KARG'ORTH
Identité
- Nom : Murray & Ulbur
- Prénom : Dimitri & Karg'orth
- Titre : N/A
- Âge : 20 & 11 ans
- Camp : Errant
- Monde d'Origine : Jardin Radieux & Fin des mondes
- Race : Humain & Ork
- Grade désiré : /
Histoire
Et voilà qu’il me fixe droit dans les yeux, bon sang, je n’ai vraiment pas besoin de ça. Inspire, expire, ait l’air sûr de toi, motivé, on lance le petit sourire.
« Monsieur… Dimitri Murray, c’est bien ça ? »
Je n’arrive pas à me focaliser ailleurs, il a de ces yeux vitreux. J’en sens des frissons me remonter l’échine. Il me sauterait dessus pour essayer de me dévorer la cervelle que ça ne me surprendrait pas.
« C’est bien ça. »
La vérité ? Premièrement, je n’ai pas envie de bosser dans ce coin miteux, deuxièmement, je déteste comment ce gars me regarde de haut en bas. Je suis sûr qu’il est persuadé de m’offrir le job de mes rêves, l’opportunité de ma vie ! Rah bon sang, j’ai besoin de fric, j’ai vraiment besoin de fric, alors… Serre les dents Dim’, tu peux le faire.
« Très bien, je vous écoute. Qu’est-ce qui vous intéresse dans ce travail ? »
La bonne blague, je vais être honnête, je suis fan de comment il fait bien attention à ses phrases, tu sens le gars qui ne se prend pas pour de la merde, vous voyez ce que je veux dire ? Et pourtant… j’ai beau regarder partout autour de moi… Tout ce que je vois, c’est un bar miteux. Alors oui, j’entends bien, y’a du parquet, les tables ne sont pas trop recyclées, et ça ne sent pas trop mauvais. En soi, si je me base sur les standards d’Illusiopolis, oui, c’est le grand luxe. Mais on n’est quand même pas au niveau de prestige d’un restaurant de la citadelle.
« Eh bien… Vous voyez… »
J’ai VRAIMENT besoin d’argent et vous étiez le seul qui ait répondu à mes envois de CV.
« … J’ai toujours voulu travailler au contact des clients. C’est le problème lorsque vous avez travaillé dans un service après-vente, les appels téléphoniques creusent la distance entre vous et les clients, on perd le côté social et vivant. J’espérais le retrouver ici en étant serveur. »
Ce ramassis de conneries… Punaise, ce qu’il ne faut pas dire.
« Votre travail chez la Shinra, parlons-en. J’ai vu que vous étiez resté là-bas pour une durée de six mois. Comment ça s’est passé ? Qu’est-ce qui vous a dissuadé d’y rester ? »
La question à peine cachée. C’est bon, tu aurais pu dire « Et donc, vous avez été viré ? », je l’aurais pas mal pris….
« Je… J’avais du mal avec l’ambiance générale. Beaucoup s’imaginent que travailler à la Shinra, c’est un rêve, on est mis dans de jolis locaux, on a une chaise avec des roulettes, ce genre de choses. Mais la vérité, c’est une ambiance de travail lourde et difficile. Les rapports entre les employés sont entièrement basés sur la compétition. »
La vérité ? On m’a viré car je n’étais pas assez réactif, soi-disant. Bah oui, c’est ce qui arrive quand on bosse dans le bas du gratin à la Shinra. Ma plus grosse faute ? J’ai demandé des congés, si si. En même temps, faut pas être un génie pour comprendre pourquoi. Virez un gars, et vous avez des centaines de prétendants qui postulent dans la seconde qui suit. Et dans le lot, sûrement que vous aurez le fichu robot qui pense et dort boulot.
« Et si vous devi… »
Je fronce les sourcils, il vient de s’arrêter d’un coup. Son regard fixe vers la vitrine de verre. Je tourne doucement la tête, j’essaye de voir ce qui l’a happé à ce point…
… OH BORDEL. Plusieurs petites frappes du gang des Blood Fists passent dans la rue, et ils regardent dangereusement vers le bar.
Oh non, venez-pas, venez-pas, venez-pas venez-pas….
… Ouf, c’est bon, ils ont continué la route. Je vois le petit gros reprendre des couleurs, je ne dois pas être en reste.
« … Et si vous deviez… me donner des qualités et défauts ? Qu’en serait-il ? »
Et voilà la question à dix mille munnies….
« Euh… »
Je déteste cette question… Qu’est-ce que vous voulez que je dise ? Vous savez bien que je vais mentir, alors pourquoi vous la posez quand même ?
« … Je suis quelqu’un de très ordonné, et… je n’ai aucun problème avec l’autorité. »
Aucun problème avec l’autorité, la bonne blague. J’ai surtout trop la trouille pour en avoir. Désobéissez à la shinra, et votre maison va se faire saisir. Désobéissez aux gangs, et vous êtes retrouvé mort d’une balle dans la tête le soir même. Dans un contexte pareil, comment vous voulez qu’il en soit autrement ?
« - Je sais prendre soin des clients, et j’ai une bonne mémoire.
- Et les défauts ?
- J’ai du mal à m’imposer mais… je travaille pour améliorer ça. »
La phrase magique débile, à réciter à la fin de chaque réponse du style.
Le gros se relève, un petit sourire sur les lèvres, dévoilant ses dents jaunies par la cigarette.
« Merci monsieur Murray, je vous recontacterai. »
Eh mince, la réponse qui veut dire « Vous ne m’intéressez pas » version poli.
Je prends une grande inspiration tandis que je me dirige vers la porte. Je me retourne, il faut bien lui dire au revoir…
« Merci pour votre temps, et j’espère avoir de vos nouvelles bientôt. »
J’hoche la tête sobrement, tandis que je sors dans la rue.
L’obscurité règne en maître, comme toujours. La lumière des néons éclaire brièvement quelques pavés, tandis que là, dans une ruelle, un gars est visiblement en train de prendre son pied avec une autre.
Je pousse un long soupir, avant de me mettre en route.
Il me suffit d’une petite dizaine de minutes avant de pouvoir apercevoir la face miteuse de mon immeuble. Le dix-sept rue du paye ton loyer et éclate-toi bien avec les cafards. Quelle blague.
Non, vraiment, c’est une fichue blague. Regardez-moi cette façade, peinte en noir, et pourtant, il y a des marques verdâtres d’humidité à plein d’endroits. De quoi rendre jaloux un dalmatien. Sept étages, mais ce qu’ils ne disent pas, c’est que seuls les deux derniers sont habitables. Le reste ? Moisi, du moisi partout.
Mais bon, qu’est-ce que vous voulez. Quand on gagne que dalle tous les mois, faut bien trouver un chez soi.
Je pousse la porte du hall, avant de me diriger vers les boites aux lettres. J’ose à peine l’ouvrir, faites qu’il Il n’y ait pas une facture, ou je ne sais pas quoi.
Je ferme un œil alors que j’ouvre la petite boite métallique. Une enveloppe… bon…
Je la retourne rapidement, observant l’entête. Elle vient de mon père.
Je pousse le plus long soupir que je n’ai jamais poussé. Je préfère ça, je préfère mille fois ça. Je l’ouvre sans attendre, avant de la lire pendant que je remonte les escaliers.
« Salut Dimitri,
Tu ne devineras jamais où je suis ! San Fransokyo ! C’est fou hein !
Tu adorerais, imagine Illusiopolis, mais en propre, en ouvert, en grandiose. Et il y a une architecture très Terre des Dragons. Tu sais, comme chez le petit traiteur chez qui on aime aller. Dommage que je ne puisse pas visiter ! »
Pauvre papa, technicien pour la Shinra, il est trimballé de monde en monde pour faire de la maintenance. Il n’a quasi jamais de temps pour lui.
« J’espère que ça s’est bien passé ton entretien d’embauche, allez fiston, t’es le meilleur ! Je veux entendre dans ta prochaine lettre que tu es enfin sur la bonne voie pour réaliser tes rêves !
Tu es allé voir ta mère ? Je sais que ce n’est pas facile mais, elle en a besoin. Ta sœur a fait l’effort le mois dernier, tu sais que c’est compliqué pour elle aussi. »
Je serre un peu les dents.
« Elle se sent seule tu sais, le personnel soignant a beau être adorable, ce n’est pas sa famille. »
Je sais papa, je sais mais….
« Penses-y, d’accord ? Je ne vais pas rentrer à Illusiopolis avant un moment alors fais-le pour moi. »
Je m’arrête brièvement, les pieds à mi-chemin entre deux marches.
« Prend soin de toi Dimitri, je t’embrasse.
Papa. »
Je me masse les paupières, avant d’insérer la clef dans la porte de mon appartement. Aller voir maman, mm ? Je n’ai pas grand-chose à faire demain… On va faire l’effort.
Je reprends la route, la fatigue me guette, et j’entends l’appel au loin de mon lit….
♪ « Lune bleutée, tu me vois me tenir solitaire, sans aucun rêve dans mon cœur, sans aucun amour à réclamer… » ♪
Oh bon sang… Pourquoi, pourquoi réveil de malheur, pourquoi ?
Ma main tâtonne la table de chevet, j’ai l’esprit embrumé, perdu ailleurs. Je… je crois que j’ai rêvé d’un poulet qui parle, bordel Dimitri, mais qu’est-ce que t’as des rêves bizarres.
♪ « … Sans aucun amour à réclamer » ♪
Rah, c’est bon, tais-toi, mais qu’est-ce qui m’a pris de mettre ça en sonnerie réveil ? Ma main finit par toucher quelque chose, c’est solide, c’est rectangulaire, ça fait de la lumière. Mon réveil.
« Bip »
Ouf… ça y est. Je me laisse tomber sur le dos, je fixe le plafond, encore ailleurs, à mi-chemin entre le rêve et une réalité qui ne me plait pas. J’ai beau avoir baissé le store, la lumière des néons continue de s’infiltrer à travers, éclairant la pièce d’une lueur bleutée froide et austère.
Bon sang que je déteste cette ville, venez à Illusiopolis qu’elle disait la Shinra. Maman, Papa, vous ne regrettez rien j’espère ?
Je me redresse doucement, assis sur mon lit, les draps encore coincés entre mes jambes. Je me passe doucement les mains sur le visage. Ça vous arrive vous aussi, de vous lever le matin, de vous demander ce que vous faites dans cette vie ? De vouloir tout envoyer balader pour recommencer ailleurs ?
La tête que je dois avoir là, pathétique, à pleurnicher. Qu’est-ce que je peux y faire hein ? Je n’ai rien, quasi rien sur mon compte en banque. J’ai perdu mon boulot à la Shinra, et avec les « taxes » des gangs du coin… C’est à peine si je ne finis pas mes mois en négatif à cause d’une fichue brique de lait. Et voilà que je veux partir ailleurs, ah, la bonne blague.
Je me laisse tomber à nouveau sur le dos. Partir ailleurs… On rêve tous de ça non ? Mettez-vous à notre place, on vit tous au jour le jour, on sort tous de notre porte sans savoir si on reviendra sain et sauf. Certains prient Etro et les Eternels, d’autres préfèrent embrasser l’arme à feu qu’ils cachent sous la veste.
Je pousse un long soupir, l’heure tourne. Je me lève péniblement, je ne fais que quelques pas pour tirer le store.
Toujours la même chose, les longs gratte-ciels couverts de néons et autres publicités de mauvais goût. Quelques passants dans la rue, et des nuages sombres et noirs comme l’ébène, tournoyants. La pluie ne tardera pas, qu’est-ce qu’il pleut dans cette ville.
J’hésite à ouvrir la fenêtre, mais je me retiens. Respirer la bonne odeur d’égouts et de vomi de si bon matin ? Non merci, je passe.
J’allume la télévision, juste histoire d’avoir un bruit de fond le temps de déjeuner.
« Bonjour, très chers téléspectateurs. Aujourd’hui, nous accueillons un grand invité, un personnage haut en couleurs et de plus en plus présent sur la scène politique intermondiale. L’Éclaireur en profite pour vous rappeler qu’il n’est affilié à aucun groupe, quel qu’il soit. Nos sources, quant à elles, sont sûres et... plus que pertinentes. »
Rita de l’éclaireur, une des journalistes avec Roxanne du journal télévisé. Ça m’arrive de regarder, ils montrent de jolis paysages… parfois.
J’avale mon repas dans un geste presque mécanique. C’est fou la vie quand même, on est tellement formaté à faire encore et encore la même chose, qu’on répète les gestes sans même réfléchir.
Je me relève, je m’approche du mur de ma chambre. Le mur où j’ai accroché des cartes, des images trouvées sur le net, des photos de lieux lointains et exotiques. Je laisse ma main parcourir certaines… Si seulement. Mon regard se pose sur une des photos, une des rares qu’il me reste de mon album de famille.
Le jardin radieux, avant qu’on ne déménage. Regardez-moi ça, j’avais quoi sur cette photo, quinze ans ? Déjà cinq ans qu’on a déménagé.
Je m’en rappelle comme si c’était hier, le jardin radieux, son ciel bleu, son soleil au zénith, les nuits étoilées. Ça me manque, terriblement. Mes parents avaient décidé de suivre les propagandes de la Shinra, de quitter ce monde pour Illusiopolis. Les arguments étaient bons à l’époque, il y avait tellement de grabuge dans la basse-ville, que mes parents craignaient de me voir rejoindre un gang ou je ne sais pas quoi. La bonne blague, quand on voit ce qu’est Illusiopolis, ils nous ont bien roulé la Shinra.
Je n’ai pas changé depuis, toujours la même tête aux joues un peu creuses. Les mêmes cheveux noirs bouclés, les mêmes yeux bleu clair. Même la coupe de cheveux c’est la même, coupé mi-long, en bataille.
J’aimerais dire au moins que l’âge m’a fait faveur, mais même pas. J’ai toujours la tête et le corps maigre d’un jeune gars faiblard, les boutons d’adolescents en moins. J’imagine qu’il y a des gars qui naissent pour être imposants, et d’autre qui doivent vivre avec la tête du gars dont tu as volé le goûter.
Je me détourne, il est l’heure de m’habiller. Pas de fioriture, jean, chaussures basiques, et un t-shirt blanc. A quoi bon essayer de faire un effort, ce serait comme m’accrocher une cible « Venez donc me faire les poches » pour tous les voleurs du coin.
J’ouvre la porte de chez moi, je ferme à double tour. C’est presque si je ne me jette pas contre la porte pour vérifier qu’elle est bien fermée. Je descends les escaliers, et me voici dans la rue humide et baigné par l’obscurité. Un sans-abris me regarde, les dents jaunies, il tend son gobelet, une lueur d’espoir dans son regard.
Je n’ai rien à te donner mon pauvre gars, même quelques munnies, ça peut me payer un paquet de nouilles instantanées, c’est trop précieux pour que je les donne à un inconnu, désolé.
J’essaye de me faire discret, d’avancer les rues sombres sans trop me faire remarquer. Normalement… j’ai bien tout payé pour que les gangs me laissent tranquille mais, on n’est jamais trop sûr.
La bonne nouvelle, c’est que je me dirige vers le quartier de la tour du souvenir, un des moins craignos de la ville. Ça ne peut que s’améliorer sur la route.
Je marche et je marche, j’essaye de trouver l’équilibre divin entre baisser le regard pour ne pas offenser les membres de gang, et ne pas le baisser trop souvent pour éviter d’avoir l’air fragile et devenir une cible à racket.
La tour du souvenir se dresse au loin, immense gratte-ciel, aux écrans illuminés. Ça pourrait presque être joli, si on ne vit pas dans cette ville.
Quelques virages à droite, quelques virages à gauche, et me voilà devant l’hôpital.
Le bâtiment est à l’image de la ville, constitué d’une face de briques noires aux fenêtres blanchâtres, éclairées par de faibles et douces lumières. Seuls les barreaux devant chacune d’entre elles, et l’immense plaque à l’entrée, dénotent de l’ordinaire.
« Hôpital Psychiatrique
Colline Du Souvenir »
Je prends une grande inspiration… C’est pour elle… et pour papa… ça va aller….
Je pousse la lourde porte avant de m’engouffrer à l’intérieur. Un hall plutôt propre, où règne l’odeur de médicaments. Cette même odeur qui envahit le moindre hôpital, pharmacie, et même clinique vétérinaire.
Une petite brune est assise à l’accueil. Elle me regarde avec le plus grand sourire du monde. Comme si… Je ne sais pas… Comme si je venais y réserver mes futures vacances à la Costa del Sol.
« Bienvenue à L’hôpital Colline du souvenir, c’est pour une visite ?
- Euh… Oui, s’il vous plait… Dimitri Murray pour… Alicia Murray. »
- Bien sûr, vous aviez rendez-vous pour une visite ?
- … P.… pas vraiment.
Son sourire disparait quelques secondes, avant de revenir. Plus faux que jamais.
- Malheureusement monsieur Murray, les visites incongrues ne sont pas recommandées dans le cadre de nos soins. Vous comprenez que le bien-être de votre mère est notre priorité, et qu’il est…
- Ecoutez, je travaille comme un taré, je n’ai quasiment pas de temps. J’ai pu démarrer le travail plus tard aujourd’hui, et je veux en profiter. S’il vous plait…
Bien sûr, je suis en train de mentir. Je n’ai pas de travail, j’ai rien à faire de mes journées. Mais je me connais, si je ne le fais pas maintenant, je le ferai jamais. Et quand mon père va rentrer, ça va le blesser.
- Je comprends… Vous avez une pièce d’identité ?
Je fouille dans mes poches. Bah, ça a beau m’agacer sur le coup, j’imagine que c’est… rassurant. Ils prennent au moins leur boulot au sérieux, et je sais que ce n’est pas n’importe qui qui peut aller voir ma mère sans raison.
- Voilà.
Je lui tends ma carte. Dessus, un adolescent est en train de faire une tête d’enterrement. Et oui, c’est bien moi, quand je croyais encore que je faisais ma loi dans ce monde.
- Très bien, attendez juste un instant, je vérifie que votre maman est disposée à vous recevoir. »
Elle pianote un peu sur son ordinateur, avant de redresser la tête vers moi.
- Très bien, votre maman est dans le solarium, et elle n’a pas fait la moindre crise depuis une semaine. Si vous voulez bien me suivre.
Je la suis, c’est… plutôt joli, les couloirs sont décorés de petites boiseries, il y a des plantes partout...
Ça ne me surprend pas, mon père dépense quasiment la moitié de son salaire juste pour financer l’internement de ma mère. Il ne voulait pas d’asile avec des squelettes dans le placard, comme il disait.
La petite brune entrouvre les portes donnant sur une grande salle. Un écran géant remplace le plafond, et diffuse en boucle une simulation d’un ciel ensoleillé… Ironie….
« Madame Murray ? Vous avez un visiteur. »
Ma mère est là, avec ses longs cheveux de jais lui descendant jusqu’au bas du dos. Son petit tailleur un peu chic qu’elle ne voulait jamais quitter, les yeux marron clair.
Elle tourne la tête vers moi, elle me lance un grand sourire et… l’espace d’un instant je… j’ai envie d’y croire… J’ai envie de….
« Oh… Bonjour, je suis Alicia Murray, c’est un plaisir. Et vous êtes ? »
Je serre les dents… Je sens mes yeux devenir humides. C’est fou hein… ce qu’une petite phrase, prononcée par la mauvaise personne, peut faire.
« Salut madame Murray, je suis… euh… quelqu’un qui vient vous voir souvent.
- Ah bon ? Pourtant, je jurerais que c’est la première fois que je vous vois. Vous êtes certain de ne pas me confondre avec quelqu’un d’autre ? »
Ce sourire sincère, ce ton amusé… Rien n’a changé… Elle ne se souvient pas de moi…
Je ne sais même pas comment j’arrive encore à être surpris, chaque fois c’est la même. Ça a démarré y’a quelques années, un taré du nom de Megamind a détruit la lune artificielle au-dessus de la ville. Les débris sont tombés un peu partout, dont un en plein sur notre maison. Ma mère était seule à ce moment-là, et elle a fini sous les débris. Elle y est restée un jour entier avant que les secours ne la sortent de là. C’était le jour de trop, le déclic. Maman a toujours été une femme fragile mentalement, mais ça, c’était de trop. Dans sa tête, elle s’est enfermé dans le passé, elle est revenue mentalement à un moment de sa vie où elle était heureuse, loin, très loin d’Illusipolis.
Évidemment que j’ai les yeux humides, évidemment que je sens les larmes couler le long de mes joues. Bordel ! Mais qu’est-ce qu’on a fait pour mériter ça au juste ? Si Etro, dieu, ou je ne sais pas quelle divinité pourrie nous regarde de là-haut, pourquoi ? Pourquoi être aussi cruel ?
« Mais… vous pleurez ? Tout va bien ? Je peux faire quelque chose pour vous ? »
Je sens mes épaules sursauter au rythme de mes sanglots. Et j’avais dit que cette fois j’y arriverais, ah… ahah, quelle blague ! T’as l’air pathétique Dim’, complètement pathétique. Et tu sais le plus drôle ? C’est que demain, elle ne se souviendra même pas que t’es passé. Et toi… toi tu vas pleurer, et pleurer, et encore pleurer dans ton lit. T’essayeras de penser à autre chose, mais ça reviendra.
L’infirmière pose une main sur mon épaule… Je sais que c’est de la compassion mais… Je n’y arrive pas, j’y arrive juste pas !
« Je… Non, excusez-moi, je… »
Je me redresse, j’ai besoin de prendre l’air, et vite. J’ai l’impression que je vais exploser, je prends la direction de la sortie. C’était ce couloir, ou l’autre ? Je sais plus, je veux juste sortir, je ne veux pas qu’on me voit craquer, je veux pas, je veux pas.
Je suis dans le hall, allez, allez, encore un peu. J’ouvre la porte, je suis dehors, l’air, la ruelle, et l’absence de monde. Je m’adosse contre l’un des murs, et j’essaye de me contrôler. Il faut que je tienne, faut que je tienne. Allez, j’inspire, j’expire, puis je rentre à nouveau… Je peux le faire… Je peux…
Merde ! Je n’y arrive pas, je peux juste pas ! Désolé papa, j’ai essayé, je te jure, j’ai essayé ! Je me masse les yeux, j’essaye d’en chasser les larmes, mais rien à faire, elles reviennent aussitôt. Je reporte mon regard vers la façade du bâtiment. Arrête de mentir, je n’y arriverai pas, je peux pas rentrer là-dedans à nouveau.
Faut que je bouge, loin, loin de cet endroit, loin de cette façade, loin de tout ça.
Les rues défilent les unes après les autres, j’essaye de reprendre mon calme, si les autres brutes me voient avec les yeux humides je vais me faire….
« Eh… Mais si c’est pas Dimitri. »
Je me raidis, avant de me tourner doucement. Eh merde, pas eux, merde merde merde.
Ils sont cinq… vêtus de vêtements crasseux et passe partout. Mais je ne suis pas un idiot, je les ai déjà vu ces gars. Le gang du Chapitre qu’ils disent s’appeler. Des experts en chimie et science, qui n’ont rien trouvé de mieux que d’utiliser leurs connaissances pour faire des expériences. Il y a pas mal de bruit qui court sur leurs labos illégaux, certains prétendent qu’ils y conduisent des trucs illicites et que la Shinra ferme les yeux en échange des rapports de recherches. Y’en a d’autres qui leur attribuent la création de nouvelles drogues, avant de vendre la formule au plus offrant.
Personne ne sait vraiment où ils se terrent. Je sais que certains camés d’arrières rues prétendent qu’ils changent régulièrement, comme des rats. Ce qui est sûr, c’est qu’ils n’ont pas de quartier, et se permettent de réclamer des rançons de temps en temps dans les quartiers Ouest de la Dark City… comme mon quartier.
« La ville est petite tu ne trouves pas ? On se promène proche de la tour, et on tombe sur toi. »
Je le reconnais… Nixhar, une petite racaille qui adore me chercher des noises. C’est lui qui vient me réclamer la paye du gang, et il adore faire durer l’expérience plus longtemps que nécessaire. Pour mieux me connaitre qu’il dit, pour que la rançon soit un acte fraternel non dirigé par la peur, qu’il dit.
Il a toujours sa tête de petite crapule, avec ses cheveux blonds coiffé de six pots de gel. Son petit bouc parfaitement taillé, et sa boucle d’oreille unique. Et je ne parle même pas de son regard hautain, du gars qui te prend de haut. Punaise, je me serais vraiment passé de le revoir, mais alors, vraiment.
Il s’approche de moi, je me sens mal, je me sens très mal. J’ai envie de courir mais…Bordel, ravale ta salive Dimitri, ça va le faire… Il va juste te demander des munnies, et se barrer après… Inspire.
« Ça tombe bien tu vois… avec mes potes… on allait à une petite fête. »
Oh punaise, je le vois venir… Pitié, fais pas ça.
Il pose une main sur mon épaule, comme si on était les meilleurs amis du monde.
« Ça commence à faire un bail qu’on se connait, hein Dim’ ? Deux ans c’est ça ?
- Euh… Euh… Oui… D… Deux ans. »
Inspire Dimitri, expire, inspire…
« Bah écoute, tu sais quoi ? Viens. On va aller ensemble à cette fête, et c’moi qui paye la tournée.
- Mais… M…
- Non non non, pas besoin de me remercier, c’est naturel Dim’. Je te dois bien ça. Allez les gars, on y va. »
Sa prise sur mon épaule se fait un peu plus forte, tandis qu’il se met en route.
Je les suis, punaise, mais qu’est-ce que je peux faire d’autre ?! Ils sont cinq, bien répartis autour de moi, et Nixhar ne me lâche pas d’une semelle… Pire, si je me barre, ils savent où j’habite. Merde !
Les rues défilent à nouveau, mais où est-ce qu’ils m’emmènent ces cons ?
« Dis-moi Dim’, parait que t’as perdu ton boulot. Pas de chance hein, je compatis, vraiment ! »
C’est ça oui, c’est ça, prends-moi pour un con.
La promenade s’arrête après à peine quelques minutes de marche. Dans une petite ruelle aux effluves parfaites de sans-abri et d’alcool.
La porte devant laquelle ont se tient n’inspire pas confiance, brisée, abîmée. Nixhar pousse cette épave, et me fait signe d’avancer dans une révérence sur-jouée.
Le bâtiment a l’air d’un vieux garage délabré. Tellement dans un sale état qu’il menace de s’écrouler à la moindre secousse. J’ai aucun mal à imaginer, encore cette fichue lune pas vraie ? Ce n’est pas la seule maison du style, beaucoup sont ceux qui ont préféré abandonner que réparer. Pas étonnant, fichue Shinra et leurs devis hors de prix.
Je déglutis avant de m’enfoncer, j’entends Nixhar fermer la porte derrière moi. C’est une cage d’escalier, je la descends tout en frissonnant. Mais où est-ce qu’ils m’embarquent bordel…
Après plusieurs étages, c’est une porte bien plus sombre qui m’attend, en métal froid. Un digicode juste à côté, que Nixhar vient utiliser dans la foulée.
La porte s’ouvre dans un crissement sonore à en détruire les oreilles.
Un courant d’air vient me harceler d’un élément que je ne pensais pas sentir à nouveau avant un moment. L’odeur de médicaments….
Le couloir est long, fait de métal crasseux et noirâtre, éclairé par de vulgaires néons tout aussi dénués de couleur.
Nixhar a un sourire jusqu’aux oreilles, tandis qu’il me guide à l’autre bout.
… Mais c’est quoi ce complexe ?!
C’est étroit, c’est sale, c’est sombre. Plusieurs membres du Chapitre sont rassemblés dans une sorte de petit hall, tellement à l’étroit que je me perds presque au milieu de toutes ces blouses blanches. Des caisses traînent mal-rangées un peu partout, certaines sont même déjà ouverte. Il y a des fils et des câblages à ne plus savoir où posé les pieds. Trempant dans les flaques du sous-sol.
Nixhar vient me saisir le poignet, pour s’assurer que je ne m’enfuis pas au milieu de cette marée humaine.
Je me laisse guider, abasourdis, et surtout… Mais qu’est-ce qu’ils vont me faire au juste ? J’ai une petite pensée pour mon père, pour ma pauvre mère. Est-ce que je vais seulement les revoir ?
Nixhar remarque la crainte dans mes yeux, il me sourit.
« Bah alors, arrête de faire cette tronche ! T’imagines, tu vois le repaire du Chapitre là ! »
Les couloirs étroits continuent de défiler, encore et encore… J’en perds le fil.
Ce con de Nixhar ouvre une nouvelle porte et me fait rentrer à l’intérieur, je remarque que ses gorilles de compagnie ne nous suivent pas. Pas bon signe, pas bon signe du tout.
Il y a plusieurs capsules dans la salle, aux vitres transparentes. A l’intérieur, gigotent des petites créatures étranges, d’un noir de suie, aux yeux jaunes, et munis d’antennes.
« Des… Des sans-cœurs ? »
Mais… Qu’est-ce qu’ils fichent avec des sans-cœurs ?
« Faut bien les étudier… On n’éclipse pas un problème sans récolter des informations dessus. »
Il hausse les épaules de manière nonchalante, désintéressé au possible.
Je déglutis.
Une femme fait irruption dans la salle, vêtue de la traditionnelle veste de chimie, les cheveux blonds relevés en chignon. Son rouge à lèvres blanc lui donne un air étrange, bien qu’en parfaite harmonie avec le reste de sa tenue. C’est qui celle-là ?
« Nixhar ? Qu’est-ce ? »
… Elle parle de moi comme si j’étais un objet, c’est qui celle-là bon sang !
« Un gars sans importance. Tu disais que tu voulais tester avec un gars sain, j’allais pas te ramener un clodo. »
Tester ? Bordel ! Oh bordel !
Je m’agite, je panique même. Nixhar vient me saisir par les épaules à nouveau.
« Relax mon gars… Tout va bien se passer Dim’, un tout petit test de rien du tout, et on te ramène à la surface, ça te va ? »
La blonde roule des yeux, avant d’ouvrir une des portes de la salle, me faisant signe de rentrer.
La poigne de Nixhar est forte, trop forte… Il me fait mal ce con !
Bordel, je veux m’en aller, je veux sortir, maintenant !
Argh ! Il vient de me donner un coup de pied, il m’a poussé dans la salle !
« Le sujet est incroyable. Toutes les personnes ayant subi une cassure sur le cœur se sont immédiatement changés en sans-cœur, mais pas lui. Je me demande si c’est dû au fait que sa race provienne de la fin des mondes… Une résistance naturelle aux ténèbres ? »
Mais de quoi elle parle ?!
La porte se referme derrière moi, une porte transparente. Je peux encore voir les deux cons, mais je ne les entends plus.
Je viens frapper plusieurs fois contre la porte, en panique mais je m’arrête… Quelque chose derrière moi…
Mon premier réflexe me force à me saisir le nez… Cette odeur… Pwah, mais qu’est-ce que c’est ?!
Une forme est affaissée au loin, mais ne semble pas bouger pour le moment.
Le grésillement audible d’un haut-parleur se laisse entendre.
« Avancez au fond de la salle je vous prie. »
Je vous prie ? Mais je t’emmerde grosse conne ! Fais-moi sortir !
J’essaye d’ouvrir la bouche, pour laisser surgir une flopée d’injures mais aucun son ne s’en échappe… J’ai la trouille, je suis mort de trouille !
Ma vision se trouble sous la panique, bon sang, bon sang !
J’arrive à me concentrer un peu plus sur la forme au loin, sa simple vision me fait déglutir et me raidir.
A première vue, on aurait pu croire à un humain… Un humain qui est tombé dans le chaudron de stéroïdes quand il était petit. Et la peau… verte ? Mais c’est quoi ce truc !
Des oreilles pointues, un crâne dégarni, un nez aplati. Il est moche en plus ! Presque autant qu’il est sale ! J’arrive à voir les plaques de crasse péniblement accrochées à sa peau, et même… Les grosses gouttes de sueur qui en dégoulinent tout du long. Avec un recul de dégoût, j’en viens à me demander si la couleur verte vient de là.
Il est tellement disproportionné que je me demande si ce n’est pas le fils caché d’un fichu gorille ! Je n’ose même pas imaginer s’il était debout !
J’essaye de redresser le regard vers le haut, ne plus me concentrer sur ces énormes mains. Bon sang ! Il aurait juste à me saisir la tête d’une d’elles pour me l’éclater comme un vulgaire ballon !
C’est même plus des lèvres, c’est des babines, et avec des dents pointues qui s’en échappent ! Oh bon sang, ne me dites pas que c’était un humain avant et que… et que….
Mes yeux se révulsent… Ils… Ils ne vont pas me changer en ça ?
Il… Il est en train de briller, de la lumière s’échappe de lui en plus, mais c’est quoi ça encore !
Il… vient de s’évaporer ? Il ne reste plus qu’une petite boule de lumière à la place de l’autre mocheté…
Je regarde la boule de lumière, je n’y comprends plus rien !
Elle virevolte légèrement, luisant de moins en moins, comme une luciole mourante.
La lumière bouge de plus en plus et… ELLE FONCE SUR MOI !
Je… JE VIENS DE LA VOIR ME TRAVERSER LA POITRINE !
Bon sang, bon sang, il faut qu’elle sorte, faut que cette chose sorte et… ARGH !
Par réflexe, ma main droite vient s’agripper à ma poitrine… Mon cœur, j’ai mal au cœur.
Ma vision se trouble de plus en plus, j’essaye de faire quelques pas.
Ma tête… est lourde, je vais perdre l’équilibre.
Je me sens tomber à la renverse, je vois lentement, comme si le temps s’était ralentis l’espace d’un instant, le carrelage de la salle s’approche de plus en plus.
Mais au moment de le heurter, je suis… ailleurs.
Je suis en train de tomber, la tête en bas, dans un océan sans fond. Les bulles s’agitent autour de moi, je sens mes cheveux onduler sous le courant et pourtant…
… Je me sens bien, je me sens paisible. C’est comme si j’étais dans un rêve ?
Mes vêtements ne sont pas mouillés, et malgré tout… je les sens onduler eux aussi au gré de l’eau.
… Réel… ou… fantaisie ?
… Perdu … … songes…
… Où, quand, comment…
Je me laisse porter par la chute, tout est sombre autour de moi, c’est… si calme. Un fragment de mon esprit me hurle de m’inquiéter, je suis en train de faire une chute dans le vide… Mais rien, rien à faire, je n’arrive pas à m’en inquiéter.
Je ferme les yeux un instant, profitant de ce calme, de cette sérénité.
Je sens le courant me porter doucement, je me sens faire une rotation, lentement, en douceur.
J’ouvre lentement les yeux tandis que mon corps se redresse, mes pieds touchent un sol invisible, je reprends mes appuis.
Je regarde autour de moi, l’océan n’est plus, seule demeure une infinité de noir, je relève le regard vers l’origine de ma chute. Je me perds dans le lointain, mes cheveux continuent d’onduler, comme régis d’une volonté propre.
Le lieu m’est familier. Malgré l’obscurité, je ne me sens ni effrayé, ni même perdu. Comme si je retrouvais le palier d’une maison, sortie tout droit de mes souvenirs. Une demeure que je viens fouler à nouveau en personne.
Le sol tremble légèrement sous mes pieds, plusieurs fissures blanches apparaissent, de la lumière en jaillit en trombe.
C’est si fort, si aveuglant, que je m’en cache les yeux. Pourquoi je suis aussi calme ? Pourquoi tout ça me semble si anormalement normal ?
De la lumière, des fragments d’obscurité se détachent, se fragilisent, en libérant de plus en plus la source. Les fragments se métamorphosent et s’agitent, prenant peu à peu la forme de silhouettes d’oiseaux, s’envolant dans le lointain.
Un vitrail, je me tiens sur un vitrail. Comme ceux qu’on trouve dans les églises, comme dans les petites boutiques du quartier de la tour.
Je fais quelques pas, le bruit du verre résonnant sous mes semelles. Les couleurs sont de tous horizons, verte, bleu, rouge, jaune. Plusieurs figures géométriques en font le tour, dansant doucement sous la lumière reflétée.
Une silhouette est omniprésente au centre… Moi ? Moi-même ?
Je cligne brièvement des yeux, il y a une figure qui me ressemble comme deux gouttes d’eau. Il semble faire une chute, la main tendue vers quelque chose, les yeux clos et paisibles.
Mon regard suit la direction de la main, qu’essaies-t-il d’attraper ?
Oh…
Dessinée dans l’un des cercles géométriques, pointée par la main de la silhouette, la lune artificielle d’Illusiopolis, fracturée, laissant sombrer ses fragments partout.
Je plisse lentement les yeux, c’est quoi cet endroit ? Soyons honnête, je veux bien qu’un gars sur un coup de folie ait décidé de faire un vitrail géant à mon effigie. Mais déjà… D’un, c’est quoi son problème ? Et de deux, faudra qu’il m’explique comment il a fait pour le faire léviter dans le noir, et comment il m’y a téléporté magiquement.
Mon regard est attiré par une lumière, puissante, brillante. A l’autre bout du vitrail, comme une porte.
Je la fixe un instant, une sortie ? La sortie ?