Absorbée par la voix de Genesis, Mila ne bougeait pas, écoutant le tragédien lui faire part de ses propres épreuves. Il y avait dans sa façon de raconter une certaine théâtralité et la jeune femme se sentait comme transportée sur la scène de sa vie... Elle était touchée par sa passion et fascinée par cette colère prisonnière de son coeur... Mais malgré elle, Mila était amère. Quand il lui parlait de Mizore, elle sentait comme un frisson désagréable lui parcourir l'échine, il parlait d'elle comme l'on parlerait d'une révélation... Et cela la rendait folle. La jeune femme resta silencieuse tout le long de son récit, ses mots faisant écho à ses souvenirs... « Il m’arrive parfois de regretter… de me dire que sans le Consulat et toutes ces attaches, j’aurais pu faire plus. » Elle hocha la tête négativement, levant les yeux vers lui. « Tu as fait de ce monde un havre pour ceux qui sont différents. » Elle approcha sa main libre de son visage qu'elle tourna vers elle, caressant doucement sa joue. « Tu as redonné de l'espoir aux gens comme moi. » Un beau sourire égaya son visage triste. « La voix du Consulat qui apporte tant à ces mondes... C'est la tienne, Genesis. » Mila se replia contre le torse du consul, une main sur son coeur, l'autre toujours dans la sienne, avant de fermer les yeux. Lovée tout contre lui, elle se sentait comme apaisée. Elle ne cherchait plus à comprendre, elle ne voulait pas comprendre. Elle n'avait qu'une envie : oublier. Oublier le monde qui les attendaient dehors, les autres, leurs passés... Ici, ils n'étaient que Genesis et Mila, ni consuls, ni êtres humains à part entière... Cette pièce abriterait toujours leur brève passion et celle-ci n'étaient qu'à eux. Ce moment qu'elle avait partagé avec lui... Il n'était qu'à elle. Mila se consolait en songeant que c'était bien la seule chose que Mizore n'aurait pas... Elle caressait doucement le torse de son tyran, laissant la brume qui obscurcissait sa raison s'épaissir d'autant plus, rêvant d'un monde où il aurait voulu d'elle... Ils étaient comme dans une bulle, immobiles, en suspens dans le cours de leurs vies... Il n'était pas parti qu'elle se sentait déjà abandonnée. Depuis le début, il jouait un jeu dangereux dont il était le seul maître et elle... Elle n'était qu'une pièce qu'on écarte au moment opportun. Ça la tuait de ne pas avoir été capable de le repousser, de ne pas avoir retourné la situation en sa faveur... Elle avait épousé ses faiblesses, célébré ses blessures, sacrifiant sur l'autel d'une passion éphémère tous les secrets qu'elle avait pris soin de garder pour elle seule. A cet instant et plus que jamais, Mila sentait la fièvre de la passion la posséder. Si Genesis s'engageait à chasser les fantômes de son passé, il allait pourtant la hanter, lui coller à la peau à travers cette fleur de lys qu'il avait fait sienne... Comme elle aurait voulu déchirer sa peau, effacer le sceau d'une passion trop violente qui la dépassait... La passionnée... Quelle mauvaise blague... Héraut de l'amour et de la passion, elle s'était condamnée elle-même à une vie de souffrance, touchant du doigt l'espoir sans jamais pouvoir l'atteindre. Il n'y avait qu'une seule réponse à sa solitude mais elle ne pouvait se résoudre à cesser d'exister, persuadée qu'elle serait oubliée... Mila n'avait d'autre choix que de vivre pour qu'on se souvienne d'elle, pour se graver dans la chair et la mémoire de ceux qu'elle croisait. Elle se jetterait à corps perdu dans les bras de ceux qui voudraient d'elle, pour oublier et ne pas être oubliée... Déchirée, elle souriait pourtant, réchauffant son pauvre coeur brisé contre la peau brûlante de Genesis. Bientôt ils devraient quitter leur douce prison, et l'étau de son coeur l'étreignait à cette idée, car Mila savait au fond d'elle-même que lorsque Genesis retournerait dormir dans les bras de Mizore, il la laisserait seule et inconsolable... « Si tu savais, Genesis... Si tu savais comme j'aurais voulu ne t'avoir jamais rencontré... » murmura-t-elle doucement, d'une voix qui semblait lui dire des mots d'amour... |