Rude tapote sur le volant tandis que les essuie-glace balaient le pare-brise toutes les cinq secondes. De l’autre côté de ma fenêtre sur lesquelles la buée s’installe , je peux observer Reno au téléphone. Nous avons arrêté la voiture au milieu d’un quartier résidentiel, la nuit est tombée, les gens sont rentrés chez eux, et avec ce temps, personne n’aurait l’idée de sortir. Tout est donc très calme.
Je ne suis pas idiote au point d’ignorer que ce petit manège est destiné à ce que je n’entende pas cette conversation. Et effectivement, je ne perçois rien si ce n’est quelques bruits de voix du Turk et ses gestes. Au bout de quelques minutes, il revient et Rude l’interroge d’un regard, ou quoi que ce soit d’autre qui se cacherait derrière ses lunettes de soleil.
-Démarre. On peut rentrer.
Rude hoche la tête et n’insiste pas. Bien que je ne les connaisse pas encore très bien, je perçois une certaine réserve dans la voix du turk aux cheveux rouges. Habituellement, il est très énergique et enjoué, ici il semble plus calme. Nous restons silencieux le reste du voyage. Je n’ose pas poser de questions, n’étant pas en position d’exiger qui que ce soit. Et puisqu’on semble vouloir me mettre à part…
Arrivés à l’hôtel, nous remontons dans la suite. Je passe la porte en premier, je suis suivie par Rude puis par Reno qui la ferme. Dès que c’est fait, il met un terme à ce suspens.
-Bon. Mettez-vous à l’aise, j’ai un truc à vous annoncer.
J’enlève mon hoodie et l’accroche aux crochets d’un porte-manteau tout en regardant Reno d’un air interrogateur. J’attends qu’il nous explique mais il n’en fait rien.
-Vous n’avez qu’à vous asseoir au salon. J’arrive tout de suite.
-Euh…ok.
Je ne sais pas pourquoi il se conduit ainsi, que peut-il y avoir de si grave à annoncer ? Rude va s’asseoir sur une des méridiennes du grand canapé en U qui habille le salon de la suite. Il défait sa cravate et la dépose sur l’accoudoir juste à côté de lui. Je l’imite et m’assieds de l’autre côté, ôtant mes chaussures et repliant mes genoux contre moi.
-Vous voulez quelque chose à boire ? C’est le Président qui régale.
-Whisky. Pas de glaçon.
-Toi, Nina ?
Quitte à passer du temps avec les hommes du Président, autant me plier à leurs rites et ne pas me montrer distante.
-Je prendrai comme toi.
Il hausse les sourcils tandis qu’il débouche la bouteille de Whisky et qu’il verse un fond de liquide ambré. Quelques secondes plus tard il amène les trois verres qu’il dépose sur la table basse.
-Merci.
Il s’assied ensuite entre nous. La taille de ce canapé est tellement démesurée qu’elle permet sans aucun problème de garder ses distances. Reno ne prend pas son verre tout de suite, il s’étale contre le dossier en croisant les jambes, posant sa cheville droite au niveau de son genoux gauche. Tout en trempant mes lèvres dans cet alcool assez fort qui me brûle la langue, j’observe l’intéressé de façon insistante. Il a le visage tourné vers le plafond et il ferme les yeux. Je crois qu’il réfléchit.
-Bon, explique.
Il ouvre les yeux et tourne la tête immédiatement dans ma direction. Son regard légèrement félin semble essayer de deviner ce que je vais répondre à ce qu’il s’apprête à me dire.
-T’es habituée à faire quel genre de missions, Nina ?
Question étrange, je suis surprise et je ne le cache pas. J’hésite quelques secondes.
-Genre, t’avais déjà espionné des gens avant aujourd’hui ?
-Oui, ça fait partie de mes attributions habituelles.
-Et t’infiltrer, tu l’as déjà fait ?
Je ne peux pas répondre que ça m’est plus ou moins arrivée à Agrabah, cela m’exposerait à quelques questions gênantes.
-Ok, je suppose que ça veut dire non. Bon…
Il hésite encore un peu, il se gratte l’arrière du crâne et soupire.
-Le Président veut que tu partes en infiltration chez Pavani. Il faut qu’on en sache plus sur lui et sur ce qu’il prépare. On peut pratiquement être certains qu’il ne va pas s’arrêter là, et merde, on peut pas se débarrasser du gars en un claquement de doigt, d’autant plus qu’on ne peut pas totalement marcher sur notre entente avec les autorités de ce monde.
-En infiltration ? Et comment je procède pour m’approcher suffisamment du gars pour avoir les informations qu’on veut.
-J’en sais rien, mais je vais être honnête avec toi, il va falloir faire vite. On peut pas attendre des mois. Et ‘faut que tu t’y mettes dès demain.
-Donc elle doit débarquer chez Pavani et dire « Salut, donnez moi un boulot auprès du grand patron. »
-C’est à peu près ça. Faudra aussi que tu fasses un truc pour ne pas être trop reconnaissable genre… change de style, change de couleur de cheveux, je sais pas. C’est sûr qu’ils te connaissent pas aussi bien que nous et que t’es moins typée que les deux gars en costard du Président, mais… ouais, déconne pas avec ça, pas de risque inutile.
-Et concernant les méthodes, j’ai …une totale liberté ?
-Tant que tu prends pas de risques inconsidérés et que tu risques pas une guerre avec ce monde…
-Ok.
Il attrape son verre, le vide d’une traite et se lève en tapant sur ses deux cuisses en même temps.
-Bon, j’appelle le service d’étage, vous voulez quelque chose ? Ah, d’ailleurs, parait que le Président arrive demain.
Il s’approche du téléphone de la suite et inspecte un fascicule sous nos yeux. Puis il appelle.
-Oui, bonsoir, on voudrait la totale pour trois personnes.
-Mmmhmm. Ouais, c’est bien ça.
Je sens alors que Rude m’observe, je me tourne vers lui. Il a l’air encore plus sérieux et concentré que d’habitude.
-Un problème ?
-Faudra qu’on parle d’un truc avant que tu partes demain.
-Quel truc ?
-De ce qui se passe si jamais tu te fais prendre.
Je peux après deviner la teneur de cette conversation mais puisqu’il semble décidé à attendre demain, je n’insiste pas. Après sa commande, Reno nous rejoint à nouveau.
-Autant se faire plaisir hein. J’appellerai la femme de chambre demain matin pour qu’elle fasse le ménage avant que le patron se ramène et pète un câble. D’ailleurs, si tu veux, Nina, tu peux dormir dans le lit du Président. Nous, on va camper ici. Probablement que c’est la seule nuit où tu vas pouvoir dormir sur tes deux oreilles alors profites-en.
-Ca ne… le dérangera pas ?
-Euh… j’en sais rien et je m’en fous un peu à vrai dire, là tout de suite.
Je prends mon gummiphone, et prends quelques secondes pour envoyer un message avant de me concentrer à nouveau sur mes collègues de fortune.
-Bon, allez, un peu de musique ! Ça desserre les culs ou un truc du genre, il parait !
Je ne suis pas idiote au point d’ignorer que ce petit manège est destiné à ce que je n’entende pas cette conversation. Et effectivement, je ne perçois rien si ce n’est quelques bruits de voix du Turk et ses gestes. Au bout de quelques minutes, il revient et Rude l’interroge d’un regard, ou quoi que ce soit d’autre qui se cacherait derrière ses lunettes de soleil.
-Démarre. On peut rentrer.
Rude hoche la tête et n’insiste pas. Bien que je ne les connaisse pas encore très bien, je perçois une certaine réserve dans la voix du turk aux cheveux rouges. Habituellement, il est très énergique et enjoué, ici il semble plus calme. Nous restons silencieux le reste du voyage. Je n’ose pas poser de questions, n’étant pas en position d’exiger qui que ce soit. Et puisqu’on semble vouloir me mettre à part…
Arrivés à l’hôtel, nous remontons dans la suite. Je passe la porte en premier, je suis suivie par Rude puis par Reno qui la ferme. Dès que c’est fait, il met un terme à ce suspens.
-Bon. Mettez-vous à l’aise, j’ai un truc à vous annoncer.
J’enlève mon hoodie et l’accroche aux crochets d’un porte-manteau tout en regardant Reno d’un air interrogateur. J’attends qu’il nous explique mais il n’en fait rien.
-Vous n’avez qu’à vous asseoir au salon. J’arrive tout de suite.
-Euh…ok.
Je ne sais pas pourquoi il se conduit ainsi, que peut-il y avoir de si grave à annoncer ? Rude va s’asseoir sur une des méridiennes du grand canapé en U qui habille le salon de la suite. Il défait sa cravate et la dépose sur l’accoudoir juste à côté de lui. Je l’imite et m’assieds de l’autre côté, ôtant mes chaussures et repliant mes genoux contre moi.
-Vous voulez quelque chose à boire ? C’est le Président qui régale.
-Whisky. Pas de glaçon.
-Toi, Nina ?
Quitte à passer du temps avec les hommes du Président, autant me plier à leurs rites et ne pas me montrer distante.
-Je prendrai comme toi.
Il hausse les sourcils tandis qu’il débouche la bouteille de Whisky et qu’il verse un fond de liquide ambré. Quelques secondes plus tard il amène les trois verres qu’il dépose sur la table basse.
-Merci.
Il s’assied ensuite entre nous. La taille de ce canapé est tellement démesurée qu’elle permet sans aucun problème de garder ses distances. Reno ne prend pas son verre tout de suite, il s’étale contre le dossier en croisant les jambes, posant sa cheville droite au niveau de son genoux gauche. Tout en trempant mes lèvres dans cet alcool assez fort qui me brûle la langue, j’observe l’intéressé de façon insistante. Il a le visage tourné vers le plafond et il ferme les yeux. Je crois qu’il réfléchit.
-Bon, explique.
Il ouvre les yeux et tourne la tête immédiatement dans ma direction. Son regard légèrement félin semble essayer de deviner ce que je vais répondre à ce qu’il s’apprête à me dire.
-T’es habituée à faire quel genre de missions, Nina ?
Question étrange, je suis surprise et je ne le cache pas. J’hésite quelques secondes.
-Genre, t’avais déjà espionné des gens avant aujourd’hui ?
-Oui, ça fait partie de mes attributions habituelles.
-Et t’infiltrer, tu l’as déjà fait ?
Je ne peux pas répondre que ça m’est plus ou moins arrivée à Agrabah, cela m’exposerait à quelques questions gênantes.
-Ok, je suppose que ça veut dire non. Bon…
Il hésite encore un peu, il se gratte l’arrière du crâne et soupire.
-Le Président veut que tu partes en infiltration chez Pavani. Il faut qu’on en sache plus sur lui et sur ce qu’il prépare. On peut pratiquement être certains qu’il ne va pas s’arrêter là, et merde, on peut pas se débarrasser du gars en un claquement de doigt, d’autant plus qu’on ne peut pas totalement marcher sur notre entente avec les autorités de ce monde.
-En infiltration ? Et comment je procède pour m’approcher suffisamment du gars pour avoir les informations qu’on veut.
-J’en sais rien, mais je vais être honnête avec toi, il va falloir faire vite. On peut pas attendre des mois. Et ‘faut que tu t’y mettes dès demain.
-Donc elle doit débarquer chez Pavani et dire « Salut, donnez moi un boulot auprès du grand patron. »
-C’est à peu près ça. Faudra aussi que tu fasses un truc pour ne pas être trop reconnaissable genre… change de style, change de couleur de cheveux, je sais pas. C’est sûr qu’ils te connaissent pas aussi bien que nous et que t’es moins typée que les deux gars en costard du Président, mais… ouais, déconne pas avec ça, pas de risque inutile.
-Et concernant les méthodes, j’ai …une totale liberté ?
-Tant que tu prends pas de risques inconsidérés et que tu risques pas une guerre avec ce monde…
-Ok.
Il attrape son verre, le vide d’une traite et se lève en tapant sur ses deux cuisses en même temps.
-Bon, j’appelle le service d’étage, vous voulez quelque chose ? Ah, d’ailleurs, parait que le Président arrive demain.
Il s’approche du téléphone de la suite et inspecte un fascicule sous nos yeux. Puis il appelle.
-Oui, bonsoir, on voudrait la totale pour trois personnes.
-Mmmhmm. Ouais, c’est bien ça.
Je sens alors que Rude m’observe, je me tourne vers lui. Il a l’air encore plus sérieux et concentré que d’habitude.
-Un problème ?
-Faudra qu’on parle d’un truc avant que tu partes demain.
-Quel truc ?
-De ce qui se passe si jamais tu te fais prendre.
Je peux après deviner la teneur de cette conversation mais puisqu’il semble décidé à attendre demain, je n’insiste pas. Après sa commande, Reno nous rejoint à nouveau.
-Autant se faire plaisir hein. J’appellerai la femme de chambre demain matin pour qu’elle fasse le ménage avant que le patron se ramène et pète un câble. D’ailleurs, si tu veux, Nina, tu peux dormir dans le lit du Président. Nous, on va camper ici. Probablement que c’est la seule nuit où tu vas pouvoir dormir sur tes deux oreilles alors profites-en.
-Ca ne… le dérangera pas ?
-Euh… j’en sais rien et je m’en fous un peu à vrai dire, là tout de suite.
Je prends mon gummiphone, et prends quelques secondes pour envoyer un message avant de me concentrer à nouveau sur mes collègues de fortune.
-Bon, allez, un peu de musique ! Ça desserre les culs ou un truc du genre, il parait !