Voici que s’envolaient les pages du journal de vie d’Irelia sous la poussée d’un réacteur. L’air affable, capturant les dernières images que son monde lui adressa, elle se retrouvait le front au hublot à battre la cadence d’un geste d’adieu à mesure que sa ville rétrécissait à son iris. La toile se dépeignait progressivement, guidant ses couleurs à devenir un nuancier, laissant place à une oeuvre bicolore. Le bleu de l’espace s’invita à son regard, parsemé de l’éclat des étoiles et d’autres nuanciers dont-elle ignorait l’innocence il y a encore deux années.
— Yukiiro était bien habillé, sur les quais.
— Il a fait un effort, oui.
La danseuse glissait ses mains au fond de ses poches, s’affalant au creux de sa banquette tout en détournant son regard de la fenêtre vers le vide. Airi posait son bras sur les épaules de sa fille, invitant la tendresse au bout de ses doigts alors que la fatigue habitait ses paupières.
— Nous arriverons dans deux heures, le guichetier m’a annoncé que les déménageurs de la Shin’ra ont livré nos affaires.
— Nous nous promènerons une fois arrivé ?
— Ça ne devrait pas poser problème, n’est-ce pas Hamako.
— Si nous avons le temps.
Irelia baissa le regard sur ses jambes tendu, orchestrant une chorégraphie de ses pieds dans l’attente du trajet.
— Comment étais ta journée.
— Ça va, j’ai connu pire. On reviendra dans combien de temps ?
— Une fois que nous serons installés au Jardin Radieux, pas avant.
La voix du père de famille se dressa, le temps d’un ton, laissant ensuite son attention se guider jusqu’à son ordinateur posé à ses genoux. Airi baissait le regard, l’adolescente reportait son attention au vide de l’autre côté de la carlingue. Il faisait froid dans l’espace, il n’y avait d’autres bruits que celui du moteur, le contrôleur semblait aussi morose et monotone que l’était la pression de sa pointeuse. Rien ne semblait se dresser à elle, aucune subtilité de la vie prête à lui faire oublier le déroulement de cette dernière journée.
Quittant sa torpeur, étirant ses bras et ses jambes, l’adolescente émergeait au son d’une mélodie en trois notes.
— Madame, monsieur, en vue de notre atterrissage nous vous invitons à rejoindre vos sièges et à attacher vos ceintures. Assurez-vous à ne pas oublier vos bagages à mains. Le temps au Jardin Radieux est ensoleillé et la température et de treize degrés. La compagnie Shin’ra vous remercie de votre confiance et souhaite à vous retrouver bientôt dans l’un de ses nombreux vols.
— Debout ma chérie, ne perds pas de temps.
Elle passa le dos de ses mains sur ses paupières, émergeant lentement, guidant ses yeux embrumés jusqu’au hublot. Ses joues se teintaient de joie, ses iris brillaient d’un renouveau et ses lèvres s’étiraient jusqu’à ses oreilles.
L’une de ses mains s’extirpait de sa poche, amenant son téléphone à la fenêtre dans l’espoir d’immortaliser cette vision.
Un nuancier se perdant, s’identifiant dans une multitude de couleur dont elle se risquait à en ignorer la plupart. Loin des tons cramoisis de sa cité, elle découvrait cet aplat chantant depuis l’espace même. Un dôme visible depuis son nouveau poste d’observation, encadré par neuf tours et dont son soleil rivalisait avec celui ornant les cieux. De ce que les images lui avaient offert à son inscription, elle en découvrait seulement la délicatesse de sa représentation.
La lanière d’un sac retenu de justesse à l’épaule, les cheveux aux vents dont un geste forçant leur retour à l’arrière des oreilles et l’assaut d’une multitude d’odeurs et de parfums. Irelia venait de quitter son vaisseau et la station pour s’émerveiller à la vue qui l’attendait sous le ciel d’un monde l’accueillant tel un nouveau-né.
— Irelia… Irelia ! Attends-nous !
Une voix se glissait à ses oreilles, guidant l’adolescente à la surface du monde au côté de sa mère. Pivotant, glissant la pointe au pavé, elle retrouvait ses aînés avancés d’un pas hésitant.
— Nous y allons, ça a l’air génial.
— Il faut que nous allions à la maison, pas le temps pour…
— Ça ira, Hamako. Tu as l’adresse ?
D’un haussement, faisant glisser la lanière jusqu’au creux du coude, l’adolescente ouvrait son sac-à-dos et extirpant le plan de la ville.
— Airi, ce n’est pas prudent.
— Papa ! Je vais avoir dix-huit ans, tu peux me laisser faire ça.
Irelia jouait son rôle, haussant ses joues dans une mine attendrissante. Airi, jouant les complices, enlaçait son mari avec tendresse en lui susurrant quelconque mots à ses oreilles. Il haussait les sourcils, ne cachant nullement son agacement avant de reprendre la parole.
— Tu rentres avant vingt heures et tu n’hésites pas à demander ton chemin aux gardes de la ville.
— Merci !
Elle n’attendait pas de retour, glissait des semelles dans une brève retraite, tournant le dos à sa famille et s’élançant aux mystères de cette ville.
D’où venait ce parfum de fleur.
La rêveuse quittait sans peine la place, se glissant dans l’une des rues de la ville aux toitures hautes et aux murs de crépis. Irelia erra sans but. Les iris paradant des dalles polies aux tuiles peintes. Elle s’accordait à dévisager les passants, euphorique à la vision d’un patchwork idyllique de tenue et de coiffure. Le regret qui l’habitait sur sa banquette sembla être perdu dans l’un des transports de la compagnie, laissant place à nombre d’émotions que la rêveuse réservait à ses pas.
Une odeur, berçant ses narines à une ruelle appelant à la découverte.
Le trait de la lumière scindait l’ombre dans ce lieu inattendu, divulguant une porte ouverte accueillant l’arrière d’une charrette. Un homme au ventre proéminent, une caisse de hêtre dans les mains, chargea au travers d’un nuage de farine et déposant sa cargaison. Il partait et revenait en cadence, la rêveuse vivait le moment et l’amoncellement de pain rond à l’écho de son ventre affamé. Élevant les pommettes, elle tournait sur elle-même et entama une frêle enjambée. Les poignets croisés à ses reins, elle divulguait ses paumes et entamait ce jeu de doigt afin d’appeler un petit pain à ses mains.
La recette de son larcin au creux de la main, Irelia autorisait ses oreilles à la guider au clapotement de l’eau. Une nouvelle place se dessinait à son étonnement. Une fontaine si grande, le soleil au sommet d’un dôme de pierre éclairant de sa peinture l’eau qui jaillissait et s’élançait dans son propre bassin. Le liquide de la vie bougeait sans cesse, tordait et changeant les mimiques de carrelage en son fond, dessinant une oeuvre éphémère en perpétuel changement.
Irelia déposait sa main au sommet d’une sculpture, caressant la pierre immobile avant de s’installer et déposer ses pieds dénudés dans cette oeuvre à en devenir.
— À l’ombre d’une rotonde…
Elle levait ses yeux, jouant de ses orteils plongés dans la fontaine, observant l’immense dôme qui semblait proche de l’écraser. Un soleil peint à son sommet. L’astre rayonnant cherchant à se dissimuler dans son dos. Un haussement d’épaules accompagnait son étonnement, faisant glisser la lanière et abandonnant le sac-à-dos au côté d’une paire de basket.
La découverte l’animait, aux doux songes que les fontaines guidaient à ses oreilles.
Oubliant son repas, elle dressait sa main devant-elle, tendant ses doigts et mimant le besoin de creuser une terre imaginaire. À ses pieds, l’eau quittait sa marche et dévoilait le carrelage d’un blanc nacré et teinté d’une encre semblable à celle qui s’animait passivement à son dos. La curiosité la piquait, guidant ses pas à s’avancer au centre du bassin tout en dégageant le chemin à ses pas.
— Le Poète saura te diriger…
Elle murmurait ses mots, poursuivant sa démarche et fixant une nouvelle fois la rotonde lui faisant face. Le sourire aux lèvres, elle amenait son pain à la bouche et tourna sur elle-même, projetant l’eau dans sa vrille et de sa ballade insouciante.
Dernière édition par Irelia Alishina le Jeu 7 Mar 2019 - 0:13, édité 1 fois