- C'est moi la capitaine ! Hurla Amber avec un certain enthousiasme.
Mon regard songeur la suivit quelques instants alors qu'elle sautillait déjà en direction des commandes du vaisseau. Ses yeux semblaient scintiller tels des millions d'astres. Sa fascination pour le voyage en bateau semblait lisible sur son visage. J'eus un sourire en coin en l'observant maladroitement indiquer le cap. Le sourire étincelant à son visage et son incroyable insouciance était plutôt enviable. Mais cette mission pourrait être dangereuse : elle avait été donnée par Death en personne et j'en prenais la charge à la place de Kuro, son état ne lui permettant pas d'effectuer cette tâche convenablement. J'aurais apprécié pouvoir réellement visiter le monde moderne dans lequel nous nous trouvions, mais il nous avait été demandé de faire preuve d'une grande discrétion. C'est ainsi que nous avions embarqué directement afin de se rendre sur le lieu de mission, sans trop nous faire remarquer.
Le navire était en route pour l'île depuis peu, mais j'avais un grand sentiment d'inconfort... Peut-être était-ce lié à ce membre de l'équipage qui me fusillait intensément du regard, comme s'il était animé d'une rancune à mon égard. Et là, un souvenir que j'aurais préféré oublier me revint : c'était lui. Mon sourire s'effaça complètement et laissa place à une grimace en me remémorant le canon de l'arme que cet homme m'avait braqué à la figure lorsque j'étais dans un bar, en train de visionner le match de tournoi de Kuro. Plus loin, Amber semblait se disputer les commandes avec les deux derniers membres de cette expédition. Ils maugréaient à propos de la conduite téméraire et surtout protestaient concernant la direction qu'elle empruntait, complètement à l'opposé de notre destination.
Lorsque enfin, le dangereux missionné présent face à moi se rendit dans la cabine du conducteur afin de réguler les ardeurs de la jeune femme, je laissais échapper un soupir, puis m'affalais sur la rambarde du véhicule qui nous conduisait, les bras ballants et pendant vers les flots marins. Mes yeux pouvaient distinguer dans la mer calme le reflet de mon visage, plus pâle encore qu'à l'accoutumée, dans lequel on pouvait lire la fatigue et ma tension.
- J'ai vraiment besoin de ces vacances, lançais-je pour moi-même.
Le bateau commença à approcher de l'île. De loin, elle pouvait sembler totalement ordinaire. Cependant, elle abritait un terrible secret que les habitants ne soupçonneraient jamais. Il y avait là, parmi les rochers et les nombreux arbres parsemant toute l'île une zone de quarantaine. Alors que le bateau commençait à faire son approche, Amber interpella toute l'équipe, nous rassembla et prit la parole :
- On doit rechercher du matériel dans le bâtiment. Ce complexe militaire est désertique. On va se diviser en deux équipes pour élargir le champ de recherche.
Je me raclai la gorge, pour rappeler ma présence qui commençait déjà à être oubliée. J'étais toujours supposé être le chef d'équipe, alors je devais essayer de reprendre le contrôle des opérations.
- Je suis d'accord. Moi et Amber nous...
- Non, quelqu'un nous accompagnera, genre... Toi !
Mon teint blêmit, puis j'eus un mouvement de recul en observant la personne qu'elle venait de désigner : parmi tous, elle avait choisi celui-là. L'homme qui m'avait menacé d'une arme à feu dans le bar. Il acquiesça d'un mouvement de tête silencieux alors que Amber s'approchait de lui puis se penchait de façon exagérée. Elle le fixa un instant d'un air inquisiteur en lui demandant :
- Ton nom ?
Avant même qu'il ne puisse répondre à sa question, elle se désintéressa déjà, se retourna puis fit quelques pas en levant haut les jambes, quittant l'embarcation pour rejoindre le sol, puis elle poursuivit de façon joviale tout en faisant signe avec son bras :
- Roh en fait on s'en fiche, on y va !
Je fis un soupir et la rejoignit assez vite, préférant ne pas rester trop près de l'énergumène qui me suivit d'assez près. Des barils et des caisses étaient disposés ici et là au sol. Les grilles arboraient des panneaux jaunâtres aux pictogrammes inquiétants. Amber s'arrêta brusquement et écarquilla des yeux. Une imposante porte métallique noircie reposait au sol, parmi les différents conteneurs. L'imposante silhouette de notre accompagnateur me poussa en arrière et s'avança en lançant :
- Quelqu'un est entré. Restez sur vos gardes, nous pourrions être pris dans une embuscade.
- Alors dans ce cas...
- On change pas de plan, faudrait pas attirer l'attention.
L'équipe pénétra le bâtiment et se divisa au premier croisement. Il ne restait donc plus que moi, Amber et l'autre barjot qui parcourions silencieusement la zone. Les couloirs étaient étroits, les murs métalliques. Le lieu était assez sombre, éclairé seulement faiblement par des lumières tamisées dans les angles du plafond. La froideur ambiante me faisait grelotter. Amber, avec sa tenue légère, semblait elle-même être parcourue de frissons, bien qu'elle tentait de faire preuve d'une certaine contenance. En finalité, le seul qui semblait complètement indifférent à l'environnement, c'était lui.
- Comment tu t'appelles ?
- Léon.
Léon, en tête de file, nous arrêta d'un geste et commença à entrouvrir une porte. La pièce sembla un instant plongée dans un manteau obscur, avant que le taré n'appuie sur l'interrupteur. La pièce me sembla assez familière, de part sa similarité avec l'une de celles du manoir de la Cité du Crépuscule. Sur des paillasses étaient répartis de multiples instruments tels que des tubes à essais, des erlenmeyer, des ballons, pipettes, parfois remplis de divers produits. Visiblement, il n'y avait rien pour nous ici. La porte suivante ne s'ouvrit pas.
- Cherchons ailleurs.
Mes deux partenaires approuvèrent. Puis enfin, nous entrâmes dans une troisième pièce. Je fus vite surpris par l'immensité du lieu... Mais surtout de l'état dans lequel il semblait être.
- Qu'est-ce que... ?
Ici et là, des débris de verre et des morceaux de métaux jonchaient le sol. Un ouragan semblait s'être abattu sur le poste d'observation. Les écrans étaient pulvérisés, les touches de clavier étaient par terre, les câbles réseaux étaient sectionnés. J'eus d'abord un mouvement de recul, sous l'effet de la surprise, qui me fit me cogner contre Léon. Celui-ci resta silencieux. Amber sembla complètement hagarde, parcourant lentement la pièce en touchant les différentes épaves mécaniques. Puis elle stoppa, l'air complètement absente, les yeux posés sur les différents engins pulvérisés. Enfin, elle se retourna, une expression très grave imprimée au visage. Elle sembla tenter de s'exprimer, complètement inconfortable puis se ravisa, ne parvenant pas à laisser échapper le moindre mot. Ce comportement ne lui ressemblait pas. Elle semblait si choquée et secouée que je ne sus pas comment l'appréhender. Qu'est-ce qui lui arrivait ?
- Allons nous-en, lui dis-je avec douceur en lui prenant la main pour l'entraîner vers la sortie.
Une fois la pièce quittée, Léon prit la tête de la file afin de poursuivre les recherches. Amber, elle, resta loin en retrait, mais continuait de nous suivre, un air sombre au visage. Je voulais absolument l'aider mais... Je ne m'en sentais pas capable. Je ne trouvais pas les mots pour lui signifier mon soutien. Je ne pouvais pas la regarder abattue de la sorte sans rien faire, alors je fis tout de même une tentative :
- Je ne sais pas ce qui t'arrive mais... Tout ira bien. Si tu as besoin d'en parler, je suis là.
Rien à faire, elle resta complètement refermée sur elle-même. A ce moment, les deux derniers membres de l'équipe nous rejoignirent. Étrange, est-ce qu'ils auraient si vite terminé leur inspection ?
- On vient de trouver un plan d'évacuation des lieux.
- Il y a un sous-sol où est entreposé du matériel.
- Suivez-nous.
Le duo nous mena à une porte menant à un escalier métallique qui ne semblait pas s'enfoncer bien bas. Les sous-sols étaient plongés dans le noir. Toujours en tête de file, les deux coalisés commencèrent la descente. En m'approchant, j'eus une impression étrange. Puis au bas, j'aperçus des formes qui semblaient s'agiter dans la pénombre ambiante. Mes sens commencèrent à s'alerter mais trop tard, un grand claquement résonna.
- Des sans-cœurs !
Mais déjà, les cœurs de nos deux compagnons avaient été dévorés, ce qui eut pour effet de former deux nouvelles créatures des ténèbres. Horrifié par la scène, j'eus un mouvement de recul, ne parvenant pas même à me saisir de mon arme sous le choc. Seul Léon sortit la sienne et tira en plein sur l'un des monstres. Celui-ci fut éjecté vers l'arrière et fit basculer comme des dominos les autres formes toujours présentes dans la pièce.
- Sortez vos armes, vociféra-t-il.
Mais rien à faire. Bien que je savais qu'il fallait absolument que je me batte, mon corps ne voulait pas répondre. En constatant mon inertie et celle d'Amber, Léon pesta et nous éjecta en arrière d'un coup de pied violent, recula puis referma la porte avec violence.
- Qu'est-ce que vous faites ? Putain de merde mais remuez-vous !
Enfin, je parvins à attraper ma rapière sans grande assurance, mon bras tremblant toujours sous l'emprise de la peur qui m'avait assaillie suite à la mort de nos compagnons. Amber, en revanche, n'avait toujours pas bougé d'un iota. Les apparitions de sans-cœurs étaient réputées pour être peu régulières dans ce monde. Qu'est-ce que j'avais fait pour mériter ça ? Les infâmes bêtes claquaient, raclaient, griffaient la porte qui crissait. Les coups retentissaient, de plus en plus agressifs, de plus en plus violents. Mais la porte ne céda pas. Je fis signe à Léon de ne pas relâcher sa garde et dirigeais alors mon attention vers Amber.
- On a besoin de toi, leader, lui fis-je avec un clin d’œil.
Aucune réaction. Son regard était baissé. Sa main était sur la poignée de son arme, sans la sortir. Je me retournais alors vers Léon et approchais en me mettant en posture de combat.
- Tant pis, souffla-t-il en haussant les épaules.
Le barjot ouvrit la porte. A peine s'ouvrait-elle que les créatures se bousculèrent pour tenter de l'assaillir avec une rapidité et une brutalité surprenante. Le corps de Léon se renversa dans le cliquetis infernal des sans-cœurs, des soldats. Au dernier moment, un coup d'estoc perfora le corps d'une créature.
- Lâchez mes matelots !
Mais très vite, les monstres parvinrent à appréhender la nouvelle menace. Deux d'entre eux bondirent sur la jeune femme qui ne put que se défendre face aux coups de griffe qui lui étaient assénées. Je fis approche à mon tour pour soutenir Léon qui était toujours aux prises avec les quatre soldats restants. Ma rapière perfora une autre créature qui lui maintenait le bras. Il en profita pour reprendre son arme qui était tombé au sol sous le choc de la chute et vider son chargeur sur les êtres ténébreux. J'entrepris d'achever la dernière monstruosité ayant survécu aux tirs de ce fou avant de me retourner. Amber semblait s'être débarrassée elle aussi des sans-cœurs l'ayant agressé. En revanche, l'un d'entre eux avait laissé une griffure à son bras.
Après s'être assurés que chacun n'avait rien de cassé, on descendit les marches avec prudence afin d'éviter de piétiner les corps des défunts. Mais il n'en restait plus rien. C'était comme s'ils n'avaient jamais existé. Ces bêtes ne laissaient aucune traces derrière elles lorsqu'elles dévoraient des cœurs. J'eus un haut-le-cœur en pensant à ce que je pourrais dire aux familles des deux hommes. Ces hommes étaient morts sous ma responsabilité, de la pire façon qu'il soit. Je ne leur avais même pas demandé leurs prénoms.
Léon appuya sur l'interrupteur, brisant le fil de mes pensées. Une fois éclairée, la pièce semblait contenir tout ce dont nous pourrions avoir besoin de ramener : unités centrales, claviers, câblages, et différents objets que je ne connaissais pas, mes connaissances étant assez restreintes en la matière. Peut-être des pièces de rechange ? Certains avaient quelques marques de griffures laissées par les infâmes mais globalement, la majorité semblait être en bon état.
- On a plus qu'à transporter tout ce matos au bateau.
Mon regard songeur la suivit quelques instants alors qu'elle sautillait déjà en direction des commandes du vaisseau. Ses yeux semblaient scintiller tels des millions d'astres. Sa fascination pour le voyage en bateau semblait lisible sur son visage. J'eus un sourire en coin en l'observant maladroitement indiquer le cap. Le sourire étincelant à son visage et son incroyable insouciance était plutôt enviable. Mais cette mission pourrait être dangereuse : elle avait été donnée par Death en personne et j'en prenais la charge à la place de Kuro, son état ne lui permettant pas d'effectuer cette tâche convenablement. J'aurais apprécié pouvoir réellement visiter le monde moderne dans lequel nous nous trouvions, mais il nous avait été demandé de faire preuve d'une grande discrétion. C'est ainsi que nous avions embarqué directement afin de se rendre sur le lieu de mission, sans trop nous faire remarquer.
Le navire était en route pour l'île depuis peu, mais j'avais un grand sentiment d'inconfort... Peut-être était-ce lié à ce membre de l'équipage qui me fusillait intensément du regard, comme s'il était animé d'une rancune à mon égard. Et là, un souvenir que j'aurais préféré oublier me revint : c'était lui. Mon sourire s'effaça complètement et laissa place à une grimace en me remémorant le canon de l'arme que cet homme m'avait braqué à la figure lorsque j'étais dans un bar, en train de visionner le match de tournoi de Kuro. Plus loin, Amber semblait se disputer les commandes avec les deux derniers membres de cette expédition. Ils maugréaient à propos de la conduite téméraire et surtout protestaient concernant la direction qu'elle empruntait, complètement à l'opposé de notre destination.
Lorsque enfin, le dangereux missionné présent face à moi se rendit dans la cabine du conducteur afin de réguler les ardeurs de la jeune femme, je laissais échapper un soupir, puis m'affalais sur la rambarde du véhicule qui nous conduisait, les bras ballants et pendant vers les flots marins. Mes yeux pouvaient distinguer dans la mer calme le reflet de mon visage, plus pâle encore qu'à l'accoutumée, dans lequel on pouvait lire la fatigue et ma tension.
- J'ai vraiment besoin de ces vacances, lançais-je pour moi-même.
Le bateau commença à approcher de l'île. De loin, elle pouvait sembler totalement ordinaire. Cependant, elle abritait un terrible secret que les habitants ne soupçonneraient jamais. Il y avait là, parmi les rochers et les nombreux arbres parsemant toute l'île une zone de quarantaine. Alors que le bateau commençait à faire son approche, Amber interpella toute l'équipe, nous rassembla et prit la parole :
- On doit rechercher du matériel dans le bâtiment. Ce complexe militaire est désertique. On va se diviser en deux équipes pour élargir le champ de recherche.
Je me raclai la gorge, pour rappeler ma présence qui commençait déjà à être oubliée. J'étais toujours supposé être le chef d'équipe, alors je devais essayer de reprendre le contrôle des opérations.
- Je suis d'accord. Moi et Amber nous...
- Non, quelqu'un nous accompagnera, genre... Toi !
Mon teint blêmit, puis j'eus un mouvement de recul en observant la personne qu'elle venait de désigner : parmi tous, elle avait choisi celui-là. L'homme qui m'avait menacé d'une arme à feu dans le bar. Il acquiesça d'un mouvement de tête silencieux alors que Amber s'approchait de lui puis se penchait de façon exagérée. Elle le fixa un instant d'un air inquisiteur en lui demandant :
- Ton nom ?
Avant même qu'il ne puisse répondre à sa question, elle se désintéressa déjà, se retourna puis fit quelques pas en levant haut les jambes, quittant l'embarcation pour rejoindre le sol, puis elle poursuivit de façon joviale tout en faisant signe avec son bras :
- Roh en fait on s'en fiche, on y va !
Je fis un soupir et la rejoignit assez vite, préférant ne pas rester trop près de l'énergumène qui me suivit d'assez près. Des barils et des caisses étaient disposés ici et là au sol. Les grilles arboraient des panneaux jaunâtres aux pictogrammes inquiétants. Amber s'arrêta brusquement et écarquilla des yeux. Une imposante porte métallique noircie reposait au sol, parmi les différents conteneurs. L'imposante silhouette de notre accompagnateur me poussa en arrière et s'avança en lançant :
- Quelqu'un est entré. Restez sur vos gardes, nous pourrions être pris dans une embuscade.
- Alors dans ce cas...
- On change pas de plan, faudrait pas attirer l'attention.
L'équipe pénétra le bâtiment et se divisa au premier croisement. Il ne restait donc plus que moi, Amber et l'autre barjot qui parcourions silencieusement la zone. Les couloirs étaient étroits, les murs métalliques. Le lieu était assez sombre, éclairé seulement faiblement par des lumières tamisées dans les angles du plafond. La froideur ambiante me faisait grelotter. Amber, avec sa tenue légère, semblait elle-même être parcourue de frissons, bien qu'elle tentait de faire preuve d'une certaine contenance. En finalité, le seul qui semblait complètement indifférent à l'environnement, c'était lui.
- Comment tu t'appelles ?
- Léon.
Léon, en tête de file, nous arrêta d'un geste et commença à entrouvrir une porte. La pièce sembla un instant plongée dans un manteau obscur, avant que le taré n'appuie sur l'interrupteur. La pièce me sembla assez familière, de part sa similarité avec l'une de celles du manoir de la Cité du Crépuscule. Sur des paillasses étaient répartis de multiples instruments tels que des tubes à essais, des erlenmeyer, des ballons, pipettes, parfois remplis de divers produits. Visiblement, il n'y avait rien pour nous ici. La porte suivante ne s'ouvrit pas.
- Cherchons ailleurs.
Mes deux partenaires approuvèrent. Puis enfin, nous entrâmes dans une troisième pièce. Je fus vite surpris par l'immensité du lieu... Mais surtout de l'état dans lequel il semblait être.
- Qu'est-ce que... ?
Ici et là, des débris de verre et des morceaux de métaux jonchaient le sol. Un ouragan semblait s'être abattu sur le poste d'observation. Les écrans étaient pulvérisés, les touches de clavier étaient par terre, les câbles réseaux étaient sectionnés. J'eus d'abord un mouvement de recul, sous l'effet de la surprise, qui me fit me cogner contre Léon. Celui-ci resta silencieux. Amber sembla complètement hagarde, parcourant lentement la pièce en touchant les différentes épaves mécaniques. Puis elle stoppa, l'air complètement absente, les yeux posés sur les différents engins pulvérisés. Enfin, elle se retourna, une expression très grave imprimée au visage. Elle sembla tenter de s'exprimer, complètement inconfortable puis se ravisa, ne parvenant pas à laisser échapper le moindre mot. Ce comportement ne lui ressemblait pas. Elle semblait si choquée et secouée que je ne sus pas comment l'appréhender. Qu'est-ce qui lui arrivait ?
- Allons nous-en, lui dis-je avec douceur en lui prenant la main pour l'entraîner vers la sortie.
Une fois la pièce quittée, Léon prit la tête de la file afin de poursuivre les recherches. Amber, elle, resta loin en retrait, mais continuait de nous suivre, un air sombre au visage. Je voulais absolument l'aider mais... Je ne m'en sentais pas capable. Je ne trouvais pas les mots pour lui signifier mon soutien. Je ne pouvais pas la regarder abattue de la sorte sans rien faire, alors je fis tout de même une tentative :
- Je ne sais pas ce qui t'arrive mais... Tout ira bien. Si tu as besoin d'en parler, je suis là.
Rien à faire, elle resta complètement refermée sur elle-même. A ce moment, les deux derniers membres de l'équipe nous rejoignirent. Étrange, est-ce qu'ils auraient si vite terminé leur inspection ?
- On vient de trouver un plan d'évacuation des lieux.
- Il y a un sous-sol où est entreposé du matériel.
- Suivez-nous.
Le duo nous mena à une porte menant à un escalier métallique qui ne semblait pas s'enfoncer bien bas. Les sous-sols étaient plongés dans le noir. Toujours en tête de file, les deux coalisés commencèrent la descente. En m'approchant, j'eus une impression étrange. Puis au bas, j'aperçus des formes qui semblaient s'agiter dans la pénombre ambiante. Mes sens commencèrent à s'alerter mais trop tard, un grand claquement résonna.
- Des sans-cœurs !
Mais déjà, les cœurs de nos deux compagnons avaient été dévorés, ce qui eut pour effet de former deux nouvelles créatures des ténèbres. Horrifié par la scène, j'eus un mouvement de recul, ne parvenant pas même à me saisir de mon arme sous le choc. Seul Léon sortit la sienne et tira en plein sur l'un des monstres. Celui-ci fut éjecté vers l'arrière et fit basculer comme des dominos les autres formes toujours présentes dans la pièce.
- Sortez vos armes, vociféra-t-il.
Mais rien à faire. Bien que je savais qu'il fallait absolument que je me batte, mon corps ne voulait pas répondre. En constatant mon inertie et celle d'Amber, Léon pesta et nous éjecta en arrière d'un coup de pied violent, recula puis referma la porte avec violence.
- Qu'est-ce que vous faites ? Putain de merde mais remuez-vous !
Enfin, je parvins à attraper ma rapière sans grande assurance, mon bras tremblant toujours sous l'emprise de la peur qui m'avait assaillie suite à la mort de nos compagnons. Amber, en revanche, n'avait toujours pas bougé d'un iota. Les apparitions de sans-cœurs étaient réputées pour être peu régulières dans ce monde. Qu'est-ce que j'avais fait pour mériter ça ? Les infâmes bêtes claquaient, raclaient, griffaient la porte qui crissait. Les coups retentissaient, de plus en plus agressifs, de plus en plus violents. Mais la porte ne céda pas. Je fis signe à Léon de ne pas relâcher sa garde et dirigeais alors mon attention vers Amber.
- On a besoin de toi, leader, lui fis-je avec un clin d’œil.
Aucune réaction. Son regard était baissé. Sa main était sur la poignée de son arme, sans la sortir. Je me retournais alors vers Léon et approchais en me mettant en posture de combat.
- Tant pis, souffla-t-il en haussant les épaules.
Le barjot ouvrit la porte. A peine s'ouvrait-elle que les créatures se bousculèrent pour tenter de l'assaillir avec une rapidité et une brutalité surprenante. Le corps de Léon se renversa dans le cliquetis infernal des sans-cœurs, des soldats. Au dernier moment, un coup d'estoc perfora le corps d'une créature.
- Lâchez mes matelots !
Mais très vite, les monstres parvinrent à appréhender la nouvelle menace. Deux d'entre eux bondirent sur la jeune femme qui ne put que se défendre face aux coups de griffe qui lui étaient assénées. Je fis approche à mon tour pour soutenir Léon qui était toujours aux prises avec les quatre soldats restants. Ma rapière perfora une autre créature qui lui maintenait le bras. Il en profita pour reprendre son arme qui était tombé au sol sous le choc de la chute et vider son chargeur sur les êtres ténébreux. J'entrepris d'achever la dernière monstruosité ayant survécu aux tirs de ce fou avant de me retourner. Amber semblait s'être débarrassée elle aussi des sans-cœurs l'ayant agressé. En revanche, l'un d'entre eux avait laissé une griffure à son bras.
Après s'être assurés que chacun n'avait rien de cassé, on descendit les marches avec prudence afin d'éviter de piétiner les corps des défunts. Mais il n'en restait plus rien. C'était comme s'ils n'avaient jamais existé. Ces bêtes ne laissaient aucune traces derrière elles lorsqu'elles dévoraient des cœurs. J'eus un haut-le-cœur en pensant à ce que je pourrais dire aux familles des deux hommes. Ces hommes étaient morts sous ma responsabilité, de la pire façon qu'il soit. Je ne leur avais même pas demandé leurs prénoms.
Léon appuya sur l'interrupteur, brisant le fil de mes pensées. Une fois éclairée, la pièce semblait contenir tout ce dont nous pourrions avoir besoin de ramener : unités centrales, claviers, câblages, et différents objets que je ne connaissais pas, mes connaissances étant assez restreintes en la matière. Peut-être des pièces de rechange ? Certains avaient quelques marques de griffures laissées par les infâmes mais globalement, la majorité semblait être en bon état.
- On a plus qu'à transporter tout ce matos au bateau.
Dernière édition par Kuro le Dim 16 Fév 2020 - 14:24, édité 1 fois