Devant les étendues de rocaille, désolées, Ioan patientait. Il attendait. Un silence.
Et enfin.

Ses pas se risquaient entre les respirations des tremblements qui animaient la terre grisâtre sous ses pieds. Il avançait avec prudence, cherchait du bout de l’oreille l’origine de ce ronflement de roche si particulier ; qui faisait faillir ses jambes, et dégringoler les cailloux. Il trottait, courait, marchait, tantôt, évitant de malmener plus avant les petites gens de caillasse et se faufilant entre quelques reliefs épars et abrupts.

Là-haut, les étoiles s’effaçaient. Le ciel s’éclaircissait, lentement — son profond, le sombre de ses parures, laissait place à un bleu pâle et sans nuages.

Les premiers rayons du soleil effleurèrent le paysage, d’abord, doux. Mais il n’était pas patient. Soleil voulait toujours plus ; et l’enfant l’agaçait, inlassablement. Il le lui avait prouvé déjà tant de fois. Et, comme toujours, s’apprêtait à lui frapper le crâne d’un coup sec, chaud. D’un coup dont il espérait qu’il stoppe l’enfant, le fasse taire, le fasse chuter.

Mais Ioan persistait. Il avait en lui cette stupide idée, cette fixation, cette envie de poursuivre et de trouver, par-delà les terres, par delà l’obscurité, par-delà les bois, cet éclat de lune qu’il n’avait fait qu’apercevoir. Quel garçon têtu. Soleil s’en agaçait. Il frappait, cognait, finalement, le sol.

Ioan n’eut pas le temps de se raccrocher à quelque pic rocheux, lorsque le sol se fissura devant lui. Son souffle se coupa de surprise. Le serpent de craquelures dessiné entre ses jambes, une seconde, se fit dès la suivante un fleuve qui l’emportait par les profondeurs. Ioan glissait et roulait, tentait de se rattraper à quelque renfort qui déviait et s’effondrait, se perdant et se refusant à le soutenir — jusqu’à ce que le soleil disparaisse dans les hauteurs des canyons que sa colère avaient creusés.

Le garçon inspirait et expirait, tentant de regagner un souffle qui n’avait que peu de sens, et de se remettre d'une douleur qu’il ne faisait que se songer.

Il se redressait péniblement. Il entendait encore les craquements. Le sol criait et se fissurait. Puis, il perçut comme un raclement sourd. Il tournait la tête.

Ioan s’éveillait.

— — —

Devant les étendues de rocaille, désolées, Ioan patientait. Il attendait. Un silence.
Et enfin.

Comme en un souvenir qui lui revenait alors qu’il s’exécutait, ses pas se risquaient entre les respirations des tremblements qui animaient la terre grisâtre sous ses pieds. Il avançait avec prudence, cherchait du bout de l’oreille l’origine de ce ronflement de roche si particulier. Là-haut, les étoiles s’effaçaient. Le ciel s’éclaircissait, lentement. Les premiers rayons du soleil effleurèrent le paysage, d’abord, doux. Mais, d’un coup, s’agaçait ; frappait, cognait, finalement, le sol. L’enfant chutait, jusqu’à ce que le soleil disparaisse dans les hauteurs des canyons que sa colère avaient creusés.

Le garçon inspirait et expirait, tentant de regagner un souffle qui n’avait que peu de sens, et et de se remettre d'une douleur qu’il ne faisait que se songer. Il se redressait péniblement. Il entendait encore les craquements. Le sol criait et se fissurait. Puis, il perçut comme un raclement sourd. Il n’avait pas le temps. Il courait. Derrière lui, la terre qui s’était ouverte se refermait — la roche, même en hauteur, se fissurait tout en révélant les pieds difformes de ceux qui faisaient ronfler la terre. Les géants. Endormis les uns contre les autres. Les géants, qui se serraient à l’approche d’une nuit froide. Les géants, que le soleil réveillait d’une lueur qui leur était accueillante.

Et Ioan était bien trop petit. Bien trop insignifiant. Un grain de sable dans un lit de pierre.

Il se stoppa net, quand il n’y eut plus devant lui d’un pic à vif. Et plus de chemin. La poussière retombait sur ses épaules — puis la caillasse, les cailloux, les… L’enfant releva la figure. Il n’y avait plus de ciel. Que l’obscurité. Il — 

Il s’écrasait.
Ioan s’éveillait.

— — —

Ioan était bien trop petit. Bien trop insignifiant. Un grain de sable dans un lit de pierre.

Il se stoppa net, quand il n’y eut plus devant lui d’un pic à vif. La poussière retombait sur ses épaules — puis la caillasse, les cailloux, les… L’enfant releva la figure. Il n’y avait plus de ciel. Que l’obscurité. Il se précipitait contre la roche, espérant échapper à l’écrasement. Ô il y échappait. Mais la petite faille où il se trouvait, qui s’était créée, était si fine, et les géants bougeaient tant. Il était tiraillé ; par les falaises s’en allant dans un sens, ou dans un autre. Il fermait les yeux. Se figurait son corps traîné et déformé et souffrant et douloureux. Il perdait son souffle.

Ioan s’éveillait.

Une fois. Deux. Trois. Quatre. Cinq. Six. Sept. Huit. Neuf. Dix. Plus.

— — —

Devant les étendues de rocaille, désolées, Ioan patientait. Il attendait. Un silence.

Il attendait. Il attendait car malgré tous ses essais, il n’avait pu passer. Il attendait : le soleil, et le balais des roches et des montagnes, des géants qui s’animent et se saluent. Le garçon les observait, à l’ombre d’un arbre sans feuilles ou à l’ombre de grands êtres dont les épaules cachaient le soleil.

Il ne devait qu’attendre. S’arrêter. Ne point se presser. Jusqu’à ce que Soleil se couche. Jusqu’à ce qu’ils se couchent, eux, aussi. Jusqu’à ce que la terre ne gronde plus mais ronfle.

Et alors, comme un grain de sable transporté par le vent, Ioan se laissait porter.