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Nous sommes quatorze ans après les évènements de Kingdom Hearts 2. En tant d’années, les choses ont considérablement changé. Les dangers d’hier sont des soucis bénins aujourd’hui, et au fil du temps, les héros ont surgi de là où on ne les attendait pas. Ce sont les membres de la lumière qui combattent jour après jour contre les ténèbres.

Ce n’est plus une quête solitaire qui ne concerne que certains élus. C’est une guerre de factions. Chaque groupe est terré dans son quartier général, se fait des ennemis comme des alliés. Vivre dehors est devenu trop dangereux. Être seul est suicidaire. A vous de choisir.

La guerre est imminente... chaque camp s'organise avec cette même certitude pour la bataille.

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La Chute de Nottingham

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Un moment de calme, comme si le temps lui-même c’était figé à l’instant où Sora s’était posé sur le fer de sa lance. Il attendait sa réaction. Elle acquiesçait d’un mouvement de tête, silencieux, glissant ensuite sa main gauche au bout de sa hampe et la droite à mi-longueur avant de positionner ses jambes afin de catapulter le porteur de la Keybade vers les cieux. Elle sentait le bois se tordre sous le poids de son ami ainsi que ses muscles se tendre sous l’effort, jusqu’à ce qu’enfin, le garçon prenne de la hauteur et embrasse les cieux.

Il avait à joindre Primus de l’autre côté du pont, il allait falloir plus qu’un simple bond pour l’aider à joindre la Générale.

Passant son arme dans sa patte gauche, elle fléchissait les jambes à son tour et se propulsait afin de l’atteindre dans les airs. Il battait légèrement des bras, cela la faisait sourire, pour ensuite lui tendre sa patte pour qu’il puisse dorénavant être guidé. Il avait la hauteur, il ne lui manquait plus que direction. Enlaçant son poignet, elle tournait sur elle-même jusqu’à positionner ses jambes sur son torse et le pousser vers Cerbère.

Freyja avait confiance en lui pour la suite, elle le regardait filer un bref instant jusqu’à ce qu’elle retombe dans une acrobatie sur la pierre du pont. Retour à la réalité, dans le sang et la rage.

La rate se redressait lentement, le regard perdu dans les escarmouches entre les soldats du régent et les rebelles. Il semblait que cette bataille se soit transformé en véritable charnier, sauf que cela, elle ne s’en rendait pas encore réellement compte. Un loup se jetait sur elle, l’épée haute dans les cieux, prête à dévorer sa chair. Elle avait remarqué le coup que trop tard, reculant désespérément tout en cherchant à bloquer de sa hampe, la rate n’était parvenue à rien d’autre que d’empêcher l’acier de s’enfoncer trop profondément dans son propre cou. Un cri de douleur, la rage et le sang. Ce liquide chaud qui s’écoulait dans le col de sa veste alors qu’elle faisait pivoter son arme pour écarter le loup ainsi que l’épée gorgée de carmin

Elle reculait d’un pas hésitant, l’une de ses pattes contre la plaie dans un espoir fugace d’empêcher à ce qu’elle ne se vide et tombe à genoux. La vision trouble, elle voyait son ennemi la charger de nouveau, la rate se contentait de bondir en arrière en guise d’esquive et se cognait contre l’un de ses alliés, le faisant tomber dans sa propre chute.

Dos contre la pierre, désarmée et prise pour cible par son assaillant. Le vent passait dans ses cheveux, le casque qu’elle portait venait probablement de tomber. Elle ne pouvait que constater l’inéluctabilité de sa fin approchée. Le loup était au-dessus d’elle, l’épée à deux main et il allait surement la planter dans son coeur en arborant le plus carnassier des sourires. Cette histoire ne pouvait se clôturer ainsi, elle le refusait. Enrager, elle levait l’une de ses jambes, tordant son corps dans le mouvement pour que son pied frappe le coude du bourreau et dévie l’estoc.

Une mèche de cheveux argentés s’envolait, emportée par le vent. Freyja levait alors son autre jambe et tournait son bassin en ciseau afin de balayer le sol et faire chuter le loup. Animée par la colère et le désespoir, elle s’asseyait sur son torse et abattait ses poings sur le museau de l’animal. Un acte brutal, sourd et sans la moindre délicatesse. Une lueur sombre brillait dans le regard de la rate qui ne cessait qu’à l’instant où elle ne pouvait plus faire la distinction entre le soldat et les pierres ensanglantées du pont.

Elle ne voulait pas mourir seule, pas ici, pas au-dessus de la rivière et sans avoir croisé son sourire une dernière fois.

Une fois le bruit sourd dans ses oreilles apaisées, elle se redressait tout en empoignant la hampe de sa lance. Il y avait encore temps à faire. Freyja tenait difficilement sur ses jambes, à la limite de chanceler, elle empoignait son arme avec une ardeur redoublée avant de foncer vers un autre ennemi. La rage au ventre, elle bondissait en avant, passant la pointe de sa lance en demi-cercle autour d’elle, tranchant sans la moindre hésitation au travers des rangs des loups. Ils n’étaient qu’esclave du régent, pourtant, continuer de lutter. La rate n’allait pas s’encombrer de compassion.


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Sora volait au dessus du pont et de la bataille.

Ce n'était pas exactement comme au Pays Imaginaire, il n'avait pas de poudre de fée, il ne contrôlait ni la direction ni la vitesse. Freyja s'était chargée de donner l'impulsion, la trajectoire qui le mènerait où il devait aller. Lui, il n'avait que la sensation éphémère de liberté et déjà, il devait se soucier de l'atterrissage. Son instinct lui dictait d'empoigner son épée longue à deux mains et de la tendre devant lui. C'est ce qu'il fit. Il embrocha un loup en plein plexus, la lame traversa le corps et son bout vint frapper le sol. Il se servit de cet appui improvisé pour effectuer un splendide salto avant, lâchant l'épée.

La réception sur les pavés du pont laissait à désirer : il dut fléchir un genou à terre. Mais ils avaient réussi. Il se releva et retira son arme toujours plantée dans le cadavre du loup, cherchant du regard la rate. Il crut la deviner dans la confusion qui régnait de ce côté là du pont. De l'autre côté, il repéra la Générale Primus qui ne retenait pas ses coups. Elle essayait visiblement de le rejoindre au centre, empêchée par une énième vague d'ennemis. Il pouvait aller l'aider ou.. vaincre Cerbère.

Cerbère. Trois dalmatiens à la solde du clown. Ils étaient là à quelques mètres, en position debout, occupés à se battre avec Petit Jean. Ils le harcelaient avec leurs hallebardes, une pour chaque dalmatien. Vêtu d'une armure de plaque en haut du corps, l'ours parait plus qu'il n'attaquait et reculait petit à petit vers le bord du pont. Ils allaient le jeter à l'eau ! Sans attendre, Sora leur fonça dessus épée en main. Alors qu'il arrivait sur leur flanc droit, l'un des dalmatiens leva une de ses larges oreilles tombantes. Les deux autres firent tout de suite de même et ils se repositionnèrent pour l'accueillir, vite, trop vite. Sora vit une hallebarde se tendre pile devant lui, prête à l'embrocher.

"Quoi ?"

Il freina sa course juste à temps et, prenant appui sur ses pieds, fit un bond rapide en arrière. Bien lui en prit : ce dalmatien, tellement tacheté qu'il en avait l'air malade, venait d'avancer de deux pas. Sora jeta un regard colérique au bout de la hallebarde, un dard déjà maculé de sang. Sourcils froncés, il  esquiva le coup suivant en sautant par dessus l'arme, leva son épée en l'air, prêt à l'abattre sur le museau de l'ennemi. Il ne vit que trop tard une autre hallebarde transpercer l'air. La hache à son bout lui taillada la cuisse droite au vol. Douleur. Il tomba au sol juste à côté des dalmatiens et sans avoir pu frapper.

Un rapide coup d’œil à sa cuisse lui confirma que son pantalon était déchiré, qu'il saignait. Des souvenirs de Port Royal lui remontaient en tête. Pas le temps ! Il se redressa en grognant et vit que les dalmatiens s'étaient repositionnés. Maintenant ils l'entouraient, leurs trois armes effilées pointées sur son corps, sans aucun espoir de fuite sinon un saut, mais le fer ennemi était bien trop près. Ils aboyaient en cœur en le fixant d'un air mauvais, fanatique. "Pour Kefka". C'était pour préparer un coup puissant, il le sentait. Il y avait un rythme dans les aboiements.

A la troisième série de trois aboiements, ils amenèrent tous les trois leurs hallebardes en arrière. De nulle part débarqua alors une masse en armure de plate qui percuta violemment le dalmatien trop tacheté, l'envoyant valser. L'ouverture inopinée permit à Sora de rouler hors de danger et les deux autres dalmatiens chargèrent dans le vide. Sora se releva et hocha la tête en direction de Petit Jean. L'ours l'avait sauvé, c'était certain.

"Hé, p'tit gars ! Faut qu'on attaque ensemble ou on est fichus."

"D'accord !" répondit Sora. Et d'un geste, il lui indiqua de se positionner assez loin de lui. Avec de la chance, une menace simultanée diviserait les dalmatiens. Ceux-ci s'étaient déjà regroupés et semblaient attendre l'attaque. Sora les contourna d'un côté, Petit Jean de l'autre. Ils se firent signe de la tête et, conjointement, se ruèrent vers Cerbère. Prestement, les trois dalmatiens joignirent le bout de leur hallebardes en l'air. Des étincelles fusèrent à la jonction, elles envahirent l'air alentour et formèrent deux boules qui vinrent frapper Sora et Petit Jean, les coupant en pleine avancée.

C'était très désagréable, une décharge dans tous les membres de son corps, dans ses os. Sora en perdit le souffle et grimaça de douleur. Incapable de bouger, il ne put que voir les dalmatiens fondre sur Petit Jean et profiter de son impuissance pour infiltrer leurs armes sous son armure de plaque. Que cherchaient ils a faire ? Il le comprit lorsqu'ils tirèrent de toutes leurs forces sur les hampes de leur hallebardes. L'armure de plaque de l'ours se détacha de part et d'autre, les pièces tombèrent lourdement au sol. Petit Jean était sans défense.

"Non !" cria Sora en se forçant à avancer mais, encore sonné, sa cuisse tailladée, il titubait. Cette douleur l'empêchait de se battre, il devait l'oublier ! Il serra les dents et ferma les yeux pour la forcer à se taire, au moins pour un moment. Rapidement, son corps devint plus léger, son esprit plus clair. Lorsqu'il rouvrit les yeux, ils avaient retrouvé leur assurance. Il fonca vers Cerbère, les dalmatiens tenaient en joue Petit Jean, dessinant des figures dans l'air avec leurs armes. Si la situation n'était pas si dramatique, on aurait pu admirer l'esthétique et la synchronisation de leurs mouvements. Sora s'en fichait pas mal : en un saut, il était au dessus d'eux, tailladant dans tous les sens, par la droite et la gauche, par le haut et le bas, pour les blesser tous les trois. Sonnés par l'avalanche de coups, ils étaient à sa merci. Il concentra sa force, "Prends ça !" et frappa une dernière fois, bien plus fort, envoyant valdinguer le dalmatien aux yeux bleus qui couina son désarroi.

Les deux autres haletaient, récupéraient encore de son attaque. Debout mais le dos courbé, ils pointaient leurs hallebardes au sol. Petit Jean en visa un et enfonça son épée courte dans le flanc, le faisant râler. Sora plaqua sa main sur le museau de l'autre dalmatien et dit sèchement : "Brasier." Les flammes filèrent de ses doigts gantés pour immoler la gueule de l'animal qui lâcha un gémissement continu. Il dévia le regard, un peu dégoûté. De part et d'autre du pont, il y avait aussi du feu, d'énormes boules qui faisaient toujours flamber le chaume des maisons, carbonisaient les morts flottant sur la rivière. Aucun rebelle, aucun sbire de Kefka ne venait se mêler à leur combat. Soudain, une déchirure dans son dos lui fit lâcher le crane brûlé et se retourner. Le dalmatien aux yeux bleus s'était déjà relevé et lui avait enfoncé la hallebarde juste au dessus de la hanche. Mais Sora ne ressentait plus la douleur. Leurs regards se jaugèrent, rage contre rage. Son opposant l'attaqua en piquant. Sora esquiva d'un pas de côté et se rua pour enfoncer le bout de son épée dans le poitrail ennemi, provoquant un glapissement de surprise. Quand il la retira, le sang jaillit de la blessure et le dalmatien chancela avant de tomber au sol.

A côté, Petit-Jean luttait contre le dalmatien tacheté. Il venait d'attraper sa hallebarde et de tirer sèchement dessus pour que le corps élancé de l'animal vienne buter contre sa peau coriace d'ours. Les os de l'adversaire craquèrent sous le choc, le chien mordit la poussière. Sora et Jean se regardèrent alors, les seuls debout au centre du pont. Ils avaient... gagné ?

Trois aboiements synchronisés leur firent comprendre que non. Contre toute attente, les dalmatiens blessés, brûlés, cassés, se redressaient encore et en trois bonds prodigieux se retrouvèrent de nouveau côte à côte à joindre le bout de leurs hallebardes. "Oh non..." grogna Sora en voyant les étincelles. Vite, une barrière magique ! Il eut tout juste le temps de l'ériger autour de lui... pas sur Petit-Jean, qui, une fois touché par la boule d'étincelles fut pris de spasmes. Sora sentit son corps s'engourdir mais pas de douleur cette fois. Il devait en terminer vite, mais comment ? Cerbère approchait, les trois chiens commençaient à l'entourer. Les prendre à leur propre piège, oui, c'était la solution. Il les laissa faire, garde baissée, sueur perlant sur le front. Une fois encore, les trois hallebardes le cernaient de toute part, pointées sur son corps trop frêle. Si ça ratait...

"Pour Kefka."
Sora vérifia qu'il pouvait bouger. Oui, mais trop lentement encore.
"Pour Kefka." Il ferma les yeux, trouvant en lui la capacité de se mouvoir plus vite. Comme l'éclair.
"Pour Kefka." Les dalmatiens reculaient d'un pas, prêts à le transpercer trois fois. Juste avant que le fer ne le déchire, Sora fila en l'air. Dans son élan, Cerbère ne put que continuer a percer.. dans le vide. Les trois dalmatiens se culbutèrent et retombèrent sur leur fessier.

C'était le moment. Sora reprit pied au milieu d'eux et brandit son épée, tranchant net leurs gorges dans un cercle horizontal. Leur sang fit comme tout chez eux : il gicla en harmonie. Lentement, leur tête ploya, leurs corps aussi et ils s'affalèrent pour un dernier repos. Le dernier regard de chacun fut pour les deux autres. Ils expirèrent ensemble : c'était la moindre des choses.

Le cœur battant à tout rompre, Sora releva la tête. Petit Jean sortait de sa torpeur, il avait le souffle coupé. "B.. Bien joué, compagnon. Oudelali, ouais. Oudelali", grogna-t-il sans enthousiasme. Pour toute réponse, Sora avisa le cadavre de Cerbère, une main sur sa cuisse droite qui saignait encore. Déjà la douleur revenait, et celle dans son dos se dévoilait. Il retint un gémissement et une larme. "Ca m'apprendra à vouloir les sauver quand ils sont petits", glissa-t-il entre ses dents. "On est.. On est tous mignons quand on est petit. Après on grandit. Ils ont vécu la misère, mais leur haine.. était du mauvais côté." "Hm."

Autour d'eux, de chaque côté du pont, la bataille faisait encore rage, mais Sora et Petit Jean savaient qu'elle serait bientôt terminée. La guerre, elle, continuait. Pour oublier sa souffrance, les pensées de Sora revinrent vers les rebelles qui se battaient toujours. Vers Primus. Vers Freyja.
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Au royaume des morts.
Les survivants sont rois.

J'agitais mes armes avec une fureur sans pareille. J'accumulais les victoires, le sang sur mon armure, les blessures qui s'accumulent, l'adrénaline qui parcours mon corps est un brasier. Il y a cette chose insondable au fond de moi qui hurle, qui se déchaine, qui s'exprime.

Je suis le plus fort. Qu'en est-il d'eux?

Des ombres appartenant au passé.

Les cendres volent au gré des vents, se répendant dans l'air, agressant les poumons. J'exhale d'une rage incontrôlable, d'une envie de me déchainer, de détruire tout ce qui lèverait ne serait-ce le petit doigt face à moi.

Je tue.

Je détruit ce que des années ont bâtie, la vie même, mon feu ravage ce qui se tiens autour de moi.

Je domine mes ennemis par la force, je leur brise le corps, je leur brise l'âme à la force de mes poings. Je suis baigné dans un liquide écarlate, et pourtant j'en ai envie de plus. Toujours plus.

Et c'est alors... Après des victoires nombreuses, personnelles, égoïstes. Je me sentais...

Vulnérable

Je me retournais, maniant à la force de mes mains ma hache qui s'est émoussée, deux survivants, un grièvement blessé qui ne vivra pas plus longtemps, éventré, et son comparse, blessé plus légèrement. Le serre contre lui dans des larmes, le regard est un mélange entre la peur, et la haine.

Qu'ai-je fait?

Je regarde mes mains, lâchant mon arme. Ai-je toujours été comme ça? Ai-je toujours été un monstre sans empathie? J'ai tué. Tué, tué tué... Ne suis-je pas si différent de mon père? Suis-je fou? Si je les laisse vivre, ils rejoindront l'ennemi pour se faire tuer à leur tour. Est-ce que cela change quelque chose? Est-ce qu'il y a une raison? Ai-je raison? Ai-je tort? Je fais quelque chose de bien en aidant un camp. Je fais quelque chose de mal à ces gens à un niveau personnel.

Non reprends toi. Tu es là pour la guerre. Le combat, l'adrénaline, le sang dans tes veines...

Non ce n'est pas moi. Ce n'est pas moi.

Je ne peux pas être comme ça, je ne peux pas répandre la mort et la désolation sans raison! Le combat est une raison? Est-elle valable?

La douleur me fait revenir à mes pensées. Une douleur vive, qui m'arrache un cri, je lève la tête, un archer, qui a raté la tête. Je l'aurais mérité.

C'est peut-être pour ça. Que je tue.

Personne n'est fiable. Il n'y a que moi qui le suis. Je me met à couvert. J'observe la flèche, elle est bien plantée, elle me dévore. Je ne suis pas stupide, je ne l'arracherais pas. Je la briserais pour éviter que quelqu'un la retire à ma place. Je n'ai pas de potion de soin, pas de magie, pas de super pouvoir. Je ne suis qu'un  homme.

J'ai laissé le doute envahir mon esprit. Je respire avec difficulté, j'attrape l'arbalète, il me reste deux carreaux. Je penche la tête, une flèche se plante dans le bois, je grogne, j'encoche. Je provoque un deuxième tir de flèche, le temps qu'il en encoche une nouvelle, c'est moi qui ai décoché mon carreau. Dans un hurlement il chute et s'écrase.

Je redresse mon arbalète.

Si je l'emporte, c'est parce que j'ai quelque chose à faire dans cette vie. Si je ne les tue pas d'autres le feront. Pour des idéaux qui sont peut être des mensonges. Je n'ai pas à me cacher.

Je tue.

Parce que je suis le plus fort.

Ils fuient vers le château. Mais mon corps me fait défaut. Les flammes s'élèvent dans les yeux, la fumée, les cris, la haine...

J'erre.

... Mais qu'est ce que je dis! C'est complètement dingue ce que je suis entrain d'admettre!
Je suis pas comme ça, je peux pas juste tuer parce que j'aime ça et m'en tirer ! C'est comme ça qu'on fait des gros cons comme mon père!
Faut trouver un coin avec des premiers soins, sinon je suis bon à être une tomate qui se vide de son jus!
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Le sang pulsait à la tête de la rate alors qu’elle extirpait la pointe de sa lance d’un torse. Ennemi ou ami ? Elle l’ignorait, tout bonnement.

Freyja semblait être dans un état second, une sorte de transe dans laquelle son esprit s’était fermé. Il ne restait qu’un corps froid, aveuglé par une seule et unique crainte qui parvenait à mouvoir ses muscles. Le tranchant de son arme ruisselait, virevoltant dans les airs dans un chant mortuaire sifflant aux oreilles des victimes de cette bête sans âme. Désormais, l’odeur de la mort régnait, personne ne pouvait plus l’ignorer. Telle une tumeur s’accrochant à leurs âmes, grossissant à chaque coup porté et se terrant dans leurs bonnes consciences. Dans des années, elle viendra rappeler l’horreur de cette journée et l’amertume de cette guerre.

Un rhinocéros se dressait devant-elle, agitant une masse d’arme sans discontinuité avec le même regard fou que la rebelle. Ils n’avaient plus rien à perdre. La rate glissait sur la pierre humide afin d’échapper à la trajectoire mortelle dont la charge lui était destinée. La hargne la guidait, projetant sa lance en avant, le revers d’un poing la frappait en plein visage tel le coup d’une masse. L’envoyant valdinguer à plusieurs mètres, glissant sur le sol comme une poupée chiffons.

La rate s’étouffait un instant contre la pierre du pont, une boule de la gorge, parvenant difficilement à happer quelques bouffées d’un air vicié.

Bien des histoires se sont clôturées au-dessus du Trent, la sienne pourrait être la suivante. Péniblement, dans une toux grasse, Freyja posait sa main pour se redresser et fixer l’inéluctable. Les armées disparates des rebelles ne s’enfonçaient plus dans une mêlée, ils étaient repoussés par la dernière ligne des hommes du régent. Qu’importe l’allégeance, plus aucuns ne désiraient mourir et tentaient le fou dans l’espoir d’une vie de lâche.

Les cris parvenaient à ses oreilles, Cerbère était tombé, raison de la débandade dans les rangs de l’ennemi. Un espoir de victoire pour les rebelles qui ne laissaient pas l’opportunité leurs échapper. Un loup passait, désarmé, cherchant à rejoindre les hauteurs du château. Un jappement de douleur, un hibou venait de l’agripper de ses serres avant d’entailler sa gorge et laisser retomber son corps.

Entre le marteau et l’enclume, personnes ne se souciaient des râles du fer. Elle ne pouvait que le constater sur l’instant où son âme reprenait le contrôle de son corps.

Plus de morts, plus de sang, plus de rage. Le rhinocéros tentait de s’en aller, lui aussi. Il allait bientôt succomber sous l’amoncellement de rebelles qui le guidaient jusqu’à sa perte. Des coups d’épée, de dague dans un corps agonisant. La bataille devait être remportée. Un loup criait, demandait de l’aide alors qu’un sanglier enfonçait une lame dans son ventre et le poussait ensuite dans les eaux sombres. Partout où se dirigeait le regard de la rate, le même spectacle macabre. Une brûlure grimpait le long de sa gorge, affaissant son buste et ouvrant sa gueule pour que la bile se mélange au sang.

Elle sentait un poids sur ses épaules, soudains, culpabilisant jusqu’au point de faire trembler ses jambes. Elle chutait au sol, une nouvelle fois. Personne ne se souciait d’elle. La douleur s’ajoutait à cela, brûlante, comparable à des tisons qui s’enfonçait dans sa chair. La crainte revenait, faisant rougir ses yeux alors qu’elle se refermait sur elle-même, frappant son front contre ses genoux.

Que cela cesse, que le bruit cesse, que la mort cesse.


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« Ha ! » expira-t-elle dans un cri en enfonçant son épée dans le cœur d’un loup. Il tomba à ses pieds et c’est seulement lorsqu’il cessa de bouger qu’elle leva les yeux de son corps, observant le champ de bataille. La rive était ensanglantée, des dizaines de corps jonchaient le sol et de nombreux hommes couraient vers le sud, vers le château. « Tirez sur ces hommes ! Ne les laissez pas rejoindre le bastion ! »

Elle se pencha pour ramasser son épée, sentant cette douleur aigue près de son épaule où une flèche l’avait touchée. Si proche du sol, elle devait résister de tout son corps à l’envie de s’asseoir. Heureusement, si ses jambes ne pouvaient plus la porter, si son cœur ne pouvait suivre la cadence, sa volonté était intacte, non… Elle n’en était que plus forte. Cerbère et ses hommes étaient vaincus. L’attaque avait été telle que les fuyards n’avaient aucune chance de rejoindre le château. Les soldats avaient en effet été attaqués de tous les fronts et… tout cela justifiait la moindre de ses décisions. Les brigands avaient avancé, au prix de nombreuses vies, bien sûr, mais sans laisser le moindre goût de victoire à Kefka et son armée.

Général Primus observa alors son armée… Quelques dizaines d’hommes étaient encore debout. Il y avait plus de morts que de blessés, et plus de blessés que de soldats encore capables de se battre.


« Unité communication ! » cria-t-elle en faisant disparaître son épée et en se dirigeant vers un homme au sol. Un jeune adolescent courut vers elle mais reçut son ordre si vite qu’il ne l’atteignit jamais… Faire venir les unités médicales, voilà ce qu’il devait faire. Tout en maintenant sa paume sur la plaie béante d’une femme-chevreuil, elle chercha parmi tous les combattants, tombés ou non, ceux dont elle redoutait la mort. Elle vit Ambre, heureusement, aidant déjà quelques autres hybrides à trier les rebelles des soldats du régent… les vivants des morts et finalement, les blessés qui pouvaient être sauvés de ceux qui auraient besoin d’un prêtre ou d’un ami. Elle reconnut Freyja, qui avait survécu à ses deux premières missions et qui avait sans le moindre doute offert de belles opportunités aux brigands. Sora était là. Elle l’avait vu vaincre Cerbère avec Petit Jean. La générale avait prévu de s’occuper d’eux mais… dans le vacarme de la bataille, dans la réalité du combat, elle n’avait jamais pu les atteindre.

C’était sa survie qui la rassurait le plus, elle ne pouvait le cacher. Cette victoire était celle du héros de la lumière. Il avait fait plus que vaincre Cerbère. Il avait transformé une épouvantable boucherie, qui serait pour beaucoup de rebelles la bataille la plus sanglante et cruelle qu’ils vivraient sans doute dans leur vie, en une belle victoire pour les cent-trente rebelles stationnés au nord de la ville.

Les secours arrivèrent, emportant les blessés au nord de la ville, retraversant pour cela le pont le plus vite possible. Elle resta là, rive sud, à côté des dizaines et dizaines de morts, accompagnée d’une petite dizaine d’hommes et de femmes qui n’avaient pas souffert du combat, alors qu’une infirmière s’occupait du mieux qu’elle pût de sa blessure au-dessus de la poitrine.

Arrivèrent, au bout de quelques minutes, selon le plan de bataille, les cent-cinquante rebelles encore menés par Robin, Petit Jean, Will, et accompagnés du Shérif. Elle laissa le silence s’installer dans la foule, tandis que chacun d’entre eux observait avec horreur les traces de la violence qui avait été commise ici. Et… loin de la table de commandement, la générale se concerta avec l’état-major.


« Les survivants font peine à voir, Générale. » déclara Petit Jean, qui de tous les combattants, était l’un des plus amochés.

« Oui… » prononça péniblement Ravness, la voix enrouée, quasiment aphone. « Oui. » répéta-t-elle, se demandant ce à quoi elle-même devait ressembler. « Laissons-les se reposer au nord de la ville jusqu’au début de l’attaque du château. Nous ferons tout ce qu’il faut jusque-là, ils… ils stationneront au point de commandement et protègeront les unités de soutien. »

« J’ai envoyé des unités rappeler les arbalétriers en poste près des ponts. » maugréa le shérif. « Et le nord est totalement évacué… »

« Toutefois, compagnons… » Il pointa d’un index le ciel au-dessus de la ville. Une fumée noire s’échappait de nombreux endroits de la ville. L’incendie n’était pas dangereux, du moment que les civils n’y étaient pas exposés… mais il avait un effet incontestable sur tous les hommes se battant déjà sur les ruines d’une cité. « Nottingham ne survivra pas à ce jour. Veillons à évacuer le sud avant que ses habitants ne meurent avec elle. »

« Oui. » Elle se retourna et appela Système d’un geste de la main. La machine, elle-même endommagée, arriva rapidement et… d’elle dépendrait la suite des événements. « Voilà où nous en sommes. Premièrement, nous devons avancer les troupes à quelques centaines de mètres du château sur une ligne de stationnement. Deuxièmement… Système. Vous survolez la partie sud de la ville… nous ne pouvons perdre de temps à la fouiller. Les quelques déserteurs ne m’intéressent pas, je veux savoir s’il y a des troupes, des escouades armées stationnées quelque part dans la ville. Tirez un signal dès que vous avez une réponse. » Le robot hocha la tête et attendit. « Exécution. » Une nouvelle fois, peut-être la troisième ou quatrième de la journée, elle vit la jeune femme décoller dans le ciel et disparaître derrière des bâtiments. Ravness toussa quelques secondes avant de reprendre la parole. « Quand nous recevrons son signal, les unités de soutien rejoindront le sud et nous attaquerons. »

« Envoyons déjà des hommes partout dans la partie nord pour assurer l’évacuation des civils, ma p’tite dame. Les possibilités qu’il y ait une présence ennemie ailleurs que dans le château sont minimes et… des centaines de vie sont en jeu, nous devons prendre le risque. »

« Le problème est qu’avec l’incendie, c’est trop risqué de les évacuer par le nord. C’est toute la ville qu’ils devront traverser, c’est impensable ! » fit remarquer Will, obtenant un acquiescement de la part de la générale.

« La porte sud n’est pas sécurisée. Bon, nous allons faire ce que vous proposez, Petit Jean. Mais les hommes devront attendre le signal positif de la part de Samus avant la sortie par la porte Sud. Je vous laisse coordonner l’évacuation. Shérif. » Elle salua d’un signe de la tête l’ours qui fit volte-face avant de retourner au point de commandement.

« Avançons, rebelles ! » cria Will l’Ecarlate à l’intention de l’armée qui répondit d’un hurlement.

Et c’est ce qu’ils firent… Assez désordonnés, l’armée se déploya et avança vers le château, qui les supplantait. Le long du chemin, elle ne cessa d’en observer la plus haute tour, de laquelle jaillissait de temps à autre des boules de feu venant s’écraser dans la ville. Plus tard, alors qu’ils ralentissaient, elle sentit de la pluie tomber sur son visage. À vrai dire, elle ne savait depuis quand elle tombait mais… ne pas l’avoir remarquée plus tôt la surprit. La pluie avait un effet assez précis sur son esprit, la rendant moins stricte, plus approchable et conciliante. Oui, cela expliquait certaines choses… Elle n’était pas sûre que dans un autre contexte, elle aurait accepté de s’éloigner du plan de bataille.


« Générale. »

Ambre vint l’interpeler, accompagnée de Sang-Bleu, alors que les troupes s’arrêtaient, ayant toutes entendu le signal de Robin, un huissement signifiant qu’ils étaient assez proches du château pour s’arrêter et se préparer à la suite. Ce qui dans une armée régulière, aurait fait que tous les hommes se seraient tenus à leur poste, droits et immobiles… ou encore, dans les armées plus modernes, que les hommes s’allongent pour être les plus discrets possibles, mais qui, parmi la grosse centaine de rebelles, signifiait qu’ils pouvaient au choix grimper sur le toit d’une maison, se reposer ou discuter. La générale n’essayait plus depuis des années d’assurer une certaine cohérence parmi ces esprits dont le choix avait justement été de toujours rester libre.

« Soldats. » prononça-t-elle comme un salut à ces deux officiers. Ambre aurait pu rester en retrait, comme Freyja, le lieutenant Sora ou tous les autres ayant participé à la bataille sur le pont… mais malgré sa sombre mine, elle était restée à son poste.

« Sang-Bleu a repéré un drôle de type pas loin du pont. C’est pas une cape grise, il vient d’un autre monde mais enfin… il s’est visiblement mêlé au combat. Il a tué pas mal de soldats du régent. »

« Permission de l’approcher ? Lui être blessé. » demanda Sang-Bleu.

Elle soupira, bien sûr. Comment réagir autrement. Ce qui pour un autre semblait être une bonne nouvelle était un imprévu indésirable à ses yeux. S’il avait vraiment tué de nombreux hommes, ne pas le contrôler était dangereux. Elle refusait d’avoir un élément encore plus rebelle que les autres dans cette ville…

« Allez-y ensemble. Prudemment. Emportez de quoi le soigner et… vous aviserez. Mais je ne veux pas de chien fou dans les rues. Soit il nous aide, soit il s’en va. Dépêchez-vous et si vous avez le temps de me le présenter, je veux le voir. »

Les deux officiers partirent aussitôt, ordres en tête.
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Le silence. Apaisant. Calme. Une brise caressant le visage telle une promesse. Freyja relevait le regard, quittant la vision de ses mains pour celui des nuages dans les cieux.

Des nuages, gros et gris, volèrent dans l’azur du ciel. Il semblait flotter alors qu’un doux crachin frappait le pavé des rues. La rate n’avait pas retrouvé son casque. L’eau tombait sur ses longs cheveux avec douceur, semblable à des caresses. Les yeux mi-clos. Elle aspirait à ce calme, s’en délectant et ne voulait plus jamais avoir à se relever et à retourner de l’autre côté du pont.

Était-ce ainsi que tout devait se terminer, dans les ruines d’une ville qui ne l’avait jamais accueilli.

Ouvrant de nouveau les yeux, elle tournait son regard tout autour d’elle. Les lamentations parvenaient de nouveau à ses oreilles, les suppliques des survivants du charnier qu’avait été le pont. Elle se tenait non loin d’un ours, silencieux, il tenait sa mâchoire à l’aide de ses pattes dans l’espoir qu’elle ne tombe en lambeau. Une femme d’église, une poule en bure noire, s’approchait finalement de lui afin de porter secours. Il baissait son regard, révélant un pan de sa veste de ses doigts.

Un épais bandage, rougissant par endroits, était imposé sur tout son torse. Le poids sur ses épaules lui semblait insoutenable. Elle avait les épaules basses, soupirant longuement avant de refermer les boutons de son vêtement tout en contemplant ses doigts.

Du sang, elle avait du sang sur les mains. Elle qui avait un pelage gris, il était désormais terni par le liquide carmin qui ne semblait pas vouloir partir. Frénétiquement, elle forçait de son pouce sur le dos de sa patte dans l’espoir de le faire partir. En vain. Il y avait encore trop à faire, tant à vivre en cette funeste journée qu’elle ne parviendrait à se débarrasser de cette noirceur au creux de ses mains.

Tant à faire, tant à donner dans cette guerre…

Les yeux de la rate se levèrent une nouvelle fois, se dirigeant vers les hauteurs du château de Nottingham. Le seul véritable objectif de cette journée. Ce qu’ils vivaient, ce qu’elle vivait, pour seulement franchir les herses de la fortification pour faire tomber le clown. D’ici, personne ne pouvait ignorer Kefla du haut de sa tour à cracher l’enfer sur terre. Il n’y avait que lui, que cet homme à vaincre pour que tout cesse. Proche, pourtant si lointain. Encore combien de séquelle devait s’infliger le peuple pour que tout se termine.

Elle commençait à douter que tout allait se terminer un jour. Lentement, elle baissait le regard. Pourquoi était-elle ici. Encore une erreur, comme elle avait tant l’habitude d’en faire.

La rate levait sa patte, massant lentement ses paupières avant de glisser le long de son visage pour fixer une fois de plus la réalité de son monde. Pensait-elle vraiment que tout allait changer ? Pauvre idiote. Elle n’avait pas sa place dans cet univers. Un chien-fou, elle n’était rien de plus. Plus de collier autour de son cou, elle court de monde en monde à la chasse d’une chimère sans la moindre idée de ce qu’elle ferait après. Freyja disait être animée par la vengeance, sauf qu’elle ignorait totalement ce qu’elle ferait en face du régent.

Le souffle qu’elle expulsait ne lui faisait plus mal, malheureusement. Être renversée par la voiture, avec cela, elle se sentait vivre. D’un effort qui lui semblait insurmontable, elle relevait les yeux pour le distinguer. Lui. Il était là, encore. Vivant, debout, entier. Sora, le seul homme n’ayant jamais cru en elle. Elle souriait à s’en faire mal alors qu’il s’approchait. Il ne devait pas être terni, il ne devait pas perdre cet éclat, pas à cause d’elle et de cette tumeur qu’elle traînait.

Félicitations, Sora. Tu es le véritable héros dont ce monde avait besoin.
Une pensée ne franchissait pas ses lèvres, alors que celle-ci lui brûlait la langue. Il était celui qui allait devoir tant donner, un héros que tous avaient besoin.


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L'objectif était atteint et tandis que les méchants battaient en retraite, les gentils pansaient leurs plaies. C'était un moment habituel pour Sora, celui où il pouvait se soigner, régénérer sa magie, échanger avec ses compagnons. Tout lui disait que la bataille finale serait bientôt engagée et qu'il fallait profiter de ce moment pour reprendre des forces. Hélas, ses talents de prédiction s'arrêtaient là.

Il n'avait pas prévu le carnage. Il n'avait pas prévu les morts, la douleur, les cris et ce sang qui lui collait à la veste, au pantalon, au visage. Le sang de Cerbère. Il n'avait surtout pas prévu que tout se répète, encore et encore. Le cycle était le même. Le reste était pire, plus triste, plus violent, plus douloureux encore. En sortant de la Pierre Angulaire, il avait imaginé un instant des mondes en paix, des mondes réunifiés, mais l'étrange Nikoleis l'avait tout de suite ramené à la réalité. Alors il était venu ici a Sherwood, s'était fait de nouveaux amis et s'était mis en tête de les aider à mettre un terme au règne du tyran de ce monde. Sûrement y aurait-il à la fin une serrure qu'il pourrait sceller avec sa Keyblade ? Ça ne le surprendrait pas.

Mais pourquoi ? Puisque malgré tout ce qu'il avait fait avant, rien n'était réglé. Tout était pire.

Titubant entre les brancards de fortune qui amenaient les blessés loin des combats, son regard fut attiré sur la droite. Il vit s'échouer sur la berge de la rivière le corps d'un hippopotame criblé de flèches. A sa taille était encore accroché un tambour percé. Il reconnut là le pauvre bougre qu'il avait laissé fuir en sautant du pont. Il s'arrêta pour observer le cadavre, tête basse, yeux mi-clos. "Attention, laissez passer" disait-on de part et d'autre, mais il ne bougea pas. La pluie collait ses cheveux à son front.

"Bon sang, Timor... Timor..." entendit-il sur sa gauche. Suivant un brancard, un lapin se lamentait. Sur le brancard, les yeux grands ouverts, la langue pendante, était allongé l'homme tortue. Au premier assaut, Sora l'avait poussé à aller se battre. "On a besoin de tout le monde", avait-il dit.

C'était sans doute vrai, pensa Sora en reprenant son chemin. Au beau milieu du chaos organisé, il croisa Freyja, trempée, avachie, en sang. Seul un sourire éclairait le visage de la rate mais pour la première fois, il lui semblait faux. Le vieux réflexe revint au galop : comment la rassurer ? Il s'entendit dire en grimaçant : "J'aurais rien pu faire tout seul". C'était sans doute vrai, et une sourde colère monta en lui. Au moins la rate n'était pas blessée, juste épuisée. Il avait tellement envie de lui dire que tout finirait bien, lui redonner courage, mais il n'en était plus convaincu. L'ombre avait raison : il n'était plus le héros. Quel genre de héros laissait autant de gens se faire tuer ?

Il s'assit sur le rebord d'un muret à côté de Freyja, posa son épée au sol et soupira doucement. Sa main gauche vint serrer le pendentif en forme de couronne collé à sa poitrine. *Donald, Dingo... pourquoi vous n'êtes pas là ?* A coup sûr, ils l'auraient fait sourire, même dans de telles circonstances... mais non, ils ne répondirent pas à son appel. A la place, une poule vint avec des bandages pour panser sa blessure sanguinolente à la cuisse. "Désolée mais je vais devoir déchirer un peu votre pantalon pour appliquer le bandage." caquetait-elle. Il la regarda bizarrement un moment, puis hocha la tête. "D'accord." Et il la regarda découvrir sa jambe droite. De toute manière, ses habits étaient devenus des vestiges. Il en changerait.

"Freyja ! Sora ! Vous êtes trop forts !"

Sora tourna la tête. Encore plein d'énergie, le jeune Bobby arrivait dans sa cape verte qui le protégeait de la pluie. "J'ai pas vu les combats, mais on m'a raconté ! Le super vol plané ! Et chtac, les trois têtes d'un coup !" Il avait sorti sa petite épée de son fourreau et tourna avec elle, s'emmêlant les pattes et chutant au sol. Il se releva aussitôt, comme si de rien n'était. Visiblement, rien n'entâchait son enthousiasme. Maintenant, il avisait Sora sans sembler remarquer ses blessures ni la poule qui lui bandait la cuisse. Sora lui rendait son regard avec une certaine tendresse, oubliant sa souffrance un instant. "J'espère que tu restes prudent, Bobby. Les messagers comptent sur toi." "Oh oui, on reste bien en arrière. Je sais que si je suis bien les ordres, je pourrai rentrer à la Lumière. Tu diras du bien de moi, pas vrai ?" Sora pouffa et enfonça le chapeau vert sur la tête du lapereau, récoltant un "Hé !" de protestation.

"Messager, rejoignez vos camarades. Nous allons repartir. Exécution", fit un coq brun en courant-voletant. Il ne s'arrêta pas, cherchant déjà le prochain messager à rapatrier. Sora et Bobby échangèrent un nouveau regard, plus contrit. "Bon ben..." "Vas-y", l'encouragea Sora. Le laperau hocha la tête et fit mine de partir. Il se retourna néanmoins. "Tu m'as pas dit... pour la Lumière ?" Sora cligna des yeux deux fois avant de hocher la tête. Il n'en fallut pas plus à Bobby pour afficher un sourire éclatant et repartir avec encore plus d'entrain. "Dites bien le bonjour à Kefka de la part de Bobby la Terreur !" cria-t-il par dessus son épaule.

Sora sourit à Freyja et haussa les épaules, légèrement amusé. "Il est sans reproche et sans peur." "J'ai fini. Vous avez d'autres blessures ?" interrompit la poule, visiblement pressée. Sora observa le bandage gris qui serrait sa cuisse. "Non. Merci." Finalement, la blessure dans son dos n'était pas si grave. En tout cas, elle lui faisait moins mal. Il récupéra l'épée, se leva et invita la rate à faire de même. De sa main libre, il balaya la mèche trempée qui obstruait son chant de vision. Aucun regard pour le bout de pantalon qui jonchait maintenant les pavés. Sa tête était tournée au delà du pont, de la fumée, des flammes et de la pluie. Vers le château.

"Maintenant, ça va être sa fête."
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"Bonjour ! Est-ce que vous avez besoin d'aide?"

J'étais dans le dur, je dois être honnête, à force de se battre on fatigue et on est blessé... Et là il y a cette sorte d'ange, qui vient me dire bonjour d'un air convivial, me demander ça alors que je suis pas mal usé? En plus je faisais une mauvaise passe l'instant d'avant... Allez on reste positif, on fait un sourire.

"En dehors de quelques blessures ça et là, d'un manque de munition et d'armes usées? Nan, tout va bien"Je lâchais un rire, mais ça trahissait bien ma fatigue.
Elle a un rire tout léger, et une réponse immédiate " Mais sinon... Vous saignez quand même? Vous voulez qu'on s'occupe de ça?"
Ce à quoi je rétorque "Je dirais pas non du moment que vous enfilez pas un doigt dans la plaie " la plaie... Nan, plutôt les plaies.

"Ok, on va vous aider à retirer votre armure
- Je garde mon caleçon au moins?"

Plus je suis blessé, plus je pense que mon humour laisse vraiment à désirer. Comme certains diraient... c'est beauf. Cette fois ci elle a un rire gêné. Ils se débrouillent pour retirer les sangles en cuir usée, la plate cabossée est un peu lourde mais elle est surtout déséquilibrée, c'est une armure que j'aime mais il va falloir la jeter. On applique les premiers secours, on s'occupe de penser les plaies, elles ne sont pas trop grave, mais pourraient toujours s'infecter d'un moment à un autre, c'est ça le plus dangereux.

Je ne pouvais m'empêcher de demander... Alors que je serrais les dents, c'est une douleur minime comparé au risque de vider de son sang  " Les soins sont au frais de qui? C'est offert?"
Il y avait cet homme, qui ne semblait pas d'ici, et qui avait un peu de mal à s'exprimer "correctement" mais tout est relatif et au moins je le comprenais. "Général Primus envoyer nous. Elle diriger forces armées de rébellion"

Je me gratte le sourcil, je réfléchis, Général Primus... Qui était-ce déjà? Si c'est la grande de la lumière, à Port Royal les plus informés disaient que c'était une femme de 3m de haute, un grand garçon manqué mais bizarrement j'y crois pas.
La femme me fait un sourire en tirant un coup sur un bandage, je déraille pas je garde mon grognement de douleur pour moi, je souffle juste du nez. Elle continue "On est de la lumière! Nous sommes là depuis... deux ans... quand même."

Deux ans hein? Déjà? Ce conflit s'est éternisé, ce n'est bon pour personne. Mais l'indien précise, enfin j'assume que c'est un indien "Nous, depuis deux ans, la générale depuis plus longtemps encore"

"Selon Primus, nous avons sur eux des avantages qui nous permettront de gagner mais... Avec vous à nos côtés, on va réduire nos pertes et ce serait super"

Voilà quoi... Où on en est hein... Pas remporter la victoire, pas vaincre l'ennemi, juste... Réduire les pertes. La guerre c'est vraiment quelque chose de moche. Et moi je suis là.

P'tit temps de réflexion "Vous venez quand même voir un mec qui vient de foutre à terre des soldats et des soldats et si j'dis oui et que je vous la met mauvaise. Vous faites quoi?" Un aïe à cause des blessures, puis un rire "Pas de prison ni de jugement hein, une exécution sommaire ce serait bien." C'est un peu le genre de remarque un peu noire mais il fallait être honnête. C'était plutôt pour m'imposer un code de conduite.

"Oui !" Ambre a un air gêné, peut être parce qu'on a engagé la conversation comme ça. "Vous vous appelez comment, puisqu'on en parle ?" Ben oui la politesse.

"Heinrich Ventrecroc, mais comme Ventrecroc c'est un surnom c'est juste Heinrich"
J'aime bien cette manière de se présenter. Elle est assez... Assez détendue.

"Ok... Donc messire... Franchement vous avez l'air de faire ce que vous voulez mais oui. Avec la Générale, si vous nous faisiez un coup tordu, y a de grandes chances pour qu'elle vous exécute direct après le combat. Mais cela dit ! Je vois pas ce que vous pourriez mal faire... Si vous voulez du sang, elle va vous envoyer en première ligne, vous ferez le massacre que vous voudrez et elle vous remerciera si vous n'avez pas tué des alliés avec. Le seul truc, c'est qu'elle préférerait savoir où vous êtes et ce que vous faîtes."

Un rire, je me tapote le biceps. Avec un franc sourire. L'air de faire ce que je veux? Non l'instant d'avant je FAISAIS ce que je veux.
"Eh ben... Faut en vouloir pour vouloir d'un type comme moi sur son jeu d'échec. Je suis déjà un pied dans le conflit et c'est pas trop mon genre de partir sans avoir terminé ce que j'ai commencé. Vous avez des informations sur la situation? Ce serait mieux de connaître la stratégie avant de s'engouffrer tête baissée. Parce que ça seul je peux, mais en groupe c'est autre chose"
"Moi être sincère. Si vous n'acceptez pas le commandement de la générale, nous raccompagner vous à la sortie."
Le silence gêné, ça ce n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd, avant que la fameuse Ambre ne reprenne. Mais j'ai pas l'impression qu'il m’ait écouté, au moins.

"Ce qu'il veut dire, c'est que la générale aimerait que vous nous aidiez mais que par contre, elle n'aimerait pas que vous gêniez ses plans. Bon changeons de sujet ! La strat... Déjà y a de grandes chances pour que la générale vous garde sur la main tant qu'elle ne sait pas ce qu'elle va faire de vous. Mais l'idée, c'est que le château est entouré de douves, qu'il y a un pont-levis et une herse. Notre but est de faire tomber le pont-levis avec les moyens du bord... Pendant que ces moyens vont être mis en place, tous les archers vont, à couvert de procédés rebelles, mettre la pression aux soldats sur les murailles du château de Nottingham. Une fois que le pont-levis sera abaissé, nous avancerons et soulèverons la herse de l'extérieur. Quand elle sera levée, nous entrerons et terminerons cette bataille."

Un plan judicieux, mais dire "nous terminerons cette bataille" en entrant c'est un poil trop positif. Presque niais. Surtout avec un mage en face, t'as vite fait de mettre un pas dans le pied de la porte que tu sens l'odeur de la chair brûlée.

"Ok. Et moi j'entrerais en jeu là où on me placera. C'est pas compliqué. J'penses pouvoir tout faire, sauf un saut la tête la première dans les douves. J'ai pas vu de crocodiles mais ça m'étonnerait pas qu'il y en ai"

"Pas dans les douves mais intra muros, oui !"
... C'est vrai qu'il y a des crocodiles en face. Plutôt des crocodhommes.

"Dans tout les cas va falloir que j'aille voir la générale, j'imagine"
"Affirmatif, messire Heinrich." Elle tire un coup sec sur le bandage. J'ai serré les dents, et je me suis redressé.
-Moi c'est l'officier Ambre et voici l'officier Sang-Bleu, à propos."
-Non. Heinrich sans messire." Je me redresse et récupère ce qui reste de mon armure, une épaulière, les bottes et les jambières... On croirait un guerrier venu du nord. "C'est donner beaucoup d'importance à un simple mercenaire, dans cette situation... Et enchanté!"

Ambre rigole légèrement, hoche la tête et dit : "Franchement, évitez quand même de dire que vous êtes mercenaire, vu le contexte."
-Pas du centurio. Freelance" je levais l'index, il fallait préciser.
-Ce serait bien que vous la connaissiez aussi bien que moi. C'est une grande dame mais... pour elle, il y a la lumière, les civils et puis ceux qu'elle n'aime pas."
-On verra dans quel groupe je fais partie, on en retire déjà deux..."
-Vous lui demanderez, il faut qu'on se dépêche, Heinrich."
J'ai été un peu interrompu. C'est vrai que cette discussion commençait à s'éterniser. Et il n'est jamais bon de s'éterniser dans une guerre.
-Ouai, ça me laissera le temps d'imaginer un cri de guerre"

Je reprenais cette hache à deux mains que j'avais trouvée tantôt. Je passais le pouce sur le fil de la lame et constatait qu'elle a tenu le choc, par chance ou par maîtrise. J'ai une allonge suffisante pour la plupart des situations, l’arbalète restera une compagne fidèle. Mais il fallait se dépêcher. Alors... Je deviens un charognard et récupère les munitions dont j'ai besoin en suivant Ambre & Sang Bleu.

La destination m'est encore inconnue. Mais je le découvrirais bientôt.
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Ses pensées, toutes, étaient dirigées vers Alpha. Elle savait pourquoi. Avec le nouveau shérif, Aiden, il était le dernier lieutenant de Kefka. Elle ne le craignait pas autant qu’elle avait pu redouter Cerbère et Roc… mais elle était certaine, absolument convaincue, qu’il lui reviendrait de s’en occuper, avant, juste avant d’éliminer Kefka lui-même. Bien sûr, c’est aussi ce qu’elle avait cru pour Cerbère, mais par raison, non par cœur. Alpha serait peut-être la dernière victime de cette guerre civile, car lorsque lui serait mort, cette bataille redeviendrait ce qu’elle avait toujours été au fond, une guerre de l’humanité contre celui qui martyrisait ces terres. Alpha représentait tout ça. Sans lui et tous les lâches qui étaient à présent morts, ce peuple ne se serait pas déchiré.

Ravness leva les yeux vers le donjon du château de Nottingham. À vrai dire, la plupart des soldats stationnés là regardaient ce même point. Il s’en échappait toujours des gerbes de feu, auxquelles tout le monde s’était habitué, contre toute attente… Et il y avait le régent, bien sûr.
Une dizaine de minutes devaient s’être écoulées depuis qu’ils étaient arrivés sur la ligne de stationnement. Elle aurait pu profiter de ce temps pour préparer les soldats, pour leur donner des ordres. Mais elle était fatiguée, tout comme eux. Et en cet instant, la dernière chose dont elle avait besoin, c’était d’un commandant lui expliquant ce qu’elle devait faire. Comme pour confirmer cette pensée, la générale vit dans le ciel voler un drôle d’oiseau s’approchant bon gré mal gré de la zone de combat, émettant un grésillement que dans le crépitement des flammes l’on pouvait parfois distinguer. Une caméra vidéo, sans doute envoyée par l’éclaireur pour y récolter quelques images du dénouement de cette guerre. Après quelques secondes, la jeune femme prit une décision, interpellant une écureuil, du moins elle eut l’impression que c’était une femelle.


« Aidez-moi s’il vous plait. »

La jeune hybride s’approcha, déposant ses armes à ses côtés.

« Comment je peux vous aider, générale ? »

« Arrangez mes cheveux, s’il vous plait. »

La femme fut surprise mais s’agenouilla prestement devant elle et défit sa coiffure avec précaution, enlevant la barrette en métal dans ses cheveux pour la déposer temporairement à terre.  

« Je vous brosse les cheveux ? »

« Si vous avez de quoi. » prononça-t-elle à mi-voix, les yeux rivés sur les traces de goutte. Et elle avait de quoi, d’une certaine façon, glissant avec précaution ses doigts dans la chevelure blonde de la générale. Ayant abandonné la coquetterie en même temps que sa sensibilité sur le champ de bataille, elle pouvait se passer exceptionnellement d’un soin rugueux mais efficace. Les griffes incurvées de son aide de camp venaient gratter son crane, lui procurant une très agréable sensation allant même jusqu’à lui faire fermer les yeux. Jusqu’à une douleur vive.

« Ah désolée. Vous êtes blessée ici, à l’arrière du crâne. »

« Pas de souci. Faites attention. »

« Je ne mets rien ? »

« Non c’est gentil. »

L’écureuil finit son travail, avec cette même précaution, replaçant la barrette de métal dans sa coiffure relâchée. La générale ne voulait pas paraître prétentieuse, même dans ses plus intimes pensées, mais elle supposait que d’une certaine façon, penser à tout autre chose comme à une coiffure, devait aider cette femme à penser à autre chose qu’à la guerre pour quelques minutes.

« Je vous aide à vous laver le visage ? »

« Non merci, ça va. »

À vrai dire, si elle lui avait demandé de l’aide, c’était avant tout pour la caméra. Elle craignait les plaisanteries de Roxas, le simili qui lui menait une vie infernale au château de la lumière, si des images étaient prises d’elle avec des cheveux en bataille et une barrette pendant le long d’une mèche. Pour autant, apparaître sur ces mêmes images avec un visage propre laisserait croire qu’elle s’était tenue éloignée du combat jusqu’à la fin. Elle se leva finalement, remerciant une nouvelle fois l’hybride étant venue à son secours et observa l’ouest, d’où devait venir le signal de Système. Une fois celui-ci tiré, les civils seraient évacués de la partie sud de la ville, et les unités de communication et médicales rejoindraient la ligne de stationnement, ainsi que les hommes étant en retrait près du pont dans la partie nord, y compris le lieutenant Sora. Une fois qu’ils seraient arrivés, le front avancerait, laissant le commandement sur la ligne de stationnement.

Et de l’ouest, précisément, avant même un signal, arrivèrent la sergente et l’officier suivis d’une autre personne. Elle se leva avec facilité, engaillardie par la perspective d’avoir des problèmes supplémentaires au sein de son armée. A bien y réfléchir, la générale excellait dans les moments où les siens, les gardes par exemple, lui faisaient honte. Et si cet homme n’était pas à elle quelques minutes auparavant, il avait franchi le cap d’une nouvelle existence depuis qu’il avait accepté de suivre la rébellion.
Ambre arriva à elle et sans se mettre au garde-à-vous, présenta le nouveau venu d’une voix claire et chantante.


« Heinrich Ventrecroc, générale. C’est un solitaire. » s’empressa-t-elle d’ajouter avec un sourire espiègle. Elle s’écarta ensuite, lui laissant observer cet homme. Ravness s’avança et lui tendit la main, sans détourner son regard du sien. C’était un homme raisonnablement imposant, au visage pâle, à l’air relativement crasseux, ce qu’elle ne jugeait pas vu la situation. Il avait perdu beaucoup de sang, et même une fille aussi coquette que Ambre portait déjà sur son visage les marques du combat.

« Général Primus. Merci de rejoindre le combat. Je vous promets que si vous faites du bon boulot aujourd’hui, la lumière vous récompensera. Vous resterez à mes côtés et je vous dirai quoi faire, c’est entendu ? »

Elle n’attendait pas de réponse mais au-dessus de l’épaule de son interlocuteur, elle vit toutefois dans le ciel le signal de Système, une fusée éclairante, une occasion de clôturer le chapitre des présentations. Sa motivation n’avait jamais failli mais cette pause lui avait rappelé la nécessité de cette journée, le bien fondé de leur action. Aussi voulut-elle faire un geste. Ravness savait que des dizaines de gens s’étaient toujours moqué d’elle, de ses manières, de sa rigueur, de ses crises de nerf. Elle ne s’en moquait pas, à vrai dire, cela la mettait encore davantage en colère… mais de temps en temps, elle arrivait à se dire qu’elle pourrait survivre avec encore un peu moins d’amour propre qu’elle n’en avait déjà. Aussi se dirigea-t-elle vers une maison au milieu de la ligne de stationnement qui s’étirait sur des centaines de mètres. Elle entra sans hésiter, suivie, elle l’espérait, par le solitaire, et… tout en ignorant les flammes commençant timidement à gagner l’escalier, elle fit ce qu’elle put pour atteindre le toit. Quelques brigands la regardaient déjà s’exposer ainsi. Elle ne savait pas faire de discours. Elle fit apparaître son épée, la pointa vers la fusée de lumière projetée par Système… et hurla de sa voix la plus grave et la plus cassée. Quelques secondes suffirent à déformer la hauteur et le ton de sa voix pour en faire un bruit informe… qu’elle répéta encore une fois en ciblant cette fois-ci le château de son épée. L’énergie, voilà ce qu’elle voulait transmettre. Elle recommença encore, consciente d’être le leader le moins captivant que verraient ces soldats. Et encore… jusqu’à ce que les brigands, rieurs ou troublés, décidèrent de crier avec elle, tout du long de cette ligne traversant le quartier.

Ils furent, quelques minutes plus tard, rejoints par le commandement, les unités médicales et de communication, et avancèrent. Robin était devant avec Will l’Écarlate, tandis qu’elle restait au sein du corps de l’armée, vérifiant l’organisation de la suite.  Au fil de la marche les rapprochant du château fortifié, des pavois gigantesques de paille et de bois furent distribués à certains volontaires, parmi les plus costauds. Certains durent s’y prendre à plusieurs pour le transporter tout en avançant d’un pas décidé. Les paysans, parmi l’armée rebelle, savaient que contrairement à l’idée admise, une botte de paille n’est pas susceptible de s’embraser. La surface de la botte allait bien entendu brûler, mais l’intérieur non, aussi le rembourrage naturel de ces murs faits de bois arrêterait les flèches et le feu.
Ils arrivèrent finalement devant les murailles, encore hors de portée des tirs.


« Faites une ligne de ces barricades ! »  hurla-t-elle. « A une soixantaine de mètre des douves ! Cinquante centimètres entre chaque barricade ! Ne restez pas groupés ! Deux pour maintenir la barricade debout, les archers derrière ! Ceux qui ne tiennent pas la barricade et ceux qui ne tirent pas, en arrière, hors de portée de la muraille ! » Elle répéta chacun des ordres plusieurs fois, bien que tous les brigands avaient été formés à l’exercice. Et alors qu’ils s’approchaient des douves les séparant des murs du château, les tirs ennemis commencèrent. Une distance de plus ou moins soixante-cinq mètres entre leurs tireurs et les rebelles faisait que directement derrière les barricades, un petit groupe n’était pas trop vulnérable. La générale s’arrêta avec une partie de l’armée rebelle restant en retrait. Celle-ci se déploya, sans son ordre. Chacun partit s’abriter des flèches, tandis que d’autres, des archers, décidèrent de leur propre chef de monter sur le toit de maisons parfois en flammes pour tirer, à découvert, de leur position sur les soldats du régent sur le chemin de ronde.

La ligne de barricades prit forme, parsemée de quelques trous ici et là. Une vingtaine de ces pavois avaient été distribués, pour autant de groupes d’assaut. Avant d’atteindre la ligne des soixante mètres, deux étaient tombés.
Pour Ravness, c’était déjà la deuxième fois qu’elle devait assister une opération de loin, en ayant pour ainsi dire le même rôle.


« Ne tirez pas ! » hurla-t-elle à plusieurs reprises, quasiment huée par quelques rebelles en arrière. Elle passa outre toutes les exclamations, continuant à exhorter ses hommes à rester à couvert. Vu l’attaque particulièrement lente qui avait été mise en place, puisqu’ils ne disposaient pas d’un accès direct au château ou même aux murailles de ce château, protégées par des douves… la priorité était de faire tomber le pont-levis. Ils devaient garder ça en mémoire. A traits de flèches, la guerre était déjà perdue… Il fallait suivre le plan et son commandement et… l’ennemi exerçait une pression à peine viable sur les barricades, écrasant ces dernières de tirs. Le moindre archer qui tenterait de se mettre à découvert pour tirer une flèche prendrait le trop grand risque d’être abattu, même par hasard.

« Robin ! » hurla-t-elle encore une fois, la voix cassée par tant d’efforts, jugeant le moment opportun, après trente secondes insupportables à voir ses hommes pris pour cibles. Le roi des voleurs n’attendit pas la suite. Les mains en porte-voix, il imita un animal… pas assez fort pour être entendu à plus de vingt mètres. Heureusement, un compagnon était assez proche et imita le cri, lui-même imité plus loin. Et prenant des directions inattendues, le cri réussit à se répandre.

« Attendez ! » continua-t-elle de bruire sans se décourager… alors que, le regard tourné vers le nord, elle vit un rocher catapulté depuis la ville, vers le château. Celui-ci s’écrasa dans les douves, malheureusement, mais produit l’effet escompté. Les archers sur les murailles se mirent à couvert et pour un peu plus de trois secondes, la pression subie par les brigands se calma. Ils n’eurent besoin d’un ordre et commencèrent à riposter. Toutefois, comme elle l’avait pensé plus tôt, on ne gagne pas un château à traits de flèche.

« Unité communication ! » cria-t-elle en se retournant. Elle trouva un gamin armé d’un sourire et lui ordonna sèchement, sans réussir à lui enlever : « Les cinq catapultes doivent se coordonner. Qu’elles ne tirent pas en même temps ! » Il partit aussitôt alors qu’elle se tourna distraitement vers Heinrich. « Les chaînes retiennent le pont-levis, oui ? » Elle désigna d’un doigt les deux attaches des chaines retenant la passerelle. On ne distinguait pas les chaines, bien sûr, seulement l’endroit où celles-ci retenaient le pont-levis fermé. « On doit les détruire. C’est du métal. » Elle fit un signe. D’un pas lourd arriva l’armure de technologie contrôlée par Système. Son état était déjà loin de celui auquel elle était habituée. Certaines étincelles jaillissaient parfois des plaques de son armure.

« Ouvre le feu. Concentre-toi sur l’attache de droite. »

Système décolla du sol alors que Ravness gronda : « Tirez à volonté ! Doublez la pression sur leurs archers ! Et que Dolce prépare son sort le plus puissant ! »


Dernière édition par Général Primus le Lun 17 Déc 2018 - 0:00, édité 2 fois
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Il n’y avait pas de temps pour se reposer, j’ai fait la rencontre du Général Primus, très belle femme, mais très formelle, avec une bonne poigne. Le ton est posé, mon service contre une récompense. Ça, c’est du mercenariat. Au moins si ça me permet de me poser un peu.

Le manche de la hache sur le sol, la sueur sur le front, après cette poignée de main, j’ai senti la nécessité de m’essuyer un coup le visage, une fusée éclairante, la hache se soulève du sol et j’accompagne la Générale, mon arme est à mes côtés car une attaque pourrait être si vite arrivée.

Traversant une maison, dévorée doucement par les flammes, cette dame était digne, l’épée à la main, cette volonté d’être un véritable Chef, respecté, sa voix qui s’éleva et s’étouffa, mais elle ne lâcha pas cette affaire, avant que les brigands rallient leurs cris, le mien aussi.

Les ordres étaient lancés, mâchés, répétés, des barricades installées, d’infortune, mais suffisant pour l’instant. L’armée rebelle ne se soumet pas si facilement, il est difficile de contenir ses hommes. Ainsi avais-je décidé de rester aux côtés de la Générale, en attendant mon heure.

Le plan était simple, il fallait détruire des chaines. Mais je ne suis pas l’acteur de ce plan. Je ne suis encore, que témoin. J’observais le champ de bataille, le manche de mon arme, étranglée par mes poings, la respiration calme. Les flèches volaient dans les deux sens, les jurons, les insultes, les cris.

Les tirs de l’armure animée heurtaient la chaine, acharnée mais disciplinée, les brigands lâchaient des exclamations d’encouragement derrière leurs barricades, avant d’être rappelés à la dure réalité de la guerre sous les pointes sifflantes.

Certains tombent de la muraille, d’autres finissent par se vider de leur sang, certains ne le voient même pas venir, épargnés par le terrible sort de l’agonie. Les tirs de canons continuent à heurter les chaines, mais à chaque seconde de trop, des vies continuent de disparaître de chaque côté. J’étais là, pour vous raconter cette guerre.

La chaine endure tous ces tirs, mais combien de temps tiendra-t-elle encore? Je ne vais pas cracher sur le fait de pouvoir me poser un peu. Mais toujours paré au cas où la suite des opérations prenne place. On verra ce que ça donne.
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Système s’acharnait contre les attaches du pont-levis. Elle analysait la structure des maillons grâce au scanneur intégré dans son casque. Celui-ci lui révéla quelques défauts dans sa construction. Elle se concentra alors intensivement sur ces quelques faiblesses.

Les encouragements qu’émettaient les bandits s’accentuèrent quand différentes failles apparurent sur les anneaux de fer. Cela galvanisa l’androïde et elle redoubla d’efforts. Elle savait que tous comptaient sur elle pour que la mission de sauvetage de la cité se poursuive dans cette voie. Et elle ne voulait pas les décevoir.

Quand enfin, l’attache était sur le point de rompre, elle prit son élan et fonça de tout son poids dessus. La structure, déjà bien fragilisée par les tires, se brisa net. Le pont-levis, maintenant retenu uniquement par la deuxième chaîne, bascula de quelques mètres. Cependant, il ne se déploya pas non plus totalement.

Des cris de joie se soulevèrent depuis la foule de bandits derrière elle. Système se retourna et les contempla. Elle ressentait une certaine fierté nouvelle. Savourant ce sentiment, elle en oublia quelque peu sa mission et ne prêta pas attention au signal d’alerte qu’émit son casque.

C’est quand l’assemblée de truands blêmit qu’elle se prit de plein fouet une volée de flèches. Elle ne put aucunement l’esquiver. Un des carreaux parvint miraculeusement à trouver sa réserve d’énergie qui lui permettait de se maintenir dans les airs. Une explosion relative retentit et la jeune femme se vit propulser vers une des maisons non loin. Elle percuta avec violence la façade.

Ses instruments criaient des alertes en cascade, tout chez elle avait subi d’importants dommages. Elle pouvait apercevoir sur le restant de son affichage tête haute, fracturer en partir à cause de l’explosion, que tout était signalé en rouge avec un sigle d’attention clignotant. Et puis, soudainement, une phrase apparue devint tout. EXTINCTION SYSTÈME DANS UNE MINUTE. Une peur panique s’empara de l’androïde. Cela allait donc se finir ainsi ? N’aurait-elle jamais pu remplir la mission que son créateur lui avait confiée ? Ce genre d’interrogation ne cessait de tourner dans sa tête avant que son dernier moment n’arrive.

Et puis, tout devint noir. Son protocole de sommeil permanent s’activa. Elle ferma alors sans le savoir les yeux et reposa désormais paisiblement, encastrer dans un amas de chaumes.
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Système sembla exploser, sans raison, ou plutôt… sans raison cohérente. Une flèche, et la voilà soufflée par l’explosion de sa propre armure. La générale, médusée par cette incompréhension, ne parvint à mobiliser sa concentration suffisamment vite pour arrêter la chute du robot ou simplement pour l’amener près d’elle. Une partie d’elle pensait déjà connaître le coupable, bien sûr. Il aurait été tellement typique de la part de Kefka de vouloir laisser cette guerre à ce monde et non aux éléments étrangers. Un vaisseau aurait vite fini de détruire la herse, aussi l’aurait-il sans doute détruit lui aussi. Pour lui, la seule manière d’achever tout cela était d’atteindre une escalade sans précédent de violence. Et si vraiment Système avait été touchée par un sort de Kefka ?

La générale baissa légèrement les yeux. Elle entendit un autre commandant exiger qu’une unité de premier secours aille aider le robot qui venait de tomber au combat, et ne réagit pas. Oui, avec un peu de chance, l’on pourrait la soigner ou la réparer, elle ignorait le terme pour une telle forme de… vie ? Malgré tout, la générale était extrêmement fière de cette femme, de Système. Non seulement avant mais durant toute cette bataille, elle avait été un soutien incroyable pour l’armée rebelle, et à présent encore demeuraient les cris de joie suite à la destruction de la première chaîne.


Soit. Il était trop tôt pour regretter les tombés-au-combat. Elle tourna sur elle-même, cherchant Petit Jean. Elle se risqua même à crier son nom avant de voir une main levée. Et cette main devint un pouce levé dans les airs. Ravness hocha la tête et hurla :


« Baissez-vous !! » , reprise par une dizaine de brigands sur tout le champ de bataille. De la rue principale, derrière la ligne de front, une autre flamme naquit, parmi les nombreux incendies bénins dans la ville, il y eut ce nouveau feu qui gagna en taille et en virulence dans les mains d’un homme-chien recouvert lui aussi d’une cape grise. Bientôt, la boule de feu quitta ses mains et fusa vers le pont-levis. Ravness, accroupie, sentit au-dessus d’elle une chaleur intense, si bien qu’elle en déduisît que le sort aurait pu l’emporter si elle ne s’était pas mise à couvert. Elle se releva bien vite pour observer l’effet et vit le projectile atteindre la deuxième attache du pont-levis en bois et la détruire.
Avant que les brigands ou les soldats ne réalisassent cette destruction, le pont-levis tomba violemment, en fracas, sur le sol, découvrant enfin un chemin pour traverser les douves et atteindre le château. Mais avant d’atteindre ce dernier, bien sûr, il y avait la herse.


Pendant que les archers continuaient de tirer sur les soldats sur le chemin de ronde, la générale lança les nouveaux ordres. La prochaine opération coûterait beaucoup à l’armée rebelle. Certains étaient pour ainsi dire quasiment certains d’y laisser la vie, ce qui représentait à ses yeux la plus belle preuve de dévotion et de bonté.


« Préparez-vous ! Formez un bloc derrière moi ! Nous attaquons bientôt ! »

Elle répéta plusieurs fois son ordre, voyant déjà des brigands courir partout. Elle les imaginait pour la plupart rejoindre un ami, pour achever cette histoire avec une âme amicale. Comme pour répondre à cette pensée, la générale jeta un œil derrière elle à l’errant, Heinrich Ventrecroc. Ce n’était pas vraiment l’idée qu’elle se faisait de la personne aux côtés de laquelle elle voulait achever cette vie, mais derrière son épaule, elle croisa les yeux de l’officier Ambre qui lui rendit un joli sourire avant de se diriger vers eux. C’était plus satisfaisant.

« Les colosses en avant ! »

Les ordres étaient flous, mais la démarche claire pour tous. L’épisode du pont avait été particulièrement violent, mais rien ne serait pire que ce qui allait suivre. Ravness se répéta les étapes de la prochaine opération, tout en observant un deuxième rocher traverser le ciel, projeté depuis une des catapultes, et s’écraser sourdement au-delà des murs du château de Nottingham, arrachant à son enceinte quelques cris.
D’abord, sous couvert des archers derrière les barricades de pailles et de bois, toute l’infanterie avancerait sur le pont-levis. Certains porteraient de ridicules pavois faits en bois, pour former autour de ce bélier humain une carapace sommaire.  Arrivés à la herse, les plus grandes forces brutes de la rébellion soulèveraient la herse de leur seul bras, assistée par la force psychique de la générale qui ne pouvait mener ce combat de son seul psychisme. Pour les protéger des soldats gardant la herse de l’autre côté, quelques lanciers se posteraient derrière eux. Il était donc capitale, pour le succès de l’opération, qu’en aucun cas la formation ne soit trop serrée. Si un colosse tombait mais demeurait en vie, il était extirpé par les autres, selon les possibilités. S’il était certain qu’il était mort, les capes grises, selon la nécessité, pouvaient jeter ce dernier de la plateforme. L’opération pouvait sembler irréalisable mais avait été testée. En cumulant de telles forces physiques à sa télépathie, ils pouvaient soulever des objets d’une masse incroyable.


« Général ! » Elle vit arriver Sang-Bleu et un enfant de l’unité communication. L’indien se tenait à ses côtés, semblant le protéger de la moindre flèche perdue. C’est l’enfant au visage hérisson qui prit la parole, d’un visage empreint d’un sérieux exemplaire compte tenu de son âge. « Deux catapultes ont été détruites et les soldats qui y étaient sont « Qu’est-ce qu’il s’est passé ?! » le coupa-t-elle, les sourcils froncés, le regard en direction du château à l’affut de la moindre mauvaise nouvelle. « Le shérif Aiden et quelques hommes de Kefka se sont faufilés jusqu’aux catapultes que nous avons prises et… les compagnons ont réussi à les repousser lorsqu’ils ont attaqué la troisième catapulte. »

Elle se figea. Comment avaient-ils pu rater une escouade entière ? Jamais l’assaut n’aurait été commandé s’ils avaient su que se cachait dans la ville une dizaine d’hommes, surtout dirigée par Aiden, le nouvel élément de Kefka, anciennement du côté de la rébellion et… . Ravness regarda Sang-Bleu. « Freyja est au courant ? » Il fit un non de la tête, la faisant soupirer de soulagement.

« Vous croyez qu’ils sont passés par les égouts du château ? » demanda Ambre, d’une voix claire. Le Général Primus fronça les sourcils un instant avant de se rappeler, en effet, de ce passage. Celui-là même qu’ils avaient découvert et que Freyja avait dévoilé aux ennemis pour son amourette, lui valant son expulsion des rangs de la lumière. Oui, l’officier devait avoir raison. Ils étaient forcément passés par là. « Sans doute. » répondit la générale, cherchant, en vain, la ratte dans la foule. « Bien. Ils ont dû se replier. Va vers Will l’Écarlate. Dis-lui de regrouper une dizaine de compagnons et de condamner le passage des égouts. Nous n’attendrons pas son retour, il doit se dépêcher. Freyja ne doit pas être mise au courant, elle pourrait ruiner toute notre opération.»


Dernière édition par Général Primus le Mer 19 Déc 2018 - 0:19, édité 1 fois
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Loin des remparts, loin d’une mort certaine. Freyja restait à bonne distance, immobile, prenant appui sur la hampe de sa lance alors qu’elle observait l’ardeur du Général Primus en première ligne. Un grognement parvenait à ses oreilles, faisant tressaillir les pointes de celles-ci et lui forçant à relever la tête.

Freyja, vous restez ici en attente des ordres de la vierge d’acier. Elle aura besoin de vous, j’imagine.
D’accord.

Will s’écartait, accompagné d’une poignée de rebelles, il faisait un signe à la rate de sa patte avant de relever la capuche sur sa tête et disparaître dans les rues de la ville. À sa suite, un jeune garçon partait dans l’autre sens pour rejoindre la table de commandement. Un soupir franchissait ses lèvres, lui rappelant la douleur qui s’abritait dans son torse et que d’autres brûlures risquaient de s’additionner à son corps meurtri. L’effervescence de la chute du pont-levis ne parvenait pas à l’atteindre, à moins qu’elle cherchait absolument à s’en défaire. Peine ou joie, elle n’en voulait pas. Elle détournait à peine le regard devant la carcasse de la femme-robot que deux rebelles trainaient de l’autre côté du pont.

Il n’y avait rien à faire, elle n’avait rien à y faire et Freyja ne trouvait toujours pas de réponse pour justifier sa présence en ce lieu. Le regard de la rate quittait les pierres de la rue pour fixer les tours du château. Son sang ne faisait qu’un tour, le reflet de sa pupille affichant un spectacle qu’elle ne s’attendait pas à voir.

Kefka était là, écartant des loups du dos de sa main pour fixer la troupe s’agglutinant à ses portes. Elle était bien trop loin pour distinguer son visage, néanmoins, elle n’avait aucune peine à imaginer son visage de clown et sa tenue bariolée de couleur criarde. Le corps de la rate avait agi sans son accord, avançant d’un pas et puis de l’autre en ouvrant la gueule. Il suffisait d’une flèche, d’un sort ou de quoi que ce soit d’autre pour que cette guerre ne s’achève.

Toutefois, il en avait décidé autrement…

Il jouait au clown, grimpant sur une meurtrière alors qu’il pointait son index au loin, jouant les agitateurs alors que rien ne semblait l’atteindre. Et puis, c’était l’incompréhension. Il ramenait sa main à lui et quelque chose semblait naître dans sa propre paume.

Une boule, une condensation de flamme pure naissait et grossissait subitement pendant qu’il continuait à jouer les fanfarons. Là où il n’y avait qu’une flamme, un soleil miniature venait de naître et continuait à prendre de l’ampleur. Tout aussi soudainement que son apparition, la boule quittait son maître et glissait dans les airs pour s’écarter de la muraille et planer à quelques mètres de l’armée rebelle. Kefka n’avait plus aucune attention à son égard, ce qu’il venait de créer était devenu quelque chose de bien trop important pour se soucier de lui. Le souffle coupé, la rate observait dans la plus insoutenable des impuissances le sortilège s’avancer.

La sphère séparait les rebelles de leur position, tout le monde cherchait un abri, brisant les rangs et multipliant les cris de peur. La crainte de la voir exploser au-dessus de leur tête dominait sur le reste. Pourtant ? Elle ne semblait pas s’attarder sur quiconque.

Cela, c’était avant qu’elle n’offrait un déluge de flamme. Elle s’immobilisait, loin du commandement où des armées, déversant ensuite tout ce qu’elle contenait. Le sifflement des trébuchets, le craquement des catapultes, ce n’était rien en comparaison à ce qu’il s’apprêtait à vivre. Des colonnes de flammes chutaient des cieux, frappant sans discernement chaumières et ruelles, causant un vent de panique inimaginable jusqu’ici. Kefka avait, plus tôt, libérer ses flammes sans raison valable ? Ici, il se retrouvait hilare au sommet des murailles devant la destruction qu’il causait par l’éclatement de ses flammes.

Freyja avant plongé en avant, quittant la caresse des flammes qui venait de s’abattre sur la terre. À bout de griffe sur un appui de fenêtre, elle s’élevait un peu plus pour assister à l’horreur de cette sphère qui éventrait littéralement la ville de Nottingham. Les ordres étaient vociférés en tous sens, remontant le long des rangs jusqu’à atteindre les oreilles de la rate.

De l’eau, des seaux, quoi que ce soit pour empêcher les flammes de se propager !
Une chaîne ! Que tout le monde forme une chaîne d’ici jusqu’à la rivière… Vite !
Le Shérif, trouvé le Shérif !!!

Elle ne discernait pas la panique dans les yeux, ou même la crainte de la mort. Cela était bien plus viscéral. Le désespoir. Quelque chose que Freyja connaissait que trop bien s’invitait dans la pupille de chacuns. Il attrapait seau, casserole, bassine dans l’espoir de calmer les flammes ! Sauf qu’aucun d’entres-eux n’y croyait réellement. Il agissait, tels des pantins, sans même imaginer y parvenir un instant. Abandonnant sa lance, elle sautait de son perchoir et se joignait à l’effort commun. Un travail la chaîne, une mise en place sans fioritures qui acheminait autant d’eau qu’il le pouvait. Les contenants se vidaient dans les flammes, ça n’y faisait rien. Il alimentait une machine qui ne connaissait pas de fin.

La chaleur des flammes, la sueur de la peur, l’impression que plus rien n’allait. Maintenant, les colonnes de fumée et un brouillard de charbon inondaient les rues. Impossible de savoir ce qui se passait. Les rebelles agissaient sans réflexion, guider pour une vie qu’il était en train de perdre.


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« Passez par la rue principale ! La chaîne d’eau à travers la rue principale ! »

La générale chercha cette voix familière dans la foule, sans succès. Elle réussit à peine à distinguer les visages tourbillonnant autour d’elle. Et si, une seconde, la générale voulut donner un ordre, renforcer l’injonction qui venait d’être donnée… sa voix s’étouffa dans sa gorge, elle ne prononça pas un son. Face à la certitude d’avoir perdu le commandement de tous ces hommes suite à la panique de ce qui ressemblait à une apocalypse, Ravness se savait démunie. Son autorité sur eux, dans ce vacarme, dans le bourdonnement des flammes, était morte. Même Heinrich Ventrecroc s’était éloigné pour réagir, mieux qu’elle, dépassée d’une tête par une grande partie de l’armée rebelle, ne voyant plus rien, si ce n’est le château, seul endroit épargné par le feu. Et bien sûr, c’est là qu’ils devaient aller mais…

À regarder les colonnes de flammes s’échapper des quatre coins de la ville, à craindre les bâtiments les plus proches qui brûlaient et s’effondraient sous leur propre ruine, l’on pouvait craindre que la herse ne serait jamais soulevée avant leur dernier souffle.

Non. L’ordre avait été donné, pas par elle mais par des fortes têtes. Et la voix familière, celle du Shérif, l’espérait-elle du moins, ne l’avait pas contre-ordonné, non, pas dans une situation comme celle-là.
Elle vit de nombreux hommes courir vers le fleuve par des rues étroites entièrement enlacée par l’incendie, et sut au premier regard que ceux-là ne reviendraient pas. Ils ne devaient pas craindre le feu mais la fumée. Ils mourraient tous de suffocation s’ils s’engouffraient dans une autre rue que la principale, qu’ils avaient empruntée pour arriver jusqu’ici.


« Générale ! » Elle sentit une douleur pinçante au bras alors que l’ancien Shérif l’empoignait de sa lourde main valide. L’ours la regarda de son air sombre, intensément, semblant attendre une réponse. Si la générale Primus fronça longuement les sourcils, elle finit par souffler : « P…Prenez le commandement. Je peux m’occuper de ça. »

Il hocha la tête et la lâcha. Elle ne sut l’expliquer mais le voir s’éloigner lui procura un frisson désagréable, lui rappela son souvenir, sa propre fuite d’une autre ville en flammes. Ravness s’éloigna alors légèrement des maisons, s’approchant à peine des murailles qu’ils oubliaient tous. Plus personne n’attaquait le chemin de ronde, à présent, et nul doute que les soldats du régent devaient ressentir des émotions proches de celles des capes grises.
La jeune femme chercha dans le ciel ce drôle d’astre qui survolait de temps à autre le champ de bataille et le trouva : ce qu’elle suspectait être un appareil filmant la scène pour une télévision, continuait son œuvre. Elle ferma les yeux et fit apparaître son étendard dans sa main gauche. D’un geste sec, elle planta sa hampe dans le sol et se concentra sur le drapeau blanc agité. La pluie qui tombait légèrement sur le bout de leur nez depuis tout à l’heure n’atteignait plus le sol, aussitôt consumée par la chaleur étourdissante de la ville. Alors, elle entreprit avec son esprit de créer des nuages plus noirs et plus denses que le charbon, de masquer le soleil et toute lumière de la plus sombre des capes qui recouvrait les épaules des brigands. De ces nuages devait tomber une pluie qui, commandée par le Seigneur, aurait noyé les pêchés d’un monde. Ravness sentit les premières gouttes tomber, lourdes et froides, sur son visage et son cuir chevelu. Elle ouvrit les yeux et attendit quelques secondes avant d’observer Nottingham et des lieues aux alentours menacée de ces épais nuages et victimes d’une pluie qui devint torrentielle, et celle-ci qui devint un déluge. Ses doutes se dissipèrent et la moindre douleur avec elles. En quelques minutes, les rues seraient inondées, les hommes trempés jusqu’à l’os et elle craignait même la crue du fleuve qui traversait la ville. Ce changement climatique qu’elle avait provoqué ferait de lourds dégâts si elle ne le stoppait pas très vite. Mais le temps qu’elle gagnait permettait aux hommes, non pas de sauver la ville, car ce feu demeurait trop puissant, mais d’empêcher les flammes de se propager jusqu’au château.

Elle rabattit la capuche de sa cape au-dessus de sa tête et avança vers les premiers bâtiments en flammes qui menaçaient ceux restés sur la ligne de front, elle n’entendait plus les cris ou le feu, assourdie par la pluie battante. À vrai dire, elle était persuadée qu’encore à présent, les brigands devaient tenter d’éteindre les flammes dans les bâtiments les plus proches du château, malgré le déluge au-dessus de la ville. Non seulement car la situation ne permettait pas de donner d’autres ordres que ceux déjà lancés, mais aussi parce qu’elle ne contrôlait pas ce bouleversement climatique, pas plus que Kefka ne contrôlait les incendies qui détruisaient la ville.

Ravness leva les mains vers la première maison déjà en morceaux de la rue parallèle à la ligne de front, qui leur avait servi de couverture. Elle se concentra, et utilisant une nouvelle fois son énergie psychique, fit un grand effort pour soulever la bâtisse par sa propre pensée et la repousser plus loin, tout contre la maison de l’autre côté de la rue. Elle devait procéder de même avec toute la rue pour faire gagner à la rébellion quelques mètres.

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Les choses avaient avancé. La fin semblait proche et pourtant… *Nous y revoilà !* pensa Sora en levant douloureusement son épée devant lui. Il était à nouveau au bord du fleuve, comme lorsqu’il l’avait survolé en tyrolienne, accompagné d’une bonne dizaine de compagnons tous aussi endoloris que lui ! La ville était en flammes, pas comme avant, non ! À présent, tous les bâtiments étaient en feu et une fumée noire se dégageait des toits. Vraiment de mauvais goût ! Kefka était allé trop loin. Il se moquait de la vie des gens, il se moquait de tous les soldats qui mouraient pour lui. En fait, il ne régnait déjà plus que sur des cendres et il se disait régent !
Et les brigands, eux, partaient, revenaient, les bras chargés de casseroles, de paniers, de chapeaux remplis d’eau qu’ils puisaient dans la rivière. Sora, quant à lui, avait suivi son intuition. Primus n’avait pas donné d’ordre. C’était sûr qu’elle était en vie mais elle n’avait rien dit. Pour une fois ! Et du coup, chacun avait du agir pour le mieux ! Les brigands avaient commencé une chaîne du fleuve jusqu’au château pour éteindre les flammes à proximité de la ligne de front, et lui était là pour protéger tous les compagnons des braises enragées de Kefka ! Il savait comment faire, ce n’était pas la première fois qu’il combattait un incendie, même si celui de la Rivière temporelle était un peu moins… agressif !


« Glacier ! » cria-t-il avec rage, en faisant un saut en arrière et en lançant un dernier sort vers de grandes flammes qui rongeaient une maison ! Il se retourna fièrement vers les brigands près de lui, mais aucun ne le regarda. En fait, il ne connaissait plus personne. Il ne savait plus où était Freyja, Petit Jean, Robin. Il se surprit même à se demander s’il pouvait retrouver le château tout seul. Oui. Elle était loin cette époque où il avait toujours avec lui les mêmes compagnons, les mêmes amis. Aujourd’hui, il en gagnait aussi vite qu’il en perdait et… s’il faisait de son mieux pour garder le sourire, au fond, il préférait quand ils n’étaient que trois.

*La zone est plus sûre.* pensa-t-il pour lui-même. Il regarda le pont principal que Primus et tous les autres avaient traversé durant la précédente bataille. Il semblait maintenant beaucoup plus calme mais… un peu moins loin, toujours sur la berge, il voyait quelques capes grises occupées par l’eau et les flammes. Il prit une grande inspiration pour se redonner du courage et courut vers eux, sa longue épée dans la main ! Quand il arriva vers eux, il les vit sourire, et crut au début que c’était pour lui ! Non. La pluie commençait à tomber. Au début doucement, au bout de quelques secondes d’une violence qu’il n’avait jamais vue avant ! Il s’arrêta, à bout de souffle et regarda le ciel une petite seconde avant de baisser les yeux ! Une minute comme ça et il y aurait un nouvel Atlantica ! C’était frigorifiant mais rassurant quand même. L’incendie perdait en vigueur, ça laissait du temps à tout le monde. « Général Primus ! »  lui hurlèrent les trois brigands devant lui. Il les entendit à peine mais hocha la tête. Super ! Il ne savait pas qu’elle pouvait faire ça mais… bonne surprise ! *Enfin, je crois.* songea-t-il pour lui.

Depuis la berge, il sourcilla quand il vit quelques petits gabarits courir à toute allure le long de la rue principale. Ils semblaient se diriger vers le pont et paraissaient tellement légers sous la pluie qu’en courant, ils restaient recroquevillés. Un des capes n’était pas grise mais verte.


« Bobby ! » Hurla Sora, rassuré ! Le lapin ne réagit pas. Il sauta en l’air tout en agitant les bras. « Bobby !! » Toujours pas de réponse ! Rah Primus et son déluge de malheur ! Et pourquoi Bobby voulait-il traverser le pont ? Qu’y avait-il au nord qui pouvaient intéresser les messagers ? *C’est super dangereux !* pensa Sora en imaginant les kilomètres que les jeunes adolescents allaient devoir affronter dans une ville en flammes ! Il regarda distraitement le pont. Au-dessus de toute la ville, il y avait les nuages noirs de la générale. Mais au-dessus de ce pont ? Il n’était pas sûr.

« Bobby !! » Il peinait à entendre sa propre voix mais son ami, lui, l’entendit et lui jeta un regard ! Sora lui fit des signes, lui demanda de venir mais… sans s’arrêter de courir, Bobby lui fit des grands signes de la main. Ils n’étaient qu’à une trentaine de mètres de distance.


Ce n’était pas bon. Il y avait d’autres nuages au-dessus de ce pont. Vite ! Sora laissa tomber son épée et courut le plus vite possible vers le pont, tout en continuant à hurler, tout en faisant des gestes que le lapin ne comprit pas. Et les messagers arrivèrent sur le pont, en courant, et ils avancèrent. Sora s’immobilisa. Tout allait bien, le nuage ne changeait pas, ce n’était peut-être que… Il soupira, sourit même. Et il vit, alors que les jeunes étaient à la moitié du pont, les nuages s’illuminer. Le temps qu’il cligna des yeux, et c’était parti. Une colonne de foudre s’abattit sur le pont, le… pulvérisa.


« … N… » Il courut. Il courut parce que ce n’était pas possible. Parce que… « Bobby !! » Il arriva au niveau du pont, il gravit la berge, avança et après les corps de la précédent bataille, après tous les débris, les pierres tombées luisant sous la pluie, il y avait un gouffre. Le pont détruit. Personne derrière. Pas de cape verte emportée par le vent pour lui confirmer, pas d’autres témoins que lui. Sora tomba à genoux.

*Le petit est mort.* lui dit la voix dans sa tête, sans crier pour couvrir la tempête, juste… comme ça. Comme si c’était facile. « Tais-toi. » *Tu as promis.*
Promis ? Il avait promis ? Oui, il se souvenait. Il avait envie de… de vomir, de mordre le sol, de hurler et de hurler. Il ne devait rien arriver aux messagers ! Les messagers devaient rester en arrière pour transmettre les ordres ! C’était.. ce qu’il avait promis. Pas de risques ! Et… Betsy. Comment avait-il pu lui faire ça ? Et Bobby. C’était de sa faute, c’était… foncièrement la sienne. Il avait entraîné Bobby là-dedans, il n’avait pas essayé de le décourager, il lui avait monté la tête avec toutes ces… Sora se figea. Ce ne pouvait pas être possible. Pas des enfants. Même en temps de guerre, comment…

*Des âneries.*

Il frappa le sol une fois. Pour faire taire la voix. Et une deuxième fois, et une troisième fois pour appeler une douleur et chasser la sienne !
Ce n’était pas Dingo. Bobby, lui, ne reviendrait pas en faisant une blague. Il n’avait pas la tête dure, ce n’était même pas vraiment un guerrier. Il n’avait rien à faire sur un champ de bataille… En fin de compte.


*C’était mieux quand vous n’étiez que trois.*

Sora serra les dents, se recroquevilla sur lui-même, ignorant le sang et le froid, oubliant Primus et Kefka, la pluie et le feu. Il souffrait de le penser mais

« Oui. » Il leva sa main vers le ciel. Chaîne royale lui apparut entre les doigts. Il se releva. Tant pis. Tant pis si les sans-cœurs devaient venir, tant pis si pour Primus, le monde n’avait plus besoin des keyblades. Tant pis pour les ténèbres et tant pis pour la lumière. Sora courut.  Il ne reprit pas son souffle, il ne jeta pas de regard en arrière, il ne se soucia pas des flammes dans les rues, des maisons qui s’effondraient sur elle-même.
Il tourna dans une ruelle puis encore dans une autre et il vit plusieurs brigands autour d’une catapulte. Ils essayaient de placer un rocher sur la perche.


« Eloignez-vous ! » Il sauta sur le creux de la perche. La catapulte était tournée vers le château. Il prit une longue inspiration mais ne douta pas un instant quand d’une main il baissa le levier. Il fut projeté dans les airs, plus puissamment que s’il avait été un rocher, il vola… une nouvelle fois. Il passa au-dessus des maisons, de la ligne de commandement et de la ligne de front. Il vola jusqu’au château, ignora dans sa trajectoire les merlons et les archers, et il arriva dans la cour du château, faisant une roulade avant de se mettre en garde. Les soldats de Kefka se tournèrent vers lui. Il en vit beaucoup, dans la cour, sur les murailles, près du donjon, le regarder et s’approcher, tenant eux aussi des armes. Sora resta en garde. Il était temps d’en finir.
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La chaleur sourde des flammes, la force implacable des flots battant contre ses mollets et le tonnerre fracassant s’abattant sur les ruines de Nottingham.

La guerre ne changerait jamais.

Il n’y avait que destruction, rage ainsi qu’un espoir confus. Inondée, la chevelure de Freyja lui plaquait le visage et elle semblait peser une tonne au milieu de l’armée de rebelle. Celle-ci s’empêtrait dans un défi insensé, parvenir à contenir les flammes et leurs oeuvres. Elle doutait réellement que cette folle entreprise soit d’une quelconque utilité. Outre, peut-être, le simple fait de ne pas suffoquer dans la fumée noire qui semblait nimber la ville tel un brouillard.

Un craquement de bois. Les sens de la rate étaient en alerte, la forçant à se jeter sur le côté alors qu’un bâtiment entier s’effondrait dans la rue. Les poutres alourdies par la pluie et rongées par les flammes ne tenaient plus. La ville s’effondrait sur elle-même, et personne ne pouvait y faire quoi que ce soit.

Dégagez les blessés, vite !
Les décombres, ici, j’entends des voix…
Ardis, compagnon, nous allons y parvenir !

Les voix hurlaient, semblaient diffuses dans l’atmosphère empreinte de lourdeur. La rate n’entendait que des bribes alors qu’elle levait les yeux vers les cieux.

Sora…?
Freyja murmurait le nom du jeune garçon alors que son regard le suivant au travers du brouillard. Il semblait… Voler…? Elle ne parvenait pas à y croire, lui, survolant la ville et atterrissant finalement de l’autre côté des murailles.

Son coeur s’arrêtait.

Il était seul, face aux armées de Kefka pendant que tous s’activaient à survivre. L’expression même de la rate se déformait, gagné par la peur, il ne pouvait avoir fait ça.

Abandonnant la poutre qu’elle tentait de soulever, ne perdant pas le château de ses iris, elle s’avançait au milieu des décombres de la ville. Elle courait, sprintait, écrasant l’eau sous ses pas qui s’éparpillait en corole et redevenant semblable à elle-même. Imperturbable. Alors que sa course perdait en vigueur par la lourdeur de ses pas, Freyja manquait de chuter et se rattrapait in extremis pour bondir sur l’un des toits calcinés par les flammes.

Les pattes de la rate trouvaient une poutre, celle-ci craquait sur son poids, elle s’en moquait. Elle recommençait sa course, donnant l’impulsion qui achevait la toiture pour la voir s’effondrer alors qu’elle se retrouvait déjà sur une autre charpente. Bondissant de toit en toit, achevant l’oeuvre de Kefka dans certains cas, Freyja ne faisait rien de plus que d’écouter son coeur. Celui-ci lui ordonnait de rejoindre Sora de l’autre côté de la muraille.

Le pont-levis n’était maintenant plus qu’à une dizaine de mètres d’elle, il n’y avait que Primus entre son objectif et elle, Freyja se fichait bien des ordres qu’elle pourrait lui hurler.

La rate courait, le dos vouté attrapant une lance dans chacune de ses pattes avant de rejoindre une bande de rebelles se cachant en attendant le prochain assaut. Depuis combien de temps Sora était-il seul de l’autre côté et pourquoi personne ne répondait à son attaque. Il n’y avait plus de temps à perdre.

Que quelqu’un me fige une flèche dans la muraille, maintenant !
Elle hurlait son ordre, quittant ensuite le couvert et sprintant le long du pont-levis. Le sifflement des flèches faisait tressaillir ses oreilles. Ce n’était pas celles des rebelles. Les pointes se figeaient à ses pieds alors qu’elle ralentissait la cadence en dressant un bras derrière son épaule. Elle sautait trois fois sur place, élançant alors l’entièreté de son corps vers l’avant.

La lance fendait l’air, se plantant à mi-hauteur dans les interstices de la muraille de pierres.

D’un geste rapide, elle passait la seconde arme dans sa main directrice pour la mettre dans son dos et reprendre sa course sur le pont-levis. Zigzaguant, priant, espérant, elle attendait un trait tiré par l’un des rebelles.

Un carreau se plantait alors, pas très haut, suffisamment.

La rate doublait la cadence, longeant dorénavant la muraille avant de sauter dans le vide des douves. Le temps semblait en suspend. Le pied de la rate touchait alors le carreau, lui donnant assez d’impulsion pour prolonger son saut en direction de la lance qu’elle avait elle-même plantée. Les bras tendus, elle remerciait les cieux quand le creux de ses mains ressentait la douceur de la hampe.

Freyja tournait sur l’axe avant de s’élancer avec vigueur dans le ciel, le plus haut des sauts qu’elle n’avait jamais effectués.

Elle passait au-dessus de la muraille, son regard croisant celui des gardes en faction sur le chemin de ronde pendant qu’elle vrillait dans les cieux. Il était là, seul contre tous, ça allait changer. Prenant son arme à deux mains, elle tombait lourdement tout en fléchissant les genoux, relevant un regard noyé sous la chevelure et la pointe de sa lance dirigé contre les ennemis de Sora. Les crocs à l’air.

Son coeur l’avait conduit jusqu’ici, elle avait enfin trouvé la raison de sa présence dans cette guerre.


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Son esprit s’embruma, son regard se troubla mais d’un ultime effort, elle parvint à repousser encore une autre maison en flammes de l’autre côté de la rue, donnant aux brigands assez de place pour combattre sans craindre l’incendie. Elle se retourna, lentement, farouchement, sans oser regarder le château de Nottingham qui trônait encore sur la ville qui ne se ressemblait plus. Autant d’efforts en si peu de temps… De plus en plus, elle s’interrogeait sur sa propre capacité à continuer. Son corps tenait bon, malgré les quelques blessures somme toute bénignes en comparaison avec d’autres soldats. Mais son esprit était fragilisé par tous ces efforts. Et… la pluie. Une seconde, elle oublia qu’elle était la première responsable de ce torrent. Ravness pouvait encore un peu tenir car elle avait au moins l’impression que cela avait aidé. Juste une impression. Elle soupira, inspectant à nouveau les flammes qui tenaient bon malgré le déluge. Un peu plus tôt, elle avait entendu un fracas. À y repenser…

« Générale ! »

Elle était seule depuis quelques minutes, le Shérif avait repris les choses en main. Il était temps qu’elle retrouve la tête de la bataille avant que les esprits ne s’em… « Générale ! » Elle se retourna, les sourcils froncés, vers la voix traversant le vacarme de cette cataracte. Elle vit sous les capes grises deux personnes, ses officiers, Ambre et Sang-Bleu.

« Cessez ça ! » hurla Ambre, sans pour autant être entendue de la générale qui cria à son tour : « Comment ?! »

« Vous devez cesser ça ! » répéta Ambre en désignant les nuages. « Le… » La générale n’attendit pas. Elle ferma les yeux. En quelques secondes, le ciel se dégagea, la pluie cessa de tomber et le silence qui s’en suivit parut inquiétant, encore davantage quand la jeune garde la regarda d’un air sombre. « Sora et Freyja sont de l’autre côté ! » L’officier pointa le château de Nottingham. La générale chercha à comprendre une petite seconde avant de… « Sang-Bleu ? »

« Eux avoir sauté. » répondit l’Indien solennellement.

« Vous devez y aller ! » lui dit Ambre, terrifiée.   « Non je ne peux pas, la victoire ne peut se faire sans les brigands, et ils ont besoin de m.. « Envoyez-moi ! Envoyez-nous, Sang-Bleu et moi, nous les aiderons ! Utilisez vos pouvoirs. »

« Non. » La générale regarda le sol. Les deux officiers n’y survivraient pas et ne seraient pas d’une aide suffisante. Ils étaient forts mais pas… pas dans une situation comme celle-là, pas seuls ou presque. Les cheveux mouillés, la cape transpercée par la pluie, chaque partie d’elle frigorifiée, elle poussa légèrement les deux soldats pour courir vers un homme non-loin. L’errant, Heinrich Ventrecroc. Lui pouvait. Elle l’interpela, saisit son épaulière et la tira légèrement. « Deux de mes hommes sont là-bas ! » dit-elle en pointant la cour du château qui était encore séparée d’eux par la herse. « Je vous propulse là-bas, par-dessus les murailles. Vous combattrez avec eux. » L’officier Ambre la soutint aussitôt arrivée à leur niveau, criant quasiment : « Vous avez dit pouvoir tout faire ! »

« Bon. » La générale n’avait pas le temps. « Quand vous serez là-bas, aidez-les. Mais surtout, débrouillez-vous pour lever cette fichue herse. Sans ça, vous êtes perdus. » Elle pouvait s’imaginer sans mal perdre cet homme, quoiqu’elle le respectât pour ne pas trembler à l’idée d’être envoyé devant la mort elle-même. Freyja était… comme elle sur un aspect, prête à mourir sur ce champ de bataille. Mais Sora... Elle ne pouvait pas perdre Sora. Il ferait de cette victoire une grande victoire. « Allez ! » Elle lâcha Heinrich et se concentra sur lui alors qu’Ambre hurla « Des archers ! Des archers pour couvrir le soldat ! » . Les pieds de l’errant commencèrent à quitter le sol.
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J'étais un poil dépassé par la vitesse des évenements, j'entendais des hurlements au loin, des voix familières oui... La protestation, le désaroi, la demande. J'entends la générale, je sens la demande sans même qu'elle l'annonce, mais elle le dit. Ambre soutint avec ses tripes, je fis un sourire en me préparant au choc.

<< Au combat. >>

Hache aiguisée, les sens à l'affût, le feu dans le sang.

Alors que mon corps traverse l'air, propulsé, j'accuse la réception d'une roulade, je me redresse arme en main, j'avise les adversaires face à nous, j'adresse un signe de la tête à la femme qui n'a rien d'une humaine, et à Sora que j'ai connu y'a quelques temps.

Un jeune, une rate et un guerrier. Les mains sur la manche de mon arme, détendu en observant le nombre d'aversaire collosaux face à nous. La partie n'est pas si jouée d'avance, la mâchoire serrée, le coeur bat encore plus fort dû à l'excitation de ce qui nous attends. Ces couards doivent nous traiter de fou, et pire encore, certains doivent connaître l'adrénaline dans leurs veines, l'assurance qui prends le pas, menaçants, nombreux...

Je passais ma main sur le fil de mon arme, en regardant tour à tour mes deux camarades.

<< La générale a dit qu'il fallait faire sauter la herse! >>

Puis je pointais de l'index ces adversaires qui nous attendaient, car moi je sais où est mon rôle, où est ma place.

<< Priez vos dieux pour une mort rapide! >>

Je saisis le cor de chasse accroché à ma ceinture, et souffla dedans, toute cette force qui m'appartient ne peut profiter qu'à moi seul, elle profitera aussi à mes alliés, ce n'est pas mon combat, c'est le nôtre depuis que j'ai pénétré dans cette forteresse! Je fis quelques pas, qui se transformèrent en course, suscitant l'hostilité de quelques adversaires qui eurent l'audace et le courage de s'approcher!

Même seul, ils savent que je n'en suis pas moins dangereux. Il faut réussir à s'approcher de moi, quand une attaque est parée, elle est réprimandée d'un coup de manche en direction du casque pour sonner, quand un adversaire se rapproche trop, il se prends un coup de poing en direction de la gorge et un coup de dague dans la nuque pour ne pas faire de demi-mesure. Je trace des demi-cercle de ma hache, et tout ce qui se tiens dans ce mouvement mérite la mort! Nul être ne peut oser me défier par la force simple, ni par l'utilisation maladroite de son arme! Ce n'est pas une parade, c'est un champs de bataille où les guerriers sont rois!

Quand deux rhinocéros s'approchent, massues en mains, j'esquisse un sourire narquois, pensent-ils pouvoir me défier ? Pensent-ils avoir une chance ?

Je sens mes muscles se tendrent pour faire balancer ma hache, déchirant le tissu, fracassant les os, la calamité de la chair! Le sang, les hurlements, les insultes. J'usais de mon savoir, je dissuadais certains de s'approcher avec des regards. Je devais faire gagner du temps, je survivrais par la force.
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Il était seul, encerclé par une nuée d'animaux encapés, une ménagerie abasourdie de l'avoir vu débarquer comme ça au beau milieu de la cour du château. Ils allaient prendre leur temps. Sora allait foncer dans le tas. Il avait affronté pire, il avait déjà bravé l'impossible.

Puis sur sa droite était arrivée Freyja, tombée du ciel, comme un espoir. Elle était venue. Bien sûr qu'elle était venue. Le déluge initié par la Générale Primus s'arrêta à cet instant là. Sora raffermit sa prise sur sa keyblade, cherchant Freyja du regard, mais comme lui, elle ne semblait avoir qu'une chose en tête. Les tracas attendraient.

Alors sur sa gauche apparut un homme. Il venait d'en haut lui aussi. Comme un signe. Sora le reconnut sans peine : c'était Heinrich, le même homme qui l'avait sauvé à Port-Royal, le guerrier que Sora avait ensuite honteusement laissé tomber. Et Heinrich était là. De toutes les personnes qui auraient pu arriver à cet instant précis, c'était lui.

Ils étaient trois. Au son du cor d'Heinrich, Sora inspira, sentant une douce chaleur envahir ses muscles malgré ses vêtements trempés. Le son devint dans sa tête une musique entraînante, une musique qui signifiait "donne tout, maintenant" !

"Allez", glissa-t-il sous ses dents serrées alors que les rhinocéros et les hippopotames chargeaient avec leurs lances et leurs massues. Au dernier moment, il sauta et glissa en l'air pour atterir de l'autre côté du groupe ennemi, abattant Chaîne Royale sur le dos d'un rhinocéros qui gémit. Sora n'attendit pas qu'il se retourne et le frappa, encore et encore, abimant la peau, engourdissant les muscles. A la fin, d'un coup d'estoc et de toutes ses forces, il lui brisa la colonne vertébrale, le laissant choir au sol. D'autres rhinos s'étaient retournés et le menaçaient déjà avec leurs pointes acérées. Derrière lui se ruaient déjà les loups. Il fit deux pas rapides en arrière et remarqua sur sa droite un gros rocher, probablement jeté là par une catapulte rebelle. Ployant les genous, il sauta haut et loin pour atterir dessus. De là, il vit les éléphants en retrait dans la cour et juste devant eux, un gros crocodile qui se dandinait en gueulant des ordres. Un simple coup d'oeil lui fit comprendre que celui là allait être plus coriace.

"Faire sauter la herse", répétait la voix d'Heinrich dans sa tête, comme une indication claire de l'objectif à accomplir. La herse était de l'autre côté de cette masse grouillante d'ennemis, de l'autre côté du crocodile. Autour du rocher sur lequel il avait trouvé refuge s'agglutinaient loups et rhinos, les uns tentant de sauter, les autres de le piquer de leurs lances mais ils se marchaient plus dessus qu'autre chose. Sora désigna un rhinocéros avec Chaîne Royale. "Feu !" Le feu de Kefka qui avait ravagé la ville et qui continuait de fuser du haut du donjon. La cape du rhinocéros s'embrasa, ajoutant à la panique. Immédiatement, Sora mit sa keyblade à la verticale devant lui. "Foudre !" La foudre de Primus qui avait détruit le pont. Autour du rocher, des petits éclairs jaillissèrent et firent japper les loups. Un court instant de répit qui permit à Sora de ne rien rater de la confusion qu'il créait, jusqu'à ce sifflement dans son oreille droite. Une flèche venait de passer à moins de 20 centimètres de lui. Tête tournée vers les murailles, il vit deux archers en train de le viser. Rester sur le rocher faisait de lui une cible trop facile.

"Très bien." Il sauta dans la mêlée, tournoyant sur lui même juste avant de retomber, envoyant valser les fous qui se trouvaient là avec sa keyblade. Il prit tout de suite appui sur son pied droit pour se projeter vers la petite meute de loups devant lui, arme en avant. Deux en furent sonnés, mais les autres l'encerclèrent aussitôt et ses coups pleuvèrent à droite, à gauche. Ses mouvements, ses techniques lui revenaient sans peine. Chaîne Royale n'était qu'une extension de son bras et de son coeur. Elle fendait l'air comme une épée, frappait comme une massue, le protégeait comme un bouclier. Et son coeur battait, lui disait d'oublier le nombre d'ennemis, l'impossibilité de fuir. Il le commandait à la victoire.

"Faire sauter la herse", répétait la voix d'Heinrich dans sa tête. Non. Non, pas tout de suite. Il voulait continuer à se battre maintenant que son sang bouillait. Un coup de griffe dans ses mollets. Il grogna et se retourna, assommant le loup qui l'avait agressé, le ruant de coups et enfonçant la tête de sa keyblade dans son poitrail. Elle en ressortit couverte de sang. Un bourdonnement en haut. Une autre flèche ? Non, un oiseau. Sans réfléchir, il bondit pour essayer de le frapper en plein vol, mais le drôle d'animal esquiva le coup de justesse et fila plus loin sans rétorquer. Pas grave, il y avait encore tellement de choix. "Dégagez !" rugit-il en retombant sur un rhinocéros, et les coups de Chaîne Royale sur les épaules et le crâne du mammifère maintinrent Sora en l'air jusqu'à ce qu'il l'achève.

Soudain, sa fatigue lui retomba dessus et les blessures des récents combats se rappelèrent à son souvenir. Il se sentait moins léger. Heureusement, personne ne le ciblait. Les rhinos et loups s'écartaient plutôt pour laisser de la place au crocodile qui s'avancait lentement vers lui. Sora recula, s'adossa au premier mur venu pour reprendre son souffle, de la sueur sur ses joues. Mieux valait laisser l'ennemi venir, gagner quelques secondes. Un peu plus loin, Heinrich exécutait une danse brutale, maîtrisait la situation. Un vrai guerrier. Sora serait bien resté à l'admirer s'il en avait eu la possibilité. Et Freyja, son amie, Freyja qui pensait manquer de courage prouvait maintenant à quel point elle en avait. Penser à eux donnait envie à Sora de bondir et voler jusqu'en haut du donjon et d'en finir une fois pour toutes avec ce clown pyromane. Hélas, il savait que son corps ne suivrait pas.

"Faire sauter la herse". Faire sauter la herse. D'accord. Il y avait encore beaucoup d'ennemis, des renforts ne seraient pas de refus. Sauf que tout à coup, la herse paraissait si loin. Et il y avait ce crocodile qui ressemblait étonnament à celui dont avait si peur le Capitaine Crochet. Il arborait un ridicule chapeau à plume rouge, des .. petites chaussures vertes et une hâche bien tranchante. L'animal aux crocs acérés le dévorait déjà de ses yeux malveillants. "A mon tour, gamin." menaçait-il de sa voix gutturale. Sora soupira intérieurement en se remettant en garde. Pourquoi tant de monde persistait à l'appeler gamin ? Sans hésitation, il lui fonça dessus et.. l'ennemi para son coup. Il eut à peine le temps d'être étonné que la queue du crocodile le projeta violemment contre le mur sur lequel il glissa jusqu'à retomber en position assise. Son dos lui faisait un mal de chien. Avant qu'il ne puisse se relever, le prédateur vert voulut le faucher en deux de sa hâche. Sora bloqua le coup de justesse en tenant sa keyblade des deux côtés, provoquant chez son adversaire un borborygme entre le rire et le gargouillement.

"Reste bien sage pour ton exécution !" tançait le serviteur du tyran.

*Allez. Relève-toi.*

Rien à faire, les puissants coups de hache du crocodile le maintenaient assis, acculé.
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Une pulsion. Le besoin. La rage.

La rate ne semblait n’être animée par nuls autres sentiments. Après s’être retrouvée de l’autre côté et face à une armée, suite au son du cor, vivant la charge de Sora. Elle sentait de nouvelle pulsion animer son corps. Freyja ignorait cette douleur qui serra son abdomen. Elle ne parviendrait probablement jamais à l’oublier. Elle n’avait d’autres options que d’y survivre. Comme elle survivait depuis le jour où elle avait été abandonné.

Partir de l’avant. Se précipiter. Combattre.

La rebelle n’était pas calme, elle n’arborait plus son air triste et son ton faussement coupable. La raison de sa présence dans cette guerre, elle le savait dorénavant et agirait en conséquence.

La pointe d’une épée, brandit par un homme-loup, traçant un arc-de-cercle dont la conclusion serait la mort de Freyja. Elle était loin de sa première passe-d’armes. Dressant la pointe de sa lance, elle guida le coup d’épée le long de sa hampe pour que la lame de son adversaire se fracasse sur le sol. Les cheveux trempés, un éclat mauvais dans les yeux, elle dressa une de ses pattes et frappa avec violence le plat de la lame.

Le métal tombant au sol, fracassant, un ennemi désarmé.

Elle tourna sur elle-même sans ménager son effort, agrippant la hampe du bout de ses doigts et cisaillant l’air. Un chant mortuaire, sifflant, tranchant la gorge de son adversaire.

Le loup amena ses mains à la gorge, un faible espoir dans son regard avant de tomber à genoux alors qu’elle se redressait et reprenait sa garde. Les mastodontes délaissaient la rate, s’attelant sur le mercenaire et Sora, elle se contenterait de la ripaille. Une épée, une seconde, ils enjambaient le corps de leurs alliés pour se jeter sur elle.

Le claquement de l’acier. Le cri de la rage. Les pas hasardeux d’une rebelle cherchant à survivre.

Freyja ne vivait plus une attaque rangée, elle ne se faufilait plus comme un monstre pour frapper dans le dos, elle ne gisait pas au coeur d’une rivière afin de surprendre l’ennemi. Elle était seule. Du coin de l’oeil, elle pensait apercevoir Sora à moins que ce soit l’autre qui jouait de sa hache. La crainte se dessinait alors. Une lame déchirant sa chemise alors que la rate bondissait en arrière en serrant les dents.

Elle perdait légèrement l’équilibre, glissant en arrière, manquant de perdre son arme et son âme. Un loup chargea avec rage, prêt à assener un coup d’estoc qu’elle paraît miraculeusement en déviant son coup. Le contrecoup était de perdre son arme et de voir son ennemi la reprendre en main.

Seule. Sans arme. Elle ne pouvait pas encore mourir, il n’était pas là pour elle.

Venez !
Elle criait, levant ses mains devant le regard, un geste désespéré. Une épée venait à elle, elle claquait la lame de sa paume pour dévier le coup, frappant devant-elle et claquant une mâchoire. Une attaque dans le dos, mordant sa chair, un coup en arrière à l’aide de son coude. Le craquement d’un nez et voici qu’elle bondissait en arrière. Elle ne devait pas se laisser submerger, pas maintenant, il était encore trop tôt.

La muraille. Elle devait ne pas se faire acculer.

Une autre marche forcée, l’obligeant à reculer, une ombre dansait dans son regard et elle voyait Sora à quelques mètres d’elle.

Il ne pouvait pas mourir, pas aujourd’hui !

D’un geste, elle allongeait son bras et empoignait un loup au col, attirant celui-ci vers et chutant en arrière. Un geste fluide. Elle relâchait sa poigne et posait ses pattes sur son torse. Elle poussait sur ses jambes et catapultait le loup vers les vieux. D’une impulsion dans les bras, elle se redressait et bondissait à son tour pour le rejoindre vers les cieux.

En suspension dans les airs, elle désarmait son adversaire avant de l’agripper pour le lancer en direction du crocodile. Elle ne pouvait rien faire de plus pour son ami, elle retombait de nouveau au sol, acculée par la meute de loups.


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L'acier tranche la chair, j'ai la fureur dans les muscles.

Mais nous sommes trois au combat, et je crois que l'objectif initial a été un peu oublié. Il fallait remédier à cela, quelques cadavres autour de mes pieds, un fichu loup charge. Je fis un tour sur moi même en balançant ma hache, le décapitant sur le coup, son corps encore nerveux fait quelques pas avant de s'écrouler. Je couru en direction de la rate, le vacarme du combat diminuent leurs sens, un violent coup de tête renverse le premier qui s'est retourné, le deuxième et repoussé d'un violent coup de paume au torse, et un coup de hache scellera le destin de ceux qui se tenaient encore sur place. J'en vois un qui lève sa lance pour attaquer la rate, je prépare à jeter mon arme.

La hache se plante dans la tête de l'assaillant, j'entends des pas derrière moi, une course, je fais revenir mon arme et je me baisse, je sens la hache heurter mon opposant, je me retourne en lui donnant un coup de pied au niveau de l'abdomen, récupère ma hache et lui assène un coup ascendant au niveau du museau, une jolie fleur de chair! Comme si son corps venait chercher du repos sur le mien, tombant en ma direction, je le repousse d'un coup de main. Les ennemis commencent à arriver en affluence, et je ne compte pas laisser mes alliés comme ça!

Mais il ne faut pas oublier cette fichue herse!

Je me concentre l'espace d'un instant, faisant apparaître des clones de moi même. Récupérant lances et bouclier pour se protéger, se mettant en formation comme un rempart éphémère, assaillant de coups d'estocs quiconque oserait s'approcher. J'en profitait pour coller une tape sur l'épaule de la rate, ramassant sa lance et lui mettant dans les mains. Un hochement de tête, je fis signe d'aller rejoindre Sora, nous avons qu'un bref répit.

J'ai vu cette rage et cette colère, mais nous sommes entrain de tomber dans ce trou de haine, ce n'est pas ce qu'il nous faut actuellement. Je me souviens, d'une ligne...

<< Le guerrier dominé par la colère succombe bien avant l'ennemi, domptez votre rage! Vous en sortirez à jamais victorieux! >>

Je me retournais, hache en main. Observant les clones tenir. << Nous devons faire monter la herse! Au prix de se priver d'un glorieux combat... Ce n'est pas comme ça que nous gagnerons cette guerre! >>
Réfléchissant vite à un plan, j'observais autour de moi, il fallait grimper. Il fallait qu'on se déplace, il fallait aussi gagner du temps... Une idée. Je pris mon cor en main. << Accrochez-vous à vos tripes, ça va secouer. >>

Je me précipitais en direction des clones qui commencèrent à tomber un à un. Prenant une inspiration, lâchant un hurlement bestial, projetant les soldats les plus proches, faisant chanceler la seconde ligne. Je pris une nouvelle inspiration, soufflant dans mon cor, cette fois ci pas pour motiver mes alliés, mais pour briser l'ardeur de nos adversaires. Et puis, en troisième temps, assumant une position pour rassembler la force en moi, la faire exploser, pour ceux qui sont au sol y resteront, pour ceux qui ont un pied à terre auront du mal à se relever, pour ceux qui sont éloignés, créer la peur dans le cœur de chacun d'entre eux. Je tournais la tête vers mes deux alliés, déclarant ainsi :

<< Occupez-vous de cette fichue Herse! Vous ne voulez pas que la générale reconnaisse qu'un mercenaire comme moi puisse faire marcher ses plans, elle vous engueulerait certainement après! Je vous achète du temps et je vous couvre, si je dois trépasser et que la porte est ouverte, alors je serais victorieux même dans la mort! >>

Je recentrais mon attention sur les ennemis. Mon arme ensanglantée entre mes mains. Des blessures sur le corps, la douleur ne m'arrêtera pas. Je vois que ces soldats reprennent peu à peu leurs esprits.

<< Fuyez-maintenant et vivez! Ou restez et faites face à votre destin! >>

Je lâchais un ultime hurlement en courant face aux soldats qui chargent.
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*Relève toi maintenant !* s'ordonnait Sora en bloquant un nouveau coup de hache du gros crocodile.
*Je peux aider. Laisse-moi faire* le charmait la voix dans sa tête. Oui, ce serait plus facile comme ça. Peut-être que...

Soudain, son adversaire fit moins le malin. Pour cause, il venait de se prendre un loup dans la gueule. Sora n'en fut pas étonné, il eut simplement un petit rictus de satisfaction : ce genre de choses improbables lui arrivait tout le temps. Il ne savait pas qui de Freyja ou de Heinrich l'avait protégé mais il savait que c'était le moment d'en profiter. Le crocodile titubait, hache toujours en main, bien résigné à ne pas tomber. Oh, mais il allait tomber. Un coup de keyblade sur son trop petit bras lui fit lâcher sa vilaine arme, puis Sora prit appui avec ses bras sur le mur derrière lui pour se projeter en l'air, pieds en avant. Son pied droit buta contre la gorge du crocodile qui tituba en arrière, mettant ses mains contre sa trachée comme si ça allait l'aider à retrouver de l'air. Ridicule.

Toujours pantelant, Sora se releva. "Tombe", gronda-t-il en fixant intensément son prédateur. Mais l'autre était têtu, lui aussi. Voilà qu'il prenait du recul pour le charger, espérant sans doute le croquer. D'une pirouette, Sora évita la charge et le museau du croco cogna dans le mur. Il s'affala ventre à terre. Pas de temps à perdre, Sora leva Chaîne Royale et l'abattit sur les cervicales de l'animal. Les os craquèrent et le corps à sa merci fut pris de spasmes, le faisant hésiter. Etait-il devenu l'exécutionneur ? Combien de morts avait-il fait déjà, rien qu'aujourd'hui ? Où étaient les sans-coeurs ? C'était tellement plus facile avec eux. Dans un élan de pitié, il répéta son geste, les cervicales craquèrent encore et, dans un dernier râle, le crocodile expira.

Heureusement pour Sora, il n'avait pas trop eu à se soucier de la masse grouillante d'ennemis autour de lui. Certains avaient juste désiré admirer le massacre (voilà qu'ils étaient choqués !), et Heinrich et Freyja s'étaient occupés des autres en le rejoignant. Ils allaient bien ! "Ce n'est pas comme ça que nous gagnerons cette guerre", haranguait le viril guerrier, anonnant qu'il fallait se priver de ce "glorieux combat". Sora laissa échapper un grondement de frustration en repoussant l'attaque d'un loup. N'était-ce pas pourtant ce qu'on attendait de lui, ce qu'on avait toujours attendu de lui ? Il suivit Heinrich, vit sa conviction, entendit son cri guttural qui signifiait clairement 'hors de notre chemin' puis le son désagréable du cor qui lui souleva le coeur et fit tituber loups, rhinocéros et éléphants tout autour d'eux. Heureusement que le grand barbu était de leur côté. La herse ! répétait le valeureux en brandissant la menace d'une Générale Primus insatisfaite. Sora pouvait supporter une engueulade mais il ne pourrait pas supporter d'avoir rompu son engagement auprès d'elle. Il avait déjà trahi une promesse aujourd'hui.

Il inspira longuement et serra le poing droit. C'était vraiment pas le moment. Pas maintenant qu'Heinrich était prêt à se sacrifier pour leur donner du temps. En bifurquant pour rejoindre l'entrée de la cour, Sora lui lança un sort de Soin et lui cria comme un impératif : "Reste en vie !" Mais ça dépendait autant d'Heinrich que de lui et de Freyja, de leur rapidité à ouvrir cette fichue grille. Il hocha la tête en direction de la rate pour l'enjoindre à le suivre, à rester près de lui. Leur objectif était clair et pour y aller, pas la peine de prendre de détours. Sa keyblade ouvrait le chemin, repoussait et dégageait les sbires de Kefka, loups, rhinos comme s'ils étaient de simples tonneaux de bois sur un parcours d'entraînement. Les lances, les haches, les massues qui parvenaient malgré tout à s'immiscer trop près étaient esquivées de justesse, par pirouette ou simple saut. Les flèches des archers postés sur les murailles tombaient toujours après leur passage. Rien n'arrêterait leur course. Rien.

Pas même cet éléphant entre eux et l'entrée de la cour. Le pachyderme barrit de sa trompe comme pour leur intimer de s'arrêter. Au lieu de ça, Sora courut de plus belle. "Glacier !" cria-t-il d'une voix rendue rauque par l'effort en pointant la trompe avec sa keyblade. Les cristaux de glace se formèrent trop lentement à son goût et filèrent vers l'animal, cristalisant son appendice. Sora sauta et d'un, deux, trois coups, brisa le membre. Il retomba et roula sur la droite pour éviter la masse gémissante qui s'écroulait de douleur. Le treuil, là, sur le côté droit, engoncé dans le mur de pierres. De lourdes chaînes, une poulie et.. pas de serrure. Ca aurait été trop simple ! De l'autre côté de la grille, il croyait distinguer au loin des silhouettes de rebelles qui se planquaient des archers. Ils hurlaient leur impatience. Sora serra les dents et, coeur en chamade, sauta le plus haut possible sur la chaîne qui retenait la grille, l'agrippant avec bras et jambes, comptant sur son poids pour la faire descendre et ouvrir la herse. Ca marchait ! Ca march...

"AAAH !" Une douleur intense sur son flanc droit, une douleur insupportable qui lui montait à la tête. Par réflexe, il lâcha tout, chaîne, keyblade, et se laissa tomber au sol. C'était une lance, une lance qui avait perforé sa peau et sa chair. La chaîne de la herse était remontée, ça n'avait pas marché. Ses mains tremblantes tatonnèrent jusqu'a trouver le manche de la lance et tira dessus pour l'arracher. Sora coucha sa tête au sol, juste le temps d'un gémissement plaintif. Du sang coulait de sa blessure.

*Laisse moi aider. Laisse-moi faire* criait la voix dans sa tête. Etait-elle... en train de le supplier ?
*Non. Freyja va y arriver.*

Un rhinocéros le chargeait, se détachant nettement de la masse floue d'ennemis. Il n'avait pas d'arme et était prêt à le piétiner. Sora se mit tant bien que mal à genoux et passa la lance sous son aisselle droite, la figeant avec son bras et sa main pour la pointer sur le ventre de l'animal qui s'empala dessus. Elle perfora très bien, très profond. Quand il vit les yeux de l'autre s'ouvrir en grand, quand il entendit un rale s'échapper de cette bouche béate, il gronda d'une voix éraillée : "Oui. Ca fait MAL" et se dégagea sur le côté pour ne pas se faire écraser par l'agonisant. La herse, la poulie... il voulait courir, mais sa douleur lui faisait tourner la tête et ses jambes refusaient de lui obéir. Des loups l'entouraient, visiblement attirés par l'odeur de son sang, massues en main, les babines retroussées, rouges.

Sora ferma les yeux, ouvrit son coeur et sa keyblade réapparut dans sa main droite. Il s'appuya dessus pour se relever. Elle s'était purifiée du sang qui l'avait tâchée, elle le protégerait à nouveau de la cruauté de ce monde. Oui, dans son état il se prendrait des coups mais ils ne lui feraient rien ou pas grand chose. Parce que Freyja allait y arriver.
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À l’ombre de sa demi-vie, elle ignorait ce que sa tête et son coeur s’évertuaient à lui crier. Elle était prisonnière dans un duel de force, forçant de son maigre poids sur la hampe de sa lance à l’encontre de la poigne de deux loups combattants côte à côte.

Elle le distinguait, Sora, chancelant mais conservant cette Keyblade à la main.

À la herse, maintenant ! Abattez-moi les intrus avant qu’il n’y touche à nouveau…
La voix rocailleuse faisait vibrer ses oreilles, forçant celles-ci à se rabattre à son crâne. Au coin de son regard, elle reconnaissait Alpha, pointant la herse de son arme. Il guidait sa meute. Sora se trouvait entre celle-ci et leur objectif.

Défendez-la !
Le hurlement des loups et voici qu’ils se jetaient à l’assaut.

Dans la précipitation, Freyja relâchait la pression et guidait son arme dans un arc-de-cercle guidant la pointe de sa lance en son dos. Il frappait d’un coup sec, brisant la mâchoire d’un de ses adversaires alors qu’elle fléchissait les jambes. Un bond, amenant sa tête en arrière et voici que sa lame tranchait et signait d’un trait écarlate le corps du second.

Il avait besoin d’elle, à moins que ce soit l’inverse.

Balayant l’air de sa lance, à but dissuasif, elle se redressait et amenait sa poigne en arrière et s’en allait planter la lance dans l’espace qui séparait toujours Sora de la meute.

La vision de Freyja se brouillait un instant, en allant jusqu’à ignorer les ennemis l’entourant pendant que son dos se courbait. Une impulsion suffisait. Hurlant à l’encontre de chacun de ses muscles, elle dessinait le trajet à parcourir au travers de sa rétine et fonça. Les deux pattes de la rate quittaient le sol, plongeant en avant alors que ses mains se raccrochaient à un loup pour grimper dessus et l’utiliser comme point d’appui. La distance de son bond en devenait doublée.

Les bras ballants, s’efforçant de vouloir ralentir la chute, elle s’aventurait à retomber sur le crâne d’un animal qui s’affaissait sous la pulsion et prolongeant son action une fois de plus. Freyja ressentait le craquement remonté sa jambe alors qu’elle plongeait finalement les bras en avant.

La douce sensation de son arme. Pivotant dans son saut, elle ressentait le bois au creux de ses mains et entamait sa vrille autour de la lance plantée dans le sol. Un tour, un second et voici que ses deux jambes tendues créeraient une zone de non-droit alors que la douleur du choc remontait à son pied. La lance chancelait, forçant la guerrière à retourner au sol. La vision n’était plus trouble. Elle voyait dorénavant la meute à portée de ses attaques. Une épée s’abaissait, une seconde la pointait et voici qu’un fléau d’armes manquait de lui fracturer le crâne. Il lui était impossible de tout esquiver. Le choc était brutal quand la masse s’écrasait sur son épaule. Un jappement s’échappait de sa gueule, forçant un pas vers l’avant pour que ce soit son crâne qui s’enfonce dans celui de son adversaire.

Une rixe sans nom, voici ce dans quoi Freyja venait de s’enfoncer.

Elle avait perdu l’avantage de son allonge, limitant sa maîtrise à parer les attaques ou à répondre d’une frappe sans force pour les repousser. Elle effectuait une glissade en arrière, se rapprochant de Sora mais lui donnant l’occasion de planter l’arme dans le torse d’un loup. Une opportunité se dessinait à ses yeux. Agrippant le bois, elle tirait son arme vers elle et tordait le bois sous le poids du loup encore à son extrémité.

Pivotant, elle entamait une attaque circulaire n’ayant d’autre ambition que de lancer le cadavre encore chaud au milieu de la meute. Une action idiote quand elle laissait une lance venir la perforer au ventre. Elle relâcha son emprise, agrippant l’arme ennemie alors qu’un filet de sang glissait de sa bouche. Freyja plongeait alors en arrière, troquant son sang pour s’emparer de cette nouvelle arme et l’extraire sous la contrainte de la douleur et l’étonnement de la meute.

Elle levait alors son bras gauche, titubant en arrière, posant ensuite la hampe de cette nouvelle arme dans le creux de son coude.

Une impulsion, elle plantait l’arme dans un crâne et tournait à la force de son poignet.  Un loup de moins. Dans un nouveau réflexe, elle tirait et poussait une nouvelle fois, gardant la hauteur et l’espoir fou de gagner du temps. Le précieux temps. Celui qui s’évaporait en trainée rouge à même le sol de la cour du château. Le sien. À chaque action, elle s’estimait heureuse de prendre les coups à la place de Sora. À chaque attaque, elle s’imaginait tomber avant d’avoir revu son visage.


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Les plaies, le sang, la douleur. Mais l'objectif n'était pas encore accomplis. Ils avaient rejoint ce qui aurait permis d'ouvrir la Herse mais c'était sans compter d'une défense désespérée.

Un coup de poing si violent qu'il brisa la nuque de mon adversaire avant de le faire tomber. Même blessé, soigné, puis blessé de nouveau je restais une cible des plus dangereuses. Contrairement à l'image de mes alliés, la flamme du combat dans les yeux, dissuadant mes adversaires d'approcher. Les laissant présumer de leur sort. Je me ruais en direction du mécanisme, j'aperçu Sora et la rate se battre de tout leurs diables. Mais rien n'y fait... Il va falloir mettre les mains à la pâte. J'ai dû faire perdre du temps avec mon idée, hélas.

Les ennemis étaient encore bien trop nombreux pour me permettre de tirer la chaine sans me prendre un coup, je vis un loup armé d'une épée, un coup de coude dans le museau, je lui arrachais l'arme des mains et je lui abattais sur le crâne, ma hache à deux mains accrochée dans le dos, il me fallait une autre arme... Et cette épée longue arrachée d'un cadavre encore chaud fera l'affaire. Grandement! Je fis quelques moulinets, me rapprochant de la position stratégique en abattant ma fureur sur ce qui pouvait se dresser entre mon chemin et mes alliés.

La rate se défendait avec une férocité légendaire. Digne d'être chantée! Je rassemblais mes esprits en mes armes, je ne suis pas un magicien, je ne sais pas ce qu'est les miracles... Mais la maîtrise de ce que je connais, de ce que j'ai pu accumuler avec les années, tranchant ses adversaires dans le dos à l'aide de l'écho de mon âme, projetée du tranchant de ces armes qui m'appartiennent désormais. Me débarrassant des derniers soldats qui pouvaient trainer dans la zone. Acheter encore un peu de temps. Mais comment faire...

Je fis volte face, je vis d'autres ennemis charger, j'en perds le compte. Je ne pouvais pas me permettre de les intimider de nouveau. Je levais les armes en l'air, avant de les abattre en jetant d'autres échos.

<< Il faudra vivre d'autres millénaires avant d'espérer rivaliser avec moi ! >>

Je fis des gestes, donnant des coups pour frapper tout ce qui s'approchait à l'aide de l'écho, lâchant des hurlements, dans des gestes maîtrisés, les hurlements de terreur sonnaient comme un glas répété, autant de projectiles que d'adversaires, dans une danse de lame exécutée, un kata comme certains diraient! Cela me réchauffe le corps, me rends le moral, me permet de penser à la victoire à cette porte, qui toque, qui réclame sa juste place. Je fis quelques moulinets avec mes armes, et je m'inclinais.

Je les lâchais, me ruant sur la chaine. J'entendais les cris de joies stupéfaits des soldats que je n'ai pas tué sur le coup. Un simple ordre, qui tiens en quelques mots : ne le laissez pas tirer cette chaine!

Ils se ruèrent, et je tirais un grand coup.

Les cris de joies ont été remplacés par des cris de douleurs. Fatal? Non. Je me posais la question en mettant toute ma force pour tirer la chaine, relever la herse. Comment est-ce que je sais faire des coups à retardement?

Mon cœur bat à l'appréhension d'une charge imminente, au même bruit de la herse relevée qui butte contre la pierre.
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« Les guerriers de la lumière. » prononça l’Officier Ambre à ses côtés, les yeux rivés sur la barrière et les oreilles attentives au combat qui faisait rage. La générale la regarda quelques secondes, les sourcils froncés, un peu décontenancée. Oui. C’est finalement tout ce qui les distinguait, encore une fois, d’eux. Sora, Freyja et l’errant Heinrich Ventrecroc pouvaient mener des batailles seuls.

La montagne de fer se souleva devant eux, se cala dans un bruit sec. La générale leva son épée.
« On attaque ! » hurla-t-elle tout en commençant à courir, talonnée par, à sa droite les deux officiers et à sa gauche quelques capes grises cachant sous leurs tissus le visage égoutté d’un raton et d’une vache. Bathilde. Ravness se souvenait de ce nom. D’un geste, elle rabattit une nouvelle fois sa capuche sur sa tête, pour ne pas être le centre de l’attention et des tirs. Elle observa, regardant autour d’elle, tous les brigands affluer des différentes cachettes, des endroits sauvegardés du feu par le déluge. Ils semblaient être encore deux petites centaines d’hommes encore debout. C’était assez. La victoire était à eux. Mais il restait Kefka.

« Attention sur le pont-levis ! » hurla puissamment une voix sinistre derrière eux, comme un au revoir de la part du Shérif. Oui. Des erreurs étaient vite arrivées dans la précipitation. Elle vit les plus rapides brigands fouler les premiers le plancher du pont menant au château. « Je reste avec vous ! » cria derrière elle l’officier Ambre. Général Primus ne se retourna pas, se contenta de maintenir son attention sur les ennemis qui les attendraient de l’autre côté de la herse maintenant levée. Là où ils iraient, lorsqu’ils seraient à l’intérieur de la cour, il n’y aurait pas beaucoup de place à la chance. Les chances d’échouer restaient énormes. À son tour, et en même temps que de nombreux autres brigands, ses foulées arrivèrent jusqu’aux lattes de bois du pont-levis imposant. Ils pouvaient gagner. Dans quelques minutes, toute cette histoire serait finie.

Ils durent ralentir tandis que devant eux, des dizaines de brigands s’engouffraient dans la cour du château ou combattaient à l’entrée de celle-ci, bloqués par les nombreux soldats. Trop petite, elle ne pouvait vraiment apercevoir les trois guerriers mais décida de ne pas s’en soucier pour le moment.

« Attention ! »

Derrière elle, deux brigands tombèrent, transpercés par des flèches, tandis qu’un autre fut touché à la jambe.  « Archers continuer tirer sur chemin de ronde ! » cria l’officier Sang-Bleu à l’intention de quelques capes grises. Ils devaient être encore une centaine à devoir traverser le pont-levis et passer sous la herse… et autant à être vulnérables aux flèches des soldats.
Elle essaya de regarder les remparts, sans grand succès. De nouveaux tirs fusèrent, plus nombreux, plus ajustés mais se heurtèrent à une barrière invisible qu’elle s’efforça alors de maintenir au-dessus du pont-levis. Elle ne pourrait tenir longtemps. Après… le combat du pont, le déluge et surtout le déplacement d’un quartier entier, il ne restait plus grand-chose de ses capacités psychiques. Les secondes s’écoulèrent lentement par-dessus les genoux tremblants et les armes brandies, jusqu’au moment où elle passa elle aussi sous la herse.
« Tenez bon. » encouragea une nouvelle fois Ambre, rendant Ravness d’autant plus perplexe. Elle n’avait pas besoin d’être rassurée mais… maladroitement, se demandait si ce n’était pas le cas de sa seconde. « Surveillez mes arrières, officier. » prononça-t-elle d’une voix neutre, une pointe d’hésitation dans le regard. Elles marchèrent en avant, passèrent à côté de nombreux cadavres, alors que l’embouchure où elles étaient n’était peuplée que de brigands et non de menaces, ayant été pacifiée quelques secondes plus tôt. Mais, poussées de tous les côtés, s’éloignant sans le vouloir de Sang-Bleu, Ravness et Ambre arrivèrent bientôt devant l’errant, légèrement courbé sur lui-même, couvrant des blessures de ses mains.

Elle pointa le donjon de son épée, tout en gardant son bouclier des valkyries à même son corps.
« Nous allons là. Vous pouvez venir avec nous. » Ravness n’attendit pas une réponse et, bénéficiant de plus d’espace autour d’elle, chercha l’ennemi. Les brigands s’étaient répandus dans la cour comme des loups dans un poulailler, sans organisation aucune, mais semant un chaos impressionnant. Mais les ordres… de qui auraient du venir les ordres qui pouvaient organiser les soldats du régent ? Elle chercha la Meute, ou ce qu’il en restait, la troupe d’élite… ou même le shérif. Au bout de quelques secondes, elle vit un loup. Celui-là même qu’elle avait affronté quatre ans plus tôt et vu en une autre occasion beaucoup plus tard. Alpha, accompagné d’une vingtaine de soldats, se dirigeait vers le donjon sans donner le moindre ordre, semblant abandonner tous leurs hommes. « Ils partent protéger Kefka ! » cria Ambre. « Allons-y. » Elles s’avancèrent mais des différents combats surgirent bientôt devant elles des ennemis, deux éléphants portant des massues et… elle ne se mit pas en garde. Ambre courut, la poussa légèrement dans sa violence naturelle et en plaqua un au sol d’un énorme coup d’épaule avant de se tourner vers le deuxième. Général Primus hocha la tête et continua d’avancer à travers la cour, profitant d’avoir un meilleur point de vue pour hurler des ordres. Elle envoya quatre brigands renforcer l’attaque sur le chemin de ronde au-dessus de la herse et ordonna à deux autres de rester dans ses pas.

Le tumulte de la bataille déplaça les combats, et au fur et à mesure de la chute de certains, il y eut devant elles plusieurs soldats, un loup tenant une épée légère d’une main et une dague de l’autre et à ses côtés, un rhinocéros brandissant une lance à crochet. Le loup s’avança, voulut la suriner. Elle frappa la main de son ennemi d’un coup de bouclier avant d’échanger un premier contact avec son adversaire, tentant une attaque de taille. Elle s’avança encore, frappa, sans succès, sinon celui d’impressionner l’ennemi. Le loup se rapprocha néanmoins. Au moment où il frappa de ses deux armes, quand elle crut pouvoir parer, elle sentit son bouclier lui échapper des mains, tiré par le crochet du rhinocéros. Elle ne réagit que trop tard. Le poignard du loup la frappa sous la poitrine. Sa lame s’approcha elle aussi mais elle la para de son épée. Du même geste, elle trancha le bras du loup. Celui-ci regarda avec horreur le sang couler de son moignon. Elle ne le laissa pas souffrir et bien que le souffle coupé par la douleur, son épée se planta nette dans la gueule du loup. Ravness lâcha sa propre épée, se pencha et ramassa celle du canidé mort avant de se ruer, toujours pliée sur elle-même sur le rhinocéros. Son épaule heurta la hanche du rhinocéros. Il voulut la frapper, elle tenta elle aussi une attaque de taille mais renonça. Lorsqu’il leva sa lance, elle attrapa l’un de ses bras, le retint de frapper, le paralysa. Deux flèches transpercèrent quelques secondes plus tard le rhinocéros, le laissant choir.

Elle ramassa ses armes. Alpha et son escouade rentraient dans le donjon et… elle voyait un peu moins loin un brigand en prise avec un soldat. Et chaque vie comptait. Elle se rua sur l’adversaire occupé et lui flanqua un coup de bouclier sur le flanc, lui arrachant une douleur. Il tituba mais fut allongé par un deuxième impact. La générale laissa le brigand l’achever et partit sur un autre soldat combattant le coq, celui qui chantait parfois. Elle ne l’atteignit pas. Le soldat tomba lorsqu’une dague le toucha à la gorge.

Ravness leva le regard vers Will l’Écarlate, lui aussi suivi de quelques capes grises. Il ramassa quelques dagues et couteaux de lancer avant de lui désigner d’un regard soutenu la porte du donjon. Elle hocha la tête.

D’un autre coup d’œil, elle vit Heinrich lui aussi se diriger vers la porte et entendit Will interpeler Petit Jean pour qu’il les accompagnât. Ils se dirigèrent depuis leur position respective, au milieu de la bataille, vers le donjon où ils livreraient ce dernier affrontement. Un combat plus important continuerait ici…

Alpha et ses hommes étaient rentrés.
« La porte est fermée… C’est une serrure à loquet. Et ils doivent être en train de renforcer l’entrée. » prononça Petit Jean en se grattant la tête. La générale se tourna vers la cour, tournant le dos à la tour et au clown. « Petit Jean et Heinrich Ventrecroc, détruisez cette porte, nous autres défendrons. »


Dernière édition par Général Primus le Jeu 28 Fév 2019 - 12:36, édité 2 fois
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