Les vaisseaux continuaient d'entrer et de sortir de la gare tandis que Caesys flottait à la surface de l'océan. C'était bruyant, à l'opposé des fonds marins et s'il était attiré par ces machines... Ce n'était pas maintenant qu'il allait se diriger vers elles. C'était plutôt vers ce qu'il avait observé quelques minutes plus tôt que son intérêt était porté. Atlantica, un royaume pas si loin de celui des humains et pourtant, d'ici, les différences étaient déjà flagrantes. Il ne savait pas réellement si c'était cette zone qui l'appelait ou si le simple fait d'être immergé l'apaisait.
Peut-être pour la première fois, Caesys se sentait tiraillé. L'envie de s'y rendre était forte et grandissait à chaque seconde qui passait. D'un autre côté, les élémentaires avaient fui jusqu'à l'océan pour s'en tenir éloigné. Qu'y avait-il de si dérangeant pour en venir à ça ? Dans ses réflexions, il ne se rendait pas compte qu'il se laissait s'enfoncer sous la surface. S'il était encore bien loin du palais, d'ici, il distinguait les ombres qui allaient et venaient. Comme pour la gare, sauf qu'ici c'était plus petit et vivant. Il en oubliait la part de lui qui disait de ne pas s'en approcher.
C'est désormais de façon volontaire qu'il plongeait pour voir tout ça de façon plus précise. C'est à ce moment que le royaume marin se montrait enfin tel qu'il était réellement. Il brillait de mille feux, éblouissant presque Caesys de part sa beauté. Il était doré, pur, il y avait ce quelque chose de... parfait. Tout ce qui se trouvait autour était plongé dans la pénombre, la lumière pénétrait difficilement de telles profondeurs. Ce palais lui, faisait office de phare dans la nuit. C'est alors que les ombres n'en étaient plus, Caesys pouvait apercevoir distinctement les sirènes. Elles ressemblaient tellement aux humains malgré leur corps de poisson. Leur était-il arrivé la même chose qu'à lui ? Allait-il, à terme, se transformer en cette créature ? Même s'il était fasciné, il espérait que non. Devoir se priver ainsi de la terre ferme n'était pas quelque chose qu'il désirait. Il en avait même peur. Pourtant, Caesys continuait d'avancer et il n'avait pas remarqué que l'une d'elles se trouvait derrière lui.
-Caesys, je suis Caesys.
-Oh, il parle et il a un nom ! Mais attends... Tu as vraiment parlé là ?
-Quelle drôle d'idée, c'est un humain ?
-Impossible, un humain ne peut pas venir si profondément.
-Oui, mais si c'est un de ceux qui viennent d'ailleurs ?
-Alors il aurait une nageoire !
-Ou un corps d'animal, non ?
-Ou des jambes !
-Non, pas des jambes, justement.
-Ah.
-Non, je l'ai entendu parler.
-Ah, s'il parle sous l'eau, c'est pas un humain alors.
-C'est ce que je viens de dire !
-Oui, mais... C'était pour... confirmer. Je sais que c'en n'est pas un !
-Il leur ressemble beaucoup quand même. Avec son armure et son... C'est quoi déjà ? Une épée ?
-Alors c'est un humain !
-Non, c'est pas un humain on t'a dit.
-Sinon, c'est pas vraiment important, si ?
-C'est vrai ça !
-Finalement il est bien comme ces humains !
-C'est pas un humain !
-C'est pareil !
-Mais stop ! C'est vous qui avez commencer à l'embêter, il faisait rien de mal avant que vous arriviez.
-Oui, mais...
-Non, il n'y a pas de « Oui, mais », laissez-le tranquille.
-Ce... N'est pas grave.
-Non, c'est toujours pas une humain.
-Mais justement, il peut nous répondre !
-Alors, tu es quoi au juste ?
-Tu n'as pas besoin de réfléchir pour savoir ça !
-Ah bon ?
-Bah oui, regarde, nous on ne réfléchit pas pour savoir qu'on est des sirènes !
-Oui, mais moi je ne sais pas ce que je suis.
-T'es vraiment bizarre, mais si tu sais pas, tant pis. Tu dois quand même savoir pourquoi t'es venu ici ?
-Je ne sais pas vraiment, c'est que l'eau m'apaise, je me sens bien quand je nage.
-Moi aussi j'adore nager !
-Oh, donc tu peux bien sortir de l'eau ? Ça fait quoi de marcher ? Et comment tu fais pour aller sur terre et aller dans l'eau comme tu veux ? Ça fait mal ? Tu peux le faire autant de fois que tu veux ?
-Un pied devant l'autre ?
-Oui, je pense.
-Je veux un chapeau !
-Oh oui, un chapeau !
-Tout de suite ?
-Ouiiiiiii !
Un chapeau donc, il suffit d'attendre de voir quelqu'un qui en a un. Ça aurait pu s'arrêter là, juste patienter quelques instants, mais quand Caesys a tourné la tête vers le musée, il remarquait la femme de l'autre jour. Elle aussi l'avait remarqué et comment le rater si on fait un peu attention ? Elle faisait des geste, restant à l'intérieur du bâtiment et peu de temps après, les mêmes agents sortaient. Il comprenait vite que ce n'était pas une bonne idée de rester dans les parages. Il entamait une marche précipitée, mais pas encore rapide. C'est que rester n'était pas dans ses ambitions, mais il n'avait pas encore l'objet qu'il était venu chercher. Peu de temps après, il pouvait apercevoir un homme couvert d'un chapeau dans le style cow-boy. Il l'attrapait fermement, c'était ça ! Exactement ce qu'il lui fallait. L'homme volé se retournait, un visage colérique qui en ferait frémir plus d'un. Pas Caesys, comme pour la peinture, il réalisait pas réellement la portée de son acte. Il se contentait alors d'enfoncer le chapeau sur sa tête et de se mettre à courir. C'était pas la personne la plus rapide, ça non et même sans ça, il avait vite mal. Il parvenait à continuer malgré l'homme qui voulait récupérer son bien ainsi que les agents qui n'étaient pas très loin. Pour le plus grand bonheur de l'élémentaire, l'océan était à deux pas, il n'avait plus qu'à y sauter la tête la première.
Cette course l'avait amusé, ce côté attrape-moi si tu peux, était grisant. Pour lui, ça n'avait été qu'un jeu sans conséquence. Entre ça et la conversation avec les sirènes, il était heureux. Un bonheur très simple, un de ceux qui vous fait sourire et penser que le monde est beau. Il ne restait plus qu'à apporter le butin aux sirènes qui devaient l'attendre avec grande impatience. Il ne fallait que quelques minutes pour retourner au lieu de rencontre, mais... Il n'y avait plus personne, rien. Caesys regardait en direction d'Atlantica et d'ici, il pouvait voir un peu d'animation, pas plus qu'auparavant. Il choisissait d'attendre encore. Il ne comptait pas les minutes et ne voyait pas le temps passer jusqu'à ce qu'il remarque qu'il faisait nuit. À cette profondeur, ce n'était pas si flagrant tant la lumière a de la difficulté à se propager si bas, mais il n'y avait plus que la lueur du palais.
Déçu, pas en colère, juste déçu, Caesys déposait le couvre-chef sur les fonds marins, espérant que les sirènes le retrouvent quand elles reviendraient. Lui, il s'en allait, rejoignant une fois encore la surface. Calmement, il sortait de l'eau pour arriver sur une petite plage et s'asseoir sur le sable. Il levait les yeux vers le ciel, moins de vaisseaux, mais tant d'étoiles magnifiques. Aurait-il un jour la chance d'aller jusqu'à l'une d'elles ? Pour l'instant, il se contentait d'admirer et d'imaginer comment c'était.