- Mini-série -
Alors, c'était ça la Contrée du Départ... Je foulais du pied une grande plate-forme qui semblait flotter dans les airs et qui devait servir de cour à l'immense manoir qui se dressait en face de nous. J'étais émerveillée, c'était si beau. Je ne pensais pas que les mondes pouvaient être si différents de Port Royal...
Je regardais autour de moi, ne cessant de tourner sur moi même. Je ne voulais rater aucun détail de ce monde, je ne voulais rater rien de tout ceux qui nous entouraient. Je voulais tous les découvrir. Je voulais voir leur beauté... je voulais simplement oublier Port Royal.
Le manoir qui se tenait face à nous était immense. Il flottait dans le ciel, attaché par de larges chaînes sur le rocher, lui aussi flottant, sur lequel nous étions. Tout n'était que magie et cela m'émouvait. L'architecture était fantaisiste, proche de ce qui était conté dans les livres, et une douce sensation de sérénité m'envahissait de plus en plus à chaque regard que je jetais sur ce monde.
Derrière nous se dressaient de grandes montagnes qui perçaient le ciel. Au loin on pouvait y voir un sentier qui montait en zig-zag pour rejoindre le sommet. Puis surtout il y avait le silence. Il n'était pas pesant, loin de là, il était surtout apaisant.
Pendant quelques secondes, je pris une longue respiration en fermant les yeux, puis j'expirais en les rouvrant. Tout était encore là, j'étais bien ici, je ne rêvais pas. Je me tournais vers Roxas et le pris dans mes bras. Par des gestes hésitants, il finit par m’enlacer.
Euh... Maddie ?
Oui ?
T'es sûre que ça va ?
Par un sursaut, je me retirais de ses bras, gênée et lui tournais le dos. Je sentis mes pommettes se réchauffer, je devais rougir..
Oui.... Oui, oui, ça va, désolée...
J'étais gênée ? C'était étrange. Je n'avais pourtant pas pensé à mal.. C'était une façon pour moi de le remercier de tout. Et si ça l'avait froissé ? Et si... Quelle nulle !
Tu as dit qu'on était venus ici pour que tu m'apprennes à me défendre ? Tu comptes m'apprendre à tirer avec le pistolet que tu m'as donné ?
Ce sera déjà un bon début ! Si ça n'a pas changé, il y a assez d'espace là haut.
Il me pointa les montagnes de son index. Il allait falloir monter tout là-haut ? Je me sentais déjà fatiguée à l'idée de devoir crapahuter jusqu'à ces sommets, mais nous nous mîmes en route.
Nous traversâmes un pont en bois, suspendu au dessus du vide. Je n'étais pas rassurée, je devais l'avouer, certaines planches ne semblaient pas en bon état, mais Roxas ouvrait la marche, alors je n'avais qu'à calquer ses pas et tout se passerait bien. Oui, tout se passerait bien.
J'arrive pas à croire que tu viennes de Port Royal et que tu n'aies jamais eu à te servir d'une arme à feu !
Je restais silencieuse. Mon père ne m'avait jamais vraiment rien appris. Je ne servais que de bonne-à-tout faire chez lui. Puis, lorsque j'ai rejoint la taverne, mon quotidien n'était constitué que deux trois à quatre heures de sommeil. Je me levais le matin pour servir au bar jusqu'au soir où j'étais forcée de rendre quelques « services », puis je me couchais, sans vraiment laisser le temps à mon corps de récupérer puisque la boucle se répétait le plus souvent dès lors que j'arrivais à fermer les yeux.
Perdue dans mes pensées, je marchais machinalement sur le pont ne prêtant plus attention aux pas de Roxas. Je mis le pied dans un trou et mon pied passa à travers. En une fraction de seconde, je me retrouvais dans une position inconfortable, la jambe entière dans le vide, mon corps retenu d'une chute mortelle par quelques planches de bois vermoulu. J'entendais les craquements du bois qui allait bientôt céder sous mon poids et je commençais à paniquer.
Roxas ! criais-je, essayant de bouger le moins possible pour ne pas précipiter ma chute. Au secours !
Il se retourna vers moi et écarquilla les yeux. Il se précipita vers moi. Chaque pas qu'il faisait vers moi secouait le pont, et je voyais des fissures se dessiner sur les planches qui me retenaient. Et à chaque balancement du pont, je sentais mon pouls s’accélérer. J'essayais de me rattraper à ce que je pouvais, enfonçant mes ongles dans le bois, sans succès.
Puis tout s'effondra d'un coup alors qu'il n'était plus qu'à une poignée de main de moi. Je chutais, sentant mon cœur bouger dans ma poitrine comme s'il tentait de s'en échapper. Puis tout s'arrêta net. J'étais toujours terrifiée, mais je ne chutais plus, du moins je n'en avais plus la sensation. Et je levais les yeux, Roxas était là et m'avait rattrapée par la main. Il me hissa tant bien que mal sur le pont et me demanda de ne plus bouger. Mes mouvements de panique l'avaient dangereusement fragilisé. Nous étions bloqués sur ce pont.
On ne peut plus avancer. Nous sommes trop loin, et le moindre mouvement de travers fera que le pont s’effondrera. Il va falloir me faire confiance, Maddie.
D'accord !
Ma confiance, il l'avait, évidemment. Par deux fois il m'avait sortie d'une impasse.
Restant relativement immobile, il fit apparaître deux armes dans ses mains. Elles ressemblaient à des épées, mais elle n'étaient définitivement pas communes. Il y en avait une de couleur blanche, ornées d'ailes d'ange elle semblait représenter le bon côté, et l'autre était tout le contraire. Elle était noire, était ornée d'ailes démoniaques et semblait représenter le mauvais côté. Il les lança en l'air. Elles montèrent dans les cieux en tourbillonnant avant de retomber dans le vide de chaque coté du pont.
Surtout, ne m'en veux pas.
Quoi ?
Il me prit par la taille, me colla à lui, et nous jeta dans le vide ! Je me cramponnais à lui en hurlant, la sensation de chute me terrifiant de nouveau. Je fermais les yeux, je ne voulais pas voir ça. Qu'avait-il fait ? Non, il y avait forcément une idée derrière tout ça.
Puis nous atterrîmes sur quelque chose d'aérien. Une étrange machine volante nous avait rattrapés et nous volions au dessus du vide. Le sommet de la montagne se rapprochait de nous, et bientôt nous pûmes mettre le pied à terre.
Je descendis de la machine pour rejoindre la terre ferme. Nous étions sur la plus haute montagne que ce monde comptait. La vue y était délicieuse. Le manoir semblait petit vu de là où j'étais. Mais... quelle était cette chose et qui était-il vraiment ?
Roxas... C'était quoi ça ?
La machine volante était blanche et noire, les mêmes couleurs que les armes qu'il avait appelées à lui quelques secondes auparavant. Il les avait transformées en machine. J'avais entendu parler de choses comme ça, mais je pensais qu'il ne s'agissait de légendes. A Tortuga, personne n'avait de telles armes. Décidément, je ne connaissais rien de notre monde.
Ces armes... Je comprends mieux quand tu parlais de guerrier de la lumière, tu es … comment... Tu es un Porteur de la Keyblade, c'est ça ?
Il me sourit et acquiesça d'un signe de tête.
Effectivement, ce n'est un secret pour personne, j'en suis un. Maintenant que tu sais ça, mon nom ne te dit rien ? Tu n'as jamais entendu parler de moi ?
Je ne savais pas quoi répondre. A l'entendre, il devait être connu, mais vraiment, son nom ne me disait rien.
Non... je suis désolée, je devrais ?
Oh, tu n'as pas à t'excuser, c'était juste pour savoir. Juste que j'ai la fâcheuse habitude que mon nom soit sur toutes les bouches où que j'aille. C'est amusant de croiser quelqu'un qui ne sait pas qui je suis.
Décidément, il était plein de surprises. Ainsi, c'était un véritable héros qui m'avait sauvée, mais je ne le connaissais pas. Ni son nom, ni son visage ne m'évoquaient quoi que ce soit.
Bref... sors ton arme, nous allons commencer si tu le veux bien.
Je relevai légèrement ma robe et me saisissais du pistolet. Il était chargé aussi je faisais très attention en le manipulant.
Je n'ai pas le même que toi, mais le fonctionnement reste sensiblement le même.
Comme avec ses keyblades, il fit apparaître un pistolet plus moderne que le mien. Il le chargea et vint se poser à côté de moi.
Tu vois les mannequins là-bas ? Tend ton bras vers eux, garde ton œil directeur ouvert, inspire, expire et fais feu.
Et la balle vint se loger en plein milieu du front de la poupée de bois. Maintenant, c'était à mon tour, je m’exécutais et reproduisais le processus qu'il venait de me dicter. Je tendis mon bras vers le mannequin, fermais mon œil droit, inspirais un bon coup, expirais et fis feu. Comme je m'y attendais, je ratais ma cible.
Je réessayais une dizaine de fois, ratant chaque fois la tête du mannequin. Roxas, qui se tenait toujours à côté de moi, analysait chacun de mes mouvements, me corrigeant à chaque nouvel essai. Pendant une bonne heure je ratais tout mes essais, les seuls réussis relevant uniquement de la chance.
Alors que je préparais un énième tir, Roxas posa sa main sur le canon de l'arme et le baissa. Il me regarda dans les yeux et me proposa une pause que j'acceptai. Il est vrai que j'avais quelques crampes dans le bras à force de le tendre.
Nous nous assîmes sur un banc en bois juste à côté. Je ne lâchais pas mon pistolet du regard, le fait de ne pas réussir à faire quoi que ce soit me déprimait. Je devais le décevoir, lui pour qui cela semblait si simple. J'aurais aimé être comme lui. Il savait se défendre et ne semblait pas effrayé par quoi que ce soit. Moi... je n'étais qu'une jeune femme naïve et sans défense... tout ce que je ne voulais plus être.
Je ne pense pas que l'arme à feu soit vraiment ton truc ! dit-il l'air moqueur.
Je tournais la tête vers lui mais sans sourire cette fois ci.
Oh, désolé. Je pensais pas que tu le prendrais aussi mal.... On va essayer autre chose.
Il fit apparaître une keyblade dans sa main et se leva.
Lèves toi aussi et mets toi en face de moi.
Je fis ce qu'il me demanda et me tins devant lui, intriguée. Il tendit le bras, l'arme a l'horizontale.
La poignée. Prends-là.
Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il va se passer ?
Ne réfléchis pas. Laisse toi guider. Prends la poignée dans ta main.
Je tendis le bras et saisis la poignée de son arme. La sensation qui s'ensuivit était indescriptible. Je fermais les yeux et une douce brise se leva, s'intensifiant, faisant danser les arbres aux alentours. Un sentiment de sérénité parcourut tout mon être et je sentais en moi une force nouvelle.
Je lâchais la poignée et tout autour de nous se calma. Le vent s'essouffla et les arbres redevinrent statiques. Je rouvris les yeux sur ceux de Roxas qui fit un pas un arrière.
Maintenant, appelle-la.
Je tendis la main devant moi comme l'avait fait mon ami et a ma grande surprise, une keyblade apparut dans ma main. La garde, à l'instar de celle de Roxas, était ornée d'une paire d'ailes blanches. La lame, elle, était parcourue de tiges de roses qui s'entremêlaient sur toute sa longueur. Enfin, le panneton représentait une rose, figée dans de la pierre.
Toi aussi, maintenant, tu es une porteuse. Cette arme est une extension de toi, elle accompagnera chacun de tes pas et répondra à chacun de tes appels. A partir d'aujourd'hui, tu ne seras plus jamais seule.
A nouveau, je ne savais pas quoi dire.
Pourquoi, Roxas ? Pourquoi m'avoir confié ce pouvoir ? Je suppose que ce n'est pas quelque chose à prendre à la légère, alors pourquoi moi ? Qu'est-ce qui te dit que je le mérite ? Qu'est-ce qui te dit que j'en serai digne ?
Tu le seras, j'en suis persuadé. Puis tu es seule au monde. J'ai fait ça pour que le jour où nos chemins se sépareront, tu saches te tirer des pires situations, comme je l'ai moi-même fait grâce à cette arme. La seule chose que je te demande, c'est de toujours en faire bon usage.
Mes yeux se mirent à me brûler. L'émotion était si forte que je peinais à retenir mes larmes. J'étais à la fois triste et émue. La personne a qui je devais mon salut venait de confirmer mes craintes. Au fond de moi, il y avait toujours cet espoir qu'il change d'avis et que nous voyagions ensemble, qu'il partage avec moi toutes ses connaissances, mais il venait de tout détruire en quelques phrases.
D'un autre côté, le cadeau qu'il venait de me faire témoignait de sa gentillesse à mon égard. Il s'était assuré que j'aurais toujours de quoi me défendre dans un monde aussi hostile qu'est le notre, et ce, même après notre séparation.
Je voulus lui répondre, mais ma gorge était comprimée par le flux d'émotions. Je n'arrivais à produire aucun son. Je ne pouvais que me contenter de le fixer, la bouche entrouverte, tentant de trouver la force de prononcer un mot.
Il s'approcha et posa sa main sur mon épaule.
La nuit tombe, nous allons nous reposer ici. Nous continuerons plus tard, d'accord ?
Je fis oui de la tête et nous nous fîmes route inverse en direction du manoir.