Vaste plaine presque vide balayée par un vent violent…
Quelques arbustes desséchés, noirs comme de l’ébène, fins et pourtant immobiles sous les bourrasques.
De la brume, à perte de vue, dans toutes les directions…
Et ce froid… Ce froid mordant, et angoissant. Comme si toute vie avait disparu du monde.
Il y avait aussi ce sentiment d’être suivie, constamment épiée. Pourquoi était elle toute seule ici ?
Là, un bruit derrière soi, elle se retourne. Rien… Et pourtant le malaise est plus intense.
Cette fois elle en est sûre, elle n’est pas seule dans ce vide.
« Qui est là ? » Sa propre voix lui paraît distante, comme si quelqu’un d’autre parlait à sa place. Rien aucune réponse, seulement le vide et le rythme accéléré de sa respiration.
Et soudain ce rire. Un rire glacial, maléfique, qui lui fait dresser les cheveux sur le sommet du crâne. Elle veut crier de peur, mais ses cordes vocales sont déjà occupées… Occupées à rire à gorge déployée.
Blanche se réveilla en sursaut, le cœur battant à tout rompre et regarda autour d’elle par gestes frénétiques de la tête. C’est avec soulagement qu’elle constata qu’elle n’était plus dans une plaine brumeuse mais dans une ruelle légèrement éclairée par la clarté du jour qui perçait entre les bâtiments. Elle était assise contre un mur entre deux amas de cartons vides. Il lui fallut quelques secondes pour se rappeler où elle se trouvait.
Les souvenirs lui revinrent d’un seul coup.
La veille, elle s’était écrasée avec son vaisseau gummi à l’extérieur de la ville où elle se trouvait et dont elle ignorait toujours le nom. Une fois extraite des ruines fumantes du véhicule spatial, étonnée de n’avoir pour toute blessure qu’une légère entaille au poignet gauche, elle avait fait une rapide exploration des alentours, pour finalement tomber sur une ville immense construite au milieu d'une étendue d'eau. D’ordinaire, elle aurait été fascinée et impatiente de découvrir un endroit inconnu aussi majestueux, mais son cœur était encore serré des derniers événements, et elle se sentait vidée de tout sentiment autre que la tristesse à la pensée de sa cité perdue.
Aussi s’était elle dirigé machinalement vers les hautes tours qui striaient l’horizon sans se poser de questions.
Entrer dans la ville n’avait pas été très difficile, il lui avait suffit de se mêler discrètement à un groupe de personnes qui bavardaient bruyamment et se joindre à l'embarcation qu'ils prenait pour rejoindre la cité. Grâce à sa petite taille elle était passée inaperçue.
Elle s’était ensuite promenée dans les rues de cette cité inconnue, sans vraiment regarder où elle allait. La vision de son père blessé lui faisant ses adieux, car elle n’était pas bête il s’agissait bien d’adieux, obstruait son esprit à tout émerveillement extérieur. Épuisée par son voyage et ce qu’elle avait vécu à Medora, elle s’était engouffrée dans la première ruelle fine et vide qu’elle avait trouvée, et s’était écroulée de fatigue entre deux piles de cartons, pleurant quelques instants, puis sombrant dans un sommeil agité.
Blanche s’extirpa de son abri de fortune et s’avança vers la sortie de la ruelle. Le soleil du matin lui éblouit la vue un moment et elle du cligner des yeux plusieurs fois avant que celle ci s'y habitue. La clarté de l'astre du jour éclaira son visage pâle d'enfant et les légères cernes qui esquissaient leur présence sous ses yeux fatigués. Elle avait beaucoup dormi et pourtant elle se sentait toujours fatiguée. Mais au moins, la tristesse ne l'empêchait plus de réfléchir. Elle se trouvait dans une rue claire et d'une apparence superbe qui lui fit écarquiller les yeux. Elle se demanda comment elle avait fait pour ne pas la voir la veille. De beaux bâtiments aux toits écarlates et murs blancs, de magnifiques arbustes plantés devant chaque habitation, des ruisseaux et fontaines partout au milieu d'une végétation très présente... Et, surplombant le tout, la silhouette du château gigantesque et de ses tours que la fillette avait aperçu la veille de loin.
Blanche resta un moment ébahit devant ce décor qu'elle découvrait. Elle se rendit alors seulement compte de la foule qui parcourait la rue. Des habitants qui vaquaient à leurs occupations d'un air affairé. Le château de Medora, bien plus petit, était habité par de nombreuses personnes : gardes, serviteurs, conseillers... Mais jamais la petite albinos n'en avait vu autant d'un coup. Elle hésita un instant. Puis elle prit une grande inspiration et s'avança au milieu de la foule. Elle se sentit aussitôt minuscule au milieu de toutes ces personnes qui marchaient droit devant sans faire attention à la petite fille habillé d'un manteau trop large.
Blanche essaya de ne pas céder à la panique et se concentra sur ses pas. Mais après quelques minutes seulement de marche, une bonne odeur vint interrompre sa concentration. Une odeur de pain chaud sorti du four, aguichante et envoûtante. Surtout lorsque la faim nous tiraille, et c'est ce que ne manqua pas de lui faire rappeler son ventre qui gargouilla avec intensité. Troublée, Blanche s'arrêta. C'était la première fois de sa vie qu'elle avait aussi faim. Elle se laissa donc guider hors de la foule par les effluves délicieuses. Ses pas la menèrent devant la vitrine d'un bâtiment qui exposait sur des étalages pains et brioches de différentes formes. Blanche se senti saliver. Mais lorsqu'elle lu les écriteaux qui indiquaient les prix, elle du se rendre à l'évidence, elle n'avait pas le moindre munnie en poche pour acheter de quoi manger.
Déçue et résignée à tenter d'ignorer la faim qui la tiraillait, elle tourna les talons, détachant les yeux de la vitrine. Mais elle fut interrompue par une voix douce :
« Tu as faim mon p'tit chou ? »
La fillette se retourna, pour se retrouver face à face avec une dame bien en chaire qui lui souriait avec gentillesse.
Elle portait un tablier plein de farine et se tenait devant l'entrée du vendeur de pain. Blanche la regarda, un peu intimidée, n'osant pas répondre. Son estomac en revanche ne s'en priva pas et gargouilla de plus belle. La femme replète éclata de rire devant l'air déconfit de la fillette. Puis elle se pencha derrière sa vitrine pour attraper un pain rond joliment doré. Elle s'avança ensuite vers Blanche et le lui tendit avec un clin d'oeil.
« Je m'en voudrais de te laisser maigrir encore plus, tu es déjà toute rachitique. »
La petite albinos regarda le pain et la vendeuse avec surprise. Puis, convaincue par son sourire bienveillant et encourageant, elle accepta la nourriture. Après l'avoir remercié plusieurs fois et salué d'une révérence, elle prit congé de la femme et fila, serrant avec un sourire son repas contre elle.
Quelques minutes plus tard, elle se régalait de son pain rond, assise sur le rebord d'une fontaine dans un petit parc beaucoup moins fréquenté. Chaque bouchée lui parut délicieuse, mais peut être était ce parce qu'elle était affamée. Sa faim lentement rassasiée, elle se sentit déjà beaucoup mieux.
Des éclats de rire rompirent alors le calme du parc. Blanche tourna la tête. Un groupe d'adolescents marchaient dans sa direction en parlant bruyamment. La fillette n'aurait su dire pourquoi mais leur air ne lui dit rien qui vaille. Elle pensa un instant à s'éloigner mais l'un des garçons l'aperçu et chuchota quelque chose au reste du groupe qui se dirigea sur elle. La petite fille les regarda l'encercler un peu inquiète. Le plus grand des cinq appuya un pied contre la fontaine et s'adressa à elle.
« Salut minuscule vermisseau. Il a l'air bon ton pain, tu me le files? »
Les autres ricanèrent.
Surprise par cette demande, Blanche jeta un oeil à la moitié de pain qui lui restait. Puis, souriant avec gentillesse, elle la tendit à son interlocuteur.
« Tu en veux un morceau? » demanda t-elle joyeusement.
Le jeune homme lui rendit un regard surpris par réaction. Croyant qu'il venait de se faire moucher par la fillette, ses compagnons se moquèrent de lui. L'expression de l'adolescent se mua alors en colère que Blanche ne comprit pas. Avant qu'elle puisse s'inquiéter, son interlocuteur la gifla avec une telle force qu'elle en fut jetée à terre.
Sonnée, la petite albinos compris à peine ce que lui lança son agresseur:
« Tu te fous de moi morveuse ? »
Blanche se retourna, la joue rouge, une larme d'incompréhension coulant sur son visage et cette fois ce fut la peur qui empli ses yeux d'émeraude lorsqu'elle regarda son agresseur.
Sans qu'elle sache si elle l'avait imaginé où non, elle cru entendre un grondement furieux et froid dans sa tête...
Jeu 27 Fév 2014 - 10:46Quelques arbustes desséchés, noirs comme de l’ébène, fins et pourtant immobiles sous les bourrasques.
De la brume, à perte de vue, dans toutes les directions…
Et ce froid… Ce froid mordant, et angoissant. Comme si toute vie avait disparu du monde.
Il y avait aussi ce sentiment d’être suivie, constamment épiée. Pourquoi était elle toute seule ici ?
Là, un bruit derrière soi, elle se retourne. Rien… Et pourtant le malaise est plus intense.
Cette fois elle en est sûre, elle n’est pas seule dans ce vide.
« Qui est là ? » Sa propre voix lui paraît distante, comme si quelqu’un d’autre parlait à sa place. Rien aucune réponse, seulement le vide et le rythme accéléré de sa respiration.
Et soudain ce rire. Un rire glacial, maléfique, qui lui fait dresser les cheveux sur le sommet du crâne. Elle veut crier de peur, mais ses cordes vocales sont déjà occupées… Occupées à rire à gorge déployée.
Blanche se réveilla en sursaut, le cœur battant à tout rompre et regarda autour d’elle par gestes frénétiques de la tête. C’est avec soulagement qu’elle constata qu’elle n’était plus dans une plaine brumeuse mais dans une ruelle légèrement éclairée par la clarté du jour qui perçait entre les bâtiments. Elle était assise contre un mur entre deux amas de cartons vides. Il lui fallut quelques secondes pour se rappeler où elle se trouvait.
Les souvenirs lui revinrent d’un seul coup.
La veille, elle s’était écrasée avec son vaisseau gummi à l’extérieur de la ville où elle se trouvait et dont elle ignorait toujours le nom. Une fois extraite des ruines fumantes du véhicule spatial, étonnée de n’avoir pour toute blessure qu’une légère entaille au poignet gauche, elle avait fait une rapide exploration des alentours, pour finalement tomber sur une ville immense construite au milieu d'une étendue d'eau. D’ordinaire, elle aurait été fascinée et impatiente de découvrir un endroit inconnu aussi majestueux, mais son cœur était encore serré des derniers événements, et elle se sentait vidée de tout sentiment autre que la tristesse à la pensée de sa cité perdue.
Aussi s’était elle dirigé machinalement vers les hautes tours qui striaient l’horizon sans se poser de questions.
Entrer dans la ville n’avait pas été très difficile, il lui avait suffit de se mêler discrètement à un groupe de personnes qui bavardaient bruyamment et se joindre à l'embarcation qu'ils prenait pour rejoindre la cité. Grâce à sa petite taille elle était passée inaperçue.
Elle s’était ensuite promenée dans les rues de cette cité inconnue, sans vraiment regarder où elle allait. La vision de son père blessé lui faisant ses adieux, car elle n’était pas bête il s’agissait bien d’adieux, obstruait son esprit à tout émerveillement extérieur. Épuisée par son voyage et ce qu’elle avait vécu à Medora, elle s’était engouffrée dans la première ruelle fine et vide qu’elle avait trouvée, et s’était écroulée de fatigue entre deux piles de cartons, pleurant quelques instants, puis sombrant dans un sommeil agité.
Blanche s’extirpa de son abri de fortune et s’avança vers la sortie de la ruelle. Le soleil du matin lui éblouit la vue un moment et elle du cligner des yeux plusieurs fois avant que celle ci s'y habitue. La clarté de l'astre du jour éclaira son visage pâle d'enfant et les légères cernes qui esquissaient leur présence sous ses yeux fatigués. Elle avait beaucoup dormi et pourtant elle se sentait toujours fatiguée. Mais au moins, la tristesse ne l'empêchait plus de réfléchir. Elle se trouvait dans une rue claire et d'une apparence superbe qui lui fit écarquiller les yeux. Elle se demanda comment elle avait fait pour ne pas la voir la veille. De beaux bâtiments aux toits écarlates et murs blancs, de magnifiques arbustes plantés devant chaque habitation, des ruisseaux et fontaines partout au milieu d'une végétation très présente... Et, surplombant le tout, la silhouette du château gigantesque et de ses tours que la fillette avait aperçu la veille de loin.
Blanche resta un moment ébahit devant ce décor qu'elle découvrait. Elle se rendit alors seulement compte de la foule qui parcourait la rue. Des habitants qui vaquaient à leurs occupations d'un air affairé. Le château de Medora, bien plus petit, était habité par de nombreuses personnes : gardes, serviteurs, conseillers... Mais jamais la petite albinos n'en avait vu autant d'un coup. Elle hésita un instant. Puis elle prit une grande inspiration et s'avança au milieu de la foule. Elle se sentit aussitôt minuscule au milieu de toutes ces personnes qui marchaient droit devant sans faire attention à la petite fille habillé d'un manteau trop large.
Blanche essaya de ne pas céder à la panique et se concentra sur ses pas. Mais après quelques minutes seulement de marche, une bonne odeur vint interrompre sa concentration. Une odeur de pain chaud sorti du four, aguichante et envoûtante. Surtout lorsque la faim nous tiraille, et c'est ce que ne manqua pas de lui faire rappeler son ventre qui gargouilla avec intensité. Troublée, Blanche s'arrêta. C'était la première fois de sa vie qu'elle avait aussi faim. Elle se laissa donc guider hors de la foule par les effluves délicieuses. Ses pas la menèrent devant la vitrine d'un bâtiment qui exposait sur des étalages pains et brioches de différentes formes. Blanche se senti saliver. Mais lorsqu'elle lu les écriteaux qui indiquaient les prix, elle du se rendre à l'évidence, elle n'avait pas le moindre munnie en poche pour acheter de quoi manger.
Déçue et résignée à tenter d'ignorer la faim qui la tiraillait, elle tourna les talons, détachant les yeux de la vitrine. Mais elle fut interrompue par une voix douce :
« Tu as faim mon p'tit chou ? »
La fillette se retourna, pour se retrouver face à face avec une dame bien en chaire qui lui souriait avec gentillesse.
Elle portait un tablier plein de farine et se tenait devant l'entrée du vendeur de pain. Blanche la regarda, un peu intimidée, n'osant pas répondre. Son estomac en revanche ne s'en priva pas et gargouilla de plus belle. La femme replète éclata de rire devant l'air déconfit de la fillette. Puis elle se pencha derrière sa vitrine pour attraper un pain rond joliment doré. Elle s'avança ensuite vers Blanche et le lui tendit avec un clin d'oeil.
« Je m'en voudrais de te laisser maigrir encore plus, tu es déjà toute rachitique. »
La petite albinos regarda le pain et la vendeuse avec surprise. Puis, convaincue par son sourire bienveillant et encourageant, elle accepta la nourriture. Après l'avoir remercié plusieurs fois et salué d'une révérence, elle prit congé de la femme et fila, serrant avec un sourire son repas contre elle.
Quelques minutes plus tard, elle se régalait de son pain rond, assise sur le rebord d'une fontaine dans un petit parc beaucoup moins fréquenté. Chaque bouchée lui parut délicieuse, mais peut être était ce parce qu'elle était affamée. Sa faim lentement rassasiée, elle se sentit déjà beaucoup mieux.
Des éclats de rire rompirent alors le calme du parc. Blanche tourna la tête. Un groupe d'adolescents marchaient dans sa direction en parlant bruyamment. La fillette n'aurait su dire pourquoi mais leur air ne lui dit rien qui vaille. Elle pensa un instant à s'éloigner mais l'un des garçons l'aperçu et chuchota quelque chose au reste du groupe qui se dirigea sur elle. La petite fille les regarda l'encercler un peu inquiète. Le plus grand des cinq appuya un pied contre la fontaine et s'adressa à elle.
« Salut minuscule vermisseau. Il a l'air bon ton pain, tu me le files? »
Les autres ricanèrent.
Surprise par cette demande, Blanche jeta un oeil à la moitié de pain qui lui restait. Puis, souriant avec gentillesse, elle la tendit à son interlocuteur.
« Tu en veux un morceau? » demanda t-elle joyeusement.
Le jeune homme lui rendit un regard surpris par réaction. Croyant qu'il venait de se faire moucher par la fillette, ses compagnons se moquèrent de lui. L'expression de l'adolescent se mua alors en colère que Blanche ne comprit pas. Avant qu'elle puisse s'inquiéter, son interlocuteur la gifla avec une telle force qu'elle en fut jetée à terre.
Sonnée, la petite albinos compris à peine ce que lui lança son agresseur:
« Tu te fous de moi morveuse ? »
Blanche se retourna, la joue rouge, une larme d'incompréhension coulant sur son visage et cette fois ce fut la peur qui empli ses yeux d'émeraude lorsqu'elle regarda son agresseur.
Sans qu'elle sache si elle l'avait imaginé où non, elle cru entendre un grondement furieux et froid dans sa tête...