Natalia se trouvait juste devant le précipice des ténèbres, un gouffre sans fond rempli d’obscurité, des abysses sans fond comme témoignage des ténèbres qui guettent encore ce monde… Qui guettent chacun d’entre nous, chacun des habitants et surtout… Chacun des Consuls… La Comédienne n’y allait jamais, reconnaissant là le territoire du Tragédien par la lourde signification des lieux. C’est un lieu tragique, marqué par nombres de lourds évènements qui encore aujourd’hui donne une atmosphère particulière à cet endroit. Natalia règne en maitre dans la ville, là où elle est la plus appréciée des Consuls. Au contraire de Genesis, bien loin d’avoir la cote auprès des habitants, surtout en ce moment. Et pourtant… Alors qu’en regardant l’abysse ténébreux il y aurait autant à dire, qu’à comprendre et qu’à penser… Ses yeux bleus se perdaient au plus profond d’une lettre écrite par une personne qui lui est très cher…

    « Loyld… tu es là ? C’est ridicule… et impossible. »

    Elle avait horriblement mal au crâne… Beaucoup de mal à réfléchir et tout lui semblait si calme, si lent, à commencer par son propre esprit qui avait beaucoup de mal à simplement lire la lettre. A peine avait-elle finit une ligne, qu’elle l’oubliait. Obliger de se reprendre plusieurs fois, ca l’énervait et si ce n’était pas lui qui avait écrit la lettre, ca ferait longtemps qu’elle aurait abandonné la lecture. Au final… La seule chose qu’elle réussit à lire fut la toute fin…

    « Je t’attends, Natalia. »

    « Un mort n’écrit pas… »

    « Je t’attends, Natalia. »

    « C’est ce que je me répète… »

    « Je t’attends, Natalia, à la Forteresse Oubliée. »

    « J‘arrive. »

    Une brume opaque et pesante recouvrait la ville. Le brouillard avait tout pris, tout mis dans son mystérieux sac de coton. Elle aurait pu marcher mais a couru à travers la brume, pressée. De longues minutes de solitude, à moins que ca n’est été des heures. Ca semblait sans fin. Puis d’un coup, à travers le voile de brume, des tombes apparurent ici et là. Un cimetière. Des tombes posés ici et là en rang, bien ordonnés. La Comédienne se mit à frotter ses bras avec ses mains, il faisait froid. C’était vide et triste mais… reposant et étrangement agréable. La brume est soudain devenue claire et lumineuse alors qu’un visage aux traits masculin apparut soudain. Un visage fin et séduisant, extrêmement bien proportionné qui jeta un regard étonné à la jeune fille. Il était plutôt grand avec de courts cheveux noirs charbons, un corps athlétique, des yeux rouges sangs avec un regard plein de… mélancolie, comme regrettant un passé lointain et envolé. Sa seule consolation restait ses souvenirs, comme la jeune blonde.

    « Ca va ? Tu es perdu ? »

    Natalia resta silencieuse un instant, ne sachant trop quoi répondre… Au fond, qu’est-ce qu’être perdu ? Si c’est ne pas savoir où l’on est, alors oui, elle est perdue… Mais, la Comédienne reste malgré tout une artiste et c’est dans sa nature de chercher au-delà du simple sens des mots. On est perdu quand on ne sait pas où on est ? Quand on ne sait pas d’où l’on vient ? Ou quand on ne sait pas où l’on va ? La blonde savait où elle allait… Elle n’était pas perdue !

    « Non… En fait, je cherche un ami. Il m’a écrit une lettre où il dit m’attendre à la Forteresse Oubliée ! »

    « Moi aussi je suis venu ici pour chercher une amie. »

    « Tu l’as trouvé ? »

    En guise de réponse il hochât simplement et tristement la tête, avant de pointer du doigt une tombe devant lui. Natalia regardait la pierre tombale que la brume laissait petit à petit apparaitre et se mit à lire l’inscription. Ou plutôt, elle essayait de déchiffrer les lettres qui ne resteront pour elle que de mystérieuses inscriptions, n’ayant jamais appris à lire. Vu comme c’est partit d’ailleurs, elle n’apprendra jamais jamais.

    « Comment elle s’appelle ? »

    « C’est écrit là. »

    « … Je sais, laisse tomber… »

    « Tu veux que je t’aide à retrouver ton ami ? Il est surement par ici. »

    « Non ! Il est à la forteresse oubliée. »

    « Je pense qu’il est ici… Mais comme tu veux, bon courage pour le retrouver. Moi je reste ici. »

    « Juste avant de partir, c’est par où la Forteresse Oubliée s’il te plait ? Avec ce brouillard je n’y vois rien ! »

    « Tu ne devrais pas y aller... »

    « Je dois y aller, mon ami m’attends là-bas ! »

    Le jeune homme pointa du doigt une direction… Et la blonde partit, suivant la direction indiquée par ce charmant inconnu. Ses pas la menèrent jusqu’au portail du cimetière qu’elle traversât pour emprunter un petit chemin de terre perdu dans la forêt qui lui aussi semblait sans fin. Il faisait si froid… Heureusement que c’est une as du déguisement ! La Comédienne saisit le bas de son t-shirt et tirât fort sur celui-ci !!!
    Mais tout ce qu’elle réussit à faire ce fut d’arracher un morceau de tissu, morceau de tissu qui lui resta dans la main et qu’elle observait avec attention, le regard plein d’incompréhension, ne pouvant détourner les yeux de ce morceau d’habit. Comment se fait-ce qu’elle ne puisse se déguiser bon dieu ?! Ca l’a mettait mal à l’aise… Quand ses vêtements sont tâchés, abimés ou déchirés elle a pour habitude de simplement en changer. Comme si elle avait toujours eu des vêtements et costumes de rechanges à volonté… Là, avec une seule, unique et simple tenue, la blonde se sentait nue.

    Désespérée, et légèrement congelée quand même, elle retenta le coup ! Plusieurs fois ! Jusqu’à ce que son t-shirt s’arrête un tout petit peu au-dessus du nombril. Résignée, elle continua son chemin. Plus elle avançait, plus il faisait froid. Ca en devenait presque insoutenable… Mais elle refusait de s’arrêter, préférant finir gelée que d’abandonner. Natalia savait que si elle s’arrêtait… Sa culpabilité serait pire que ce froid. Alors, pour essayer de ne plus y penser, elle se mit à réfléchir au passé, au présent et au futur. Le présent se jouait en ce moment même alors qu’elle arpentait ce petit chemin de terre interminable. Son passé… Non ! C’était trop déprimant et compliqué à cause de cette lettre ! Le futur c’est tout ce qui importe… Et son futur, c’était le Consulat ! C’était l’art et sa carrière de comédienne superstar ! Mais elle n’eut pas le temps d’y penser plus longuement, un petit bruit attirât son attention. Lentement elle se retournât, regardant ce qu’il y avait derrière elle…

    Natalia vit un petit groupe de singes, elle ne les compta pas mais il devait bien en avoir une dizaine ! Plantés là, les dix petits babouins l’observaient platement, silencieux et immobiles. Ils étaient… effrayants. Le poil gras qui part dans tous les sens, la mâchoire dégoulinante de bave comme s’ils avaient la rage… C’était comme s’il la suivait depuis longtemps déjà et les voir… lui glaçait littéralement le sang ! Prise d’un effroyable frisson elle se mit à courir aussi vite qu’elle put, fuyant vers la Forteresse Oubliée, peu importe ce qu’il y a là-bas ca ne pouvait pas être pire que ces horribles singes ! Elle fuyait en fermant les yeux quand soudain, ils se sont tous mis à crier… Un cri très aigu… Trop aigu, ses oreilles en saignaient presque…

    Natalia les distançait… Ou plutôt, elle pensait les distancer ! L’un deux avait attrapé sa jambe et malgré la course effrénée de la jeune femme, il s’accrochait ! C’était horrible, ce singe était sale et son contact lui inspirait le pire des dégouts, la pire horreur ! Ca la forçait à s’arrêter et à agiter la jambe dans le vide en espérant qu’il ne la lâche… Mais c’était tout le contraire, il ne faisait que serrer plus fort et finalement, tous les singes ont finalement rattrapés la Comédienne… Elle se débattait tant bien que mal face aux singes, allant jusqu’à les frapper pour s’en débarrasser… Et leurs cris ! Elle refusait de les entendre mais rien n’y faisait ! L’horreur ! Après une lutte qui paru durer une éternité, elle s’extirpa enfin et reprit sa fuite, plus rapide que jamais !!!



    Puis, finalement, sans vraiment s’en rendre compte elle était arrivée… Devant une ville ! Le brouillard avait disparu, les singes et le froid aussi. Mais était-elle vraiment arrivée à la Forteresse Oubliée ? C’était vraiment ennuyeux de ne pas savoir lire !!! Ca fait trois fois que ca l’embête… A cause de ça, elle ne sait pas le nom écrit sur la tombe, ne sait pas ce qu’il y avait de marqué dans le cimetière et ne sait pas non plus ce qu’il y a écrit sur le panneau juste devant elle ! Bon, tant pis… De toute façon, à cause des singes, elle ne peut pas faire marche arrière.

    Mon dieu… Que c’était calme et sinistre. Que c’était vide. Une vraie ville fantôme ! Arpentant les rues sordides de cette ville, elle criait le nom de Loyld, dans l’espoir que celui-ci réponde. Mais il n’y avait que l’écho de sa voix. Pas que ca la dérange, Natalia adore sa voix ! Mais elle n’était pas ici en visite et ca commençait sérieusement à l’énerver !

    « Loyld dis-tu… ? »

    Natalia, interpellée par cette voix si sérieuse et pleine de gravité, se mit à chercher d’où elle venait. Ce ton était tellement l’opposé du siens que ca lui faisait presque peur… Mais celui qui subit l’horrible chaleur du désert ne peut que comprendre celui qui endure l’horrible froid de la banquise.

    « Oui Monsieur ! Savez-vous où il est ? »

    L’écho de sa voix… C’était énervant ! Mais finalement, l’homme daigna se montrer. Le moins que l’on puisse dire… c’est que homme il n’est pas tant ! Un hybride, entre l’homme et le corbeau qui arborait un pelage d’un rouge sombre. Ses bras plumés se finissaient par une étrange main, avec cinq doigts certes, mais qui ressemblaient beaucoup trop à des serres. Dans son dos il y avait deux ailes. L’étrange personnage approcha vivement son bec du visage de la blonde qui s’écartait d’un sursaut… Sans vraiment oser partir en courant. Il lui faisait un peu peur mais elle avait de la sympathie pour lui, presque du respect. Si elle ne fuyait pas pour ne pas le vexer, c’était aussi pour rester un peu avec lui… Vu la ville, elle ne pouvait espérer d’autre compagnie que lui. Pendant quelques secondes, ni l’un, ni l’autre ne parla. Se regardant simplement… Se jaugeant, tentant de se comprendre.

    « Ca va ? »

    « Non… Je n’ai rien à faire ici, vois-tu… »

    « C’est bizarre… Je me sens vraiment à ma place ici moi, comme si je devais être là ! »

    « Tu aimes la Tragédie, jeune fille ? »

    « Pas vraiment… J’ai horreur de ça, c’est triste, y a toujours pleins de mort et on ne s’amuse pas ! Moi je préfère la Comédie ! »

    « Ce n’est pas parce que tu n’aimes pas, qu’elle n’existe pas… Vois-tu. »

    « La Tragédie est… »

    « La Tragédie est. Et tu n’y peux rien, vois-tu. »

    « Peut-être… Je cherche Loyld, vous le connaissez ? »

    « Délicieux, vois-tu. »

    « … »

    Natalia restait un instant sceptique. Le corbeau était grave, dégageait une sorte de sagesse, d’expérience. Même sa manie de dire vois-tu à tout bout de champ n’enlevait rien à son charisme et sa classe ! Alors, d’un coup, le voir s’accroupir pour tenter d’attraper un ver de terre avec son bec… et finalement s’extasier une fois réussis… C’est… Normalement c’est drôle, quand le comique vient d’un coup se glisser dans le sérieux. Chez lui… c’était bizarre et franchement flippant. Il se releva vivement en voyant le regard éberlué de la jeune fille et repris son air sérieux, faisant comme si de rien n’était.

    « Loyld dis-tu… ? Et bien, vois-tu… La réponse se trouve au sommet de cette tour, là-bas ! » Dit-il, pointant de son aile une tour qui se trouvait au milieu d’une sorte de dôme, composé de neufs tours semblable. Natalia reconnu tout de suite la tour de la Comédie ! Sa tour !

    « Oh ! Merci ! »

    « Mais… La porte est fermée à clef, vois-tu. C’est moi qui a la clef et je veux bien te la donner… A une condition : Que tu retrouves le livre qu’un sinistre clown m’a dérobé. Loveless. Il est dans cette tour avec mon précieux livre, vois-tu ! » Dit-il, pointant de son aile une autre tour que Natalia reconnu tout de suite… La tour de la Tragédie.

    « Si vous savez où c’est… Pourquoi vous n’y allez pas ? »

    « Vois-tu… J’ai peur des clowns… »

    « Moi j’ai pas peur des clowns ! J’irais ! »

    « Merci ! Je suis perdu sans ce livre, vois-tu ! »

    Natalia alla donc jusqu’à la tour de la tragédie pour aider son ami corbeau et, accessoirement, récupérer la clef. C’est d’un pas dansant, en chantonnant une petite comptine absurde qu’elle allait jusqu’à la tour de la tragédie, au point où ca en devenait bizarre d’allez jusqu’à la tragédie le sourire aux lèvres. Natalia était seule à cet instant… Lonely Natalia ! Mais vous savez quoi ? Elle est… libre ! Si bien que, comme une enfant, elle se mit à avancer en sautillant sur une patte, prenant à gardes à ne bondir que sur les pavés… Ne surtout pas toucher les traits ! C’est presque en riant qu’elle penchait, perdant son équilibre. Elle fait de son mieux mais elle son penche !

    « Na-natalia !
    C'est bien ça,
    Un peu de déraison !
    Na-natalia !
    Dévissée...
    Et tous à l'unisson ! »


    Puis d’un coup, elle s’arrêta et regarda devant elle, les yeux pleins de mélancolie. Alors qu’elle devrait voir juste devant elle une porte… Tous ce qu’elle voyait était un jeune homme séduisant et athlétique, un peu plus vieux qu’elle. Le jeune homme avait un regard plein de… mélancolie, comme regrettant un passé lointain et envolé. Des courts cheveux noirs charbons et des yeux rouges sangs. C’était l’homme qu’elle avait croisé un peu plus tôt, au cimetière. Soudain, elle se mit à avoir froid… Natalia ne s’en était même pas rendu compte mais depuis qu’elle était arrivée dans cette ville, le froid avait disparu. Et là, le froid était revenu en même temps que lui.

    « Tu sais lire ? »

    Natalia criait qu’elle savait lire ! Qu’elle était plus lettrée que les plus grands écrivains ! Que Victor Hugo, à coté d’elle niveau lettrage ( ?), c’était un élève de CP et encore ! Mais si sa bouche s’ouvrait, rien n’en sortait. Aucun bruit, aucun son, pas le moindre petit décibel. Pour cacher la soudaine perte de sa voix, elle mit les mains devant sa bouche, l’air apeurée… Elle était devenue muette ! Quelle horreur… Quelle horreur !

    « Tu n’es pas muette, je te rassure. » dit-il sur un ton amusé, mais toujours aussi triste. « C’est juste que… tu ne peux pas mentir ici, alors ne t’inquiètes pas, tout va bien. »

    Non… Tout ne va pas bien. Natalia… se rendit compte de l’atrocité de la situation lorsqu’elle se mit à pleurer. En Comédienne qui se respecte, Natalia peut pleurer sur commande, sourire sur commande. Elle peut feindre toutes les émotions mais aussi les cacher. Peu importe à quel point elle est triste… La blonde a toujours su cacher ses larmes. Et là ses yeux pleuraient comme jamais, sans qu’elle ne puisse rien y faire. C’est à ce moment qu’elle se rendit compte à quel point elle était ridicule… Non… Pitoyable, minable, pathétique. Natalia faisait pitié à Natalia. Parce que c’est à ce moment que Natalia s’est rendue compte… Qu’elle aurait préférée être devenue muette.

    « Écoutes Natalia, je sais que tu ne sais ni lire, ni écrire… Mais ce n’est pas grave ! »

    Il lui parlait avec la plus grande tendresse et bien que souriant pour la rassurer, son regard n’en restait pas moins toujours rempli de cette même mélancolie… Toujours en pleure, la Comédienne, qui ne l’était plus tant, vit son visage se déformer par la peur et la colère. Elle n’avait plus aucun contrôle…

    « Comment tu connais mon nom ?! Tu es qui au juste ? Tu étais au cimetière, tu n’as rien à faire là ! Qu’est-ce que tu fais là ?! »

    « Tu ne voulais pas savoir, ce qu’il y avait d’écrit sur la tombe de mon amie ? »

    « … »

    « C’est pour ça que je suis venue, pour te dire son nom. »

    « Dis toujours… »

    « Natalia. »

    Natalia. Natalia se ruât vers le jeune homme séduisant et se mit à le frapper. C’est à peine s’il sentait ses coups et quand bien même lui attrapait-il les poignets pour ne pas qu’elle le frappe… Elle donnait des coups de pieds ! Lui endurant simplement ses coups, essayait de la retenir mais à aucun moment ne la frappait ou n’était agressif. Même ses poignets, il les tenait avec délicatesse comme s’il avait peur de les casser… Ce qui énervait la blonde encore plus.

    « Enfoiré ! Connard ! C’est stupide je te connais pas ! Je ne suis ni ton amie, ni morte ! Lâches-moi ! »

    « Tu dois m’écou… »

    « NON DEGAGES ! JE VAIS SAUVER MON AMI CE QUE TU N’AS PAS FAIT ! IL A BESOIN DE MOI ! IL EST EN DANGER, C’EST ECRIT DANS SA LETTRE ! »

    « Quoi… ? Mais tu ne sais pas lire ! »

    Natalia le repoussa vivement et courut jusqu’à la porte de la tour de la tragédie, la refermant aussitôt rentré. Elle était glacée jusqu’aux os, ne rêvait que de chaleur, de torche, de flamme ! C’était éprouvant… mais elle devait continuer. Elle le sentait, le savait… Elle l’avait lu, écrit noir sur blanc… Il était en danger et elle devait le sauver, quoique ca lui coute. Mais avant… La blonde devait retrouver son talent, elle pouvait le faire, en était capable… Se concentrant, elle parvenu enfin à redevenir Comédienne. Avant de continuer sa route, les yeux clos, elle se murmurât à elle-même…

    « Je sais lire… Je sais lire… Je sais lire… Je sais lire ! »

    Lorsque Natalia rouvrit les yeux… Elle n’y croyait d’abords pas et préféra les refermer. Puis les rouvrit et sans aucun doute, l’escalier ne montait pas… mais descendait ! Après tout… C’est tout à fait possible ! Elle n’est jamais allée dans cette tour avant. C’était quand même vachement vicieux, comme c’est une tour on croit que sa monte… Sauf que non ! C’était térrible, la blonde adorait ce tour de passe-passe au combien grandiose. En vérité, un escalier permettait bien de monter mais une porte cadenassée en bloquait l’accès. Mais elle en était persuadée, le clown était bien au sous-sol, c’est forcé ! C’est pris d’une énergie nouvelle qu’elle partait à la recherche du clown mais avant… Elle jeta un coup d’œil à la lettre pour la lire.

    « Je suis en danger, sauves-moi. Je t’attends, Natalia. »

    Ouais ! Les escaliers en colimaçon étaient plongés dans l’obscurité, seulement éclairés par quelques torches timides. Après une longue décente elle arriva enfin à une porte, qu’elle ouvrit. Devant ses yeux ébahis apparue un sinistre clown tenant un couteau de boucher dans la main droite. Dans la main gauche, il tenait par la queue un de ces horribles singes que Natalia avait croisé sur le petit chemin de terre… Il s’agitait dans tous les sens, poussant des petits cris effroyables.

    « Je… »

    « Un instant. »

    Le clown, ensuite… jeta le singe dans les airs au-dessus de sa tête, attendit qu’il arrive à son niveau et ensuite le trancha en deux d’un coup d’une netteté et d’une précision effroyable. Les deux morceaux de la bête tombèrent au sol et littéralement… Se vidaient… Ce n’est qu’à ce moment que la Comédienne vit une cage, rempli à ras bords de petit singes… et que ce singe, n’était pas le premier à se faire ainsi froidement exécuter. Natalia se retenait de vomir… et c’était dur…

    « Aaaaaaah Natalia ! Tu es venu pour ? »

    « Je dois récupérer un livre, Loveless. »

    « C’est le corbeau qui te l’as demandé n’est-ce pas ?! Hahahahaha tu aurais du voir sa tête quand je lui ai volé son livre ! Trop drôle ! »

    « Je… Je préfèrerais partir vite… Sans vouloir vous vexer… »

    A cet instant, elle se fichait bien qu’il connaisse son nom et pas elle, la blonde tout ce qu’elle voulait, c’était partir au plus vite…

    « Petite nature va ! Hahahaha ! Ah tant que j’y pense, je suis d’une impolitesse effroyable… »

    Il a esquissé un sourire effrayant.

    « Je m’appelle Jaky. »

    « Jaky ?! Le deuxième Consul de la Comédie ?! Tu n’es pas censé être mort… ?»

    « Ohohohohoho mais je le suis ! Je suis ici pour t’aider, ces singes veulent t’empêcher de retrouver Loyld, alors je les tranche ! Moi je suis de tout cœur avec toi, Loyld t’attends et a besoin de ton aide, va le sauver ! »

    « Il me faut le livre Loveless pour ça !!! »

    « Il est sur la table là ! »

    Natalia fit un petit hochement de tête timide pour remercier Jaky… Effrayant mais serviable ! Sans attendre elle alla jusqu’à la table et ramassa le livre posé à gauche d’une tête de singe. En le regardant… elle se sentait presque coupable. Natalia se tourna alors vers Jaky, qui avait attrapé un autre singe. Un autre singe particulièrement agité que le clown peinant à contenir… Pour le calmer, le prédécesseur de Natalia fit faire plusieurs tours à l’animal qu’il tenait par la queue, puis, dans un geste final plein de théâtralité fracassât le singe contre le mur, en sifflotant nonchalamment. Quand elle y repensait… Sur ce petit chemin de terre, les singes à aucun moment ne l’ont frappé. Il la retenait simplement, voulait juste l’empêcher d’arriver jusqu’ici… Et a bien y réfléchir, les singes tentaient même de la tirer, de la ramener vers le cimetière.

    « Pourquoi les singes ne veulent pas que je sauves Loyld ? »

    « Les singes ne font qu’obéir. » dit-il en continuant de cogner le singe contre le mur avec hargne. Rien qu’à ses gestes, on devinait la haine qu’il leur portait.

    « Qui leur donne des ordres ? »

    « … »

    « Réponds-moi, s’il te plait ! Je veux savoir ! »

    « Non tu ne veux pas. Mais les singes veulent. »

    « Quoi… ? Les singes veulent que je sache quoi ? Qu’est-ce que tu veux dire par là ? »

    « Bon sang ! Tu dois sauver Loyld ! »

    « Oui ! »

    Les singes ont commencés à crier, à s’agiter en entendant Natalia parler ainsi. La cage où il était retenu se mit à bondir sur place et ils essayèrent d’en sortir… Sans succès heureusement, ce qui rassurait grandement Natalia. C’était comme une obsession pour les singes… ils voulaient absolument l’empêcher de continuer sa quête.

    « Bon, je peux continuer de charcuter du singe tranquille maintenant ? »

    « Oui désolée de vous avoir déranger... Merci pour le livre ! »

    Sans dire un mot de plus la Comédienne retournât là d’où elle venait, non sans entendre le clown trancher les singes… Ca ne la dégoutait plus et l’effrayait encore moins. Ca l’a mettait seulement mal à l’aise… Mais elle devait continuer. Finalement elle ressortit de la tour et vit le corbeau qui l’attendait nerveusement. Joyeuse, Natalia s’approcha de lui en agitant le fameux livre au-dessus de sa tête. Il arracha le livre des mains de la comédienne et serrât fort celui-ci contre son cœur. Le corbeau lui donna ensuite la clef et la remercia une bonne vingtaine de fois avant de s’envoler si loin et si haut que bientôt, elle ne le voyait plus. Presque… Natalia y était presque ! La tour de la Comédie était proche et en peu de temps, elle y était. Elle posa sa main sur la poigner de la porte d’entrée de la tour et… n’ouvrit pas la porte. Un grand malaise l’envahit, elle avait soudain peur, vraiment peur. Comme une phobie, elle était tétanisée. Ca lui semblait impossible d’ouvrir la porte… Tant pis ! Elle pensait à Loyld, à ce qu’il endurait, peut-être… Peu importe ce qu’il y a dans cette fichue tour… Rien n’est pire que son imagination ! Mais la porte ne s’ouvrait pas, peu importe à quel point elle forçait ! La clef… elle avait oublié d’utiliser la clef. Et d’un coup, il s’est mis à faire froid… Vraiment froid… Très froid. Et il était là, encore… Natalia, le nez humide d’un flocon de neige n’osait même pas le regarder. N’osait même pas bouger. En vérité… elle n’avait pas peur de ce qu’elle trouverait à l’intérieur de cette fichue tour. Elle avait peur d’y rester enfermé.

    « Tu as vu Natalia, il neige… »

    « J’ai vu… »

    « Ca ne te rappelle rien ? »

    « Non. »

    « Tu sais lire ? »

    « Oui. »

    « Le plus triste, c’est que tu ne peux toujours pas mentir… Tu ne dois pas rentrer là-dedans Natalia... »

    « Rentres et sauves Loyld ! »

    « Je ne sais plus quoi faire, expliquez moi ce qu’il se passe, pitié…



    Dites-moi ! C’est n’importe quoi je ne comprends plus rien ! »


    Natalia se retourna et le jeune homme séduisant n’était plus là, Jaky non plus. La neige ne cessait pas et il faisait de plus en plus froid… Un beau manteau blanc avait recouvert la ville. Plus personne n’était là pour lui dire quoi faire, elle était bel et bien perdue… Sans même avoir la force de partir sauver son ami, elle restait prostrée sur elle-même dans cette neige glaciale. Rester là et se laissez emporter par le sommeil, dormir jusqu’à… la fin. Lentement elle fermait les yeux… Puis il y eut des cris aigus, elle rouvrît les yeux en sursautant, effrayé par ce bruit qui sonnait à ses yeux comme une alerte, une alarme stridente la prévenant d’un danger immédiat. Elle avait beau balayé du regard tout autour d’elle, aucun singe à l’horizon… Mais ces cris, ces cris ne mentaient pas ! Le vent ici est tout d’un coup devenu impitoyable, un vrai blizzard qui l’empêchait de voir quoique ce soit.

    « Pitié… » Répétait-elle sans cesse et sans relâche en se bouchant les oreilles, son visage gelé par ses propres larmes, à genou dans une épaisse couche de neige.

    Elle se releva et ne pouvant guère faire plus… Commença sans conviction à errer dans la neige, Natalia avait si froid… Que ce dernier lui était devenu égale. Les cris des singes étaient devenus muets, elle ne voyait plus ni maison, ni rue, ni tour. Avec horreur, elle ne s’imaginait que trop bien errer à tout jamais dans cette étendue glaciale. Toute cette neige lui rappelait quelque chose… un souvenir flou, caché par le blizzard. D’ordinaire, c’est une horrible torture de ne pas réussir à se rappeler des faits. De juste savoir que ca à eut lieu, sans savoir de quoi il en retourne vraiment… Là, c’était l’exact inverse…

    Contrairement à celui qui désespère de voir les détails de son souvenir s’échapper… Natalia était dans l’horreur de voir son souvenir l’a rattrapé. Et elle voyait, au loin, une ombre… Elle refusait de s’en approcher mais le vent se calmait… Et bientôt elle pouvait voir la silhouette d’un homme grand asséner tout un tas de coup de pied à une silhouette d’enfant. Natalia regarda tristement la scène et ne pouvant l’endurer, fit demi-tour… Avant d’aller à droite, puis à gauche… Nord, est, ouest, sud… Peu importe la direction, elle ne pouvait échapper à son souvenir, elle voyait partout ces deux silhouettes… Et préférait rester planter là, les yeux fermés. Et lorsque le son du passage à tabac parvint jusqu’à ses oreilles… La Comédienne fit l’autruche. Se boucher les oreilles ? Le son était beaucoup trop fort. Si fort qu’il en devenait assourdissant et elle n’avait d’autre choix que de plonger sa tête dans la neige.

    « Je veux partir… Pitié… J’en peux plus… J’en peux plus… Pourquoi je ne meurs pas plus vite… »

    Même sous la neige… Elle entendait clairement ce chinois battre Loyld, entendait le bruit si affreux des os qui se craquent… Même… Même son imagination, même ses pires cauchemars n’ont pas été jusque là ! S’en était trop ! Natalia sortit la tête de la neige et en pleure, courut vers Loyld ! Même s’il était déjà mort… Même si elle ne pouvait rien y changer… Elle ne voulait pas revivre ça ! Elle se précipita, sprintât comme jamais elle ne l’a fait ! La neige rendait ses pas lourds, des pieds jusqu’aux genoux ses jambes la brûlait. Elle finit par trébucher sous le coup de la fatigue…

    « ARRÊTES ! »

    La Comédienne essayât bien de se relever… Mais elle n’y arrivait pas, continuant sa route à quatre pattes. Lamentablement, comme une chienne errante battue, mal nourrie et assoiffée. Malgré tout elle continuait d’avancer, non pas par détermination, non pas par courage… Mais grâce à la plus horrible des motivations qui soit… La force du désespoir. Finalement elle y arriva… Vide.

    « Arrêtes… Je ferais tous ce que tu veux… » Dit-elle, véritablement prête à tout faire.



    C’était… Ca n’avait rien à voir avec ce qu’elle s’était imaginé. Il n’y avait aucun chinois et Loyld n’était pas ici non plus. Natalia ne savait pas comment réagir face cette farce plus qu’atroce, plus que cruel. Ce qu’elle croyait être son ami décédé en train de se faire battre à mort… se révéla être Jaky. Ce dernier bel et bien battu à mort mais pas par un chinois… Mais par les singes, en équilibre les uns sur les autres adoptant une forme légèrement humaine. Est-ce qu’elle devait rire ou pleurer ? Se mettre en colère ou bien être soulager ? Pas le temps de réfléchir que les singes faisaient déjà signe à la Comédienne de les suivre. Ce qu’elle fit… silencieusement. Les petits singes s’en allèrent finalement une fois la blonde revenue là où toute cette histoire a vraiment commencer… Au cimetière, devant la fameuse tombe. Elle ne sait toujours pas lire… mais n’en a pas besoin pour comprendre quel est le nom marqué sur la pierre tombale et ce n’est pas le siens. C’est le nom du séduisant jeune homme aux cheveux couleurs charbons et aux yeux rouges sang.

    « Loyld… »

    Natalia n’a cessé de lui courir après dans l’espoir de le rattraper… De l’attraper. Elle a couru après un fantôme alors qu’il était là, juste sous son nez… Pourquoi n’est-elle pas restée dans ce fichue cimetière ? Elle voulait tellement le trouver… que maintenant elle est là, seule devant sa tombe …

    Parfois, le bonheur n’est ni loin devant, ni loin derrière, mais juste sous notre nez et là… il faut le saisir avant qu’il s’échappe ! Le bonheur ne se conjugue ni au futur, ni au passé, mais au présent ! Le bonheur est un train de campagne, qui va lentement sur ses rails… Si lentement qu’on n’a même pas besoin de courir pour monter dedans et pourtant, nous regardons les montagnes…
    C’était cruel… Mais Natalia avait enfin compris qu’on ne doit pas laisser s’échapper quelque chose d’aussi précieux que le bonheur… Être heureux n’a pas de prix et n’en aura jamais, parce que c’est gratuit.

    « La Comédie ce n’est pas le rire… C’est la joie et le bonheur. La Comédie n’est pas comme les autres arts ! La Comédie n’est pas lourde de sens, n’est pas pleine de symbolique, n’est pas complexe… La Comédie est tout ce qu’il y a de plus simple… La Comédie c’est comme le bonheur… Un bon moment qui ne dure pas mais se répète sans cesse…

    La Comédie est une luciole qui brille dans la nuit… On voudrait l’attraper mais on ne peut que la regarder… Je suis Comédienne et je veux mon masque, j’apprendrais aux gens à saisir le bonheur ! Je leur ferais comprendre à quel point il est simple ! »

    « Hey… »

    Natalia s’est retournée, apeurée et paniquée d’entendre sa voix. L’épreuve n’était pas finie ?! Elle n’avait réussi ? Où était le problème, elle avait tout fait, tout fait… Puis elle vit son sourire, ses yeux pleins de joie. Il tenait dans la main un masque joyeux et rieur, qui dégageait quelque chose d’incroyable. C’était un artefact divin dont il était quasiment impossible de détourner les yeux… Mais… Qu’est-ce qu’elle se fichait de ce truc aussi divin soit-il ! Au fond d’elle-même et de tout son cœur elle remerciait Thalie, sa muse. Non pas pour l’artefact qu’elle considérait, à raison, comme amplement mérité… Elle la remerciait pour ce cadeau. Peut-être était-ce vraiment lui, venu après un arrangement avec Hadès, peut-être était-ce juste une illusion. Mais en cet instant, Natalia se saisit du bonheur et prouve qu’elle a retenu la leçon. Sans attendre elle serrât fort Loyld dans ses bras. Thalie donnait l’occasion à Natalia d’effacer son seul regret…

    « C’est pas ta faute et je ne mens pas moi ! »

    « Adieu, Loyld, tu vas me manquer… Beaucoup... »

    Natalia s’endormit dans ses bras… et se réveillât au sommet de sa tour. Bobo était assis sur sa poitrine, l’air incroyablement inquiet et concentré. C’était une sensation assez bizarre de quitter Loyld pour retrouver Bobo. Bobo était là parce que Loyld n’était plus là et ca l’a toujours mis mal à l’aise… De penser que les deux ne pourraient pas être là en même temps. Les larmes aux yeux mais le sourire au cœur La Comédie se rendit compte… Que le bonheur se conjugue de toute façon au présent.

    C’était la fable de Natalia : La Comédienne, les singes, le corbeau, le clown psychopathe et le fantôme. La morale de cette fable étant… qu’on ne doit pas s’interdire le bonheur, même les gens tristes y ont le droit !

    Et comme le veut LA Comédie, tout est bien qui fini bien… même si ce n’est pas fini et les peines se conjuguent si bien avec la joie de vivre ! Chantons juste le rire, car la vie n’est pas qu’horrible. Est-ce que je me contredis si je dis que malgré tout ça, il faut qu’on vive ?