-Qu’est-ce que tu dirais d’un atterrissage d’urgence en pleine ville ? Avec un peu de chance, en plus de nous tuer, on emportera quelques autres gars avec nous.

Je regarde, impuissante, Temerys  manœuvrer le vaisseau qui a perdu la moitié de ses moteurs et qui dévie dangereusement sur le côté.

-Je compte sur toi pour nous faire atterrir et bien en vie.
-Quoi ? T’as d’autres projets que mourir là tout de suite ?
-Si on meurt maintenant après tout ça, je me charge de ton cas une fois qu’on sera sorties de ce jeu.

Elle doit prendre cela pour de la plaisanterie mais je suis tellement tendue en ce moment que je sens que je ne pourrais pas m’en empêcher si j’en avais la possibilité là tout de suite. Je me cramponne à mon siège de toutes mes forces.

-Hey, si on est encore en vie c’est grâce à moi !

Je ne réponds plus et la laisse se concentrer sur sa conduite, luttant chaque seconde pour garder le contrôle du vaisseau. Toutes les alarmes du vaisseau retentissent en même temps.

-Impact dans 5-4-3-2…

Je me recroqueville sur moi-même et dresse les bras devant mon visage tandis que je vois le sol s’approcher à vitesse effrayante. Le choc est violent, si violent que je perds conscience presque immédiatement. Je sens juste la douleur au niveau des clavicules, dans l’abdomen et le long de ma nuque.

-Nina, ça va ?

Je sens une pression se défaire au niveau de mes épaules, puis qu’on me porte.

-Bon sang, je crois bien qu’on vit toujours les mêmes erreurs et les mêmes scènes.

Je sens alors la lumière éclairer et chauffer la peau de mon visage puis mon dos toucher le sol humide.

-Tu pourrais réagir pour me dire que ça va ?

Je laisse échapper un gémissement, je ne me sens pas capable de faire plus.

-Bon, c’est déjà ça.

Je sens qu’elle s’affaire autour de moi.

-‘Faut pas qu’on reste ici, le cadavre du vaisseau ça va attirer des gens.
-Où..où est-ce qu’on est ?
-D’après la gueule du monde, les arbres et tout, je dirais bien le Domaine Enchanté mais c’est la première fois que je viens.

Je ne crois pas y être déjà venue non plus à la réflexion.

-Tu peux me dire pourquoi tu voulais aller au Colisée de l’Olympe déjà ?

J’ouvre les yeux et essaie de m’asseoir, péniblement. Je vois Temerys en train de rassembler le maximum d’affaires dans son sac.

-C’est un monde de héros. Je me suis dit qu’on pourrait y faire des kills…intéressants.
-Bon, bah c’est raté. On est tombées dans le monde des fées et des bigots.
-Tu sais que tu n’as pas besoin de rassembler beaucoup d’affaires ?
-Bah, tu sais pour la survie tout ça.
-Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, demain c’est le dernier jour.
-Sérieux ?

Je sors mon gummiphone de la poche arrière de mon pantalon non sans grogner de douleur.

-On est le 27.
-Eh bah. Merde. C’est passé vite.
-Si tu le dis.

Nous n’avons probablement pas vécu le même Battle Royal. Avoir passé presque un mois sans pouvoir atteindre ne serait-ce que d’un doigt un coeur et devoir jouer le jeu presque en permanence, ça n’a pas été une partie de plaisir. D’autant qu’il a fallu la supporter presque aussi longtemps. Je cherche de nouvelles informations quant à la suite des festivités sur Gumminow. Pour le moment il n’y a que des suppositions, des théories du complot, rien de la part de l’intéressé.

Temerys s’approche de et tend le bras pour m’aider à me relever. Je le fais, non sans difficulté.

-J’espère que tu vas te remettre plus vite que l’autre fois. Tu vas en avoir besoin demain.
-Ca va aller. Ne t’avise pas d’en profiter pour te débarrasser de moi.

Il faut que ça aille. Il est hors de question que je me fasse éliminer dès les premières minutes de la phase finale.

-Bon bah puisqu’on peut pas faire de kill avec toi dans cet état, trouvons nous un abri en attendant des nouvelles du grand gourou.

Nous nous mettons à marcher sur un chemin, tournant le dos à la ville. Dans d’autres conditions, nous aurions pu nous y rendre et essayer d’éliminer les dernières cibles sérieuses de ce monde. Mais pour l’heure un petit village perdu sera suffisant.

Nous marchons assez longtemps en vérité, nous écartant de la plus grande menace. Nous sommes surprises de ne croiser personne d’ailleurs. Au bout de deux heures de marche, nous nous arrêtons pour nous reposer à la clairière d’un bois. Pendant qu’elle boit un coup dans sa gourde, Temerys lève le doigt vers quelque chose sur le bord du chemin et s’exclame.

-Regarde ! Un panneau !

Elle s’en approche et déplace une branche qui cache un vieux panneau au bois vermoulu.

-Ha…vre..v..s
-Drôle de nom.
-Je pense qu’il manque des lettres.
-Apparemment plus grand monde n’a envie d’y aller.
-C’est sans doute un bled paumé, il y aura sûrement de quoi s’y reposer.
-Ça me semble bien. Allez, aide-moi à me relever.