Impossible de fermer les yeux.

Dans l'ombre de ses paupières closes, les ténèbres sont plus denses que les abysses les plus profondes. Au point d'en perdre pied, littéralement, avec ce sentiment d'être plongé dans un océan noir dont on n'ose pas espérer pouvoir ressortir. L'obsession le hante. Qu'il ferme les yeux, un instant suffit pour que des yeux jaunes brillent dans l'obscurité pareil à de sinistres étoiles dans la nuit noire. Des regards froids sans émotions qui l'observent, le fixent, le scrutent, l'épient pour paraitres semblables à des prédateurs tapis dans les fourrés. Un instant de plus pour que les ténèbres insondables se mettent à bouger, de manière bien palpable. Ca grouille, ça se bouscule, ça se retient en s'agitant de spasmes et l'océan de corps ombreux s'agite en houles menaçantes. Sans un bruit. Des yeux jaunes où qu'il regarde dans l'ombre de ses paupières closes... qui diffèrent, en formes et en taille... lorsqu'insolent ose relever la tête, au-dessus, se dessinent deux iris inégalées en taille et en intensité.

A trop regarder l'abysse... l'abysse te regarde aussi... et s'il chasse cette sombre pensée de son esprit, dès qu'il ferme les yeux, Nazik doit en affronter des légions entières qui l'observe s'enfoncer plus profond dans l'ombre de ses paupières closes.

" Non ! " S'écrit Nazik lorsqu'il se relève d'un sursaut assis sur son lit, le corps moite imbibé de sueurs froides et le coeur qui bat follement.

Jusqu'au jaune incandescent de son regard ne peut camoufler son expression horrifié... et loin de le rendre intimidant... les fumées violettes qui l'auréolent donnent plutôt l'impression de spectre en train de le hanté. Certaines sont si denses qu'elles prennent d'étranges formes liquides et noirs comme de l'encre. L'obscurantiste, lui, reste là choqué avec le visage d'une personne en pleine crise cardiaque. Il hyperventile et panique. Est-ce qu'il dormait ? Que ce cauchemar soit éveillé ou non, il ne fut d'aucun repos.

Rendu maladroit par empressement, toujours assis puisque se levé lui parait impossible ici, de sentir ses pieds nus sur un sol concret l'aide à retrouver un peu de calme. Progressivement, sa respiration s'apaise et son coeur avec mais ce froid glaçant ne le quitte pas. Un t-shirt et un jogging noir pour seul pyjama, son air horrifié ne le quitte pas. Pourtant, puisqu'il retrouve ses esprits, ça ne peut lui échapper et ça le fait même déglutir.
Un sans-cœur... qui le fixe encore... comme pour lui témoigner, ironiquement, qu'ouvrir les yeux ne suffit plus à se voiler la face.

Le lustre couine péniblement sous le poids d'une caricature de singe suspendu par une seule patte dextre, le reste du corps inerte dans ce balancier au bruit lancinant.

D'un élan peureux, Nazik se lève et arme un coup d'épée en direction du singe pour que sa keyblade se matérialise à mi-chemin. Bien que l'attaque porte avec élan, le coup est fébrile et ne suffit même pas à ce que le primate tombe de son perchoir ! Par un mouvement de balancier, le lustre atteint son point le plus haut et ce n'est que là, d'un coup de patte sauté, que le singe lâche son perchoir pour mieux le projeter. Sa clef de ronces noires en opposition, le jeune homme réceptionne le lustre qui se fracasse sur son arme en l'assaillant d'éclat. Des coupures jusqu'à des écorchures en tout point, une véritée l'assaille en un flash.
S'il eut frapper le lustre au lieu de l'attendre bêtement, aucun éclat ne l'aurait atteint et peut-être même que le primate aurait du les encaisser à la place.

Poussé par cette véritée en son coeur, l'étreinte sur son arme se raffermit en même temps que ses appuis. A l'aide de vifs rotations de têtes félines, Nazik traque le petit monstre simiesque, bien trop difficile à suivre puisqu'il bondit partout dans sa chambre. Une lampe jetée sur ses côtés le plie en deux et le force à y mettre sa main dans un gémissement de douleur. Puis c'est une chaise dans son dos qui le force à avancer jusqu'à être stoppé par un mur. L'obscurantiste se retourne vivement, dos plaqué au mur, peut-être content que le singe ne puisse plus lui tourner autour.

Et le primate se saisit de tout objet à portée de ses quatre pattes pour le lancer avec autant de fureur que ses yeux sont froids. A deux mains sur sa clef, le jeune homme fracasse les projectiles, plus qu'avec des parades, avec des frappes, tout aussi furieuses que les lancées. Soudain, le sans-cœur tente de jeter le lit... sans succès et ainsi, la rafale s'interrompt. Avec la gestuelle d'un voyou psychotique armé d'une batte ou d'un pied-de-biche, et si peu de finesse, Nazik court arme en l'air droit devant lui ! Puis il abat son arme de haut en bas, la relève... et recommence... une dizaine de fois, puis des dizaines d'autres en hurlant... et continue bien après que la créature se soit dissipé.
Lorsqu'un garde noir ouvre la porte avec la ferme intention de charger, il s'interrompt et reste, bien qu'arme la main, figé devant ce spectacle dément.

Nazik Malfice est en train de frapper furieusement le sol à ses pieds en hurlant ! La lustre est à terre, fracassée à l'image de sa chambre toute entière...

" Mais ca va pas la tête ?! " Crie le garde noire !

L'obscurantiste se fige, fatigué, sa clef finalement encastré dans le plancher et de suite, s'acharne à l'arracher sans réel succès.

" Pourquoi ça n'irait pas ?! " Dit-il, furieux mais bien embarrassé lorsque son arme disparait d'elle-même et lui fait perdre l'équilibre au point qu'il en tombe assis. " Un sans-cœur m'a attaqué, si tu veux tout savoir... "

Doucement aggressif pour dissimuler sa crainte à l'heure de détourner le regard... et il soupire d'avance en se masquant les yeux... la Garde Noire, n'est-ce pas, que le Chien Noir a probablement dressé à son image.

" C'est pas toi qui les invoque, d'habitude... ? " En disant cela, le sinistre garde se permet un pas à l'intérieur.

" Pas celui-là. " Proteste Nazik, relativement sobre lorsque le son d'un seul pas suffit à le mettre sur le qui-vive. " Et pourquoi je l'invoquerais pour me battre avec, au juste ? "

L'idée, mine de rien, éclaire le visage de l'obscurantiste, ne viendrait-il pas de trouver une méthode d'entrainement risqué... mais particulièrement éfficace ? Puis, soudain, sa face se crispe à l'idée d'en avoir trop dit... puisque oui, le garde va en parler, c'est... couru d'avance.

" La dernière, tu n'avais pas invoquer un géant qui... " Commence-t-il à dire au son d'un deuxième pas, plus menaçant et lourd que le précédent.

" Ca va, c'est bon... " Souffle Nazik entre ses dents après s'être relevé, interrompant la phrase du garde comme son avancée. " ...qu'est-ce qu'on fait, maintenant ? "

La question a le ton d'une menace et, à peine remis de ses émotions, l'obscurantiste n'est pas d'humeur à se faire théâtrale. Sa posture est, sinon prétentieuse, particulièrement conflictuelle. Pour un peu, pour la forme, c'est lui qui se permet... non pas un... non pas deux... mais trois pas.

" A moins que tu ne veuilles venir m'aider à ranger... " Le disant, l'ombre de la pièce à peine éclairé par la lune converge en tourbillonnant vers Nazik... s'y amasse et semble y prendre forme, ses yeux se mettent à briller. Bien que désarmé, pour qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez, l'obscurité n'est nul part aussi dense que dans le creux de ses mains crochus comme des serres. " ...tu peux y allez. "

Le torse qui se bombe face à la menace et le visage relevé un peu hautain, d'un regard, le garde noir balaye Nazik de la tête aux pieds.

" On verra ça plus tard... à voir ce que les autres et Jack en disent... " Dit-il, particulièrement menaçant pour, soudain, hausser le ton en râlant, beaucoup moins intimidant. " ...mais du coup, c'est fini ce boucan ou pas ?! "

A l'instant seulement, bien qu'armé, Nazik se rend enfin compte que le garde noir est en pyjama aussi. Agréablement surpris, soulagé surtout, le jeune homme se frotte l'arrière du crâne en souriant avec gêne.

" Désolé, plus un bruit ! "

Le garde s'en va donc, non sans marmonner dans sa barbe, se plaignant qu'on ne puisse plus dormir tranquillement alors même qu'on se casse les reins toute la journée au travail. Lorsque la porte se claque dérrière lui, Nazik pousse un long soupire de soulagement, les yeux fermés... pour les rouvrir, de nouveau seul avec ses angoisses.