- Y avait qu’un seul moyen pour marcher sur la terre ferme et avoir une forme humaine dans ce monde… un seul qui était aussi improbable que difficile. Pour vous donner une idée, je pense pas que quelqu’un ait réussi à faire ça jusqu’à aujourd’hui !
Et j’avais réussi. J’avais tout joué pour avoir ce privilège ! Et en plus, sans la moindre aide, sans le moindre indice ! Ultimecia pensait que ce serait facile, j’imagine… Bah pas tant que ça !
Je marchais dans la ville portuaire… Et là… assez choquant, je dois dire, j’avais pas du tout mes fringues de d’habitude ! Je portais même un pull, genre en laine, bleu marine… Et un pantalon de matelot ! C’était un déguisement, on pouvait dire ça… mais je vais pas vous mentir, quand je suis arrivé sur cette plage, j’étais un homme tout nu ! Oh la honte, je vous raconte pas l’épisode de la recherche de tissus !
Bon, j’étais là… En enlevant anonymement une des filles de Triton et en proposant au vieux d’aller la rechercher sur la terre ferme, j’avais mérité cette transformation ! Pas que j’aime pas l’état sirène, hein ?! Au contraire, j’adorerais y vivre ! C’est tout ce que j’aime : torse nu, belles filles peu vêtues, de l’eau… Ca me va !
Bon, soit ! En gros, dès l’instant même où je retournerais dans l’océan, je me transformerais en sirène… Et ce qui est encore plus évident, c’est que jamais je pourrai revenir sur la terre ferme. Parce que la fille du roi Triton, j’allais quand même la rendre à son papa ! J’avais juste pas envie de la buter, ça c’est certain… Et une fois qu’elle serait saine et sauve et qu’elle raconterait que c’est un beau gosse barbu et basané qui l’a enlevée… bah jamais plus je pourrais remettre les pieds dans le palais de Triton !
En gros, j’étais obligé de gérer en une fois… quitte à rester ici un mois entier !
Eh ben… Le temps que je mets à commencer !
Je suis entré dans une baraque, genre la taverne la plus réputée du coin… A l’intérieur, tu reconnais tout de suite l’ambiance, ça sent le poisson, l’alcool, l’eau de mer… La plupart des hommes sont tatoués, en tenue costaude… Ouais… Un repaire de marins !
Bah dans ce pays c’était carrément normal ! La moitié des hommes était dans la pêche, dans la marine marchande ou des marins du prince…
Ca me faisait carrément bizarre d’entrer là-dedans et de les voir tous, dans cette ambiance familière… Bizarre parce que, à part dans ce monde, l’existence de cette taverne et de tous ces marins est à peine soupçonnée. ‘ fin je veux dire… Personne les connait ! Ca se trouve, ils savent même pas qu’on peut voyager de monde en monde, maintenant !
Là, lecteur anonyme, je sais ce que tu penses… Il y a un bar, il y a Jecht et des tas d’hommes prêts à faire la fête toda la noche ! Alors il semblerait logique que tout se passe sous l’effet discret de l’alcool !
Mais le grand Jecht n’aime pas ce qui est prévisible !
Et puis fait chier ! Pourquoi qu’à chaque fois ça se passerait sur ce schéma ?! Ca doit être la quarantième fois que mes exploits fantastiques m’amènent dans un bar !
Et merde !! J’avais réussi à choisir le seul groupe dont le Q-G est un bar !
Voilà… Mes journées tournaient autour de l’alcool, c’est dingue ! Prenez Nath !
Il est mort… mais lui il buvait jamais ! Dans son délire de pureté, je suis sûr qu’il détestait la simple vue de l’alcool ! Pareil pour Ukiyo… Chuis sûr il a jamais touché à une bière de sa vie ! Non pas possible, il est trop propre, trop beau, trop bien rasé !
Et Konstantine ?! Bah lui… Clair qu’il boit pas ! Trop parfait, trop dans l’idée du mec juste invincible ! Non, à part quand t’es Jecht, tu peux pas être ténébreux, beau et imbattable sans être 100% sobre !
Faudrait qu’un jour, je fasse un rêve où je découvre comment je suis tombé là-dedans…
Putain ça se trouve… Ca se trouve je suis dépendant ?!
…
Ca se trouve aussi, je bois juste pour oublier mes problèmes ou quoi… Et p’tet qu’en fait, le grand Jecht n’est qu’un ex-champion légendaire, tombé dans l’oubli et dans la tequila !
Alors c’est décidé ! Cette mission pour les Songes qui avait du mal à commencer… se ferait sans être ivre !
« Une bière. »
Je m’étais dirigé vers le bar et…
Putain mais personne est bourré avec une bière, arrêtez de me juger ! Faut aussi être crédible dans mon rôle de marin qui va dans un bar…
Je prends la bouteille, vais à une table où y a une place libre (mais pas trop de places libres, ce serait con) et je salue les gars d’un hochement de tête avant de lever ma bière.
Les marins, quand ils sont en groupe, sont en général très cools… sympas et tout, chaleureux, motivés, solides... mais malgré l’ambiance, faut qu’ils t’acceptent pour qu’ils en aient pas marre de toi après deux heures. Et pour ça, bah rien de mieux que de voir au cas par cas. Ils se connaissaient tous, fallait donc pas que je sois grande gueule, j’allais juste les énerver… Profil bas, genre silencieux mais cool, ça pourrait carrément passer mais c’était infaisable avec ma mission.
Trop détendu, pas possible… Je devais leur faire croire des trucs de dingue pour ma mission… si j’ai l’air super à l’aise, je vais me prendre une taule.
Donc détendu mais pas trop, pas trop déconner et pas trop parler de moi…
Après, les marins parlent de femmes, c’est bien connu ! Ça, je sais faire mais je dois pas trop frimer sur le sujet, et ça je sais pas faire !
Puis là j’ai compris un truc !
« On compte partir après-demain. Jackson veut qu’on se barre à l’aube pour arriver au continent le soir même… Hors de question de partir aussi tôt… Il fait 3°, le matin. »
« Pas de chances. Moi j’ai décidé de faire une pause… J’ai assez d’argent pour aller voir mes filles. Je compte bien passer quelques semaines avec et… je trouverai bien une ferme où travailler un petit moment, histoire de pas être trop serré. »
« Vous êtes du même équipage ? »
Première fois que je parlais vraiment. J’étais… sérieux, détendu, je jouais avec la capsule de ma bière, l’air tranquille. Fallait que je montre un peu ma présence donc bon, j’ai décidé de poser une question inintéressante.
« Non… ‘fin on a du faire quelques voyages ensemble mais c’est tout. »
En fait, j’ai compris deux trucs…
Le premier qui n’a rien à voir avec ce dont les marins aiment parler, c’est tout l’ampleur d’une discussion, ici. Suffit de voir que t’en apprends plus dans ce genre d’endroits en deux jours qu’à l’école en deux semaines ! Parce que ce sont des marins ! Et donc, ce sont des voyageurs… Donne une fausse info et fais-la passer pour vraie, et t’as un bouche à oreille monstrueux qui se fait…
Si y a vingt tavernes de pêcheurs dans ce monde… Chacune remplie d’une centaine de marins d’équipages différents… et ces marins qui vont de tavernes en tavernes, au fil de leur voyage. Alors obligatoirement, une rumeur solide qui a un rapport avec leur taff… va être connue du monde entier !
« Ok. C’est cool comme endroit, j’étais jamais venu. »
Plusieurs gars me regardent, genre bien surpris. Je bois une gorgée de bière… Ca confirmait carrément mes pensées ! Tous les marins sont passés par ici !
Ca allait être une longue soirée… Quand tu pars en mission, que ce soit pour les songes ou pour les mercenaires, on te demande pas souvent de parler pendant 10 heures d’affilées à des gars... Bah là, c’était carrément l’idée.
Oui alors ! Le deuxième truc que j’ai compris. C’est pourquoi tous les mecs étaient marins, ici.
Un monde avec plein de flottes, ok… ‘fin bon, ayant passé mon mariage et ma vie de famille parfaite dans l’Ile du destin, sérieux je t’assure que les gens avaient des métiers un peu différents les uns des autres.
Non attends… Un monde pleine de flottes… accessoirement, ce même monde où on entend super souvent parler de créatures marines, mi-humaines, mi-poissons…
Imagine-toi gamin et pose-toi cette question ! Est-ce qu’il y a un mythe plus beau que celui de la sirène ? ‘fin c’est évident que non… Hormis tout le sex style d’une sirène, c’est juste woah d’en voir une !
Et je suis sûr que tous ces mecs poilus avaient tous commencé par là : la sirène.
Ah non on est d’accord, c’est un constat qui sert à rien ! Mais Jecht, là, il écoute et réfléchit, perfectly sober, comme on dit chez nous à Toronto.
« C’est vrai qu’on t’a jamais vu ! T’appelles comment ? »
Je leur ai un peu parlé de moi, disant que je venais d’une île qui avait disparu, comme… submergé par les flots, hein. Je leur ai raconté mon histoire en trois mots, version possible à imaginer pour des paysans. Que ma femme soit morte, ça semblait sincèrement les toucher, et je gagnais déjà un peu de sympathie pour eux.
On est vite passés à autre chose. Y avait une dizaine de mecs à la table, facile de se raccrocher à une discussion en cours.
Au bout d’une demi-heure, j’avais fini ma bière… Et ouais comme convenu avec ma conscience, j’en ai pas repris.
« Vous avez entendu la dernière ? Paraît que le prince compte interdire la pêche aux dauphins ! »
« Ah ? bah c’est une bonne chose. »
« Paraîtrait que les dauphins sont très importants pour les sirènes et tout. »
« En quoi ils sont importants ? »
« Ah ça j’en sais rien du tout ! »
« C’est surtout une connerie… Je crois pas en ces conneries de sirènes, perso… »
Je regarde le mec qui vient de parler, avec un air curieux…
« Bah le prince a quand même une amourette avec une sirène ! »
« N’importe quoi… Je suis sûr qu’il fait juste ça pour se donner de la contenance ! C’est tellement pratique d’être prince et d’être le chéri d’une créature légendaire ! »
« Hein ? »
« … C’est juste parce que c’est un prince que ça paraît plausible ! Si le vieux Tom nous disait demain qu’il est marié à un ange, personne ne le croirait ! »
« Bof… Mon frère connaît un mec qui dit avoir vu une sirène. »
« Bah tiens… »
J’ai rien dit là-dessus… Ca doit être l’une de leur discussion chronique, ça…
« Quoi qu’il en soit, on n’a pas trop à se plaindre pour les dauphins… si y a que ça, on n’est pas encore dans la famine. »
Bon… C’est clair qu’avec beaucoup plus d’alcool dans le sang, ça aurait été plus facile de devenir leur grand pote. Mais on va pas revenir sur ce sujet à chaque fois ! Fallait que j’arrive à les intéresser.
« Hey ! Qui dort ici ce soir ? »
« Bah… tout le monde ? C’est une auberge, à la base. »
« Ouais ! Mais… On pourrait tous aller dormir à la belle étoile ! »
« … »
« Ouais… ‘fin non, je préfère pas ! »
« J’en ai marre de dormir dans des lits humides donc… pioncer sur de l’herbe mouillée, ça ira, sans moi. »
« Ouais et j’ai déjà payé le logis donc ça me ferait bien chier, perso… »
C’était totalement faux mais je ne comptais pas payer, alors bon…
Les autres ont bien sûr répondu non !
« Quoi ?! Alors on va rester ici à rien foutre ?! »
Dieu… pourquoi dans une bande de potes, y en a toujours un qui pense que « parler » veut dire « rien faire » ? Genre non, faut absolument faire un truc pour se donner l’impression de rentabiliser son temps… quelle connerie !
« Et si on allait chez Cindy ?! »
« Ouais ‘fin elle nous connait pas tous… je suis pas sûr qu’elle acceptera de nous faire un tarif pour quinze. »
… J’étais pas franchement sûr de savoir de quoi ils parlaient… Ca me semblait carrément crade.
« Ouais puis Jecht est marié. »
« C’est vrai ! »
« Mais il est veuf… il a une bonne excuse ! »
« C’est vrai ! »
« Mais encore en deuil ! »
« Toujours ! »
« Et fidèle ! »
« Jusqu’à la mort… »
« Puis moi aussi je suis marié. »
« Ah ouais… moi aussi. »
« … Qui n’est pas marié, ici ? »
Y avait qu’un seul célibataire et deux gars qui avaient une fiancée… Donc on a abandonné Cindy triste, seule, sans quinze marins transpirants et musclés.
« Au pire, on reste ici et vous arrêtez de faire chier avec vos idées nazes ? »
Et c’est finalement ce qu’on a fait.
« On joue aux cartes ?! »
« Oh tu fais chier ! »
Je profite d’un petit blanc dans la discussion et… !
« Sinon, Phil’, t’es dans la pêche c’est ça ? »
« Ouais c’est ça. »
« Et demain tu fais quoi ? »
« Comme d’hab’. En fait, t’vois, on part d’ici et on s’dirige vers Maurice, l’île septentrionale… normalement, faut à peine vingt-quatre heures pour y aller… mais on s’arrête toutes les trois heures pour disperser les filets, et on attend parfois jusqu’à cinq heures, t’vois. Et en général, au bout d’ trois jours, on est à Maurice et on vend tout l’poisson là-bas jusqu’à c’qu’il soit plus frais ou qu’on ait tout vendu, t’vois… Puis euh… On r’fait pareil, pour le r’tour… En gros, tout l’temps comm’ça, j’passe trois jours en mer, un à Maurice, trois en mer, un ici. »
« Ah ouais ! Faut aimer la poiscaille… Puis si la mer est dangereuse, ça doit être carrément galère. »
« Non hé ! C’est des terrains d’pêche, c’est des endroits calmes entre Maurice et ici ! »
« Ouais… J’y penserais peut-être ! J’évite un peu les coins dangereux, depuis l’autre jour. »
Je déteste les gens qui disent un truc, sous-entendent une histoire qu’ils ont vécu, un secret qu’ils connaissent ou quoi… sans dire quoi ! Mais y a pas à dire, c’est efficace, même si c’est chiant.
« L’aut’jour ? »
« Ouais ‘fin… l’autre semaine, plutôt. Je suis de l’équipage du prince, tu sais. »
D’autres dans la table ont commencé à m’écouter, un peu surpris.
« Et tu veux devenir pêcheur ?! T’as un job en or, super pépère et propre et tu veux sentir le poisson non-stop ?! »
« Hey !! »
« A vrai dire, j’ai même pensé à plus jamais retourner en mer. »
« Sérieux ? »
M’ont tous regardé. Ils avaient tous ça en commun, même s’ils pouvaient en avoir ras-le-bol, ils adoraient l’océan.
« Bah je vous raconte, allez ! J’étais dans l’groupe de navires royaux qui s’est fait en partie décimer, y a trois mois de ça. »
« Putain t’y étais ?! »
« Hein ? C’quoi c’t’histoire ? »
« … Sérieux, sors de ton trou ! Tout le monde en a entendu parler ! »
« Bah… On était trois navires et en gros… en deux minutes à peine, un truc a détruit deux des trois navires… après avoir défoncé notre gouvernail. »
« Un truc ? Un monstre ? »
« Ouais ça d’vait être ça, elle a décimé tout ce petit monde si rapidement qu’on n’a rien vu ! »
« Putain… »
« On s’en est sorti en ramant quatre jours et quatre nuits, non-stop… On voulait même pas dormir, c’était horrible. La bête nous a poursuivis pendant trois jours, nous harcelant ! Je te jure, horrible. »
« Elle devait être carrément affamée. »
« Même pas ! »
J’ai pas eu le temps de répondre, un des mecs m’avait précédé !
« Y a un équipage qui a été envoyé pour aller chercher un trésor super important que transportait l’un des navires. Et là-bas, ils ont vu que tous les hommes étaient morts, mais qu’aucun ne semblait avoir été bouffé ou quoi ! »
« Euh… Ouais. »
« A croire qu’elle a fait juste ça par cruauté ! »
…
« Ca se trouve, ce sont les sirènes. »
« T’es con. »
« Ouais, non, j’pense pas. A ce qui paraît… enfin, c’est le prince qui le dit… les sirènes ont peur de nous et s’approche pas de la surface. »
« Ouais mais y a aucune bête assez puissante pour faire ça ! »
« Bah… Une baleine ?! Un r’quin immense ou quoi ! »
« Ils l’auraient vu ! »
« Ouais… »
« … »
« Peut-être une créature abyssale ?! »
« N’importe quoi, ça existe pas ! »
« Qu’est-ce t’en sais, t’es dans l’commerce naval, j’vois pas comment tu pourrais l’savoir ! »
« C’est des histoires, ça ! Comme les sirènes ! »
« Bah… Vas-y, si ni les sirènes, ni les abysses existent, alors c’quoi qu’a détruit ces navires en deux minutes ?! »
Un silence s’installe… Rien, strictement rien ne pouvait l’expliquer. Parce que pour eux, un être aussi petit qu’une sirène ne pouvait pas avoir la force d’une pieuvre géante !
« Je pense que c’est… plus que tout ça. »
Je les regarde, puis j’ai une idée pas dégueulasse… Mettre fin à cette discussion. Actuellement, ça les intriguait tous et ils voulaient certainement pas parler d’autre chose.
« Allez, parlons pas de ça, ça sert à rien ! Je vous paie une tournée de bière ! »
Et cinq minutes plus tard, une bière devant le bec, on est revenus à des sujets plus normaux.
« Tes filles, elles ont quel âge ? »
« La petite a quatre ans à peine… la grande a déjà quinze ans ! »
« Quinze ans ?! Eh ben, tu l’as eue jeune. »
« Ah ouais c’est sûr. C’était une erreur de jeunesse, on pourrait dire. Mais je regrette rien, puis elle est mignonne et fait déjà tourner des têtes ! Je pourrais la présenter à ton gamin, s’il est célibataire et joli garçon ! »
« Ah non il est très laid ! Il ne la mériterait pas ! »
Je rigole avec le mec puis il me pose une question… troublante.
« Il a quel âge ? »
Je savais pas du tout.
« Seize ans. »
L’âge passe-partout… Que Dieu bénisse cet âge !
« Mais on s’est un peu perdu de vue ! »
…
« Bataille de tatouages ! »
« Ouais ! »
« Venez tous ! »
Hum…
Ouais bah visiblement, ça tentait tout le bar puisqu’un énorme troupeau s’est formé autour de la table !
Une bataille de tatouages… C’est quelque chose de symbolique, de puissant. Que ce soit les pirates, les pêcheurs, les marins ou les corsaires… Tous ont des tatouages ! (C’est faux)
Et si les rumeurs se répandent aussi vite que ces loups de mer sur l’océan… Alors le tatouage le plus extraordinaire sera conté pendant des siècles !
Une dizaine de bras tatoués fut alors brandie comme des canons vers le reste du groupe… Mais trop concentré, l’aubergiste lui-même arracha violemment sa manche et para de son bras droit, enveloppé d’un superbe tatouage de serpent de mer ! Les pitoyables attaques de ces guignols s’écrasèrent tout contre les écailles d’acier du monstre… l’aubergiste serait dur à vaincre !
Car vous croyez que c’est qu’une affaire de tatouages ? Genre qu’il suffit de montrer le plus gros possible ?! Non mais c’est des conneries, ça… Y a le tatouage bien sûr, mais tout se base sur le regard. Si tu mates ton tatouage en le montrant, c’est foutu ! Faut que tu fixes les autres, que tu les regardes de haut pour que s’ils croisent tes yeux, ils confirment leurs craintes « On a perdu ».
Puis y a les muscles… Faut que t’aies l’air de bien porter ton tatouage !
C’est plus qu’un duel de tatouages, c’est un duel de… cowboys !
Deux trois gars se surprennent à montrer leurs tatouages en même temps, ça en fait des proies faciles ! Un mec répond et enlève sa chemise, dévoilant un requin venant de son épaule et qui plonge le long de son corps… Triple KO, vous allez croire ?! Sauf qu’à la seconde, l’aubergiste l’envoie au tapis, lui aussi… Il prend le requin dans ses filets destructeurs en dévoilant son autre bras parsemés d’éclairs d’encre rouge ! Ils sont super bien faits, c’est du travail de vrai pro !
Les mecs de la table entrent dans l’arène… comme à peu près la moitié du bar en même temps… Un combat impressionnant entre une sirène nageant à côté d’un navire, un tigre, une nuée de mouettes, un blason royal, des noms de femmes… Certains se prennent des baffes mais reviennent au combat avec d’autres tatouages sur le corps. L’aubergiste reste au-dessus du lot avec ces deux tatouages et son regard de tueur.
« Jecht ?! T’en as pas ?! »
Je souris… ferme les yeux quelques secondes… J’ai pas répondu et donc, ai attiré le regard de l’assemblée sur moi. Juste ce qu’il me fallait. Je me suis levé, ai regardé le sol, l’air perplexe. Et j’ai enlevé mon pull ! Là, devant leurs yeux, le symbole de Jecht recouvrant tout mon torse ! Est-ce qu’il était le plus classe de tous ?! Pour moi oui, mais ce qui les a scotchés, ce sont mes muscles d’acier… Ah et aussi…
« Oh le con ! T’as vu toutes les cicatrices ?! »
« Il en a des centaines ! »
« Pas mal le tatouage… Il représente quoi ? »
« … Il me représente moi ! »
Ouais ! Je crois que je les ai tous mis d’accord… L’aubergiste me jauge du regard… et arrache sa chemise déjà bien déchirée…
Je m’assois. Et en fait, tout le monde s’assoit… et je crois qu’en fait, tout le monde se demande pourquoi l’aubergiste a gagné une bataille de tatouages marins mais… tout le monde ferme aussi sa gueule… C’est ça le pouvoir, quand tu gagnes un duel de cowboy.
« Jecht… »
« Hum ? »
« Ton histoire, ça m’a fait penser à un truc. Y a de ça un mois, une épave s’est échouée sur les côtés de Leclerc, le port un peu à l’est… parfaitement ravagée. »
« L’un des deux navires du groupe ? »
« Non c’était pas un navire royal. »
« Eh ben… L’océan n’est pas sûr. »
« Ouais, c’est très mauvais, tout ça. »
« Pour moi, y a rien d’humain ou d’imaginable dans tout ça… »
« Genre ? »
« C’est pas des sirènes ou des hybrides, c’est pas leur genre… Et je ne crois pas que ce soit des bêtes marines normales. »
« Ce serait une créature abyssale, tu penses ?! »
« … Ouais, pour moi c’est ça. Un truc du style, un monstre qui se serait réveillé dans les abysses, totalement démesuré… ou un monstre du passé qu’on croyait légendaire mais qui revient pour tuer tous les marins. »
Un silence autour de moi…
« On m’a demandé de pas en parler mais… quand ce truc nous a attaqués, on a entendu un cri… »
Le silence devient glacial.
« Un cri… de femme ? »
« Non… Genre un cri qui venait de l’océan, hyper sonore, glacial, une sorte de cor strident qui sonnait dans l’eau. »
« … »
Je bois une gorgée de ma bière.
« C’ne peut être qu’le Léviath.. »
Le mec a pas eu le temps de finir son mot, coupé par trois cris aussi soudains !
« Non ! »
« Tais-toi ! »
« Tu es fou !! »
Visiblement, tout le monde y avait pensé mais la superstition les avait fait taire… On ne prend pas le risque d’invoquer une créature, même quand elle est totalement imaginaire, en prononçant son nom.
Le Léviathan… C’est là que je voulais en venir… Un aventurier comme moi en avait bien sûr entendu parler. J’ai combattu des trucs plus puissants que ça. Mais sait-on jamais ? N’existerait-il pas le vrai Léviathan, encore vivant… terrible monstre d’apocalypse ?
« Ca porte malheur, ces conneries. »
« Ouais… Parlons plus de ça. »
Pourtant, ils allaient encore en parler… maintenant que quelqu’un, le grand Jecht, avait prononcé la probable existence du retour du Tyran des océans, tout le monde allait se poser la même question. Et si les naufrages continuaient, sûr que le monde entier en parlerait.
Mais fallait que je passe au niveau supérieur… En attendant, le gros de ma mission était fait.
« Buvons une dernière bière puis allons nous coucher. »