, on s’regarde dans les yeux et j’lui pose l’index sur l’bout du nez.

Sauf que j’vais t’expliquer ! La position que j’prends, c’est uniquement pour faciliter l’énergie qui circule dans mon corps et lui donner une direction à suivre. Toi, dans ton p’tit corps, tu dois la sentir te parcourir ! Comme quand tu restes assis trop longtemps et qu’tu sens des fourmis dans les jambes. La différence, c’est simplement d’lui ordonner la direction à prendre. Le reste ? C’est là qu’tu laisses la magie opérer. Dès qu’tu sens la magie circule, il te suffit d’imaginer c’que tu veux créer. C’est ta tête qui raconte à ta magie c’que tu veux voir sortir.
Là, j’reprends ma position et il m’reste plus qu’à l’inviter à me suivre. Déjà, apprenons les bases avant la suite !


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Ioan sourit. Son ami ne s’évaporerait pas. Mieux encore, il avait décidé d’être auprès de lui, de son propre chef. Apothéose : il désirait bien lui apprendre à parler au vent, et aspirait à lui faire visiter les étoiles. L’enfant se sentit léger. Ancré au sol par une gravité peu joueuse, il lui semblait pourtant qu’elle n’avait plus la même emprise sur lui. Son esprit flottait, content, entraînant ses yeux depuis son monstre généreux aux feuilles de l’arbre qu’il taquinait de bourrasques répétées. L’ancien s’étirait, ses branches s’ébrouant au gré d’un vent qui, déjà farceur, se trouvait encouragé en cette voie par le Père Noël. Passé ce réveil brusque, l’arbre ne semblait guère s’offusquer du jeu dont il était un acteur forcé. Tranquille, il acceptait simplement ce dérangement au final bienvenu : la paisible cour, ces derniers jours, ne lui donnait que peu d’occasions de se divertir.

Le garçon prit une légère inspiration, imitant son professeur d’un moment. Il fléchit les genoux, écartant les pieds. Il s’assura que son bassin soit méticuleusement aligné à son dos, avant de placer ses bras comme son modèle. Les poings, fermés. Rapidement, il adressa un regard à Chen, semblant vérifier l’exactitude de sa posture — puis esquissa un clin d’œil maladroit. Tout à fait sérieux, quoique fort enjoué en son cœur, il fronça les sourcils. Bien que le bonheur le porta, il sentait la pression persévérante de la fatigue. Pugnace, elle sautait à pieds joints sur ses épaules, et sur ses tempes. Une légère contrariété qu’il n’adressait pas pour l’heure, lui promettant silencieusement de la laisser l’emporter — mais plus tard.

Comment avait-il fait déjà, son monstre généreux ? Ioan se remémorait la scène : les poings qui s’ouvrent, les doigts qui se tendent, les mains qui pivotent et là — ! Le garçon tendit le bras droit, laissant l’autre en arrière. Un geste parfaitement identique à celui de son mentor. Et pourtant.

Rien ne se produisit.
Le vent cacha son rire entre les feuilles de son vieux camarade.

L’enfant avisa ses mains, se redressant. Cela n’allait pas. « Je vais réessayer. » Il s’exécuta, répétant une fois de plus avec exactitude le rituel codifié de Chen. Et une fois de plus, rien ne se produisit. Pourtant, Ioan agissait comme il le faisait d’ordinaire. Il savait bien qu’il y avait ce « quelque chose » hors d’eux, souvent le sentait-il même. Pourquoi n’arrivait-il pas à l’appeler, comme son ami le faisait ? Que devait-il faire ? Etait-il trop demandeur ? Peut-être ce « tout » ne le jugeait-il pas un bon camarade. Ioan réfléchissait.

Chen l’avait expliqué : la posture n’était qu’un artifice. Un moyen pour lui de sentir ce « tout » ambiant le parcourir, pouvoir le toucher du bout des doigts. Pouvoir en jouer, pouvoir avoir l’audace (respectueuse) de le modeler, même un instant. L’enfant n’avait pas prit l’exercice sous le bon angle. Silencieux, il fit quelques pas vers l’arbre. Les gestes n’importaient pas. Il devait ressentir, aller au-delà de ce qu’il savait et percevait. Son ami lui avait-il dit quelque chose ? Ioan ne l’avait pas entendu, si cela avait été le cas. Il n’avait pas écouté. Le garçon fermait les yeux. Les pavés sous sa chaussure tâchaient de se faire remarquer, chacun exposant ses imperfections comme mille preuves d’authenticité et de particularité. Un besoin de prouver un caractère unique dont Ioan n’avait pour sa part jamais douté. Un courant d’air bien peu amusé vint soudain brusquer sa chevelure, et les ramées de l’arbre se froissèrent d’un air désapprobateur : comme le vent était peu patient ! Comme son humeur était changeante ! A peine le garçon l’avait-il délaissé, qu’il s’en était fâché. Tel un enfant honteux, il cessa son soupir agacé. Ioan tendit la main, sentant sa caresse désolée effleurer sa paume.
Il pouvait entendre, désormais qu’il tendait l’oreille, les vocalises des oiseaux sur les toits, et le grondement lointain d’une foule tempétueuse ; la complainte discrète du local oublié, la protection avenante d’un rideau à une fenêtre. Il pouvait sentir sur sa joue la chaleur du Soleil, coupant à travers le voile verdoyant qu’étendait l’ancêtre de cette cour. Il pouvait percevoir la présence de Chen, quelques mètres derrière lui. L’enfant respirait calmement. Tout était là. Autour d’eux. Il lui suffisait de se laisser porter, de se laisser aller — et si cela lui arrivait souvent, il lui était inhabituel de se concentrer sur cette sensation. De rester immobile, et de tâcher de la rechercher en lui. De s’y arrêter, de ne pas simplement la suivre en toute confiance. La laisser entrer, et résonner dans son corps.

Debout, il se sentit vaciller sans pour autant bouger. Immuable.
Inspire, expire. Inspire, expire, s’intimait-il doucement.

Tout était là. Autour d’eux. Il le savait, il le sentait, l’entendait. Tout était là. Il suffisait d’être ouvert, d’y succomber.
Un frisson parcourut son échine. L’enfant s’amusait de ses chemins secrets, les suivait avec curiosité — mais pour la première fois, ce qu’il poursuivait se retournait sur lui. Pour la première fois, peut-être, tâchait-il de le saisir — ce qui était en-dehors de lui. Ce qui le dépassait. Les sons, les odeurs, les sensations qu’il percevait — 
Ses doigts se crispèrent légèrement, cherchant à se rappeler à lui tandis que son corps s’effaçait.
Il les oublia.

Inspire.
Expire.

Tout était là. Et il en faisait partie, sans pouvoir s’y abandonner. Quelque chose le maintenait. Concentré sur ce qu’il percevait, sa respiration, lente, suivait un rythme discret, se laissant oublier progressivement. Que devait-il faire, maintenant qu’il croyait sentir ce « tout » en lui ? Que devait-il faire de cette sensation, de cette énergie, comme l’appelait son ami ? Y avait-il quelque chose à en faire ?

Inspire.

Le pouvait-il ? — Il oubliait la cour, et la fraîcheur qui avait saisit ses joues ne parvint pas à le retenir.

Tombe.

Sans qu’il comprit, sans qu’il voulut comprendre, son esprit tombait. Il s’étiolait, passant au travers des branches, s’agrippant aux feuilles ! Rattrapé par le vent, il s’envolait finalement. Il retrouvait sa consistance, et surplombait la ville comme l’enfant l’imaginait vue du ciel. Si grande, si vivante — des maisons blanches colorées de fleurs et de toits de tuile. Le Soleil grondait, s’énervait de tant d’impudence ! Mais qu’importait. L’océan chantait, et les mouettes s’élevaient en un nuage protecteur, aussi étonnées que curieuses quant à leur nouveau compagnon. Et bientôt, elle serait là. La Lune. Emporté par les oiseaux, emporté par les marées, l’astre du jour s’enfuyait en promettant vengeance. Mais la Lune, elle, s’invitait d’un pas timide.
Elle brillait.
Ioan était plus proche d’elle qu’il lui semblait avoir déjà pu l’être — magnifique. Il la trouvait magnifique. L’enfant sourit, le vent sautillant entre ses doigts, le brusquant parfois de chatouilles inefficaces.

Il ferma les yeux, content. Le ciel était grand et sans nuages, les étoiles se parant de leurs plus belles lueurs. Ce tableau présentait une forme de sérénité que le garçon appréciait. Il se laissa aller en arrière.

Mais un bruit — non. Pas un bruit. Une impression ? Sa quiétude se fissura. Quelque chose bougeait. Quoi ? Un point à l’arrière de son esprit, une présence imprévue — qui ? Sursautant, le garçon rouvrit les yeux tout en se retournant, le souffle court. Blanc, lumineux ! Il fut aveuglé un bref instant. La cour, l’arbre, le banc, le local, les pavés, le vent ! Tous revenaient, le rattrapaient ! Les oiseaux, la foule lointaine, le Soleil ! Arraché au ciel nocturne jusqu’auquel il s’était glissé, l’enfant s’écrasait. S’écrasait dans ses chaussures, comme dans son corps. Tiré au sol, sa cage thoracique se resserrait sur ses poumons, forçant une respiration paniquée et rapide. Sa fatigue en profita pour l’assommer d’un élan nouveau ! Ioan se laissa tomber sur le banc. La cour, c’était la cour. Sa belle cour. Sa paisible cour. Son regard perdu se posa sur Chen, plus proche de lui d’un pas. Peut-être deux.

C’était probablement lui dont il avait ressenti la présence. Ce devait être lui. Ce n’était pas bien gentil que de l’avoir ainsi oublié, heureusement qu’il s’était rappelé à lui. Ioan fit la moue avant d’esquisser un sourire désolé. « Je… je crois que j’ai senti quelque chose… mais… mais je sais pas, j’ai pas réussi à appeler le vent, » bafouilla-t-il tout en regardant ses pieds. Peut-être avait-il rêvé. « Comment arrives-tu à… comment tu fais pour demander à c’qui nous entoure quelque chose de précis ? Une fois que tu sens quelque chose en-dedans je veux dire. » Il releva la tête.
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Oh, j’ai dû faire une bêtise quelque part. Là ? J’vois l’gamin qui tombe sur lui-même, un peu comme quand tu chutes dans ton lit en plein sommeil. Vous voyez la sensation que j’cause, celle que tu ressens lors d’une chute en plein rêve !

Du moins, c’est c’que j’vois alors qu’il est de retour sur l’banc. Mince, j’dois p’tet pas commencer à expliquer ce genre de chose alors que j’y connais pas grand-chose.

T’es certain que ça va, gamin ?
Ici, je m’y connais ! Dès que tu forces trop, faut arrêter. Sinon ? Tu t’acharnes et tu fais rien de bon.

V’là pourquoi j’me masse le menton en ayant entendu sa dernière question. En soi, si j’commence à lui dire c’que j’sais, il va tenter le coup de nouveau ?! Oh, on apprend pas au vieux panda à faire de la pils.

Bon, j’veux bien t’le dire mais avant d’vouloir jouer au maître de l’air, il va falloir prendre du repos et un chocolat chaud.
J’suis pas loin d’lui attraper l’petit doigt avec l’mien pour lui d’mander d’me faire la promesse. L’problème ? C’est que j’ignore s’ils font comme ça dans son monde et j’ai pas envie d’passer pour vieux. D’accord, j’approche de mes trente-cinq ans, mais j’suis encore à la mode ! Ouaip. Merci l’Consulat pour me mettre au courant des mondes.

La semaine prochaine, j’essaye de comprendre les baladeurs de San Fransokyo. C’est incroyable ! Il parvient à ranger des centaines de musiques dans un p’tit boitier !

Bon, après, j’suis capable de faire apparaître une arme en forme de clé en clignant des yeux. Après tout, j’fais pas encore de la musique avec ma keyblade. Est-ce que c’est possible ?! L’maître ma raconté que c’truc était une représentation de notre coeur. Alors, si j’ai l’coeur à la musique ? Est-ce que j’vais commencer à faire des notes. Avant d’savoir, j’vais m’occuper du cas de Ioan.

Ici, c’est la beauté d’la magie, elle se mélange à ton imagination.
Attends, est-ce que Genesis fait preuve d’une imagination débordante pour créer ses flammes ou ses trucs hyper classes. Seigneur, faut aussi que j’lui demande.

Après ma p’tite chorégraphie et l’fait à circuler la magie dans mon corps, il me suffit d’imaginer l’vent pour l’voir apparaître. Ici ? C’est moi qui veut l’vent, du coup, j’pense à lui. Une image simple, j’vois la brise qui passe sur un champ de blé, faisant plier les végétaux sous sa force. Après ça ? Pouf. Le vent.
Meilleur instructeur de l’univers. Avec ça, si quelqu’un est capable de commander au vent, j’serais aussi impressionner que lui.

À moins que ce soit l’maître. Aqua, elle est douée et peux faire ça sans la moindre difficulté.

Enfin, j’parle beaucoup et j’joue les vieux maîtres au sommet de la montagne mais il commence à se faire tôt et j’viens encore de promettre un truc. Sauf que, sous un soleil pareil, j’vais pas trouver un chocolat chaud ! Ou j’prends une tablette de chocolat et j’attends que sa fond. Est-ce que j’ai l’temps pour ça.

Maintenant, j’me pose à ses côtés et j’le regard dans les yeux et j’lui donne un p’tit coup d’patte sur l’épaule.

La leçon est fini ! Donc, mon gars, qu’est-ce qu’on fait maintenant ? J’connais un excellent endroit pour les chocolats chauds, mais ça s’trouve au Jardin Radieux et j’sais pas si t’es partant pour la ville. Et puis, il y a aussi ma brasserie dans cette ville, mais j’ai pas de chocolat dans mon atelier.
Une bière au chocolat ! Voici une idée saugrenue, il va falloir que j’y pense, demain.


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« Oh si ! Si, j'suis partant ! » répondit-il, se raidissant d’excitation ! Un lieu connu du Père Noël ? Un lieu qu’il appréciait ? Un autre monde ? Ioan était prêt, plus que prêt. Et puis, l’atelier de son ami ? Il voulait le voir. « Atelier. » Voilà un mot qui faisait briller ses yeux.

Revigoré, l’enfant se releva vivement ! « On y va ? » dit-il tout en souriant largement. Ses mains impatientes vinrent trouver l’une des imposantes pattes de Chen, l’invitant à le suivre. D’un regard, il salua l’arbre, et le banc. D’un mouvement de tête, il adressa discrètement le petit local, dormant à l’écart. Puis enfin, il se retourna. Allant de pavé en pavé, accueillant leurs silencieuses révérences, le garçon entraînait son ami vers les rues. Leur bruit s’intensifiait — les pas, les rires, les mots, le cliquetis des bracelets et des clefs. Nulle place pour la tranquillité ici ; c’était, après tout, un après-midi ensoleillé, un après-midi de fête. Draps et vêtements se pavanaient aux fenêtres, exposant leurs mille couleurs ! Les verres s’entrechoquaient à la terrasse des cafés, cognant leurs plus belles notes.

L’enfant ne s’interrogeait que peu des regards de certains passants, manifestement intrigués, sinon surpris. Il ressassait leurs expressions comme autant de feuilles dans un herbier. Son monstre généreux attirait l’œil, tout simplement.

L’inquiétude qui perla sur le visage d’une femme aux yeux chrysocolle piqua toutefois son intérêt. Mais à peine fit-il un pas, que sa propre main logée dans la poigne douce de Chen le rappela à son but : l’atelier du Père Noël. Voilà qui valait bien les pierres précieuses qu’il avait vues dans les yeux de cette demoiselle à la peau d’or, et aux cheveux grenade.
Il se ravisa.

« Il est grand ton atelier ? » questionna-t-il, curieux. Son esprit s’envola un instant, cherchant à retrouver le chemin vers les boîtes glissant entre les étoiles. Il leur fallait descendre la rue. Ioan s’en assurait, s’aidant de la direction des vagues sur un pot de terre cuite qu’il avait déjà vu. « Tu l’as d’puis longtemps ? Maître Patregain dit que c’est toute une aventure d’avoir un atelier, et que ça vaut les récits des grands héros. » Tiens, qu’y avait-il dans cette ruelle ? Le garçon bifurqua, quittant l’ombre d’une maison pour une autre. C’était une ruelle étroite et humide, sans fioritures. Simple. Une ruelle sans porte, ni fenêtres. Y résonnaient les pas de ceux qui s’y aventuraient, permettant au tapis de pavés qui la couvrait de s’exprimer comme nul autre. Hâtant légèrement le pas, puis le ralentissant — effectuant un bond léger, même — Ioan s’amusait de cette bande incongrue dont l’écho était l’instrument principal. Le pas lourd de son ami y ajoutait une basse agréable. Ronde, à son image. Un divertissement qu'il apprécia, mais d’une courte durée : voici que la ruelle arrivait à son terme, se déversant dans une petite rue commerçante.

Tenu par la seule patte de son monstre généreux, l’enfant se laissait guider par l’impression réconfortante d’un magasin à la devanture boisée, et par l'inhabituel d’une façade de verre impeccable ; par le son clair d’une porte ouverte, et par l’odeur toute particulière d’un poulet cuit à la broche. Un art en soi ! Un art, tel que son monstre généreux en pratiquait dans son atelier. « Y’a beaucoup de choses dans ton atelier ? J’pourrai essayer ? » Il se tut un instant.
Il avait cru entendre quelque chose. Ioan regarda autour de lui, puis derrière son camarade. Il leva la tête vers le ciel, puis l’abaissa vers le sol. Sans résultat apparent, il reprit. « Je… j’voudrais t'faire un p’tit quelque chose aussi. »

Qui donc, l’appelait ?

— Dring dring flottait la sonnette. Une petite sonnette criarde et alarmée. Dring dring s’annonçait-elle, zigzagant entre les demoiselles et la damoiseaux. Dring dring s’excitait-elle, pressée. Ioan tourna la tête.

Perché sur un amas de tiges métalliques et roulantes, un homme vêtu de bleu foncé dévalait la rue. Il était encore difficile de le percevoir, dissimulé par quelques passants peu attentifs, le crâne engoncé dans une boule luisante. Mais comme il violentait la jeune artiste ! Usée de pressions répétées, la pauvre sonnette criait et criait. Sa voix cassait un peu plus à chaque seconde qui passait, et crissait. Le garçon s’arrêta, tirant doucement le bras de son ami, la mine concernée.
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Attends, c’pas possible là ! C’est quoi c’monde avec quarante degrés à l’ombre et une milice à vélo qui t’interpelles après une attaque évidente de la Coalition Noire. Si ça continue comme ça, il ne pourront plus jamais compter sur un partenariat avec ma brasserie et sur ma présence.

Au bout d’un moment, j’veux bien rire, mais ça commence à faire beaucoup.

Arrêtez-vous !
Là, il tient la manche et s’retrouve à contrebalancer de tout son poids, forcément que j’vais finir par m’arrêter.

Il y a un problème mon… Ohoho ! Pourriez-vous cesser de pointer ce truc sur moi ?
Une heure que l’on vous traque, vous n’allez pas m’échapper.

Pour ceux qui n’ont pas compris, il est occupé à me maintenir en respect avec un spraie aux poivres. Et pour ceux dans le fond ? C’est la pire chose qui puisse m’arriver en ce jour. Après la disparition de Ioan. Car vous savez, j’ai un nez délicat et cette saloperie risque de m’enrhumer pour la semaine !

Que l’on me… Traque ?
Le tuteur de cette enfant à été clair et nos équipes sur la plage aussi, vous avez kidnapper cet enfant. Maintenant, vous allez me suivre jusqu’à la station sans faire d’histoire.

Oh. Là, mon sourcil s’arque légèrement vers les cieux et j’en viens à mener ma main au menton. Il ne s’agissait pas d’une attaque de la Coalition Noire en short rouge et j’me retrouve à enlever Ioan ?

. . .
Attends.

. . .
Non, c’est pas possible. Il doit s’agir d’un autre agent de la Coalition Noire et celui-ci à dû voler un vélo pour donner le change ! Bon, par contre, j’vais pas lui mettre un coup d’patte et m’enfuir avec le gamin sous l’bras. Comme la tactique de l’étranger, du vent, des clones et de l’étonnement ne marche pas… Il me reste une solution.

Vous faites erreurs.
Un ours bicolore qui attire des enfants avec de la glace, il n’y en a pas des centaines sur cette plage. Vous allez…
Mais je vous assure que vous faites erreur, monsieur. Ce garçon est mon apprenti et je suis le Maître Brasseur du Consulat, il est sous mon aile et j’viens de l’amener ici pour qu’il se change les idées.

Hop, clin d’oeil à Ioan et p’tit coup pour attirer son attention.

Là, nous devons rentrer car il y a des dizaines de cuves qui n’attendent plus que nous pour continuer leur bonhomme de chemin jusqu’à la bouteille. Il m’est in-di-spen-sable.
Vous…
C’est sa cuvée ! La première… Et surtout… Imaginons que tous à bruler parce qu’un agent m’a retenu ici ? Qui va payer ?!

Ahaha ! C’est pas bien d’mentir, mais autant faire goûter la médecine de la Coalition Noire à ses agents. Et puis ? Qui peux croire que j’suis un menteur ? Personne ! Bon, par contre, il faut qu’il soit de mon côté sur le coup.

Vous n’avez qu’à lui demander ! N’est-ce pas, Ioan ?
Est-ce que c’est vrai, petit…?


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