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Nous sommes quatorze ans après les évènements de Kingdom Hearts 2. En tant d’années, les choses ont considérablement changé. Les dangers d’hier sont des soucis bénins aujourd’hui, et au fil du temps, les héros ont surgi de là où on ne les attendait pas. Ce sont les membres de la lumière qui combattent jour après jour contre les ténèbres.

Ce n’est plus une quête solitaire qui ne concerne que certains élus. C’est une guerre de factions. Chaque groupe est terré dans son quartier général, se fait des ennemis comme des alliés. Vivre dehors est devenu trop dangereux. Être seul est suicidaire. A vous de choisir.

La guerre est imminente... chaque camp s'organise avec cette même certitude pour la bataille.

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La Chute de Nottingham

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La perte de sang n'est pas grave, j'ai assez d'adrénaline là dedans.

<< Ce n'est pas une autorisation ça, c'est un ordre, Générale! >>

Je repris ma hache dans cette poigne, fronçant les sourcils, à l'affût. Suivant la générale. Abattant ma hache sur ceux qui étaient déterminés mais pas assez fort. La générale se bat bien, autant montrer que j'en ai toujours à revendre! J'attrape un bras tendu en ma direction, pour m'asséner un coup de dague, un coup de poing dans le coude, un hurlement de douleur, je lui arrache son arme et je soulève son membre, un, deux, trois coups de dague en direction de l'aisselle. Puis un coup de poing, il est à terre mais il se videra de son sang bien assez vite.

L'avancée continue en suivant la générale, en cassant une ou deux bouches sur le chemin. Je vois un adversaire lever son arme pour achever un soldat au sol, je lui tire violemment le genou à l'aide de la hache et abat mon courroux sur son dos d'un coup bien mérité. On n'achève pas quand les environs ne sont pas sûr! Je sentais que les combats seront de plus en plus rapprochés et que là où on allait, j'allais avoir besoin d'un peu plus de couverture. Arracher une épée et un bouclier à des cadavres sanguinolent, ils n'en auront plus tellement besoin. Bloquant les coups et contre-attaquant en même temps, taillant les jambes en plaçant une garde haute.

Arrivés devant une porte, je me penchais sur la serrure et je regardais mon partenaire, Petit Jean. << Je propose la manière brute. >>

Sans vraiment attendre ni réponse, ni approbation, je saisi ma hache et vise juste à côté de la serrure pour fragiliser le bois. La discrétion n'est pas très utile vu qu'ils étaient entrain de fuir. Une fois que le bois était assez endommagé - et ça a pris un peu de temps je dois admettre -, un grand coup de pied façon pirate de port-royal pour ouvrir la porte royalement! Et se faire accueillir par une flèche, dans le bouclier certes. Mais une flèche quand même.

Les meubles, sans dessus-dessous, retournés, et nous voilà les invités d'honneurs ! Dieu merci ça fait une couverture relativement acceptable, c'est surtout dû à la garde-robe renversée, mais de l'autre côté, plus on va déblayer plus on sera à découvert. Je n'aime pas trop ça. En vérité je n'aime pas ça du tout. Petit Jean à mes côtés déblaye comme il peut, et moi dès que j'ai le malheur de montrer ne serait-ce qu'un bout, je me prends une flèche. On est couverte par les forces de la générale comme ils peuvent, mais c'est pas facile.

J'essaie de retirer et de trouver des armes de jet improvisées, mais ces pieds sont ridicules, ils casseraient en un rien de temps. Petit jean me tends un tabouret, et je fais un jet de tabouret athlétique façon... Pirate bourré de port-royal! Sans vraiment chercher à viser, plutôt à déranger. Je ne sais même pas si le tir à fait mouche. En même temps ce serait compliqué de toucher comme il faut la cible dans une pièce pareille, dans un environnement pareil, dans une ambiance pareille. Tout ce qu'il reste à faire, c'est déblayer!
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La fièvre du combat rongeait quiconque se trouvait au coeur de la cour du Château de Nottingham. Les gémissements plaintifs, les cris de rage, le crissement des armes et des amures. Freyja se sentait comme saoul au coeur même de la bataille, rendu ivre par la douleur et la fatigue qui ne semblait jamais vouloir s’arrêter.

Elle désirait tant gouter au repos, bondir en arrière et quitter à jamais la hantise de ces murailles.

Seulement, ce n’était pas le moment. Elle ne devait plus fuir. Des années durant, elle n’avait fait que cela et ne c’était pas en ce lieu qu’elle allait honorer cette vieille habitude. La rate avait encore une chose à accomplir, un dernier acte avant de succomber à ce qui exprimait l’essence même de cette jeune femme. Une main ensanglantée, pressant la tâche qui ne cessait de grossir à sa chemise, elle tanguait péniblement entre les corps sans vie et les morts à en devenir.

Compagnon, nous y sommes presque !
Freyja tournait la tête, nerveusement, levant le museau aux paroles qu’elle parvenait à distinguer. Était-ce Robin, Petit-Jean, le Général ? Il semblait que même ses oreilles refusaient à comprendre ce qui se passait.

Pourtant, il y avait cette ombre qui grossissait et cachait les nuages à la vue de la rate.  Elle levait les yeux et il semblait que le dernier des rhinocéros se dressait devant-elle, la masse ruisselante de sang, le corps d’un sanglier à ses pieds. Le périssodactyle levait son arme au-dessus de son épaule, fauchant le sol avec pour aucun autre but que d’accentuer sa liste de trophée.

Fuyant la mort, la rate laissait glisser ses pieds et tombait en arrière, esquivant de justesse. Ayant planter sa lance dans le sol, elle tirait dessus pour se relever et planté la pointe au cou de l’animal. Ornant d’une nouvelle pointe le corps du monstre. Elle tournait, reculait, poussait sur ses jambes alors que la lame s’enfonçait plus profondément et produisait un cri guttural qui jamais ne s’effacera de son esprit. Par chance, Freyja n’était pas la seule à avoir tenté de faire tomber la bête et il s’affaissait sur lui-même et s’écrasait au sol.

Le sol trembla, elle se recula alors pour extraire son arme et reprendre sa position au sein de cette bataille.

Que pouvait-elle faire de plus. Les pattes de la rate étaient couverte de sang, celui du rhinocéros ayant coulé le long de sa lance et teintant celle-ci du carmin de ce jour. Le filtre. Elle avait déjà aperçu cette couleur prédominante en ce jour et pourtant, tout était gris et seul brillait sa présence de rouges. Loup se battait, marquant leurs crocs au cou des rebelles. Un hibou tournait la tête sous la douleur, un de ses ennemis tirant dans sa gueule un large morceau de chair. À côté, ils étaient trois à planter leur arme dans un corps sans vie.

Elle aura pu vomir à ce spectacle, pourtant, elle semblait s’y être habitué.

Soudain, le temps s’arrêtait et son regard se figeait. Il était là, à quelques mètres d’elle alors que sa propre lance s’extirpait du corps d’un lièvre. La cape grise tombait devant lui, inerte et leurs deux prunelles se figeaient. Un pincement lui venait au coeur, pompant de plus belle, faisant frissonner et dresser son poil à sa vision. Lui ? Il répondait d’un mouvement sec, les crocs à découvert et une trainer de sang sur son passage.

Toi !
Il semblait hurler ce mot, cet unique mot. Freyja l’imaginait, il devait bien s’agir de cela. Il levait son arme, pointant la lance en direction de la rate. Une belette cherchait alors à s’interposer, il tournait sur lui-même, un mouvement lent et calculé dans un cri strident. Celui de l’acier fendant l’air. Le rebelle ne s’arrêtait qu’à l’instant où son corps toucha le sol, les yeux inertes de toute vie.

Aiden, non…
Elle était partagée. Les bras refusaient de lui obéir et s’abaissaient alors que son esprit hurlait de fuir, de courir loin de tout cela.

Pourtant, ce n’est pas elle qui faisait le premier pas.

Le sherif de Notthingham se propulsa, fonçant au travers du champ de bataille et préparant un coup d’estoc. L’instinct de survie battait la raison de Freyja. Elle chutait sur le côté pour éviter l’attaque et se redresser d’une roulade.

Qui es-tu ! Dis-le moi…
C’est moi, Freyja, tu devrais le savoir.

Ses genoux tremblaient, s’entrechoquaient, la voix de la rate se faisait éraillée et peinait à prononcer ses mots. Il était là, elle le voyait, il n’était qu’à un pas de l’étreinte.

Elle est morte !
La fièvre semblait plus forte chez lui, aucune compassion ne se lisait dans ses yeux et son geste ne trahissait rien. Il plongeait de nouveau, dressant sa pointe vers les cieux et s’apprêtant à fendre la rate en deux. Brisée, Freyja bloquait péniblement le coup avant de donner un coup de pied pour se dégager de la mêlée. Il jouait alors de son arme, la passant dans son dos avant d’accentuer la fréquence de ses frappes.

Elle pensait qu’elle accepterait ce moment, serait parée à le vivre. Il n’en était rien. Freyja reculait et s’effondrait à chaque échange entre les deux amants.


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« Vite ! » criait Will l’Écarlate à Petit Jean et Heinrich. La générale ne réagit pas, entièrement concentrée sur la bataille qui faisait rage devant eux, sans pouvoir s’y plonger. Ils allaient finir cette guerre, ça ne faisait plus aucun doute. Elle observa les remparts jusqu’ici encore aux mains des régents, rapidement investis par des brigands. Des combats y faisaient rage, inéquitables et violents, opposant des loups à peine armés à des hybrides en tous genres, fatigués mais enragés. Il restait malgré tout ici et là dans la cour des formations de soldats plus compactes, ayant pu se préparer à l’assaut rebelle. Rhinocéros, éléphants et hippopotames étaient, dans ces groupes, épaule contre épaule, en garde.

La victoire était à eux. Aussi bons soldats étaient ces géants, ils ne résisteraient pas face aux capes grises. Et… une fois Kefka mort.
Derrière elle, Heinrich et Petit Jean repoussaient ou tiraient les meubles et les chaises, qui les empêchaient d’entrer dans le donjon, gênés par quelques tirs imprécis des soldats à l’intérieur. Si l’Écarlate et elle, ainsi que quatre rebelles qui les avaient rejoints, étaient autour d’eux pour les couvrir, il s’avérait que déjà à cette heure de la bataille, les ennemis étaient trop dispersés ou sur la défensive pour s’attaquer à une huitaine de combattants unis. Ils en avaient éliminé quelques-uns. Et ils attendaient, nerveux mais animés par l’énergie de cette dernière minute, du moins pouvait-elle le supposer pour les autres.

S’il y avait moins de résistance dans la cour, il y avait encore le risque. Elle croisa les yeux d’Ambre, le visage teinté de sang, se frottant le front de son coude. Celle-ci hocha simplement la tête avant d’aider un autre rebelle dans son combat. À vrai dire, la Générale serait contente si sa seconde ne l’accompagnait finalement pas dans le donjon.


« Générale, Will ! » cria Petit Jean derrière elle. Ils se retournèrent prudemment. Il restait quelques meubles derrière la porte défoncée, mais rien qu’ils ne pourraient enjamber ou pousser. Ravness avança en première, faisant un signe à Heinrich, le bouclier contre le corps, et pénétra dans le donjon. Une flèche fusa. Elle leva son bouclier et arrêta la flèche, avant de continuer à marcher, plus dynamique, plus violente. La générale fit de larges coups d’épées devant elle pour briser les objets qui la gênaient alors qu’elle parait une autre flèche. Enfin… elle sortit du fouillis de barricade, avança dans la pièce pour voir ses ennemis. Devant elle, au rez-de-chaussée de ce donjon, étaient groupés plus ou moins sept loups, dont quatre qui les menaçaient de leur arc, retenus d’un ordre donné par une main levée. Alpha attendait, une longue épée dans l’autre main. Le loup noir, dernier de la Meute, regardait les huit brigands entrer dans la tour, protégé par une dizaine d’énormes combattants, rhinocéros, éléphants, hippopotames. Aucun d’entre eux ne semblait réellement effrayé et… ils avaient l’avantage du nombre. Mais Alpha la regardait profondément, chacune de ses respirations bruyantes ressemblait à un soupir.

« Tu peux te rendre. » prononça Will, chacune de ses mains tenant une dague. « Non. » répondit aussitôt la générale. « Vous avez pas besoin de mourir. Et vous savez que c’est fini. C’est Kefka qu’on v.. « Non. » répéta-t-elle sèchement, sans détacher son regard de l’ennemi. Huit contre presque vingt. Ce ne serait pas facile mais… Alpha avait raté depuis longtemps l’opportunité de se racheter. Oui, ils risquaient tous de mourir ici pour ce refus mais elle ne pouvait accepter de tâcher ses principes plus encore. Alpha fit un non de la tête.
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Bien trop vite, Freyja se retrouvait acculée contre la muraille de château. Il n’y avait plus aucune échappatoire. L’hampe de sa lance se cognait contre la pierre alors qu’elle tentait vainement de contrer un nouvel assaut du shérif, le cri du métal résonnait aux oreilles de la rate et les pointes de leurs armes embrassant le sol. Leurs visages étaient si proches.

L’un emprunt d’inquiétude, de peur et d’une crainte en allant jusqu’à guider les larmes à ses yeux. Alors que le second annonçait l’exact opposé.

Arrête de mentir…
Aiden crachait ses paroles, exprimant le dégoût qui semblait l’envahir à la vue de cette rate. Les crocs acérés, le regard brûlant. Elle ne cherchait rien d’autre qu’à fuir cette vision. Elle dressait son genou, frappant son adversaire au ventre et profitant de l’ouverture pour se glisser et s’extirper de cette emprise.

Écoute-moi, pour une fois ! C’est moi. Pourquoi est-ce que tu refuses à le croire.
Elle se retournait, redressant son arme à cause de la peur qui l’envahissait. Lui, il se retournait maladivement, un bras sur les côtes et approchant d’un pas lent.

Tu ne peux pas être Freyja, elle est morte. Je le sais.
Non, je suis bien vivante.

Il bondissait de rage aux dernières paroles de la rate, levant son arme et tranchant l’air d’un mouvement sec. Freyja parvenait in extremis à éviter le coup, plongeant en arrière et rejoignant les airs dans une cabriole pour se retrouver au sommet des murailles.

Les après-midi à l’abri des blés, assis sur une barrière !
Elle criait ses mots à son attention, semblable à des fragments de souvenir qu’elle jetait dans les airs. Des histoires qu’eux seuls pouvaient partager. Il criait d’autant plus fort, plantant la hanse dans le sol et brandissant pour la rejoindre. Elle esquivait alors le coup, plongeant sur le côté et glissant sur le chemin de ronde immaculé de corps.

La ferme !
Nos promesses, nos histoires sur la forêt de Sherwood.
La ferme !

Une autre attaque, un coup aérien propulsant deux traits dans les airs que la rate se retrouvait à esquiver d’une roulade.

Le noeud de soie que tu m’avais offert…
Tais-toi, tais-toi… Tais-toi !

Il plongeait, prolongeant son corps dans son mouvement dans l’impulsion. Freyja sautant sur l’une des meurtrières mais n’esquivant pas le coup de queue la fouettant en plein visage. Elle reculait, déboussolé, parvenant seulement à esquiver le coup d’estoc.

L’incendie de la forêt !
La rate criait ses derniers mots, paralysant le shérif l’espace d’un moment avant qu’il ne se jette et enchaîne les coups d’estoc après avoir déposé sa hampe sur son avant-bras. Elle n’avait d’autres choix que de fuir. Elle reculait d’un bond, un second, se retrouvant au sommet de la herse alors que la rage imbibait la cour du château.

Aiden et Freyja, seuls au sommet du chemin de ronde, se fixant les yeux dans les yeux pendant que les larmes naissaient dans le creux de ceux de la rebelle.

S’il te plaît, Aiden…
Elle se voulait suppliante, ignorant presque les bruits et la guerre. Quoi qu’il arrive, son coeur ne voulait écouter que ces paroles.

Ne m’oublie pas…
Ce n’est pas toi.

Tout semblait s’arrêter. Freyja se retrouvait figée, la bouche ouverte, observant le regard de l’homme qu’elle aimait lui adresser un regard dont elle n’avait pas la force pour le supporter. La mâchoire tremblante, la pointe de sa propre lance frappant la pierre, elle tendait désespérément un bras en avant. Un mot, une phrase cherchait à quitter la frontière de ses lèvres. Les yeux suppliants.

Elle entrouvrit finalement ses lèvres quand un sifflement résonnait à ses oreilles.

Elle avait un dernier souffle, ses rétines s’écarquillaient alors que sa vision se teintait de noir. Nerveusement, elle cherchait à capter l’air. Le bruit répétitif du métal inondait la scène alors que son arme tombait au sol et que sa main se guidait à son cou. Le pelage de Freyja changeait de ton, s’illuminant du liquide carmin qui semblait s’écouler entre ses doigts.

Je t’aime…
Les jambes de la rate n’avaient plus les forces pour la portée. Elle titubait, posant sa main sur la muraille avant de glisser et tomber à la renverse. S’engouffrant dans le vide, guidé par le souffle du vent sur sa peau avant la finalité de sa chute.


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Le Sherif de Nottingham se redressait, laissant glisser la hampe le long de ses doigts alors que son regard se figeait sur celui de la cape grise. Les yeux envahie de rage devant cette vision.

La rebelle était morte.

Il dégageait de la pointe de son arme la patte qu’elle tendait, affichant la plaie à son cou, une entaille laissant filtrer la vie.

La rate était morte.

Il la regardait. Pitoyables, faibles, elle ne pouvait être celle qu’elle s’imaginait être. La femme qu’il avait aimée n’était pas cette geignarde pathétique.

Cette femme était morte.

Elle prononçait quelques mots, chutant, disparaissant finalement de sa vue. Le coeur d’Aiden se figeait dans sa poitrine alors qu’un tremblement l’envahissait.

Elle était morte.

Le Sherif s’avançait, laissant la pointe de son arme retomber sur le sol alors que sa vision passait les pierres jusqu’à se diriger vers la cour du château. Cette rate. Elle reposait, inerte au sol, face contre terre et son sang se répandant sur le pavé. Les trois mots résonnaient dans sa tête alors qu’une larme coulait le long de sa joue.

Freyja…
Le voile devant ses yeux se levait. Il eut un soupir, incontrôlable, se transformant en sanglots alors qu’il passait outre la muraille et tombait au pied du corps. Il tremblait, posant un genou à terre, attrapant la rebelle par les épaules.

Freyja était morte.

Son coeur s’arrêtait, ses yeux se figeaient dans le livide de ceux de son amante. Il tentait de la réveiller, la secouer, l’appeler. Il hurlait, jurait, se maudissait. La Sherif ne parvenait pas à croire ce qui venait de se produire, il ne pouvait simplement pas imaginer ce qui venait de se passer, il lui était impossible de concevoir ça.

Ses mots se mélangeaient à ses sanglots.

Et la rage éclatait. Elle était morte, par sa faute et il n’avait rien fait. Il ne l’écoutait pas, complètement aveuglé par… Par quoi ?! Il ne comprenait pas, il ne parvenait pas à réfléchir.

Aiden se maudissait, mourrait intérieurement alors qu’il enlaçait ce corps sans vie dans ses bras.

Non, non… Non. Non, non, non, non.
Tant et tant d’émotion se mêlaient dans le Shérif. Donnant un gout amer à tout ce qui l’entourait. Brouillant ses yeux dans les flots. Dégageait quelques choses du plus profond de son corps. Un miasme noir semblait émaner de son corps, l’enveloppant lui et son aimé et le consumant.

La petite fille de Sherwood était morte.

Dans toute la cour du château, des miasmes noirs éclataient de part et d’autre. Des sans-coeurs. Ils venaient à ce couple au bord du précipice, avide de gouter à toutes les ténèbres qui semblait naître du Shérif. Archers au bonnet pointu et soldats à l’épée dansaient au coeur de cette scène. Rebelle et garde du régent se figeaient devant cette vision.

Désolé…
Il s’enfonçait dans cette tignasse teintée de sang, plongeant son visage à son épaule. Le sang se mêlant à ses larmes.


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Sora avait tout vu.

Ses poumons étaient vides et il n'arrivait plus à inspirer. Il fallait paniquer mais il n'en avait même pas la force. Elle était tombée du haut de la muraille, brutalement, trop vite, bien trop lourde.

Pourtant Freyja avait volé. Avec sa lance, elle avait volé.

Les combats continuaient autour d'eux dans un vacarme de cris et de chocs. Lui restait là, bêtement planté, incapable de se mouvoir et de crier. Il voulait détourner le regard, il était déjà bien trop près. La cape grise ne bougeait pas.

Pourtant Freyja avait dansé. Dans sa lutte de crocs et de sang pour le protéger, Sora en était certain, elle avait dansé.

Son assassin avait sauté auprès d'elle, son amant la serrait fort comme s'il pouvait la faire revenir. Ca ne marchait pas. *Ce monde est maudit.* pensa Sora. Ses jambes commençaient à tanguer et des picotements lui montaient à la tête. Par réflexe, il inspira.

Des sans coeur dans la cour, sur les murailles. Quelques uns d'abord, puis de plus en plus. Tout le monde semblait surpris. Tout le monde sauf lui. Il se dirigea vers les plus proches, keyblade dans les mains et frappa. Le bruit sec et mou du choc, le petit gémissement inhumain, il connaissait. Il avait entendu ça tant de fois. Ses gestes revenaient, machinaux, interrompant leur petite valse ridicule, les empêchant de voler le coeur d'un hippopotame. Il avait échoué. Du coin de l'oeil, il aperçut un autre petit groupe de mini soldats foncer sur lui en se dandinant avec leurs grotesques épées. La keyblade les faucha méthodiquement, l'un après l'autre, et les coeurs s'échappèrent vers le ciel pour tomber sous le joug d'un autre tyran. Il n'avait pas été là pour elle.

Une douleur à la cuisse, rien du tout. La flèche d'un sans coeur archer posté sur les marches qui menaient au chemin de ronde. Sora prit un peu d'élan, tendit les bras en arrière par dessus sa tête et lui envoya son arme droit dans le bonnet. Peut-être que ce n'était pas le monde, le problème. Trois archers venaient d'apparaître sur les marches, là où gisait Chaîne Royale. Il courut vers eux, esquiva leurs tirs sans grâce et en envoya valdinguer deux d'un seul coup de pied. Il récupéra sa keyblade juste à temps pour assomer le dernier. Il aurait du ressentir son départ bien plus que ça, il aurait du pleurer. Sa gorge se serra. Ca le rendait malade.

Les sans coeur pullulaient dans la cour, créant une vraie pagaille. En sous-nombre, les dévots de Kefka se retranchaient, certains tentaient de fuir comme s'ils avaient trouvé pire qu'eux. Les rebelles se battaient encore contre tout le monde. Des boules de feu fusaient du mur, lancées par un homme-chien au pelage blanc. Elles étaient assez efficaces, se dit Sora. Son regard retomba sur l'assassin et Freyja, encore soudés par les ténèbres, entourés de sans coeur affamés. Sans réfléchir, il sauta de l'escalier, se réceptionna en pliant les genoux et darda vers eux. Comment faisait-elle, déjà ? Ah, oui. Montrer les crocs. Allonger l'arme pour percuter. Glisser en arrière et, dans un mouvement circulaire, viser le cou. Prendre appui sur l'arme pour voler, danser. Faire mal, saigner. Crier de rage, souffrir. Sora voulait faire tout ça à la fois, être tout ça à la fois. S'il le pouvait, alors elle serait là. Il suffisait d'y croire.

Il suffisait d'y croire.

L’avenir me terrorise…


*La rate est morte*, énonça doctement sa part d'ombre, dans sa tête. *Quel gâchis. Tu aurais du me la laisser quand on en a eu l'occasion.*

Oui. C'était Freyja qui avait raison, au final. Son chemin était tracé depuis le départ, et bien idiot celui qui avait tenté de le changer. Les mots d'espoir qu'il anonnait à la ronde, qu'il pensait investis d'un certain pouvoir, tous ces mots semblaient retomber maintenant au fond de sa gorge et ils avaient un goût de cendre. Qu'il était ridicule ! Au mieux, il n'avait abattu que deux de ces pathétiques sans coeur.

"Attention, compagnons, en voilà un gros !"

*Robin.*

Mécaniquement, sans méthode réelle, Sora cogna les petits sans coeur autour de lui, et cogna encore jusqu'à ce qu'ils disparaissent enfin de sa vue. Il se prit bien quelques coups d'épée mais la douleur sur son flanc droit était encore la plus forte. Au moins le sang avait cessé de couler. Il tourna la tête vers la voix de Robin et vit le gros, l'énorme sans-coeur qui venait d'apparaître. On aurait dit un de ces rondouillards, balourd, yeux inexpressifs, sauf que celui-ci était bien plus imposant et portait un chapeau d'archer qui lui rappelait celui de Bobby, avec une plume violette bien trop grande. Son gros ventre était cerné de petites cibles rouges et blanches, solides, qui tournaient autour de lui comme autant de ceintures, assez lentement.

"Visez les cibles !" cria Sora en manquant s'étouffer. Sa gorge était sèche. Il déglutit et reprit : "C'est la seule chose qui lui fera mal." Puis, pour l'exemple, il se rua vers l'ennemi, passa sa keyblade au dessus de sa tête et l'abattit sur une des cibles mouvantes qui tangua sous le choc. Il frappa encore, jusqu'à ce qu'elle cède et le rondouillard fit un saut. Par réflexe, Sora se replia en arrière, évitant de justesse l'onde de choc qui l'aurait propulsé plus loin. "Quand il saute, écartez vous !"

"Bien compris. Allez, criblez moi ce gros boudin de flèches !" Certains rebelles montaient sur la muraille pour la sécurité, pour l'angle de vue. D'autres s'occupaient des petites frappes. Ils s'organisaient, malgré la fatigue et l'inconnu. Ils croyaient en Robin, leur héros.

Félicitations, Sora. Tu es le véritable héros dont ce monde avait besoin.

Sora sourit, ricana même en envoyant sa Keyblade trois fois contre le sans-coeur aux cibles. Quand Freyja lui avait dit ça, il l'avait pris au pied de la lettre. Maintenant, seulement maintenant, il comprenait l'ironie.

*J'suis désolé mais t'es plus le héros, Sora.*

Par contre ouais, ça c'était clair. Il partait en couille, il avait joué au con. Roxas l'avait prévenu, il ne l'avait pas écouté. L'espèce de sans coeur gras du bide rassemblait ses cibles pour n'en former qu'une seule et putain, elle était énorme. Genre même Riku avec les yeux bandés il aurait pu la toucher. "Cassez vous !", je dis aux rebelles qui restent la comme des andouilles à regarder le sans coeur lever sa grosse cible. Puis je vois que c'est sur ma gueule qu'il veut la balancer. Et merde ! J'me casse de la mode super ninja en espérant qu'il est pas trop mou du bulbe, faudrait éviter qu'il dégomme Freyja même si bon, elle est morte. Mais ce serait dommage. Au moment ou il envoie son machin, je saute haut, très haut, hop, et je plane...

Je vole...

Jusqu'au mur d'à côté sur lequel je marche pépère, à la verticale, pour débarquer sur le chemin de ronde. Les rebelles qui sont là me regardent l'air bizarre mais c'est pas important. En bas, la cible a finalement envoyer bouler pas mal d'entre eux avec les meubles qui trainaient là.

"Ca y'est, il m'a énervé."
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J'entendais la générale déterminée, répétant des non à tue tête. Je sentais qu'à 8 contre 20, et aussi fort qu'un homme ou un animal puisses-t-être dans ses retranchements, que pour le remporter il fallait être prêt à vendre chèrement sa peau. Bien que je peux avoir la volonté de la vendre, est-ce que je vais finir par la vendre?

Jamais. On va se battre comme si. En profitant de ce moment de flottement pour sortir une pierre à aiguiser de ma sacoche, ce son répété de cette lame que j'aiguise, je ne sentais pas de peur, je ne sentais pas de trac, je sentais cette confiance qui planait chez l'ennemi, assurés d'une victoire par le nombre, la position. Je secouais la tête.

<< Je vous le dit, je ne vois que des morts en sursit. >>

Quelques pas, la hache préparée, un rhinocéros, dans un lieu comme ça je vais pas pouvoir faire des grands gestes, il va falloir se limiter, garder cette épée que j'ai trouvé, affronter l'ennemi au corps à corps,  à coup de gnons plus que d'arme! Mais la mêlée est confuse, lente, loin du rythme où un coup fait un mort. Le choc de l'acier, l'adrénaline qui remonte dans les veines, les étincelles, le coup de tête pour mettre le rhinocéros à terre! Lever son arme et... Se faire interrompre par un vautour avec une lance! Dans l'épaule en plus! La douleur me fait sentir con et surtout, constater que derrière cette ligne, il y a encore des ennemis qui nous attendent!

<< Attention! Il y en a d'autres derrière! >>

Je regardais le rhinocéros ce qui se redressait, agissant avec menace sa morgenstern, le sourire arqué, passant l''épée de main en main. Rassemblant l'énergie dans mes tripes, hurlant avec férocité dans la ligne d'ennemi en face de moi pour les renverser. Me ruant dans le combat de nouveau, avec une force présente, imposer le respect à la pointe de ma lame, si ce ne sera pour tuer, ce sera pour faire paniquer. Je doute en tuer autant qu'avant, aussi vite, avec autant de ferveur, il fallait surtout tenir la cadence. Pas au nombre de coup donnés, mais au nombre de coup qu'on peut encaisser. Parades, bottes, coup de pied, tout est bon pour faire gagner du tout.

J'entends les rares cris de ceux qui tombent, et je serais incapable de dire à qui est l'avantage. Je vois un rhinocéros lever une arme, un coup de couteau de lancer bien placé, un signe de tête à l'envoyeur!

Le combat continue.
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La générale se rua sur trois rhinocéros formant un rempart entre un archer et elle. Elle leur bondit dessus, l’épée brandie, prête à frapper. D’un coup de bouclier, elle écarta les pointes des lances et frappa de sa main droite. Sa lame toucha à la joue un des mastodontes, sans le tuer, ne faisant que le balafrer violemment et le repoussant. Les deux pieds à terre, elle frappa de deux coups d’épée l’air pour éloigner un des deux rhinocéros et débuta un affrontement avec ceux-ci, parant les nombreuses attaques d’estoc de son bouclier et tentant quelques bottes de son épée, sans succès. Du coin de l’œil, de ses oreilles, elle pouvait mesurer la violence du combat autour d’elle, au sein du donjon du château de Nottingham. Sora, les remparts, la herse, les compagnons. Tout cela lui semblait déjà loin. Ravness avança d’un pas gauche volontaire, baissant légèrement sa garde pour tenter quelques attaques hautes, parées ou esquivées par des rhinocéros qui se mirent sur la défensive, reculant de quelques pas.

Un coup, un réflexe, lui fut portée par une lance. Elle leva vivement son bouclier pour ouvrir une brèche à la pointe, avant de le rebaisser aussitôt, claquant la lance contre le sol, bloquant celle-ci avec son bouclier. Elle frappa mais… à ce moment, sentit une lourde main saisir son avant-bras. La seconde d’après, ses pieds décolèrent du sol, son corps tout entier fut emporté par une ruée. Ravness comprit qu’un rhinocéros l’avait emportée dans sa charge, traversant l’entièreté de l’étage. Elle aperçut la balafre sanguinolente au visage de son agresseur. Tout alla très vite. Son dos fut frappé contre un mur, elle s’effondra aussitôt. Avec rage elle essaya de se relever, voyant du coin de l’œil que le rhinocéros récupérait un des nombreux débris présents à terre. Il s’approcha et, l’instant d’après, la frappa violemment au dos. Il recommença mais… la générale raffermit sa préhension sur la poignée de son épée et trancha, sec, le pied du gargantuesque soldat. Elle se releva aussi vite que lui tomba au sol. Les deux autres rhinocéros, à l’autre bout de la salle, abattirent ensemble un brigand sous poings et guisarmes, avant de se ruer vers elle à leur tour. D’un cruel coup de pied, la générale frappa l’estropié à la mâchoire.

Elle lança son bouclier comme un disque, frappant un premier rhinocéros au genou, le faisant ployer et ralentir dans sa charge. Le deuxième fut épargné de son lancer, pas du reste. Une flèche jaillit d’en-dehors du champ de vision de la générale, touchant le rhinocéros au flanc et le faisant s’effondrer. Une grimace se dessina sur le visage de la générale. Elle courut vers le rhinocéros titubant et sauta sur lui, jusqu’à ses épaules, lovant ses cuisses autour du cou du géant, l’aveuglant de son propre corps. Sa lame transperça le dos de son ennemi, le faisant tomber, lui aussi.


« Ah ! » rugit-elle de douleur lorsque dans sa chute, le rhinocéros écrasa son talon. Elle dégagea de son bras le corps du soldat, pour se relever péniblement et se diriger vers le rhinocéros blessé par la flèche. Mais un loup la surprit, se ruant sur elle dans un hurlement de peur et de rage. Son épée se planta dans son flanc comme le bâton de Moïse dans les flots. Ravness lâcha aussitôt son arme, sous la douleur, et par réflexe, saisit les poignets du loup entre ses menottes. D’une violente pression, animée par sa souffrance, elle lui brisa, le faisant lâcher prise sur sa lame. D’un geste, elle le fit tomber, s’assit sur lui et de ses mains, l’étouffa alors que près d’elle s’approcha un brigand, conscient de sa vulnérabilité.

La générale se releva, finalement, avant d’enlever l’épée dans son corps, la gardant en main. Elle tituba, s’approcha d’un soldat, ignorant le brigand. C’était Alpha. Lui aussi avait fini son combat, lui aussi semblait blessé. Comme une provocation, elle fit apparaître dans sa poigne le bouclier des valkyries, produisant cette lancinante lumière.


« Allez… » murmura-t-elle avant de s’approcher de son adversaire. C’était le dernier chien de la Meute. Il ne restait que lui…


Dernière édition par Général Primus le Jeu 2 Mai 2019 - 1:12, édité 1 fois
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Du haut des remparts du château, Sora fixait le gigantesque sans-coeur et la dizaine de cibles qui lui tournoyaient autour. Tous ses sens étaient submergés. Il lui semblait voir au dela de lui, ressentir chaque vie, chaque être tout autour sans qu'il ait a poser les yeux dessus. Les sans-coeur, les rebelles, les rares soldats de Kefka qui restaient encore, comme des pions sur un échiquier. Comme ils étaient tous si petits et ridicules comparés à lui. Il pouvait tout faire, il était le maître du jeu. Et pourtant, il n'était pas tranquille. Le déferlement d'émotions menaçait de lui faire perdre la tête. La fausse assurance. La tristesse. Une fureur insondable, dirigée contre l'univers tout entier. Une puissance terrible, si extrême qu'il ne se sentait pas assez fort pour la contenir, pour la canaliser.

Pourtant, Roxas lui avait fait ce don. Il devait l'utiliser.

Alors là, je m'élance genre champion du monde d'athétisme et bam, je suis dans les airs. Je vole pas vraiment mais ouais, c'est un beau saut, assez long pour m'amener au dessus de ce connard de sans-coeur qui continue à faire le mariole en balançant ses cibles à la gueule des rebelles retranchés. Je prends ma Keyblade à deux mains, je la lève bien haut et je canalise mes ténèbres-

*Non !*

Je canalise ma lumière, elle fait briller le bout de Chaîne Royale et, d'un coup brusque et violent, j'envoie mon arme au pied du gros sans-coeur en criant : "Apocalypse Fall !" Ouais, je sais pas trop d'où ça vient mais ça pète et j'aime bien balancer des noms qui pètent, c'est mon style !

Quand la keyblade transperce le sol de la cour, ça fait une grosse explosion de lumière qui aveugle tout le monde. Enfin, grosse explosion... Pas si maousse que ça. Non, en vérité, ça fait même pitié. Bon, ça aura au moins eu le mérite d'assomer le gugusse et quelques sans-coeur autour. Les rebelles, qu'étaient pas trop cons, en profitaient pour venir le tabasser et dégommer les cibles qu'il lui restait. Moi, j'étais retombé sur mes pieds à cinq mètres de là, avec classe et un léger dégoût. Franchement, ça aurait du être mieux. Un peu rageux, j'empoigne ma Keyblade et je la tend droit vers le giga sans coeur. Feu, terre, glace, eau, temps, ténèbres, lumière, j'ai l'embarras du choix. Les éléments sont à moi. Allez, je me décide pour un-

Badum.

Badum.

Que se passait-il ? Une douleur étreignait soudain sa poitrine. Un énorme poids l'opressait. Sora tomba à genoux, une main contre son coeur. Celui-ci tambourinait fort contre sa cage thoracique, comme s'il cherchait à s'échapper, à fuir, à le déchirer de l'intérieur. Prostré contre ses genoux, Sora retint un cri de douleur.

Impossible d'y résister.

Badum.

Un nouveau coup, trop fort le força à redresser le buste. Une lègère brise fit voler ses cheveux et flotter les haillons qui lui servaient encore de vêtements. Dans ce temps suspendu, à travers ses yeux embués, il vit une orbe luisante de jaune s'échapper lentement de sa poitrine. *Non, reste*. Il tenta bien de la retenir avec sa main, mais elle se dilua en filaments qui, mûs par le vent, glissèrent entre ses doigts gantés.

"Roxas..." souffla Sora.

Il était perdu. Pourquoi, pourquoi revivait-il ce moment, et pourquoi maintenant ? Devait-il subir encore ce sentiment de perte ? Il l'avait caché, enfoui pendant longtemps pour que personne ne s'en inquiète, parce qu'il s'était cru suffisament fort pour se permettre de l'oublier. Pour oublier que oui, Roxas lui manquait terriblement, tellement qu'il l'aurait bien crié à la cour du château, au monde entier, si seulement il en avait eu la force. Mais cette force le quittait, l'abandonnait là, le laissant avec la sensation étrange et fugace d'avoir perdu quelqu'un de cher, de précieux, un ami qu'il n'avait même pas connu.

L'orbe reconstituée décolla pour rejoindre le ciel et, très vite, elle traversa un nuage.
Sora la regarda partir et baissa la tête, les bras ballants. Le vent était retombé.

Le monde lui paraissait si froid, maintenant. Toutes ses blessures semblaient s'ouvrir à nouveau, lui rappelant la réalité de son état. Même ses genoux, posés contre le pavé trop dur de la cour, lui faisaient mal. Il était faible, faible et seul. Cette vérité lui arracha un sanglot, mais déjà autre chose cherchait à remplacer son chagrin. Une colère diffuse qui grandissait vite, très vite, sans rien pour l'arrêter. Elle lui faisait serrer les poings et les dents. Il la connaissait bien, elle était familière, presque rassurante. Et à cet instant, il lui était si facile de s'y abandonner.

"Sora !"

Robin était là, près de lui, comme un rempart. Il tirait flèche sur flèche sur les sans coeur qui s'approchaient de trop, les arrêtant net dans leur course. Sora releva le menton, fit cligner ses yeux humides pour dévisager le renard dont la main allait chercher une nouvelle flèche au carquois. Leurs regards se croisèrent un instant, bref mais suffisant. Il y avait dans celui de Robin une détermination parfaite, de celles que Sora avait parfois sû afficher.

Robin voulait en finir.

Sora se releva. Tous ses muscles étaient engourdis, son corps meurtri, vidé, épuisé, mais contre toute attente, il tenait encore debout. Tendant le bras, mimant la détermination de Robin, il appela de nouveau sa Keyblade. Abandonner était hors de question. Ils devaient défaire les sans-coeurs et battre Kefka, maintenant. Il allait aider les compagnons de Robin, gagner cette guerre et retrouver Roxas.

Le sans-coeur géant s'était relevé lui aussi. Il n'avait plus que quatre cibles gravitant autour de son ventre, et les rebelles les laminaient de flèches en se protégeant derrière des barricades improvisées avec tables et rateliers vides glanés dans la cour. Sora aurait bien aimé l'achever mais son corps lui disait non. Il n'avait pas de potion, ne se sentait pas capable de lancer le moindre sort de soin. Alors, à regret, il s'écarta, s'élança de l'autre côté de la cour, vers les sans-coeurs qui le séparaient de l'amas noir où Freyja et son amant gisaient encore. Il frappa les ombres, les épéistes aussi dur qu'il pouvait et Robin se chargeait de tirer sur ceux qui l'attaquaient au flanc et par l'arrière. Un épéiste plus coriace résistait aux coups de Sora en fanfaronnant, faisant tournoyer son épée comme pour le narguer. Sora lui asséna un coup ascendant pour le faire voler vers Robin qui l'acheva d'une flèche, le faisant disparaître dans une nuée noire.

Le porteur de Keyblade se remit en position, les pieds ancrés au sol, les genoux et le buste légèrement courbés. Il était proche de Freyja maintenant mais il ne pouvait toujours pas la voir. Un espoir fou le prit : et s'il était encore temps ? De toute manière, il n'allait pas les laisser comme ça, à la merci des ténèbres. Il n'avait qu'à abattre ces sans-coeur, courir, plonger dans la masse noire et.. faire quelque chose, il trouverait forcément.

Les sans-coeur avaient une autre idée en tête. Ils ne s'agglutinaient plus autour de lui, ne cherchaient plus à l'affronter. Au lieu de ça, ils regardaient tous au même endroit. Les ombres agitaient leurs antennes dans cette direction, les archers leurs bonnets.

"Qu'est-ce qu'ils fabriquent ?" demanda Robin en levant son chapeau d'un doigt pour gratter la fourrure de son crâne.
"Quelque-chose les attire." Quelque chose d'autre, quelque-chose de très puissant, qu'il n'avait pas ressenti depuis... Sora ferma brièvement les yeux pour se concentrer, il devait en être sûr. Sa keyblade trembla dans sa main et tira doucement sur son bras, le faisant tourner légèrement sur la droite. Elle pointait vers l'intérieur du château, en haut, une grande fenêtre renforcée de métal. Le bout de Chaîne Royale brillait de lumière, comme une incitation.

Sora savait ce qu'il devait faire. Il eut un regard pour l'amas de ténèbres où gisait Freyja, toujours cachée à sa vue. Son poing se serra et il se retourna vers Robin.

"C'est bon, je m'en charge !"
"Tu es sûr ? Ils sont quand même très nombreux." Robin semblait hésitant. Sora repensa à Primus, à ce qu'elle lui avait dit au château Disney lors de leur première rencontre. Ses paroles l'avaient tellement marqué qu'il pouvait s'en souvenir sans peine. *Nous n'avons pas besoin de keyblades dans cette guerre.* Ses yeux se posèrent sur Chaîne Royale, qu'il tenait à la verticale, pointée au ciel, puis il sourit à Robin : "Je sais ce que je fais. Protège tes compagnons !" Le renard opina du chef, lui fit un salut en abaissant son chapeau et courut rejoindre les autres rebelles, toujours aux prises avec le sans coeur géant et un bon nombre de ses sbires. Sora se retourna aussi et, Keyblade à l'épaule, suivit les vagues de sans-coeur qui, déjà, se ruaient à l'intérieur du chateau par la double porte grande ouverte.

Dans le donjon, Primus, Heinrich et les autres devaient tout donner pour atteindre Kefka et mettre un terme à sa tyrannie de feu. Ils préparaient la paix. Robin et ses rebelles en feraient quelque chose de beau, quelque-chose qui en valait la peine. Sora redoubla de vigueur en pensant à son rôle dans tout ça. Un rôle qu'il connaissait par coeur, pour lequel il semblait destiné.

Il allait sauver le monde.

Dernière édition par Sora le Jeu 2 Mai 2019 - 17:35, édité 1 fois (Raison : problème de géolocalisation avec le gps de Chaîne Royale)
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Elle ne reviendrait pas, jamais, c’était la fin. Il était responsable de cette fatalité. Le bourreau de sa propre histoire.

Aiden ouvrait les yeux, le visage sans vie hantait son esprit.

Le poids à ses bras était de trop, une chaîne à ses épaules l’enlaçant et il s’en retrouvait à laisser Freyja reposer en paix. Elle semblait si calme. Il déposait le dos de sa main sur sa joue dans une ultime caresse et abandonnait son deuil à l’oubli. Où se trouvait-il ? Tout était flou dans son esprit, un nuage semblait l’envoûter et taire ce qui l’entourait.

Le rat aux deux visages était appelé et il allait jouer sa dernière mascarade.

Le shérif se redressait une arme dans chaque main. Il y avait le souvenir d’une promesse qui germait à son esprit, des mots susurrés au centre d’un champ de blé, il avait déjà trahi son serment en se retrouvant seul. Il avançait, abandonnant Freyja et embrassant la noirceur qui l’entourait.

- Compagnons, sur les remparts !
Il levait son regard, distinguant les archers sans-coeur au sommet de la muraille. Était-il encore temps de se racheter. Il bondissait d’une impulsion sur sa lance et plantait la seconde dans l’une des ombres. Il n’avait plus le goût du sang, seulement l’envie que tout cela cesse.

Freyja aimait chanter, il s’en souvenait... Il allait faire siffler l’air pour entendre sa voix…

L’une des armes dans son dos et la seconde en avant. Il se propulsait en avant et fendait l’air. La première lame sifflant et transperçant une ombre avant de partir en arrière, la seconde empruntant un chemin parallèle et orchestrant une mélopée macabre. Le shérif traversait la muraille et éradiquait la menace, accordant un regard à son dos dans l’espoir de l’entendre.

Et il n’y avait rien à écouter.

Il plantait alors son regard dans celui de Robin, le renard s’interrogeait autant que le Shérif. Celui-ci bondissant ensuite et plantant les deux lances dans le corps d’un loup tentant une attaque en traître.

Freyja avait, elle aussi, un regard espiègle comme le héros de Nottingham… Il voulait revoir cet éclat au moins une fois…

Décrochant les armes de sa victime, le rat se retournait et entaillait les traits d’un autre loup. La guerre ne changerait jamais, seulement ses enfants.

- Shérif, nous n’avons pas besoin de vous ici.
- Vous avez raison… Kefka...

Il se retournait alors, fixant la plus haute tour du château et fléchissant ses jambes pour bondir alors qu’une poigne l’agrippait à l’épaule. Il réprimait l’une de ses lances, s’attardant au renard.

- Le garçon, Sora. Il a besoin d’aide.
- Humf…
- Il a aidé votre amie.

Freyja avait le don de s’enticher des idiots…

Le Shérif ne prononçait pas d’autres mots, détournant le regard du clown et rejoignant l’intérieur du château. Il ignorait ce qui l’attendait. Tout ce qui l’animait, c’était de bien faire.


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J'ai du sang dans les yeux, du sang sur les mains, peut être même dans ma gorge.

Quel glorieux massacre. Peut-être même digne des plus grandes chansons... Mais les soldats tombent des deux côtés, combien sommes-nous debout? D'un coup d’œil, après avoir retourné une épée dans les tripes d'un vautour, nous n'étions peut-être que... Cinq ou six, si on me compte, la générale, quelques personnes destinées à vivre un autre jour. En face ils sont toujours plus nombreux, c'en est presque interminable. Les mains sur le manche de mon épée, le cor toujours attaché à la ceinture. Je le pris en main. Soufflant dedans pour renforcer mes alliés, de nouveau.

Nous sommes moins nombreux... Mais nous serons bien plus fort!

Je chargeais avec plus de vigueur qu'avant, ma fidèle arme à mes côtés, tranchant le bec d'un vautour avant de lui asséner un pied dans le visage, entrainant sa tête contre le sol dans le bruit morbide d'un crâne brisé, la terreur dans le regard de nos adversaires, les armes sont levées, le combat continuera ! Féroce, comme un lion, bien décidé à combattre jusqu'à plus soif ! Le fil de la lame suit la trajectoire que je lui impose, elle est vindicative, elle rendra honneur à la volonté de la Générale et de la Lumière en ce jour!

Je redresse mon regard et ma garde, parant un coup d'épée de manière habile, envoyant un coup de genou dans les côtes du loup qui me tenait en respect, avant de sentir une douleur dans l'épaule, de la part des archers d'en face, toujours présents. Certains recevaient des cadeaux à la pointe acérées de la part de Petit Jean, je saisis mon adversaire en l'envoyant sur les loups, ça les tiendra quelques minutes! Quand mon attention se retourna un instant vers mes alliés...

Je vis un éléphant frapper avec rage un loup noir, la sauvagerie de son regard s'est éteinte, la cape volant vers le sol, assommé. Je profitais pour sauter sur le dos de l'agresseur, les mains ancrées sur les cornes, cette monture devient folle de rage, tentant de se débarrasser de moi avec le peu de moyen qu'il possède. Des cris de douleurs se mélangèrent avec des cris de rages.

Pour le peu que je me souviennes, un éléphant sans défense c'est vraiment moche, un trophée dans chaque main, une course effrénée en ma direction, levant les bras et au moment propice... Le voilà aveugle et sans défense. Ha! Il y a une certaine satisfaction à tirer d'une telle exécution! Bien qu'il ne soit pas encore mort, mais le pousser en direction de ses alliés pourra faire gagner du temps. Saisir une lance au sol, protéger Petit Jean en clouant une main d'un loup qui bandait un arc contre un mur, lui trancher à l'aide d'un écho de l'âme...

Les morts horribles font de parfait avertissement. Je ne savais pas si le dernier de notre côté, à la cape grise, était galvanisé de voir de tels combats, ou si la terreur d'être dans le camp du monstre l'aidait à se concentrer.

D'une main, je saisis un tabouret qui traine pour fracasser un crâne.

Le sang, le feu, l'acier.

C'est la rage du combat!
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Alpha la regardait fixement, le souffle coupé, en garde. Une garde haute, un maintien rigoureux. Il était surtout préservé jusque-là de tous les combats que la générale avait du mener. Elle ne comptait plus ses blessures et n’avait pas souvenir d’avoir été plus mal en point que ce jour-là, hormis bien sûr lors de sa première et dernière incursion à Illusiopolis. Du reste, dans un autre contexte, la générale aurait été certaine de vaincre. À vrai dire, elle avait déjà vaincu Alpha en combat singulier.

Avec dans sa main une épée qui ne lui appartenait pas, dégoulinant de son propre sang, elle se rua, les quelques mètres qui la séparaient de lui, sur Alpha. Dans sa course, elle se laissa tomber sur ses genoux, glissa une cinquantaine de centimètres sur une flaque de sang avant d’atteindre Alpha. Elle sentit l’épée bâtarde de ce dernier filer quelques centimètres au-dessus de sa tête. Ravness frappa d’un coup d’estoc la cuisse du chef de la meute, de son dernier représentant. La lame se planta avec férocité dans la chair du loup avant de s’en extraire avec la même puissance. Le rugissement de son ennemi l’exhorta à se relever sur le champ, alors qu’à son contraire, Alpha ploya légèrement le dos. Une fois debout, elle frappa une nouvelle fois, d’un coup en revers, pour trancher directement sa gorge et en finir sur le champ. Sa main fut arrêtée par de longs doigts griffus. Ses yeux croisèrent ceux du loup, criant de douleur plus que ses expressions.


« Hmf ! » la générale fut repoussée par un violent coup de tête sur son nez. Elle s’éloigna de deux pas, voulant par réflexe porter une main à son visage. Du sang coulait déjà… plus que la peur qu’il soit cassé, le fait d’être gênée par une effusion de sang la terrorisa une seconde. Alpha s’avançait déjà, brandissant d’une main son épée bâtarde et frappant sans plus d’hésitation. Elle para du bouclier des valkyries, frappant aveuglément de son épée devant elle, d’un coup horizontal. Tout en reculant, la générale para quelques coups, toujours de son bouclier qu’elle devait lever au niveau de sa tête, l’empêchant de distinguer précisément les gestes de son adversaire. Si les combats faisaient rage autour d’elle, la générale devait au moins faire confiance aux autres pour occuper les soldats pendant qu’elle gérait celui-ci, quand bien même parcourrait-elle trente ares dans cet affrontement.

Son bouclier s’illumina soudainement, produisant une intense lumière devant lui. Un cri de douleur rauque de la part d’Alpha la fit baisser son bouclier. Malgré la douleur, malgré une cécité brève, il se tenait droit, en garde, accomplissant des gestes nerveux, gardant un jeu de jambes à la limite de la perfection. Elle frappa de son bouclier avec brutalité, repoussant la large lame d’Alpha et heurtant sa mâchoire. À son tour, il recula, tituba, faillit trébucher… La générale s’avança, brandissant sa lame, s’apprêtant à achever l’ennemi presque à terre. Son coup frappa, le loup sacrifia son maigre équilibre pour parer l’attaque de son épée, avec force, et tomba sur le côté. Il recula avec précipitation, restant à terre, le postérieur contre les dalles en pierre, tentant de lever devant lui son arme comme une interdiction. Sans la moindre once de pitié ou d’hésitation, la générale fit quelques pas en avant.


« Générale ! » Elle jeta un œil sur Petit Jean et vit un hybride, hippopotame, se ruer vers elle, brandissant un morgenstern, avec toute l’énergie du désespoir. Elle para de son bouclier le coup qui aurait pu lui être fatale, profitant de son couvert pour prendre une longue inspiration. Ravness baissa le bouclier et d’un coup, trancha le bras du mastodonte. Il ne hurla pas. Ses yeux vides regardèrent par-dessus son épaule. Il tomba à genoux devant elle. Enfin plus bas qu’elle, la générale put voir de nombreuses flèches plantées dans son dos, ainsi qu’une coulée de sang descendre de son buste. La jeune femme fronça simplement les sourcils, vit Alpha s’éloigner du centre de la pièce en courant. Son épée trancha la gorge de l’hippopotame. Elle fit un signe à Petit Jean et reporta son attention sur le chef de l’armée de Nottingham. Il la regardait par-dessus son épaule en commençant à monter les escaliers en colimaçon au bout de la pièce, ceux-là mêmes qui la mèneraient plus tard à Kefka.

Elle courut, traversant la pièce, ignorant les combats, jusqu’aux premières marches. Alpha l’attendait, un peu plus haut, la poignée de son épée entre ses mains. La jeune femme hocha la tête pour elle-même, n’imaginait pas cet adversaire capable de fuir à cet instant de la guerre. Il se savait condamné… contre elle ou un autre. Dehors, le combat devait être bientôt terminé. La rébellion avait attaqué les soldats avec violence, sans leur permettre de réagir convenablement. En somme… Alpha et Kefka. C’est tout ce qu’il lui restait à faire, se répétait-elle, l’esprit embrumé par la douleur et la fatigue, seulement éclairé par cette perspective.

Le son d’un cor couvrit tout autre bruit. Ce ne pouvait être les soldats d’Alpha, et ce n’était pas plus le genre des brigands. Aussi, savoir Heinrich encore vaillant la rassura. Si son corps devait la trahir avant la fin, il pourrait s’occuper de Kefka, sans doute.
Dans un grognement de rage, la générale monta quelques marches et échangea des coups d’épées avec le chef de la Meute qui recula quelques instants avant de prendre l’ascendant, profitant de sa hauteur. Il renversa sur elle un candélabre avec violence, la faisant trébucher, perdre l’équilibre. Elle se rattrapa de sa main gauche sur une des marches, perdant prise sur son bouclier. Ravness se redressa en catastrophe, le bouclier à peine tenu du bout de ses doigts. Alpha l’attaqua d’un coup descendant.

La guerrière leva son bras gauche par réflexe. La lame toucha sa coudière. Elle se crut sauvée mais sentit vite une douleur vive la saisir au bras alors que l’épée de son adversaire transperçait son armure et trancha la chair de son bras. La Générale Primus se retint de crier, les yeux rivés sur ceux du loup. Son épée disparut, sa main droite vint attraper le bras de son adversaire et le tira vers elle avant qu’elle ne se retournât pour faire chuter Alpha jusqu’en bas des escaliers, sans son épée.

Ravness descendit elle aussi, faisant réapparaître son arme, alors que son bouclier s’évapora derrière elle dans un éclat de lumière. Son bras tombait ballant le long de son buste, ayant juste été sauvé par la résistance de l’armure forgée par le plus talentueux forgeron du Consulat.
Alpha se releva difficilement, désarmé, aux pieds des escaliers.

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Les sans-coeur se déversaient à l'intérieur du bâtiment principal. A un rythme de course effréné, ils traversaient le grand couloir de l'entrée et gravissaient l'escalier de pierre au bout. Dans leur empressement, certains passaient par dessus d'autres mais plutôt que de se marcher dessus, ils formaient une nuée de yeux jaunes mélangés. Soldats, archers, simples ombres se confondaient ainsi en une seule entité, avec un seul but, un seul instinct : dévorer le coeur du monde.

Sora courait aussi vers l'escalier, bondissant de sans coeur en sans coeur comme s'ils n'étaient qu'un tapis mouvant. Il devait sceller cette serrure et le plus vite serait le mieux. Sa volonté l'animait. Comme à chaque fois qu'un objectif paraissait si grand qu'il se devait de le dépasser, sa volonté lui donnait le courage de continuer.

Mais son corps lui faisait défaut. Il lui rappelait à chaque bond, à chaque mouvement, dans son flanc droit, ses cuisses, ses genous et ses épaules, que la journée avait été longue et la bataille âpre. Il sauta sur la nuée qui envahissait l'escalier et se mit en position de surfeur, espérant se faire porter par elle jusqu'à l'étage. Ca fonctionnait ! Mais alors qu'il voyait enfin le palier, la nuée se cabra, comme pour le désarçonner. Il s'agrippa de justesse au bonnet d'un sans coeur archer, un des plus gros, pour éviter de dégringoler tout en bas. L'archer rejoignit la nuée et Sora aussi.

Il faisait nuit à l'intérieur, une obscurité qui lui intimait d'abandonner. Pas question de flancher, il y avait trop en jeu ! Pourtant, aucun de ses membres ne lui répondait. Son corps réclamait une pause, un temps suspendu, un rêve où flotter, une mer salée où plonger et un soleil pour avoir chaud. Maintenant.

Non. Un jour. Il devait d'abord sauver le monde. Chaîne Royale le lui rappelait en tirant sur son poignet, forçant son bras à transpercer le haut de la nuée, et le reste de son corps suivit dans un bond qui le replaça au dessus de la mêlée. Surfant de nouveau sur elle, il parvint enfin à l'étage. Bien sûr qu'il sauverait Sherwood. Aucun monde ne méritait ce qui était arrivé à son île. Les sans-coeur se séparaient en simples entités et trottinaient le long de ce nouveau couloir pour passer une porte plus loin sur la droite. De cette nouvelle pièce irradiait une faible lumière.

Plus que quelques mètres et Sora y serait aussi. Sourcils froncés, il chargea et... buta contre un sans-coeur qui venait d'apparaître juste devant lui. Le choc le fit tomber à la renverse.

*Forcément. Il en faut toujours un.*

Le sans-coeur était plus grand qu'un humain. Il ressemblait à un de ces "Voyants", qu'il avait déjà croisé à Agrabah, sauf que celui ci ne marchait pas sur sa boule de cristal, il la tenait de sa grande main droite griffue. Le voile, la cape qui dissimulaient son visage et son crâne étaient rouge à pois blancs. Il regardait Sora de ses grands yeux jaunes vides d'expression, dansant sur ses deux petits pieds affublés de chausses vertes. Son corps malingre était vêtué d'une robe bouffante, verte elle aussi. Sora ne perdit pas de temps à le détailler plus : l'ennemi lui barrait la route, permettant aux soldats, archers et ombres de se faufiler dans la pièce à droite pour y grignoter le coeur du monde. Il devait détruire ce "Voyant", et vite.

Il se releva et tendit sa keyblade vers l'obstacle : "Feu". Une petite boule de flamme naquit au bout de son arme et fila droit sur l'ennemi qui brûla un instant, tressautant comme s'il ressentait la douleur. "Feu", fit de nouveau Sora, sans effet cette fois. Alors il le chargea, keyblade en main, fit un bond et frappa en diagonale, de toutes ses forces, dents serrées. Il prolongea son coup d'une pirouette et frappa encore, de la même manière. Le premier coup avait fait mouche, faisant ployer légèrement l'adversaire, mais au deuxième, le sans coeur resta stoïque. En un rien de temps, une seconde à peine, son ennemi tendit son bras droit en arrière pour le frapper de sa boule de cristal à la tête.

La vision de Sora se flouta. Le couloir, les ombres, les soldats, tout tournait et tournait. Ce fut à peine s'il sentit la lame du poignard, jusque là dissimulée sous la robe ample du voyant, se planter dans son ventre.

Hagard, il ne put qu'assister à la suite. Le sans coeur fit un moulinet avec son bras droit et lui balanca la boule de cristal au menton dans un uppercut féroce. Sora valsa dans les airs et retomba sur le dos cinq mètres en arrière. La pierre était dure et froide. Il avait chaud au ventre, mal au crâne. Il aurait le temps d'accepter cette douleur plus tard, il y avait bien plus urgent. Il se releva et se prépara à charger de nouveau mais se rendit compte qu'il n'avait plus d'arme. Dansant toujours d'un pied sur l'autre, le sans-coeur tenait Chaîne Royale dans sa main gauche. Un voyant doublé, donc, d'un voleur.

"D'autres ont essayé", ironisa Sora d'une voix rauque. Il tendit son bras vide en chargeant. "Toi, tu ne la mérites pas." Sa keyblade lui revint juste à temps pour qu'il porte un violent coup d'estoc à l'ennemi, que le choc propulsa en arrière. Sur son chemin, le voyant percuta trois ombres qui se dissipèrent aussitôt en volutes sombres. Sora se rua de nouveau sur lui, mais le sans coeur à terre eut le temps de prendre sa boule de cristal à deux mains et la jeter en l'air. De la boule suspendue irradia soudain une terrible lumière paralysante.

Une lumière froide qui filait vers Sora en filaments, s'infiltrait sous sa peau pour le dévorer de l'intérieur et lui glacer le sang. Tétanisé, il ne pouvait que regarder. Oh, comme il souhaitait vaincre cet ennemi, y mettre ce qui lui restait d'énergie, toute sa rage, le fendre de coups, le déchirer en deux, libérer son coeur et le dévorer. Mais rien. Même ses ténèbres ne pouvaient percer le sort. Du coin de l'oeil, il apercevait le voyant voilé s'approcher de lui en dansant, poignard dans la main gauche. Aucune lueur ne se reflétait dans sa lame.

Les images lui revenaient en tête. La mer salée, le sable chaud, un grand soleil et des amis à ses côtés. Ce n'était pas trop demander, presque rien : juste de quoi percer les nuits. Un souhait simple qu'il avait toujours eu, pour lui et ceux qu'il chérissait. Mais alors que le venin de la fausse lumière remontait insidieusement le long de son ventre et de ses bras pour atteindre sa poitrine, une impression étrange le saisit. Son souhait, son si cher souhait semblait s'étirer pour inclure d'autres gens, des inconnus, d'autres mondes, tout le monde. Tous les mondes. Un absolu d'autant plus terrifiant qu'il lui semblait étrangement à sa portée.

Son coeur se comprima, prêt, croyait-il, à exploser. Les lèvres tremblantes, les yeux plissés, Sora porta naturellement la main gauche vers le médaillon qui ornait toujours son cou, serra fort la chaîne et l'emblême qu'elle retenait. A ce contact naquit une lumière d'un autre genre : chaude, pure, réconfortante. D'abord elle évacua le venin de sa main à son épaule, chassa la fausse lumière, délia tous ses muscles et lui rendit du souffle. Puis, sans prévenir, elle irradia de lui, blanche et verte, se répandit dans tout le couloir, stoppant net le Voyant et son terrible coup de poignard. Les autres sans-coeurs sur son passage s'arrêtèrent aussi dans leur course, comme si le temps n'avait plus cours pour eux. La vague de lumière traversa la fenêtre au fond pour illuminer un instant une partie de la cour du château. Aussi vite qu'il était apparu, le bout de ciel clair, vert, s'évanouit dans l'air.

Dans le couloir, Sora tremblait. Il sentait ses forces le quitter, mais qu'importe tant qu'il en avait. Il frappa la boule du Voyant encore et encore, peinant à se maintenir debout. La boule finit par s'ébrécher et libérer les volutes de ténèbres en son coeur. Alors Sora visa la tête et le torse du sans-coeur paralysé, sans compter les coups. Ce ne fut que quand relever ses bras lui parut impossible qu'il se laissa tomber au sol, haletant.

Le Voyant aux yeux sans âme recommençait sa danse. Il ne disparaitrait donc jamais ? Sora osa un regard vers son ventre rougeoyant et la douleur se rappela à lui. Elle tordait sa chair.

"J'aurais... vraiment dû acheter des potions", dit-il sourire aux lèvres en regardant le Sans-Coeur comme s'il voulait partager son trait d'ironie. Il recula avec ses coudes et ses pieds pour échapper au poignard assassin. Mais derrière lui, de l'escalier, d'autres sans-coeurs déboulaient déjà.

Il aurait du dire à Robin de venir avec lui. Il aurait du insister pour que Donald et Dingo l'accompagnent. Il aurait du trouver Riku. Il aurait du aider Freyja. Aucun d'eux n'était là, à ses côtés. Sora retint un rire nerveux. Comment avait-il pu penser qu'il réussirait seul ?
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Il en avait marre de sa vie, de sa course, de son but. Surtout, il en avait assez de voir les sans-coeur le bousculer comme s’il n’avait jamais été qu’un élément du décor. Toujours les deux lances en main, le Shérif se précipitait dans le couloir à la poursuite d’ennemi qui se fichait de lui.

Il semblait pareil aux combattants de cette guerre, un guerrier avançant dans les ombres et s’en retrouvant son plus proche allié. Non. Il n’était pas de ce genre, il pensait. Il y croyait ? Il avait envie d’y croire. Une image revenait à son esprit, comme imprimé sur sa rétine et gravé à ses oreilles, les dernières paroles de Freyja alors qu’il s’acharnait comme un damné.

- Ne m’oublie pas…
Il murmurait ses paroles, comme un credo ou comme un rappel douloureux. Jamais il n’oubliera ce visage. Jamais il n’omettra la plaie béante à son cou. Au grand jamais il n’osera perdre cet instant de son esprit. L’instant où il avait ôté la vie de Freyja et qu’il était devenu le monstre qu’il pensait chasser.

Un monstre, un homme sans émotion et privé de coeur.

Les crocs du rat s’effilaient à son museau à l’écoute de cette pensée, aux côtés des ombres dont la satiété ne saurait être rassasiée par sa propre faiblesse et à sa propre haine.

L’arme filait au travers des couloirs, la lance de Freyja, embrochant un archer et l’encastrant dans le mur. Aiden s’avançait, faisant tourner sa propre arme autour de lui dans des grands moulinets discontinus. L’oeil rendu fou, frappant sans réflexion dans une marée inopposable. Il en voulait se faire submerger et se noyer dans ce flot, être emporté dans cette guerre dans laquelle il n’avait pas pied.

Pourtant, les sans-coeurs continuaient de l’ignorer.

Il pouvait crier, s’abattre sur eux ou même abandonner… Ils continuaient de l’ignorer…

Il n’y avait que cette lumière, brève et pourtant si belle, qui attirait leur attention. Le garçon. Le Shérif devait faire cela pour Freyja. Il s’en allait au travers, rejoignant les escaliers et gravissant ceux-ci en récupérant la deuxième lance dans cette course idiote.

Il se retrouvait alors à la hauteur des marches, le garçon devant lui et ce gitan à ses yeux.

L’écho naissait au coeur d’Aiden, comme si quelque chose tentait de lui parler. Une douce brise. La promesse d’une étincelle au coeur de cet homme l’ayant abandonné. Il n’avait pas besoin de réfléchir, seulement suivre cette idée qui s’immisçait en lui.

D’un bond, les deux armes à son dos, le Shérif se précipitait au contact et donnait la vélocité de son mouvement à un coup d’épaule. Il percutait le sans-coeur, dégageant de son emprise avec le jeune garçon et le forçant à prendre sa place. Aiden ne décerna pas de regard au porteur de l’épée en forme de clé. Une honte en son coeur l’en empêchait, le poids des mensonges l’empêchant de faire quoi que ce soit d’autre que de prononcer quelques faibles mots.

- Ici, tu es le héros… Et j’ai besoin de toi…
Des paroles ne semblant pas venir de sa propre bouche, pourtant il venait de les prononcer.

Il se bloquait à la danse du gitan, cherchant à interrompre celle-ci d’un double estoc. Malheur à lui. Le sans-coeur semblait s’étirer sur lui-même et passer entre les deux lances, usant de sa boule de cristal et d’un revers bien amené pour se dégager de la mêlée.

Aiden s’en moquait, dansant dans une vrille à en faire chanter l’acier, tranchant son pantalon bouffant.

Comme si l’ombre chercherait à se laisser faire.

Aiden chargeait, se faisait cueillir d’un coup de pied dans les cotes et le forçant à reculer dans un grognement. Lui ? Il amenait sa boule de cristal à ses yeux et ne fixait rien d’autre que celle-ci en agitant sa main libre par-dessus. Fort des combats, le Shérif fonçait devant l’opportunité pour réaliser son erreur. Le sans-coeur dansait et s’animait à la couleur des attaques de son ennemi. Il avait comme le don de clairvoyance, s’écartant avant le moindre coup et glissant un revers de sa boule ou d’un autre coup de coude.

Rageant, il n’arrivait à rien, s’emportant dans sa propre colère jusqu’à ce que l’inévitable n’arrive.

Le gitan ripostait, glissant sa manche sous la lance de Freyja et arrachant celle-ci d’un mouvement sec. Aiden trébucha en avant, évitant une attaque in-extremis de l’arme de la défunte et se retrouvant à répondre aux coups. Comme si, depuis les hauteurs de la muraille, il se retrouvait piéger à son propre jeu.

Aiden palpitait, se retrouvant à ce rôle et revoyant cette image si piètre à ses yeux.



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La jeune femme fit un pas de côté, évitant la porte d’une armoire qu’Alpha lui lança. Ce simple geste lui arracha, plus qu’une douleur, un vertige. Elle avait subi un déluge plus tôt, mais avait le désagréable sentiment qu’un torrent de sang se déversait de chacune de ses blessures, venaient envelopper ses membres de sa chaleur. Ravness avait été touchée deux fois à la poitrine, une première fois d’une flèche et la seconde d’un poignard. Son talon la faisait souffrir. Son menton et sa bouche étaient tâchés de tout le sang qu’avait déversé son nez brisé. Une lame s’était plantée profondément dans sa chair, au niveau de son flanc, et son bras gauche n’était plus qu’un bout de viande pendant au reste de son corps.

Et Alpha, bien qu’effrayé, bien que désarmé, restait beaucoup plus en forme qu’elle ne le serait avant plusieurs mois. Toutefois, elle s’avança, ignorant les couleurs virevoltant dans son champ de vision, ignorant les litres de sang provenant de son corps ou de quinze autres, dans lesquels elle marchait sans plus réfléchir. Levant sa seule main valide, brandissant la quatrième épée qu’elle maniait de la journée, la générale se rua du mieux qu’elle put vers son adversaire. Alpha esquiva son coup d’un sursaut en arrière, attrapa son poignet en fin de course, tout comme elle l’avait fait plus tôt, de ses deux pattes. Plantant ses griffes dans ses doigts et dans le dos de sa main, traversant le gant de cuir, il essaya de la désarmer, la déséquilibrant.

Du mieux qu’elle put, elle écarta ses jambes, passa l’une d’elles juste devant le pied d’Alpha, alors que celui-ci continuait de la pousser sur le côté. À son tour, pressant son corps contre celui du loup, elle déploya tous ses efforts, toute sa force, pour bousculer ce dernier contre sa jambe. Le faire trébucher lui offrirait la victoire, s’il ne lâchait pas prise avant. Elle ignorait la douleur à ses mains, trop concentrée à ignorer les autres blessures. Ses yeux rivés sur le sol, sur ses propres bottes, elle ne vit rien de son salut, alors qu’une flèche se planta dans la cuisse du chef des armées du régent. Il ploya aussitôt, fut emportée par la force de la jeune femme et trébucha contre son pied. Les griffes du loup quittèrent ses mains, emportant dans la chute du loup, une partie de la peau de ses menottes.

Ravness vit la flèche, vit Alpha couché sur le ventre. Une nouvelle flèche transperça son dos. Elle voulut en finir, lui trancher la gorge, quand le loup commença à ramper, agitant son corps comme le bélier prêt à être sacrifié. Mais non sans but. Elle vit son dessein, saisir une hachette tombée au sol quelques pas plus loin. Une fureur sourde l’envahit. Ravness avança vers l’arme plantée dans le sol, la ramassa peu avant son adversaire au sol, et la planta dans le dos de ce dernier. Un râle la surprit alors que le loup misa ses dernières forces sur un seul geste : mettre sa tête sur le côté, regardant la générale du mieux qu’il le pouvait.

Elle souleva difficilement son épée et la glissa jusqu’à la gorge d’Alpha, ne détournant pas son regard du sien. En fait, inconsciente du danger qui l’entourait encore, toute meurtrie qu’elle était, elle se permit d’aller plus loin, de chercher dans ses expressions le semblant d’un regret. Ravness n’avait aucun scrupule à faire ce qu’elle avait à faire, car une quinzaine d’autres soldats avant lui étaient morts sans qu’elle n’en souffre. Mais les siens… Ses scrupules. Une partie d’elle souhaitait entendre une personne s’excuser de cette guerre. Et pourtant. Rien ne l’aurait plus mise en colère, sans doute, que d’entendre les dernières paroles d’un ennemi au bord de la mort. En fait, elle se rendait compte, en regardant des vaisseaux sanguins gonfler dans les yeux de son ennemi, qu’avec la fin de la guerre revenait tout doucement l’opportunité de faire des choix, pour elle. Et ici : épargner ou non ? Elle soupira de fatigue et d’un geste, planta la pointe de l’épée dans la gorge de son ennemi. Le pardon à Dieu, et l’action aux hommes.

Elle détourna son regard, lâcha l’épée et se dirigea vers les escaliers. Aucune folie ne la guiderait seule contre Kefka. Elle lança par-dessus son épaule un regard vers Petit Jean, qui lui ne la regardait pas, lâchant son arc pour combattre un des derniers soldats de son épée. Elle ne trouva pas Will mais Heinrich était là. Pour l’heure, Ravness ne pouvait plus aider. Au lieu de ça, la jeune femme saisit l’épée bâtarde du chef de la Meute. Se dire qu’elle ne retrouverait jamais la sienne, dans ce champ de bataille et dans les cendres de la ville, était réconfortant, la laissant entrevoir qu’elle pourrait, le lendemain, perdre quelques heures pour la chercher, en vain, avant d’entrer dans un vaisseau pour le château de la lumière.
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Un dernier coup pour achever mon adversaire. Ma respiration se faisait lourde, prenant une grande inspiration, il ne restait quelques cadavres, des mourants, un dernier survivant. Il lâcha son arme et leva les mains en l'air. "Je me rends!" dit-il, comme ça. Je jetais un coup d'oeil, c'est peut être la meilleure chose à faire, la Générale devait avoir terminé son combat pour attirer une plainte si désespérée. Je lâchais un soupir, baissant mon arme. Je ne serais pas contre une toute petite pause, même une petite sieste de trente secondes serait la meilleure chose à faire.

Enfin si ce soldat qui se rendait à l'instant n'avait pas tenté d'attaquer quand j'ai baissé ma garde, je fronçais les sourcils en m’emparant de son poignet.

<< J'allais te laisser la vie sauve, triple imbécile. >>

Lui tordre le poignet accompagné d'un cri sonnait comme une musique. Avant de saisir mon épée et de lui coller un coup dans la gorge, l'adrénaline retombait, je tombais à genoux dans un grognement de douleur. La tête qui tourne, je fourrais la main dans ma sacoche pour saisir ma gourde et la vider cul-sec, pas de réflexion. Il va falloir panser ces blessures ! Je me tourne vers les cadavres, les capes, les vêtements en lambeaux feront d'excellent bandages on va dire. Je me tourne vers les cadavres, je prenais le pouls des soldats de notre côté, voir qui vivait, mais la faucheuse est passée par là pour pas mal de monde. Je me penchais sur ceux qui pouvaient être sauvés...

Quelques plaies pansées, attelles d'infortunes grâce à ces bouts de meubles, os remis en places, du peu qui ont survécus, encore moins pourront continuer, c'est devenu une infirmerie sauvage... J'ai pu empiler quelques cadavres, faire le tri des armes utilisables - à la va vite hein, le temps manque -

Je m'en retournais aux côtés de la générale assise dans l'escalier, pansant mes bras, je prenais une grande inspiration de nouveau et je venais m'asseoir à côté d'elle. Pour me maintenir éveillé, les pensées pour le combat à venir. Je serrais un peu la mâchoire, je tournais la tête vers la Générale Primus.

<< J'ai l'impression que la confrontation finale est proche, mais c'est très loin d'être terminé. Ça va aller, Générale? >>

Elle s'était décalée un peu.
C'est une sacrée guerre que voilà et qui va finir par peser très lourdement sur ses épaules, après tout il faut bien un responsable. Au moins il en faut un connard pour poser la question, j'ai eu la pensée, l'espace d'un instant, qu'est-ce qui se serait passé si j'avais été à sa place, pour cette guerre, avec le templier du Sanctum? ... Bah ! Il ne fait jamais bon d'être trop nostalgique, tout a été fait et acté. Il ne faut pas regarder ce qui a été fait, mais regarder ce qu'il reste à faire. Après tout ça, y'aura le droit de manger et de dormir.

<< Ca ira. Je dois juste... >> Elle avait la main sur son nez, "Mince." dit elle avec un air agacé. Je croisais les bras, je l'observais.
<< Vous avez besoin d'assistance pour ça? >> un froid et rapide "Non" pour toute réponse. Quelle femme! Elle m'en décrocha un soupir.
<< Qu'est-ce qu'il reste à faire, Générale?  >>

Elle tourna le regard vers moi, en répondant l'évidence : << Nous montons et nous tuons Kefka >>, ce à quoi je répondais en pointant du doigt le plafond << Vous voulez dire que le salopard derrière tout ça n'est qu'à quelques pas? >>, j'ai eu un doute à l'instant, si l'ennemi était là haut, et que nous étions là... << Générale, après cette guerre, qu'allez vous faire? >> Cette question représentait peu de sens actuellement.
<< Oui y on va dans quelques instants. Le temps pour eux de se remettre et de décider s'ils viennent avec nous. >> une petite pause de sa part << Nous devons nous concentrer, Heinrich. Nous parlerons du retour quand la guerre sera finie. >>

Elle avait détourné le regard, je souris tout seul comme un con, moi qui m'attendait à une réponse du style "mourir une fois mon devoir accompli" et j'ai failli le dire à voix haute. C'est une sacrée détermination dont elle fait preuve! << Vous avez des informations sur ce Kefka en terme de ce qu'il est capable de faire? Histoire de ne pas arriver complètement désarmé. >>
<< C'est un sorcier très puissant. La foudre, les flammes, la glace, je ne sais pas ce qu'il nous réserve. Vous pensez pouvoir encaisser sans mon aide? >>
<< Combattre les sorciers c'est très loin d'être ma spécialité, encore plus quand ils sont très puissants. Il fallait que je sois honnête, j'imagine que oui, je vais avoir besoin de votre aide. Mais si vous jugez que je serais un poids mort ça ne tiens qu'à vous de le dire. >>
<< Non. Vous ferez ce que vous pourrez et je vous donnerai quelques secondes pour le faire. Elle soupire, ne perdez pas votre temps à parler ou souffler dans votre cor. Tuez-le simplement. S'il tombe, vous l'achevez aussitôt. >>
<< Vous avez dit sorcier et puissant dans la même phrase, un moment d'inattention et c'est la mort assurée. Il n'y aura pas de faux pas. >>

Je me redressais, mon énergie retrouvée pour l'instant, il fallait en profiter.
<< Je suis paré à tout. >>

<< Je sais. >>
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Aiden était venu, répondant à son appel silencieux.

Dans le couloir trop petit, trop froid, il s'était interposé entre Sora et le sans-coeur, l'avait protégé du couteau assassin et se battait comme un forcené. Il utilisait sa propre lance et celle de Freyja, mieux que Sora n'aurait jamais pu le faire. Il utilisait les mots de Freyja mais pas sa voix.

Pourquoi lui ?

Sora n'avait que cette question en tête, il avait bien trop mal au ventre pour former d'autres pensées cohérentes. Assis dos au mur de pierres, sa main tenant à peine la poignée de sa keyblade, le héros cherchait l'espoir dans ce qu'il voyait et entendait. Mais le meurtrier de Freyja ne faisait que lui rappeler son échec et cette vérité qui lui causait encore plus de douleur que ses blessures.

Il n'en avait pas fait assez.

Au final, c'était la seule raison valable, valide pour lui. Toutes les autres étaient interdites, elles amenaient bien trop de doutes et Sora ne se sentait pas capable de les surmonter. Il n'avait jamais été bon pour ça, comptant sur ses amis pour les calmer à sa place. Et quand ses amis n'étaient pas à ses côtés, il remisait les doutes dans un coin, les enfermait là dans le noir pour réussir à croire que tout irait bien.

La tête baissée, les yeux sur son ventre et les dents toujours serrées, Sora s'empêchait de gémir. Il avait bien trop mal pour se relever et continuer à se battre. Son corps le clouait au sol, contre le mur et chaque respiration le glaçait plus encore. Pourtant le shérif était en mauvaise posture, le shérif qui l'avait sauvé. Si Aiden avait besoin de Sora, Sora avait tout autant besoin d'Aiden.

Alors Sora tut sa crainte. La solution était toute trouvée et surtout, c'était la seule. Leur seul espoir. Il releva le menton pour figer son regard sur Aiden au combat. Oh, il voulait le détester. Comment celui qui avait aimé Freyja n'avait-il pas pu entendre son cri, comment avait-il pu ne pas l'écouter, la comprendre et la sauver à temps ? Et pourquoi avait il réussi à garder une part d'elle en lui, alors que Sora ne la retrouvait pas ? Non, ce n'était pas Aiden qu'il détestait. Surtout, il voulait se détester lui. Sa faiblesse et ses erreurs de jugements, son incapacité à prendre les devants pour préserver la vie, le coeur de celle qu'il avait aimé appeler son amie, et qu'il ne retrouvait pas.

C'était tellement plus simple cette fois, songea-t-il, laissant échapper un pouffement. Aucune lumière parasite n'était assez forte pour l'en empêcher. Ses yeux se fermèrent doucement, la déception infusait dans son sang, devenait haine et, à l'instant où il se sentit perdre tout contrôle, il poussa un long soupir. Chaîne Royale se dissipa et il s'envola.

Son corps était noir. Des volutes de ténèbres s'échappaient de ses coudes, de ses genoux, de ses cheveux, de partout. En un seul bond, il fut sur le dos du sans-coeur, jambes repliées autour de sa taille pour mieux lacérer cette tête et ce ridicule turban, l'empêcher d'utiliser la trop longue lance de Freyja pour rétorquer. Ses coups pleuvaient, enfin il pouvait partager cette rage. "Tu m'avais pas vu venir, hein ?" Le gitan laissa retomber son arme, tremblant à chaque griffure, incapable de répondre, et les ténèbres qui s'échappaient de ses plaies rejoignirent le corps de Sora dont les lèvres s'étiraient en un sourire malin. Le sans coeur finit par chuter en avant et l'engeance ténébreuse assise dessus retint un instant ses frappes pour tourner sa tête noire et ses yeux jaune-orangés vers Aiden.

"Oh, ne fais pas attention à moi", dit-elle au beau milieu d'un rire perverti, les yeux plissés en demi-lunes. "Je le fais pour lui. Je lui en dois une." Sans attendre de réponse, le corps enveloppé de ténèbres se releva d'un bond et ramassa la boule de cristal qui avait échappé à la poigne du gitan. Debout, pattes écartées, il la tint devant ses yeux avides, glissa ses griffes dans la fissure qui ébréchait la boule et tira sec de part et d'autre. La coquille de cristal se dissipa dans l'air et l'amas gluant de ténèbres qu'elle cachait à l'intérieur rejoignit doucement sa poitrine. "Ha, wouh ! C'est mieux", fit la créature d'un air très satisfait en étirant ses bras vers le haut, les mains jointes. Son ventre lui faisait encore mal, mais elle n'en avait cure maintenant. Elle plongea sur une ombre qui passait par là et l'éviscéra en deux coups de griffes. Elle empoigna la suivante au cou et la tint en l'air, souriant de toutes ses dents quand l'ombre chercha à se dégager.

"Hé, compagnon ! Achève ce voyant de mes deux qu'on passe aux choses sérieuses", fit-elle, yeux sur Aiden, tandis que sa poigne comprimait la gorge de l'ombre jusqu'à la faire se dissiper en une fumée noire qu'elle aspira. "Mais attention !" Elle tendit une griffe vers le shérif. "Son petit bout de coeur est à moi." Celui d'Aiden l'attirait plus, c'était certain, mais elle devrait se contenter de ça. La survie restait sa priorité et bientôt, trop vite, Sora reviendrait. En attendant, il fallait empêcher les autres sans-coeurs de passer, les éventrer et s'en repaître. De quoi tenir un peu plus pour après.
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Quel homme pouvait encore avoir assez d’espoir pour, blessé à sang, plus fatigué qu’un mourant, encore parler du lendemain comme s’il était évident ? Pour la générale, ce n’était qu’un espoir. Mais elle savait que la guerre était proche d’être gagnée et que quoi qu’il en coûtât, le pire était derrière la Forêt de Sherwood. Ravness Loxaerion se savait toutefois en sursis et n’espérait pas cette même chance pour elle. Quand bien même survivrait-elle à celle-ci, il lui faudrait encore remporter toutes les guerres à venir, face à de nombreux hommes aussi puissants que le bouffon. Bien sûr, elle progressait. Elle changeait. Il lui était dur de se souvenir de cette jeune capitaine des gardes qu’elle était lorsqu’elle était arrivée à la forêt de Sherwood, avec des valeurs différentes, des blessures… plus profondes ou plus légères que les siennes aujourd’hui. Quand elle portait le deuil de son général, quand elle subissait l’abandon de son amie, quand sa plus grande préoccupation était de convaincre sa supérieure de la culpabilité de Roxas.

La générale regarda Heinrich s’éloigner, fatiguée de parler. Sans doute l’avait-il senti. Les deux mains sur son nez, essayant de stopper le flux de sang du mieux qu’elle le pouvait, armée uniquement d’un morceau de sa cape grise qu’elle avait déchiré plus tôt. Le tissu était plus sale que le sol, tout aussi souillé de sang que son épée. L’infection était la dernière chose qu’elle craignait de cette guerre. Elle se risqua finalement, après tous ces efforts, à relâcher la pression et constata que le sang semblait s’arrêter de couler, jusqu’au prochain coup sans doute.
Elle prit une inspiration, regardant Petit Jean agenouillé aux côtés d’un brigand, et se leva pour le rejoindre d’une démarche difficile.


« Régnier est mort. » lui dit l’ours dont le pelage ne permettait pas de lui prêter un état de fatigue. Il désigna du  museau le corps d’un lapin allongé sur le ventre un peu plus loin. « Frameric aussi. » La générale hocha la tête. Le combat avait été particulièrement intense. Prendre plus d’hommes aurait abouti à autant de morts et une situation peut-être plus difficile pour la cour du château. Il n’en restait pas moins de regrets. Mais elle y penserait plus tard. « Guibin ? » Elle avait été couverte plus tôt par ce dernier. L’ours lui désigna le brigand, juste à côté de Will l’Écarlate. Les deux étaient assis contre un mur, sérieusement blessés. Restant sur sa position, la générale s’adressa à ce dernier.

« Pourrez-vous continuer, Will ? »

Ce dernier prit une inspiration, sembla en souffrir et ne répondit pas de suite. Elle ne pouvait lui en vouloir. Le loup noir avait pris la muraille extérieure en prenant des risques immenses, avait chassé les soldats et combattu le Shérif de Nottingham. Ce combat-ci était sans doute la demande de trop. Dix secondes s’écoulèrent avant qu’autre chose ne vînt réagir. La porte du donjon s’ouvrit et se referma aussitôt. Tous les brigands regardèrent aussitôt celle-ci, s’attendant à voir des renforts du régent. « C’est moi, mes amis. » Robin s’avança, plus en forme qu’ils ne l’étaient, bien que visiblement épuisé. Questionné par autant de regards, il répondit de lui-même. « Les sans-cœurs sont arrivés. Je suis étonné qu’il n’y en ait pas ici. »

La générale fronça simplement les sourcils. Leur arrivée était prévisible mais regrettable. Les combattre, oui pourquoi pas, mais elle gageait sur leur disparition aussitôt qu’ils en auraient fini avec Kefka.  Et il y avait Sora. C’était sa spécialité. Quelques semaines plus tôt, elle avait compté sur sa prise d’initiatives, sur son tempérament, envers et contre ses habitudes à elle. « Vous vous joignez à nous ? »

« On a géré un costaud, Dolce, les compagnons et votre serviteur et… » Le roi des voleurs abandonna quelques secondes son sourire confiant. « J’aimerais juste en finir. Ils tiendront. Nous tiendrons tous.»

La générale hocha la tête.  « Will et Guibin restent ici. Nous y allons à quatre, Heinrich, Petit Jean, vous et moi. » Elle s’approcha de l’escalier sans attendre de réponses, ramassa l’épée bâtarde de Alpha qu’elle souleva difficilement. Heinrich passa devant elle sans lui adresser un mot de plus. Elle le suivit au pas dans l’escalier en colimaçons dans lequel ils ne pouvaient avancer qu’à un de front. Au dernier étage les attendait Kefka.
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Le dégoût s'initiait à la vue du Shérif, attardant sa pensée à ce qu'il venait d'écouter et au spectacle qui s'offrait à lui.

Il n'y avait donc plus rien d'autre que «ça » à protéger ?

D'un soupir, Aiden se retournait et passait son pied sous la hampe de la lance qu'il avait perdu. D'un coup, il l'envoyait en l'air et récupérer celle-ci avant de retourner à la charge. Est-ce qu'il avait réellement d'autres choix que d'écouter cette engeance, probablement que non. De plus, il était comme toutes les ombres, il se fichait bien de lui.

Tout ce qui n'avait jamais eu d'importance à ses yeux, Aiden l'avait détruit.

Le corps du rat s'allongeait alors qu'il guidait sa première patte à l'arrière de son crâne et qu'il ne propulse la lance au travers du couloir. Celle-ci passait devant le héros et se plantait dans le mur derrière le gitan. Forcement, l'ombre n'avait pas été touché, le fer de lance venait de traverser ses vêtements trop ample.

Qu'à cela ne tienne.

Le rat claquait la lame de sa seconde arme contre le sol, empoignant la hampe et raclant le sol dans un demi-tour. Le bruit strident et la poussière se soulevaient, aveuglant légèrement le sans-coeur et donnant l'occasion au Shérif d'offrir sa plus bel estoc. Il claquait sa pointe contre le mur au dos du gitan et il pouvait jurer avoir entendu un ricanement.

Prenant son arme comme levier, il poussait sur le bout libre et contraignait le sans-coeur à se plaquer contre le mur. Le poignard venait alors cueillir le rat dans les côtes, un premier et un second surin s'enfonçaient dans sa chair. Il grimaçait, râlant avant de bloquer la lance dans un interstice de la pierre. Aiden pouvait alors reculer, lentement, tenter aussi de limiter le saignement mais sans grande réussite.

Ce n'était pas encore fini.

Il plongeait, agrippant l'arme qu'il avait expulsée plus tôt et posait la lance sur son avant-bras. Un souvenir lui revenait en même, un moment qu'ils avaient partagés il y a longtemps. Il expulsait cette idée. Affirmant sa prise sur son arme, il commençait à piquer le sans-coeur et à frapper sans s'arrêter. Lentement, l'ombre cessait d'agiter sa dague et disparaissait, tombant en arrière.

Le coeur qu'enfermait le gitan s'élevait vers les cieux, prêt à disparaître avant qu'une ombre ne fonde dessus.

Ce qui restait du héros venait de l'attraper et s'offrait le gueuleton de sa vie.

- Arrête, maintenant.
Il reprenait la lance, celle de Freyja, qu'il pointant en direction de Sora. L'une de ses mains appuyant sur les plaies laissées par le surin.

- Tu n'es pas là pour ça, alors... Fait ce pour quoi tu es là... Où...
La sueur perlait à son front, il se sentait défaillir, la journée n'avait été tendre pour personne. Même pour les méchants que l'histoire retiendra, pour lui comme pour les autres.


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"Ou quoi, petit rat ?" ricanait la créature en tenant le coeur tout juste libéré entre ses mains. Les ténèbres du coeur infusaient en elle par volutes, dissipant leur précédent réceptacle. "Je connais mon rôle. Si tu me tues, le monde succombera." La fatigue soudaine d'Aiden blessé l'obligeait à révéler un sourire carnassier. Par prudence, elle fit tout de même un bond sur le côté pour échapper à la lance pointée sur elle. "Mais Sherwood mérite son sort, tu ne crois pas ?" Il semblait si faible, il n'était pas une réelle menace, c'était si difficile de résister à cet instinct de l'achever ici et maintenant.

Au pire, si le rat tuait Sora, elle trouverait refuge en lui. C'était sa manière de procéder. Mais était-ce la meilleure ? Les mains de nouveau libres, l'engeance sombre regarda celle de gauche, qu'elle avait levé devant son museau. Ses doigts griffus se contractaient. Elle mit son autre main à son poignet. L'écho de son affrontement avec Freyja et la Générale Primus dans la forêt, tout ce qui en avait transpiré lui intimait de se retenir. "Sora ne doit pas mourir maintenant."

Elle bondit à nouveau, en arrière, et retomba à côté d'un sans-coeur archer qu'elle saisit par le bonnet. Une simple griffe trancha net dans son corps mou et en une saccade, il disparut. "Allez, suis-moi. Survis toi aussi, porte ton fardeau. Et ne le déçois pas cette fois." Elle fila à travers la porte ouverte dans la pièce humide d'où émanait la lumière du monde. En face d'un grand trône en bois d'ébène, les sans-coeur s'agglutinaient à la vaste cheminée de pierre, se bousculant pour être le prochain à passer dans la serrure de flammes. De ses griffes, la créature de ténèbres éclaircit la nuée noire, sans regret, sans s'arrêter. Si elle avait pu sceller cette serrure, elle l'aurait fait. Elle en était incapable, elle le savait bien.

*Reviens.*




ↈ     ↈ     ↈ


Les rayons d'un soleil passaient à travers la voute de la caverne. L'arbre ancien qui tronait la semblait en avoir percé l'ouverture. Sora savait qu'il aurait du ressentir la chaleur du soleil, la sécheresse de l'air légèrement poussiéreux. Sa douleur atroce au ventre avait elle aussi disparu. Seule son angoisse restait intacte, tout comme son désir d'en finir avec Kefka, de sceller enfin cette serrure. Mais il n'était plus dans le château du tyran.

Il reconnaissait cet endroit. Il y était déjà venu, il y a longtemps.

"Ouh. Je voulais juste communiquer avec un esprit, pas l'invoquer."

Baissant les yeux, Sora vit devant lui, dressé sur ses pattes arrières, un babouin dont les yeux jaunes reflétaient la curiosité. Il tenait un long baton cabossé duquel pendaient deux gourdes, et se lissait le bouc, blanc, de son autre main.

"Pourquoi suis-je ici ?" interrogea Sora à haute voix.
"Uh-uh. Drôle de question. Mais la plus intéressante est : qui es-tu ?"
"Sora" , répondit-il sans hésiter, attardant son regard sur l'écorce nue de l'arbre ou figuraient quatre figures dessinnées à la main. Simba, lui, Donald et Dingo. "Tu ne me reconnais pas ? Avec mes amis, on a aidé ton roi à battre Scar et à reprendre sa place."
Le museau tout rouge du babouin se mit à frétiller. "Je vois. Tu n'es donc pas un lion. Mais tu es peut-être un lion."
"Hein ?"  fit Sora, passablement agacé. "Pardon mais... j'ai pas le temps pour des énigmes, là." Il devait retourner à Sherwood, le plus vite possible. Même si ne plus ressentir de douleur lui offrait un répit bienvenu, il ne pouvait pas rester.
"Shhh, pas si fort. Tu vas réveiller notre roi."  Le singe pointait son museau quelque part sur la gauche et Sora suivit son regard. Là, affalé contre le sol sans doute chaud, dormait un lion adulte à la crinière rousse. Lové contre son omoplate, retenu par sa patte avant, se trouvait une orbe auréolée de lumière blanche.

Devant cette image, Sora resta interdit. Rafiki l'observa un moment puis reprit : "Personne n'arrive à lui enlever. Même mes conseils ne l'atteignent pas. Mais... toi, tu y es lié. Tu ne serais pas là sinon."

Encore un fragment. Combien y en avait-il, au juste ? Et pourquoi se retrouvait-il parfois près d'eux, comme s'il y avait toujours été ? Non, ce n'était pas le moment de poser des questions. Il y avait une serrure à sceller, un monde à sauver.

"D'accord", fit simplement Sora en s'approchant de Simba. "Je le reprends." Et quand il s'agenouilla pour empoigner délicatement l'orbe de lumière, ses doigts passèrent à travers, à son grand étonnement. "Tu n'es pas vraiment ici, tu sais. Tu n'es qu'un esprit, après tout", fit Rafiki, un tantinet amusé. Sora grogna en se relevant, son regard trainant sur le lion qui dormait. Les paupières closes et agitées de Simba laissaient deviner que son ami ne faisait pas de beaux rêves.

C'était de la faute du fragment. C'était de sa faute.

"Je reviendrai", fit-il d'un ton résolu en se tournant vers Rafiki. Il faillit rajouter 'c'est promis' mais se retint juste à temps, se remémorant les promesses qu'il n'avait pas tenu, celles qu'il ne pouvait plus tenir. Il en avait tellement fait qu'il devait en avoir oublié. "Je reviendrai", répéta-t-il. "Mais je dois vraiment y aller."

Le babouin le regardait, appuyé sur son baton, la tête penchée sur la gauche. "Tu ne sais pas où est ta place."
"Si. Elle n'est pas ici. Pas maintenant."
Rafiki souffla par son gros nez et ouvrit la bouche avant de la refermer immédiatement, avec ses yeux. "Très bien. Mais ne traîne pas trop en chemin." Il inspira, tapa cinq fois son baton contre le sol de la caverne et le secoua pour que les gourdes s'entrechoquent dans un bruit de crécelles. Lorsqu'il parla, non, chanta à nouveau, ce fut dans un langage que Sora ne comprit pas, et sur une tonalité profonde, gutturale, belle, reposante, si reposante qu'il se sentit bientôt forcé de fermer les yeux.

La voix chanta encore, sa berceuse lancinante de plus en plus lointaine. Puis il n'y eut rien.



ↈ     ↈ     ↈ

Puis il y eut tout.

La douleur au ventre qui lui coupa aussitôt le souffle et le força à porter une main à sa blessure. L'intense lumière devant lui, de l'autre côté de la cheminée, de l'autre côté de la serrure entourée de flammes rouges qui emplissaient l'âtre. La chaleur au devant, la froideur dans le dos. La fatigue des combats qui l'accablait de nouveau, le rapprochait du sol comme si son corps n'avait, lui, pas eu de répit. Le goût du sang dans sa bouche et un mal au crâne qu'il avait oublié. Les sans-coeur qui lui bousculaient les jambes, continuaient à affluer comme des affamés sur un quignon de pain. Et surtout, malgré tout, la réalisation qu'il était près, si près du but.

Lourdement, il tourna la tête vers Aiden. Avoir la confirmation que le meurtrier de Freyja était debout, bel et bien vivant, lui procura un sentiment de soulagement plus fort qu'il n'aurait pensé.

Il n'y avait plus qu'une chose à faire. Il tendit le bras qui ne comprimait pas son ventre, et, jambes écartées, dents serrées, les yeux clos, imagina que sa main se refermait sur la poignée solide et rassurante de Chaîne Royale. Il la sentait, elle était là.

Sora appela le coeur du Monde. Un rayon de lumière s'échappa du bout de sa keyblade pour entrer dans la serrure. Le coeur du Monde répondait. Comme à chaque fois, en une seconde, des myriades d'images lui passèrent en tête. Et comme à chaque fois, face à cet afflux de paysages mouvants dans le temps, de cycles de soleil, de moments imprimés comme des blessures encore ouvertes, d'incessants questionnements, Sora se laissait aller à penser une chose, une seule : *Tout ira bien.*

Il avait compris dès le départ, avant même la première serrure. Les coeurs des mondes étaient comme tous les coeurs : ils avaient besoin d'espoir. Et quand les ténèbres menaçaient cet espoir, les faisait douter, vaciller, un porteur de Keyblade se devait d'être là.

Combien de temps cela faisait-il ? Plusieurs secondes déjà, trop. Les images continuaient à l'assaillir et Sora répétait, coeur ouvert : *Tout ira bien. Tout ira bien.* Mais aucun cliquetis ne parvenait à ses oreilles. La serrure ne se refermait pas. Pourquoi n'était-il pas entendu ? Il connaissait pourtant ce monde, il avait vu la forêt, le camp des rebelles, leur camaraderie, leur espoir à eux, il avait entendu les chansons d'Adam de la Halle, souri à l'air malicieux de Robin. La volonté infaillible de la Générale Primus, il l'avait perçue, il s'en était nourri. L'espoir était possible. Il était là, chez chaque personne qu'il avait rencontré, chez Petit Jean, chez Sang-Bleu, chez Freyja...

Chez Bobby.
Chez Freyja.

La cape de Bobby volait au vent, fuyant le pont consumé par les flammes.
Le corps de Freyja tombait du mur, inerte, sans même un cri.

"Non..." Sora grinçait des dents, le souffle court. Sa Keyblade semblait soudain peser des tonnes. Il serra la poignée fort, plus fort encore. Il ne voulait pas penser à eux, pas maintenant. Et pourtant, dans ce qu'il lui restait à penser, dans ce seul espace qui était encore à lui, il n'y avait plus qu'eux. La pointe de Chaîne Royale heurta la pierre au sol, forçant son porteur, son élu à se pencher en avant. Appuyé sur elle, dans un équilibre précaire, il comprit et la réalisation lui glaça le sang.

Il ne pouvait pas sauver ce monde.
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La pause était terminée, l'ascension se fait sans grand mal. Chaque pas semble plus lourd que le précédent, ce n'est pas la fatigue, c'est... Quelque chose, au fond des tripes. Le danger se trouvait là et j'avançais, sans fléchir, mais je doutais. Est-ce que je suis paré à vendre chèrement ma vie pour ces personnes que je ne connais pas. Pour un conflit que j'ai rejoint sur un coup de tête, je suis là...

La porte était ouverte, la salle du trône a conservé ses attraits royaux, épargné par le conflit, je tournais la tête, la fumée noire, l'odeur des cendres. La cité brûle, elle est dévorée par la guerre, ces gens qui avaient fait de cet endroit leur foyer ne reconnaitrons plus son visage, jamais ils ne retrouveront leur vie d'avant. C'est peut-être pour cela que j'ai une arme serrée dans mes poings, les mains tachées de sang, parce que je peux me battre pour ceux qui ne peuvent, ceux qui ont besoin qu'on se batte en leur nom.

Je tournais le regard dans la pièce, nous étions là, et il est venu.

Kefka, il incarne le simple terme haut en couleur, cela m'en heurte les yeux. les motifs, l'ampleur, sa coiffe... Bien que j'eus envie de me moquer de lui, je n'en restais pas moins méfiant, il inspire des sentiments qui sont contraires, le dépit peut-être et la peur, je ne sais pas si c'est ce que m'a dit la Générale, ou l'instinct animal, la simple sensation que d'un claquement de doigt, ce geste banal, pourrait mettre fin à tout ce qui est autour de lui, mort ou vivant. Ces questions dans ma tête, les poings se resserrant sur la hampe de mon arme, ne faisaient qu'attiser une haine envers cet individu, s'il était aussi fort que je le sentais, il aurait pu réclamer une juste victoire, faire cesser cette guerre longue et éreintante, mais il en est rien, tout a continué, ses hommes sont morts, nos hommes sont blessés, la cité est en ruine.

Est-il possible... D'éprouver une fureur telle envers une personne que je ne connais pas et qui se retrouve être un ennemi de circonstance? Non. Cet homme, je ne me serais jamais entendu avec lui.

Mon sang me brûle dans mes propres veines, j'attendais le bon instant, j'en étais même à entendre l'ordre de tuer. Lui faire bouffer ses propres tripes.

Si je n'avais pas fait un pas en avant, si je n'avais pas préparé ma hache.

Je serais mort, comme un couard.
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Heinrich s’avança en premier, soulevant sa hache au-dessus de sa tête et se ruant vers Kefka. Elle-même commença à avancer, son seul bras valide brandissant son épée bâtarde. Elle aurait voulu crier pour se donner du courage mais fut arrêtée par la peur de ne pas avoir le temps de tout faire à la fois… Elle tenta de courir tant bien que mal.

« Hohohohohohoho » exulta le bouffon, alors que ses pieds commençaient à quitter le sol, légers… tandis que ceux de la générale semblaient si lourds. Il tendit une main vers eux dans un gigotement atroce, comme pour les inviter à le rejoindre. Ravness aperçut devant elle un point de lumière suspendu au milieu de la pièce. La lueur gagna en intensité, sembla rugir de sa puissance. La générale s’immobilisa. Elle ne pouvait continuer. Quelles étaient ses chances d’atteindre Kefka avant le premier sort, avant le premier coup de hache ? Heinrich était dans son champ de vision. C’était facile. D’une intention, elle créa un lien entre lui et elle, supportant sa douleur, la plaie dans son épaule, la brûlure qu’il éprouvait dès qu’il faisait un geste. Elle tourna son visage vers la droite.

Robin avait vu l’étincelle et s’en éloignait. La flèche encochée, il tendit la corde de son arc en essayant de viser Kefka Palazzo, quittant le noyau du groupe. Le Prince des voleurs devait survivre. La forêt de Sherwood ne pouvait se permettre de le perdre aussi. S’éteindrait avec lui l’espoir d’une société juste. Ravness ressentit sa douleur au ventre, tel un millier d’aiguilles la transperçant de toutes parts, ainsi que les dégâts d’une grande plaie qui traversait son dos. Les yeux de la garde se brouillèrent. Elle en oublia Kefka. Elle en oublia l’étincelle. Il y avait… Robin qui courait vers la droite, tentant d’éviter l’inéluctable, et Heinrich, la hache haute. Est-ce qu’il criait ? La jeune femme crut entendre un cri. Sans en comprendre la raison, celle-ci sentit sa main valide toucher du bois, rugueux, parsemé de veines saillantes. Son épée… elle avait dû la lâcher. Et que… Un instant de lucidité dans ce torrent de douleurs lui permit de comprendre. Elle était une nouvelle fois genoux à terre. Sa tête bouillonnait, ses oreilles… ne captaient plus qu’un son strident semblable à un cri. Un rire pernicieux ou une douleur atroce, elle ne savait pas.

Elle ne pouvait perdre conscience. L’étincelle était à présent un flambeau, une sphère de la taille d’un ballon. Depuis combien de temps rougeoyait-elle ?
Une voix grave parvint à percer le voile de confusion qui entourait son esprit alors qu’elle ne pouvait plus se concentrer que sur la sauvegarde des deux liens. Ravness essaya de se relever et renonça, crut s’effondrer. Mais sans qu’elle ne le décidât vraiment, elle réussit à tourner la tête. Petit Jean encochait lui aussi une flèche à son arc. Ses lèvres s’animaient, il criait. Mais elle ne l’entendait plus. Elle ne savait pas dire à qui il parlait.
Petit Jean. Elle avait oublié Petit Jean.

Tout arriva trop vite. Elle ressentit d’abord une intense chaleur, le sentiment de tutoyer le soleil. Ravness détacha les yeux de son allié pour fixer Kefka. Un éclat de rire déformait son visage, une lumière atroce effaçait toute couleur à son maquillage. L’âtre de l’Enfer semblait alors retenir ses flammes quand une flèche surgit dans son champ de vision, traversant les flammes, dépassant Heinrich. Le trait se planta sèchement dans la poitrine de Kefka, interrompant son éclat de joie. Les yeux de l’ennemi se braquèrent avec stupeur vers la droite de la générale. Et il commença à disparaître.

Elle vit le feu.

Son corps et son esprit s’embrasèrent. Elle ne put hurler. Pour la deuxième fois, elle n’en eut pas le temps. La générale ne respirait plus que des flammes, ne sentait plus que la mort et la chair carbonisée. Dans un océan de chaleur, alors que le moindre de ses membres semblait brûler, alors que ses yeux eux-mêmes se fermèrent, son esprit lâcha prise. Le sommet de la tour fut soufflé en même temps qu’elle par l’explosion d’un brasier incroyable. Ravness sentit son corps tomber, longuement, et s’écraser ensuite.

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Au bruit grondant de l'explosion, Sora se retourna vers la seule vitre qui montrait l'extérieur, par delà le flot ininterrompu de sans-coeur. Quadrillée de fer, la fenêtre donnait sur les hautes flammes qui dansaient dans l'air, dévorant goulument ce qui restait de la tour du donjon. Quelques pierres tombaient encore. Le verre mal poli de la vitre déformait toute la scène, la rendait impressioniste. Non, tout ça ne pouvait être réel. Qu'en était-il de Kefka ? De Primus et d'Heinrich ? Kefka était mort, Heinrich et Primus avaient échappé aux flammes, se disait-il, le répétant en pensée pour que cela devienne vrai. Mais ce n'était sans doute pas vrai, et oui, tout ça était bien réel, ce monde le lui avait appris, et voilà qui le déchirait encore plus que le coup de couteau du voyant lui avait déchiré la chair.

Il ne pouvait se détourner de la scène d'horreur, de la tragédie qui se concluait sous ses yeux. Il en était le spectateur et rien d'autre.

Une voix le sortit de sa torpeur. C'était Aiden qui criait à travers la nuée d'ombres : "Qu’est-ce que tu attends, au juste ?! Tu veux que cette merde gagne, que Kefka gagne ! Ils sont des centaines à avoir crevé aujourd’hui et… Elle aussi est… Non. Tu es censé être le héros, c’est ce qu’ils racontent tous et c’est ce que j’ai envie de croire. Alors comporte toi comme tel et termine ce que tu viens de commencer."

Comment osait-il, lui qui avait invité le malheur ici ? Sora fronça les sourcils en réponse et releva sa keyblade d'une main. L'autre comprimait toujours sa blessure au ventre. Le meurtrier avait raison : malgré tout, il fallait sauver le monde, lui faire croire que tout irait bien.

Un rayon naquit au bout de Chaîne Royale, rejoignit la serrure de flammes dans la cheminée. Ce monde était blessé lui aussi, Sora le ressentait, bien plus blessé que ceux qu'il connaissait bien. Ce monde avait connu le feu, l'injustice, la misère et le malheur. Mais Kefka n'en était pas la cause, juste le catalyseur. Le malheur venait de ceux qui comme Aiden l'avaient suivi, qui s'étaient voilés la face, par intérêt, par faiblesse ou par goût du sang. La masse incommensurable qui ne se posait pas de questions, dont les rebelles avaient parlé, tous ces regards de haine et sans pitié qu'il avait croisé lors de la bataille. Il ne s'était pas battu contre des sans-coeur et leur instinct, mais contre des êtres humains, avec un coeur et une âme. Ils avaient choisi. Ce mal était terrible, bien plus terrible que les sans-coeur, Ansem ou même Xehanort. Combien d'autres mondes gangrénait-il à cet instant ? Que pouvait y faire un simple rayon de lumière ?

A nouveau, la pointe de sa keyblade retomba au sol et, les cheveux collant à son front, Sora ne put réprimer une plainte. Le souffle coupé par sa propre chair, l'esprit embrumé par ses pensées, il ne vit pas venir la claque féroce que lui infligea Aiden et qui le fit tanguer. Comment osait-il ? Il toisa le shérif qui ne se démontait pas et le haranguait : "Fais ton truc, fait disparaître les ombres de ce château ! Tu ne trouves pas que nous avons déjà assez souffert, que nous méritons un peu de répit avec les années qui viennent de passer. Ce n’est pas pour moi, pour Freyja ou pour toi que je parle, mais pour les rares ayant survécu à cette journée et qui peuvent encore y vivre. Il y a toujours un espoir, ne le laisse pas mourir."

Sora l'écoutait en serrant les dents. Bien sûr que personne ne méritait de souffrir ! Aiden pensait-il vraiment qu'il ne savait pas tout ça ? Et pourquoi, pourquoi bon sang, pourquoi de tous ceux qui auraient du être là, à ses côtés, c'était lui qui devait le rappeler à ses devoirs ? Il devait y avoir autre chose, quelque chose de plus, quelque chose qui l'avait jusque là titillé, qu'il avait cru entendre mais distraitement, apercevoir mais du coin de l'oeil seulement. Interdit, il ne quitta pas le rat des yeux, insista jusqu'à ce que, derrière la férocité, il puisse voir sa détermination. Derrière l'amertume, sa confiance. Derrière Aiden, le souvenir de Freyja. Une impression fugace de celle qui lui manquait et lui souriait. Un ruban jaune, noué en deux boucles, entourait sa queue.

Les larmes lui montaient subitement aux yeux. Sora détourna le regard vers l'âtre de la cheminée, vers la serrure où se déversaient encore les sans-coeur. De l'autre côté, c'était bien un autre espoir qui mourait. Alors il s'interdit de pleurer, s'interdit de flancher et redressa encore une fois sa keyblade. Sa main gauche alla doucement attraper le poignet du meurtrier et l'attira, le guida jusqu'à la poignée de Chaîne Royale.

Dans le chaos des ombres, dans la chaleur des flammes et l'odeur âcre de suie, leurs mains côte à côte, Sora sourit à Aiden.
"C'est ton monde. Aide le." Puis, plus bas, comme une parole magique : "Sauve le."
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Le Shérif détournait le regard, fixant celui du garçon avant de s’attarder sur l’arme de ce dernier. Les mots résonnaient dans son esprit. Un écho se propageant dans son être et faisant gesticuler la queue à son dos, tel un doux souvenir, telle une dernière promesse. Maladroitement, Aiden posait sa main sur la poignée et serrait celle-ci. Elle était plus lourde que ce qu’il s’y attendait, ou alors la fatigue le gagnait et il allait lui-même s’effondrer.

- Le sauver… Moi ?!
Il posait cette question en attendant une réponse, espérant presque à ce qu’il lui réponde que non. Cependant, il hochait la tête et l’encourageait à continuer.

Aiden, Shérif de Sherwood et plaie de Nottingham. La blague avait du mal à passer. Au centre de cette nuée d’ombre, d’animaux sans-coeur se ruant au sommet de l’âtre de cette cheminée et lui ? Il s’apparentait plus aux créatures qu’à l’humain qu’il accompagnait. Il n’était pas un héros, il n’était pas un rebelle et encore moins quelqu’un de digne de sauver qui que ce soit. Il était le Shérif et l’inverse de tout ceci. Une raclure, un meurtrier, fidèle pion du régent. En quoi serait-il capable de sauver quoi que ce soit dans ce monde, il n’en resterait que les orphelins de cette guerre.

Il baissait le regard, fixant sa patte et s’imaginant le pire. Il sentait ses doigts se faire enlacer, une autre poigne, plus douce et dont il avait rêvé de trop nombreuse nuit.

Freyja… ? C’était impossible, elle était…

Pourtant cette sensation lui semblait tellement réelle, comme si elle était là, à ses côtés.

- Tu te rappelles de nos musiques, celle que nous chantions sur la barrière ? Depuis combien de temps ne nous sommes pas retrouvés, tu joues toujours du luth
Sora lui souriait, un air triste, alors qu’il sentait une larme perler à ses yeux.

Le monde dans lequel il avait aimé n’était plus, depuis des années. L’incendie de Kefka n’était rien de plus qu’un souvenir et c’était celui-ci qu’il avait envie de retrouver. Mais sans elle ? Il n’avait pas l’ombre d’une envie. Il voulait retourner jouer sur cette barrière, retrouver la fille dont il était tombé amoureux.

- Adam pourrait chanter pour d’autres… Pour nous…
Revoir cette barrière, cette maison aux abords de la forêt et la vie qui respirait avant l’arrivée de Kefka. Aiden revoyait encore ses jeux, ses instants partagés et ce qu’il aurait pu devenir à ses côtés. Subitement, la pointe de la clé brillait et le faisceau se dirigeait dans la tête de la serrure.

La musique, il se souvenait de ses accords pitoyables sur le luth et les rires de Freyja. Il voyait ses jeux. Il se rappelait de la grandeur de la forêt de Sherwood dans laquelle il avait bien trop peur à s’y rendre. La vie où il n’était qu’un garçon insouciant.

La lumière s’intensifiait, faisant briller la serrure qui chassait les ombres à proximité et forçant Aiden à relâcher l’arme et se masquer les yeux. Il sentait l’agitation autour de lui, les sans-coeur s’enfuyaient, passant les escaliers et disparaissant alors qu’autre chose chutait à ses côtés. Le Shérif détournait le regard pour distinguer le garçon s’effondrer en même temps que son arme disparaissait, le sang à son ventre ne cessant d’imbiber sa chemise. Il gardait un sourire taquin avant d’ajouter une simple phrase avant de s’évanouir.

- Vous ne serez jamais séparés.
- C’est ce que j’aurais voulu…

Aiden le rattrapait de justesse, le tenant à bout de bras alors que sa propre lance tombait sur le sol. Il n’en aurait plus besoin. Péniblement, le Shérif guidait le bras du garçon à son épaule et se dirigeait jusqu’à la sortie du château. La guerre était finie, il n’avait attardé qu’un regard à la tour en ruine, mais il savait que Kefka ne l’avait pas quitté depuis que les rebelles avaient pénétré l’enceinte.

Il n’avait que quelques pas à faire pour qu’enfin, cette journée se clôture.

- Sora !
- Il y en a encore un, ici !

Un coq se ruait jusqu’au duo, attrapant Sora et l’intimant à s’allonger. Pendant que quelques rebelles bandaient déjà leurs arcs et ordonnaient au Shérif de se rendre. Et sans un râle, Aiden amenait ses mains jusqu’au crâne et s’agenouillait. Il n’avait qu’un regard à adresser, il y avait un drap pour la recouvrir. Au moins, elle avait cette chance. Il aurait aimé la voir une dernière fois.


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Je m'étais redressé.

La flèche, le feu sans douleur, la chute... Je boitais en m'appuyant sur ma hache. La douleur, je ne sais combien d'os ont été touchés, de muscles broyés, je ne suis pas médecin.

L'armure noircie, les brûlures, c'était la Générale.

Je posais un genou à terre, rapprochant ma main de sa gorge pour prendre son pouls, elle était vivante. Un long soupir rassuré s'échappa de ma bouche. Je me redressais, comprenant alors que c'était elle qui avait décidé d'encaisser pour moi. Je ne suis pas en l'état de la porter, mais tous les héros ne mourront pas aujourd'hui, je pris une grande inspiration, je me rattrapais sur la hampe de ma hache, une fois que l'adrénaline descends... Ça fait un mal de chien. Je continuais à boiter. Les rebelles étaient là, j'entendais les pleurs, un amas autour d'un cadavre chéri, Petit-Jean était son prénom. Je me retournais vers le corps inconscient de la Générale.
Murmurant un << Petit-Jean aurait mérité d'avoir la vie sauve, plus que moi. >>

Plus loin, le renard lui, était inconscient. Qui était-ce? Je ne me souviens pas de son nom. Mais lui aussi, il vivra. Une journée de plus. J'ai pensé qu'il aurait été plus compliqué de trouver un pouls sur un animal, ravi que je me trompe.

Je fis quelques pas, m'éloignant de cette détresse, repoussant les personnes qui tentaient de me tendre la main, ce n'était pas le moment. Pas tout de suite.

Je levais la tête, la tour dans laquelle nous avions engagés le combat... Elle n'était plus là, elle avait été soufflé comme une brindille, mon corps tremblait, était-ce de la peur? Oui. Cette magie terrifiante, mais au delà de la peur il y avait... Cette rage qui brûlait bien plus fort. Mon corps était brisé, mais c'est lui qui me guidait, il voulait me faire voir, avant que je ne rende ma conscience au diable. La cour, les cadavres, les soldats aux mains liées et à genoux, les rebelles les tenaient en respect. Monter des marches d'escalier était comme grimper une montagne, je m'étais dressé en haut des remparts, il y avait la paix.

Je tournais le regard vers la ville, détruite mais... Il y avait un vent frais, un renouveau.

Mes poings soulevèrent mon arme. Mes poumons s'emplirent d'air. Les cordes vocales allaient vibrer!

Un hurlement !

Celui de la victoire !
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