- Est-ce que je peux aider ?
Gertrude s'était penchée et observait les papiers que je consultais derrière ses lunettes rondes. Elle semblait s'être remise de notre altercation. Encore récemment, elle m'avait semblé assez fuyante lorsque je l'avais rencontré dans la bibliothèque. Tant mieux si elle avait compris la leçon, elle serait plus utile en osant m'adresser la parole qu'en se recroquevillant sur elle-même.
- Ce ne sera pas nécessaire.
Après avoir refermé et rangé le document que je tenais entre mes mains, je sortis sans un mot de la pièce. J'étais simplement venu me renseigner pour l'ordre de mission du jour : effectuer un transfert de masse de prisonniers de la caserne des gardes noirs vers le manoir abandonné. Il valait mieux être bien renseigné à propos des concernés car il ne faudrait pas en perdre en route... Ou du moins c'est ce que j'avais pensé au début. Il semblerait que je pourrais entamer le grand projet auquel j'avais réfléchi plus tôt, celui qui ne plairait probablement pas par sa manière radicale d'être exécutée. Bien que Death m'effrayait désormais un peu, mes plans ne s'en retrouveraient pas affectés, quelles qu'en soient les conséquences.
Il me faudrait probablement un soutien pour accomplir ce que j'avais prévu et celui-ci était tout trouvé : le caporal Bach m'aiderait probablement volontiers si je prenais la peine de maquiller mes intentions. Il saurait tôt ou tard quel était mon vrai visage, alors il valait mieux que je me serve de ce pion tant qu'il figurait encore sur mon échiquier. Il me fallut quelques recherches pour le trouver : le bougre ne patrouillait jamais dans les mêmes zones de la Cité du Crépuscule, j'étais encore chanceux qu'il soit à la gare. Après l'avoir brièvement salué, je dus lui expliquer que je le réquisitionnais pour un transfert de prisonnier pour qu'il m'accompagne dans le train. Le train semblait vide, un endroit parfait pour lui donner mes ordres.
Une fois arrivé à destination, Bach partit sans attendre accomplir sa tâche alors que je faisais appel à la majorité des effectifs de la caserne pour la mission du jour. Les individus à envoyer aux cachots du manoir étaient nombreux : au moins une cinquantaine d'hommes et de femmes retenus par des liens, encadrés par de nombreux soldats, armés et attentifs. J'étais faufilé sur les toits, caché, un peu à l'écart, talkie-walkie à la main pour veiller au bon déroulement des opérations. D'autres hommes étaient dissimulés eux aussi sur les hauteurs, prêts à réagir au moindre problème. Les prisonniers se déplaçaient par rangs de cinq, chaque rangée étant refermée par la gauche et par la droite par un de nos membres. En tête et en queue de file, cinq de nos hommes étaient disposés pour pouvoir réagir immédiatement à toute tentative d'évasion de la part d'un des captifs... C'était trop parfait.
Un bruit assourdissant retentit. Je pus voir de là où j'étais le haut d'un bâtiment se faire pulvériser dans une terrible explosion. Les décombres s'effrondrèrent dans un terrible fracas en plein milieu de la magnifique formation qui fut totalement rompue : les prisonniers semblaient tous avoir réchappé aux dégâts grâce à d'excellents réflexes. En revanche, deux des subalternes avaient été engloutis. Des tirs résonnèrent en profitant de l'énorme confusion générale. Deux avaient été abattus dans l'instant, ce qui réduisit à nouveau les effectifs. J'aperçus la provenance des tirs, une camionnette qui roulait en direction des civils. Un autre véhicule arrivait en provenance de la direction opposée, rendant le tout encore plus difficilement gérable.
- Qu'est-ce que vous attendez pour faire feu ?! Tirez les prisonniers de là, par la force s'il le faut !
Je vociférais dans l'appareil de communication : il était hors de question de subir des pertes humaines plus importantes parmi nos rangs et encore moins que je perde à nouveau la face. Je n'avais pas prévu l'éventualité d'une attaque effectuée de cette façon, un véritable fiasco pour moi et mes ambitions. Une poignée d'hommes et de femmes parvinrent à prendre la fuite avant que l'équipe ne se saisisse des captifs en reculant en direction d'une ruelle tout en continuant de faire feu. Les rebelles ne souhaiteraient pas abimer leurs chers concitoyens, ils avaient cessé leurs tirs, mais roulaient toujours.
- Bach, déployez votre équipe et cueillez les fuyards !
Cette partie du plan était prévue : je savais qu'il s'agissait du lieu le plus idéal pour une attaque, le lieu le plus ouvert et éloigné des patrouilles de notre trajet, ce serait forcément celui qui serait visé s'il y en avait une. C'est pourquoi le caporal et l'équipe qu'il avait rassemblé étaient postés de part et d'autre à l'écart afin de pouvoir récupérer d'éventuels échappés. Les tireurs postés sur les toits profitèrent de ce moment où ils auraient un total effet de surprise afin de faire feu et abattre les conducteurs, faisant s'écraser les deux véhicules l'un contre l'autre. Le bruit fut terrible et les cadavres des passagers avants furent propulsés en dehors des camionnettes. Les vitres étaient brisées, la carrosserie complètement déformée.
Mission accomplie pour ma part. Voilà le sort qui était réservé à ceux qui osaient s'opposer à ceux qui leur étaient supérieurs : une mort atroce et rapide. Si les résistants avaient déployés davantage de leurs forces dans cet assaut, les résultats auraient été catastrophiques. Ce n'était qu'un premier avertissement à l'égard de ces dissidents : désormais j'étais là et j'enrayerais toute leur rébellion futile. Satisfait d'avoir mené à bien les prémices de mes projets, un sourire affiché sur mon visage, j'adressai mes nouveaux ordres :
- Vous déplacerez les cadavres à votre retour. Reprenons le transfert.
Ma voix était froide, emplie de mépris. Après avoir coupé la communication, la formation précédente fut à nouveau adoptée. Cependant, mon visage se décomposa vite en découvrant que seulement la moitié de ceux qui avaient pris la fuite avaient été récupérés et que la moitié de l'équipe constituée pour les accueillir... Avait disparue. Le pacifiste fut le dernier à revenir compléter les rangs qui faisaient toujours marche. Il se dirigeait avec vitesse vers moi, me montrant une expression que je n'aurais jamais cru voir chez une personne telle que lui : la haine. Son regard n'était que rage, ses sourcils étaient froncés, sa peau était rougie, ses poings étaient refermés et tremblaient. Lorsqu'il arriva face à moi, il m'asséna un violent coup de poing à la figure qui me déséquilibra et me fit m'étaler lamentablement le long du sol.
- POURQUOI ?!
A peine avait-il fini son mot qu'il se jetait déjà à nouveau sur moi, sans même me laisser le temps de réaliser ce qui était en train de se dérouler. Un second puis un troisième. La douleur causée était vive et la main de mon agresseur venait de se tâcher légèrement de sang, le mien. Les subalternes s'étaient saisi de lui pour le stopper. Pas moins de cinq d'entre eux le retenaient avec force. C'était totalement inédit et inouï, il m'avait totalement pris de court. Un rire glacial m'échappa. Cela faisait un moment que je n'avais pas vu ce regard, celui d'un homme qui venait de se subir l'une des pires trahisons qu'il soit. Une série d'insultes s'étaient échappées de sa bouche suite à sa question. Je venais de me relever et je le contemplais en lui montrant mon plus beau sourire. Il connaissait enfin mon véritable visage. Tous le connaîtraient bien assez tôt.
- Si tu tiens à ta chère Kirsten, n'ébruite pas notre dernière conversation.
- Monstre !
Mon petit chuchotement adressé à son égard avait fait son effet. Il ne cessa cependant pas de se débattre : il souhaitait en découdre. Hélas pour lui, les quelques hommes qui le retenaient savaient tout autant que moi qu'il n'en serait rien.
- J'attendrai ce soir à la place des fêtes. Viens, si tu en as l'audace. Pour l'heure, nous avons un colis à livrer.
Mon regard le lâcha pour de bon. Je ne tirerais plus rien de cet échange. Mon saignement ne s'était pas stoppé, la sensation n'était pas très plaisante. De plus, je ressentais le goût amer de l'échec cuisant de mon avertissement. Les rebelles s'étaient montré plus malins : les véhicules ne devaient être initialement qu'un moyen pour que certains parviennent à prendre la fuite pour ensuite être récupérés par leurs soins. Le bilan de la mission était mauvais : cinq s'étaient échappés et plusieurs des hommes sous ma responsabilité étaient morts. Au moins, le haineux n'était pas revenu à la charge et n'avait pas parlé.
Il tenait trop à sa fille pour hurler que cette embuscade était le fruit des rumeurs que je lui avais ordonné d'ébruiter dans le train. Si cet imbécile tenterait quoi que ce soit, j'exécuterais sa fille sans hésitation par tous les moyens. Le litige étant temporairement réglé, il était temps de prendre le train pour livrer cet amas de détritus ayant osé défier le système.
Gertrude s'était penchée et observait les papiers que je consultais derrière ses lunettes rondes. Elle semblait s'être remise de notre altercation. Encore récemment, elle m'avait semblé assez fuyante lorsque je l'avais rencontré dans la bibliothèque. Tant mieux si elle avait compris la leçon, elle serait plus utile en osant m'adresser la parole qu'en se recroquevillant sur elle-même.
- Ce ne sera pas nécessaire.
Après avoir refermé et rangé le document que je tenais entre mes mains, je sortis sans un mot de la pièce. J'étais simplement venu me renseigner pour l'ordre de mission du jour : effectuer un transfert de masse de prisonniers de la caserne des gardes noirs vers le manoir abandonné. Il valait mieux être bien renseigné à propos des concernés car il ne faudrait pas en perdre en route... Ou du moins c'est ce que j'avais pensé au début. Il semblerait que je pourrais entamer le grand projet auquel j'avais réfléchi plus tôt, celui qui ne plairait probablement pas par sa manière radicale d'être exécutée. Bien que Death m'effrayait désormais un peu, mes plans ne s'en retrouveraient pas affectés, quelles qu'en soient les conséquences.
Il me faudrait probablement un soutien pour accomplir ce que j'avais prévu et celui-ci était tout trouvé : le caporal Bach m'aiderait probablement volontiers si je prenais la peine de maquiller mes intentions. Il saurait tôt ou tard quel était mon vrai visage, alors il valait mieux que je me serve de ce pion tant qu'il figurait encore sur mon échiquier. Il me fallut quelques recherches pour le trouver : le bougre ne patrouillait jamais dans les mêmes zones de la Cité du Crépuscule, j'étais encore chanceux qu'il soit à la gare. Après l'avoir brièvement salué, je dus lui expliquer que je le réquisitionnais pour un transfert de prisonnier pour qu'il m'accompagne dans le train. Le train semblait vide, un endroit parfait pour lui donner mes ordres.
Une fois arrivé à destination, Bach partit sans attendre accomplir sa tâche alors que je faisais appel à la majorité des effectifs de la caserne pour la mission du jour. Les individus à envoyer aux cachots du manoir étaient nombreux : au moins une cinquantaine d'hommes et de femmes retenus par des liens, encadrés par de nombreux soldats, armés et attentifs. J'étais faufilé sur les toits, caché, un peu à l'écart, talkie-walkie à la main pour veiller au bon déroulement des opérations. D'autres hommes étaient dissimulés eux aussi sur les hauteurs, prêts à réagir au moindre problème. Les prisonniers se déplaçaient par rangs de cinq, chaque rangée étant refermée par la gauche et par la droite par un de nos membres. En tête et en queue de file, cinq de nos hommes étaient disposés pour pouvoir réagir immédiatement à toute tentative d'évasion de la part d'un des captifs... C'était trop parfait.
Un bruit assourdissant retentit. Je pus voir de là où j'étais le haut d'un bâtiment se faire pulvériser dans une terrible explosion. Les décombres s'effrondrèrent dans un terrible fracas en plein milieu de la magnifique formation qui fut totalement rompue : les prisonniers semblaient tous avoir réchappé aux dégâts grâce à d'excellents réflexes. En revanche, deux des subalternes avaient été engloutis. Des tirs résonnèrent en profitant de l'énorme confusion générale. Deux avaient été abattus dans l'instant, ce qui réduisit à nouveau les effectifs. J'aperçus la provenance des tirs, une camionnette qui roulait en direction des civils. Un autre véhicule arrivait en provenance de la direction opposée, rendant le tout encore plus difficilement gérable.
- Qu'est-ce que vous attendez pour faire feu ?! Tirez les prisonniers de là, par la force s'il le faut !
Je vociférais dans l'appareil de communication : il était hors de question de subir des pertes humaines plus importantes parmi nos rangs et encore moins que je perde à nouveau la face. Je n'avais pas prévu l'éventualité d'une attaque effectuée de cette façon, un véritable fiasco pour moi et mes ambitions. Une poignée d'hommes et de femmes parvinrent à prendre la fuite avant que l'équipe ne se saisisse des captifs en reculant en direction d'une ruelle tout en continuant de faire feu. Les rebelles ne souhaiteraient pas abimer leurs chers concitoyens, ils avaient cessé leurs tirs, mais roulaient toujours.
- Bach, déployez votre équipe et cueillez les fuyards !
Cette partie du plan était prévue : je savais qu'il s'agissait du lieu le plus idéal pour une attaque, le lieu le plus ouvert et éloigné des patrouilles de notre trajet, ce serait forcément celui qui serait visé s'il y en avait une. C'est pourquoi le caporal et l'équipe qu'il avait rassemblé étaient postés de part et d'autre à l'écart afin de pouvoir récupérer d'éventuels échappés. Les tireurs postés sur les toits profitèrent de ce moment où ils auraient un total effet de surprise afin de faire feu et abattre les conducteurs, faisant s'écraser les deux véhicules l'un contre l'autre. Le bruit fut terrible et les cadavres des passagers avants furent propulsés en dehors des camionnettes. Les vitres étaient brisées, la carrosserie complètement déformée.
Mission accomplie pour ma part. Voilà le sort qui était réservé à ceux qui osaient s'opposer à ceux qui leur étaient supérieurs : une mort atroce et rapide. Si les résistants avaient déployés davantage de leurs forces dans cet assaut, les résultats auraient été catastrophiques. Ce n'était qu'un premier avertissement à l'égard de ces dissidents : désormais j'étais là et j'enrayerais toute leur rébellion futile. Satisfait d'avoir mené à bien les prémices de mes projets, un sourire affiché sur mon visage, j'adressai mes nouveaux ordres :
- Vous déplacerez les cadavres à votre retour. Reprenons le transfert.
Ma voix était froide, emplie de mépris. Après avoir coupé la communication, la formation précédente fut à nouveau adoptée. Cependant, mon visage se décomposa vite en découvrant que seulement la moitié de ceux qui avaient pris la fuite avaient été récupérés et que la moitié de l'équipe constituée pour les accueillir... Avait disparue. Le pacifiste fut le dernier à revenir compléter les rangs qui faisaient toujours marche. Il se dirigeait avec vitesse vers moi, me montrant une expression que je n'aurais jamais cru voir chez une personne telle que lui : la haine. Son regard n'était que rage, ses sourcils étaient froncés, sa peau était rougie, ses poings étaient refermés et tremblaient. Lorsqu'il arriva face à moi, il m'asséna un violent coup de poing à la figure qui me déséquilibra et me fit m'étaler lamentablement le long du sol.
- POURQUOI ?!
A peine avait-il fini son mot qu'il se jetait déjà à nouveau sur moi, sans même me laisser le temps de réaliser ce qui était en train de se dérouler. Un second puis un troisième. La douleur causée était vive et la main de mon agresseur venait de se tâcher légèrement de sang, le mien. Les subalternes s'étaient saisi de lui pour le stopper. Pas moins de cinq d'entre eux le retenaient avec force. C'était totalement inédit et inouï, il m'avait totalement pris de court. Un rire glacial m'échappa. Cela faisait un moment que je n'avais pas vu ce regard, celui d'un homme qui venait de se subir l'une des pires trahisons qu'il soit. Une série d'insultes s'étaient échappées de sa bouche suite à sa question. Je venais de me relever et je le contemplais en lui montrant mon plus beau sourire. Il connaissait enfin mon véritable visage. Tous le connaîtraient bien assez tôt.
- Si tu tiens à ta chère Kirsten, n'ébruite pas notre dernière conversation.
- Monstre !
Mon petit chuchotement adressé à son égard avait fait son effet. Il ne cessa cependant pas de se débattre : il souhaitait en découdre. Hélas pour lui, les quelques hommes qui le retenaient savaient tout autant que moi qu'il n'en serait rien.
- J'attendrai ce soir à la place des fêtes. Viens, si tu en as l'audace. Pour l'heure, nous avons un colis à livrer.
Mon regard le lâcha pour de bon. Je ne tirerais plus rien de cet échange. Mon saignement ne s'était pas stoppé, la sensation n'était pas très plaisante. De plus, je ressentais le goût amer de l'échec cuisant de mon avertissement. Les rebelles s'étaient montré plus malins : les véhicules ne devaient être initialement qu'un moyen pour que certains parviennent à prendre la fuite pour ensuite être récupérés par leurs soins. Le bilan de la mission était mauvais : cinq s'étaient échappés et plusieurs des hommes sous ma responsabilité étaient morts. Au moins, le haineux n'était pas revenu à la charge et n'avait pas parlé.
Il tenait trop à sa fille pour hurler que cette embuscade était le fruit des rumeurs que je lui avais ordonné d'ébruiter dans le train. Si cet imbécile tenterait quoi que ce soit, j'exécuterais sa fille sans hésitation par tous les moyens. Le litige étant temporairement réglé, il était temps de prendre le train pour livrer cet amas de détritus ayant osé défier le système.