…
« Où je suis, bon sang… ? »
J’avais ouvert très lentement les yeux… Aucun flash aveuglant comme dans les films, au contraire. C’était la pénombre, j’y voyais rien. Je n’étais pas non plus sur un lit d’hôpital comme dans les films… J’étais vulgairement couché sur de la paille humide, je sentais des bracelets de fer sur mes pieds et en essayant de les écarter, je fus arrêté par un bruit métallique. Mes pieds étaient attachés l’un à l’autre par de grosses chaines… Et même chose pour mes poignets, avec en prime une autre chaine qui reliait ces menottes à un mur…
Bah… Même moi je comprenais, j’étais enfermé dans un cachot puant et humide, sans la moindre once de chaleur…
Sans la moindre ? Non faut pas déconner, une silhouette fine s’est proprement et gracieusement approché de moi. Ce n’est pas que j’ai eu la trouille mais me disant qu’il s’agissait de la gamine, je me suis ridiculement mis en garde en mettant mes mains devant mon visage…
Quel con.
Mais perçant les ténèbres des cachots, ce n’était pas cette disciple du noiraud mais femme un peu plus âgée, au visage bien plus mûr. Dans le genre… Une super jolie demoiselle dans un cachot avec moi, ça pouvait être qu’un rêve…
Ou ça pouvait être elle… Elle… Elle quoi ! Ca me paraît évident, qui c’est qu’est retenue prisonnière dans son propre château par la bande au Noiraud ?
Elle s’est approchée de moi sans la moindre violence, ignorant mes poignets prêts à l’assommer. Et avec un mouchoir trempé, elle s’est mise à nettoyer mes plaies au ventre… Mes plaies au ventre…
Oh merde… Je venais de comprendre que j’avais perdu ce combat. Je ne savais pas comment mais je m’étais fait battre… Je tombais de haut puisque dans mon dernier souvenir, j’étais en mode Transe et je venais de défoncer ce dragon. C’était probablement à ce moment là qu’elle m’avait tendu un piège, ce qui expliquait que je me sois endormi…
Seule chose bizarre… Les plaies que cette femme touchait ne ressemblaient aucunement à celles que j’avais endurées. C’te merde, qu’est-ce qui m’était arrivé ?! Ca devait être un chat géant vu la taille des griffes qui m’avaient fait ça, genre un des invocations de la gamine. Un autre regret tiens… Je commençais à bien m’entendre avec elle, elle était plutôt mignonne et pas mal faite mais à part ça, j’avais un peu l’impression d’avoir raté en mon coup en essayant de la changer un peu.
Je n’étais donc pas invincible, vous me direz… Un coup à passer le restant de sa vie à boire… Seul soucis, je passais déjà ma vie à boire et ça aussi c’était perturbant… Je n’avais pas le moindre degré d’alcool en moins, ça faisait que je réfléchissais un peu trop…
« Eh, ma jolie, tu pourrais me dire… »
« Ne m’appellez pas ma jolie ! »
Ouf… Dans le genre sec. Je voyais à peine son visage mais jusqu’à ce qu’elle parle, elle m’avait paru sympa.
« Ok, si tu me disais ton nom, dans ce cas… »
Et là vous vous dîtes, si vous avez compris ce que j’ai dit… « Qu’est-ce que tu lui demandes son nom, tu sais très bien qui c’est. » Je vous réponds alors que c’est un principe, l’un des trucs à savoir quand on est de mon espèce…
Quand on est un Songe, on en sait toujours plus que ce qu’on ne dit. De cette manière, on gardait une longueur d’avance sur l’adversaire… De cette manière, personne ne nous connaissait.
« « Belle. Et si vous vouliez bien ne plus bouger, je pourrais vous soigner plus facilement… Quelle idée vous avez eu de combattre ces gens. »
… Ah ouais, c’était déjà vieux ça… Rappelle-toi mon vieux Jecht, comment tu t’es foutu dans cette merde.
« Boh, c’est probablement à cause du verre de trop, tu sais ce qu’on dit, ma jolie… Bordel de merde ! »
Ah ouais, quand même, ça faisait super mal… Elle me regardait méchamment dans les yeux en appuyant sur une cicatrice encore fraiche. Elle avait du culot et si je ne savais pas qu’elle était déjà à un autre, j’aurais pu tomber sous le charme, m’est d’avis.
« Excuse-moi princesse… »
Elle ne parût pas trop gênée par ce surnom-ci. C’est pas que son prénom était moche, c’est que je suis naturellement un gars très familier, je tutoie direct, j’hésite pas à relooker la fille qui passe dans la rue, m’arrive même de la siffler quand je suis bourré… Celle-là serait pas mal si j’y voyais un peu mieux.
J’arrivais à voir son visage qui parût soudainement plus doux.
« « Et toi, comment t’appelles-tu ? »
« T’as probablement déjà entendu parler de moi… Je m’appelle Jecht. »
Et avec un sourire de vainqueur, j’ai cherché à croiser son regard qui cherchait la réponse dans le vide… Elle finit alors par faire une moue de la bouche en signe de « ‘connais pas ».
« Ouais pas grave. On est dans ton château, princesse ? »
« « C’est celui de la Bête. »
« Ah ouais juste… »
Et ça m’est revenu, ce que j’étais venu faire. Convaincre la Bête, réveiller sa colère pour qu’il se mette à l’assaut du bastion, si je puis dire. Je me suis penché vers mes mains un peu limitées et me suis gratté la barbe.
« Je ne sais pas qui tu es ni ce que tu leur a fait… Mais ils sont régulièrement venus voir si tu dormais toujours, pour te questionner, je crois. »
« Tu sais qui je suis, princesse… Je suis Jecht, rien de plus. »
Je lâchai un soupir. C’est clair que là, je n’avais plus rien… Plus d’arme, plus de fils, plus de fierté, plus de santé, plus d’avenir… Je n’avais qu’un nom et un passé de merde.
J’ai regardé longuement les chaines, jouant un peu à évaluer leur consistance… Si j’étais pas aussi mal, je pourrais sans problèmes les briser. Mais en soi, je m’en sortais pas si mal, ça m’étonnait de pas être rongé par les ténèbres en ce moment même. Au contraire, je me sentais plus pur, en fait. Comme si cette princesse m’avait purgé de mes vices en me purgeant de mes plaies.
Plus étonnant encore, si j’avais bien compris ce que m’avait dit Ultimecia… Cette fille avait le cœur parfaitement lumineux. Or, étant un gars des ténèbres, comment j’avais pu supporter ses soins. Là, je me sentais à peine engourdi par sa présence. C’était mon corps qui la supportait mal mais mon cœur, lui, semblait presque revivre.
Si elle ne m’avait pas soigné, je ne serais pas mort… Je ne suis plus invincible mais je reste immortel, m’est d’avis. Par contre, si elle ne m’avait pas soigné, je me serais réveillé aussi bestial que son mec.
« Merci pour ce que t’as fait, princesse. Sans toi, je serais dans la merde. »
« Tu es dans le même pétrin que moi. Ils vont t’interroger et quand tu auras parlé, quand tu leur auras servi, ils te tueront. »
« Ils n’oseraient pas. »
Ma dernière parole était portée avec un rire de triomphe. Sûr que s’ils me tuaient, ils auraient tous les Songes à dos.
« T’inquiète, je m’en sortirai et toi aussi. Ton mec doit en ce moment même préparer l’attaque, j’en suis sûr, je lui ai parlé tu sais… »
Je lui ai alors raconté ma rencontre avec la Bête tandis qu’elle continuait à nettoyer mes plaies. C’était douloureux mais toujours supportable. Un truc à s’en vouloir d’être entré dans un groupe où les deux seules filles sont aussi belles que dangereuses. Après lui avoir raconté ma victoire contre son copain, j’ai souri et tout en la regardant d’un air sérieux, lui ai dit d’une voix sympathique quelques mots qu’il me fallait dire à quelqu’un.
« Je suis pas un mauvais gars, tu sais… Je n’ai juste pas de chance. »