Les cendres n'étaient plus. Effacées. Comme omises du décor. La neige avait retrouvé sa blancheur si nette. Ioan laissait son regard naviguer entre les arbres qui bordaient leur passage, à lui, comme à son amie horloge. Ainsi cela était. Curieux. Peut-être s'était-il trompé. Peut-être avait-il imaginé, tout rêveur qu'il était, le ciel déchiré, et l'oiseau qui l'avait embrasé.
Il posait ses yeux clairs comme la lune sur l'horloge qui se faisait silencieuse. "Allons-y ?" Il sourit.
Elle tic. Elle toc.
Alors ils poursuivirent, jusqu'au pied du Promontoire aux Etoiles. Une avancée de terre qui montait, haut et encore plus, au-dessus des nuages — par chemins, par rocaille et par neiges — jusqu'à l'estrade où l'enfant espérait pouvoir susurrer à l'oreille de mondes brillant dans le ciel, à la faveur de la lune. Qu'est-ce que cela pouvait faire, de chuchoter quelqu'interrogation à l'une de ces lumières ? Est-ce qu'elles répondraient ? Comment ? Ecouteraient-elle seulement ? Le devaient-elles ? Ou bien, ne serait-il, après tout, que la moitié d'un homme, la moitié d'une chose, à laquelle elles n'avaient pas à accorder plus que leur simple présence ?
Ioan courait, remontait les sentiers serpentant entre les colonnades de pierres qui dessinaient des époques lointaines que le garçon se figurait avoir été ; il plongeait dans une mer de poudreuse, flottait jusqu'à un chalet silencieux et abandonné que, pour l'heure, il ne pénétrait pas. Il se contentait de profiter de l'abri de son auvent alors que d'aventure, tombait la neige comme une feuille blanche face à lui. Face à eux. L'horloge attendait, aussi.
Elle tic. Elle toc. Elle rythmait les secondes et les minutes, à moins qu'elles n'aient été des heures. Elle s'inquiétait. Elle appréhendait. Et à chaque tic, à chaque toc, elle laissait planer un silence de plus en plus long, suggérant son hésitation grandissante.
Ioan se fendit d'une moue concernée. "Est-ce que ça va aller ?" risquait-il. Elle tic. Elle toc. "On peut faire une pause, si tu as besoin de réfléchir. Une vraie pause." Elle tic. "Tant que ça te va. Si tu en as besoin."
"Parfois... on a juste besoin de temps."
Elle le remerciait d'un balancement de pendule régulier. Ils patientaient — jusqu'à ce qu'enfin, elle se sente prête. Alors, l'enfant souriait. Il dessinait entre les rochers, le chemin qu'ils emprunteraient. Il se glissait dans des passages froids et se laissait accueillir par le renfoncement de petites grottes naturelles. Elle le suivait, son horloge, profitant de toutes les fois où il ne la regardait pas pour se précipiter près de lui. Ioan s'amusait de ce jeu de 1-2-3 Soleil quand celui-ci était, de toute évidence, fort loin.
Et enfin, le dénivelé se faisait moins important.
Il avait fait sombre, tout au long de leur ascension. Le garçon ne l'avait pas réalisé. Mais maintenant que ses yeux pouvaient admirer le ciel, les étoiles — les raies de lumières qui leur faisaient des traînes multicolores — il comprenait qu'il avait été, jusque là, dans l'obscurité. Elles se montraient, les étoiles, les unes aux autres, avec leurs robes toutes en lueurs ; certaines plus pourvues que d'autres. Elles ne les remarquaient pas. Pourtant, pour cette fois, juste cette fois, Ioan était à peu près sûr qu'il pouvait les caresser. Il s'imaginait leur chaleur, le réconfort que les avoir proche de soi pourrait être. Mais il n'osait pas. Il hésitait. Non. Il ne devait pas.
Il sourit, enfin, pour son amie qui ne le pouvait pas. "Mesdames," commençait-il, "je ne veux pas trop vous déranger, mais mon amie cherche l'une de vous."
Le ciel ondulait d'un sursaut.
"Quelqu'un, ici, parmi ces lueurs, la reconnaîtrait ? Je vous en prie."
Il s'inclinait ; son ton doux, respectueux, déférent.
Mais personne ne répondit. Les étoiles n'avaient aucun mot à lui dire, aucune réponse à lui apporter.
Ioan sentit son cœur se serrer. "Personne ?"
Son ultime interrogation se répercutait au vide, lui retournant en écho : Personne.
La déception fit tomber ses épaules.
Il tournait la tête vers sa camarade d'un songe, un sourire triste aux lèvres. "On trouvera." Son balancier se faisait lent et lourd. Aussi silencieux que le ciel l'avait été. "On trouvera," lui répétait-il.
Il ne savait comment s'y prendre pourtant.
Mais, du coin de l'œil, loin en-deçà des étoiles qui se paraient de leurs plus beaux atours, Ioan le vit alors. Une solution, peut-être. Une suggestion. Une invitation. Beau, attirant, envoûtant : plein de réponses, il le savait, il le pensait.
Un éclat couleur de lune, au milieu d'une mer de ronces.
Il posait ses yeux clairs comme la lune sur l'horloge qui se faisait silencieuse. "Allons-y ?" Il sourit.
Elle tic. Elle toc.
Alors ils poursuivirent, jusqu'au pied du Promontoire aux Etoiles. Une avancée de terre qui montait, haut et encore plus, au-dessus des nuages — par chemins, par rocaille et par neiges — jusqu'à l'estrade où l'enfant espérait pouvoir susurrer à l'oreille de mondes brillant dans le ciel, à la faveur de la lune. Qu'est-ce que cela pouvait faire, de chuchoter quelqu'interrogation à l'une de ces lumières ? Est-ce qu'elles répondraient ? Comment ? Ecouteraient-elle seulement ? Le devaient-elles ? Ou bien, ne serait-il, après tout, que la moitié d'un homme, la moitié d'une chose, à laquelle elles n'avaient pas à accorder plus que leur simple présence ?
Ioan courait, remontait les sentiers serpentant entre les colonnades de pierres qui dessinaient des époques lointaines que le garçon se figurait avoir été ; il plongeait dans une mer de poudreuse, flottait jusqu'à un chalet silencieux et abandonné que, pour l'heure, il ne pénétrait pas. Il se contentait de profiter de l'abri de son auvent alors que d'aventure, tombait la neige comme une feuille blanche face à lui. Face à eux. L'horloge attendait, aussi.
Elle tic. Elle toc. Elle rythmait les secondes et les minutes, à moins qu'elles n'aient été des heures. Elle s'inquiétait. Elle appréhendait. Et à chaque tic, à chaque toc, elle laissait planer un silence de plus en plus long, suggérant son hésitation grandissante.
Ioan se fendit d'une moue concernée. "Est-ce que ça va aller ?" risquait-il. Elle tic. Elle toc. "On peut faire une pause, si tu as besoin de réfléchir. Une vraie pause." Elle tic. "Tant que ça te va. Si tu en as besoin."
"Parfois... on a juste besoin de temps."
Elle le remerciait d'un balancement de pendule régulier. Ils patientaient — jusqu'à ce qu'enfin, elle se sente prête. Alors, l'enfant souriait. Il dessinait entre les rochers, le chemin qu'ils emprunteraient. Il se glissait dans des passages froids et se laissait accueillir par le renfoncement de petites grottes naturelles. Elle le suivait, son horloge, profitant de toutes les fois où il ne la regardait pas pour se précipiter près de lui. Ioan s'amusait de ce jeu de 1-2-3 Soleil quand celui-ci était, de toute évidence, fort loin.
Et enfin, le dénivelé se faisait moins important.
Il avait fait sombre, tout au long de leur ascension. Le garçon ne l'avait pas réalisé. Mais maintenant que ses yeux pouvaient admirer le ciel, les étoiles — les raies de lumières qui leur faisaient des traînes multicolores — il comprenait qu'il avait été, jusque là, dans l'obscurité. Elles se montraient, les étoiles, les unes aux autres, avec leurs robes toutes en lueurs ; certaines plus pourvues que d'autres. Elles ne les remarquaient pas. Pourtant, pour cette fois, juste cette fois, Ioan était à peu près sûr qu'il pouvait les caresser. Il s'imaginait leur chaleur, le réconfort que les avoir proche de soi pourrait être. Mais il n'osait pas. Il hésitait. Non. Il ne devait pas.
Il sourit, enfin, pour son amie qui ne le pouvait pas. "Mesdames," commençait-il, "je ne veux pas trop vous déranger, mais mon amie cherche l'une de vous."
Le ciel ondulait d'un sursaut.
"Quelqu'un, ici, parmi ces lueurs, la reconnaîtrait ? Je vous en prie."
Il s'inclinait ; son ton doux, respectueux, déférent.
Mais personne ne répondit. Les étoiles n'avaient aucun mot à lui dire, aucune réponse à lui apporter.
Ioan sentit son cœur se serrer. "Personne ?"
Son ultime interrogation se répercutait au vide, lui retournant en écho : Personne.
La déception fit tomber ses épaules.
Il tournait la tête vers sa camarade d'un songe, un sourire triste aux lèvres. "On trouvera." Son balancier se faisait lent et lourd. Aussi silencieux que le ciel l'avait été. "On trouvera," lui répétait-il.
Il ne savait comment s'y prendre pourtant.
Mais, du coin de l'œil, loin en-deçà des étoiles qui se paraient de leurs plus beaux atours, Ioan le vit alors. Une solution, peut-être. Une suggestion. Une invitation. Beau, attirant, envoûtant : plein de réponses, il le savait, il le pensait.
Un éclat couleur de lune, au milieu d'une mer de ronces.