« Allez ma chérie. Encore un dernier effort ! » On descend les escaliers, Hengameh et moi, en soutenant Fahimeh par les épaules et par la taille. Et franchement, j'adorerais dire que tout va bien, qu'elle pète la forme et qu'on est parties pour remporter le top 1 comme jamais. Mais malheureusement, ça va pas fort pour elle. Elle est palote, a peu de forces, et bon... Faut pas être une génie de la médecine appliquée pour le comprendre : s'il nous reste cinq ou six jours avant le rétrécissement de la zone, alors... je pense pas qu'elle ait le temps de se remettre pour pouvoir assurer le combat.

On couche Fahimeh à l'arrière du pick-up qu'on a volé il y a quelques jours, que j'ai rapproché ce matin de la maison de Fred. Quand c'est fait, Hengameh et moi on se retourne vers toute l'équipe, Wasabi, Honey Lemon, Go Go, Freddy, justement, et son majordome. Je leur fais un grand sourire, peut-être un peu moins enchanté que ce que je veux montrer.
« Merci à vous tous, encore une fois. C'était marrant de vous affronter, et on a passé une très bonne soirée. »

« Merci. » reprend Hengameh en faisant un signe de la main. Go Go est en train de mâcher son chewing-gum le plus nonchalant de l'histoire. « Prenez soin de vous ! » Je regarde Honey Lemon, qui a l'air aussi peu convaincue que moi. Hier j'étais en joie mais... Fahimeh a l'air plus mal en point maintenant que ce qu'elle nous a montré toute la soirée d'hier. Je... vais être honnête. Ça ne va pas me rendre folle de tristesse, je ne ressens pas le besoin de pleurer ou quoi. C'est un jeu. Alors oui ! Peut-être un poil martyrisant pour une gamine de douze ans qui se prend deux balles dans les côtes ! Mais c'est un jeu, et dans une semaine, ce sera fini, elle se sentira très bien ! Par contre, bien sûr que j'ai de la peine pour elle, de la voir être comme ça, aussi pâle que la dernière des Princesses du Palais des Rêves, et aussi... endormie, en fait. Elle qui est toujours éclatante de vie ! La vision est assez angoissante. Mais je suis rassurée, simplement par le fait que même si on perd parce qu'on n'est plus un trio dynamique de la mort, capable de détruire un groupe de scientifiques brillants, au moins, on peut encore faire un bon bout de chemin toutes les trois.

Je monte à la place du conducteur alors qu'Hengameh va près de sa sœur. Je démarre le moteur, mets la première et quitte doucement la rue la plus richarde que j'ai vue de toute mon existence. J'ajuste le rétroviseur pour voir les filles, et fais plus attention à elles en roulant qu'aux feux de signalisation ou aux excès de vitesse. Non en vrai, je conduis supra doucement pour pas affaiblir Fahimeh.
« On reviendra ! » dis-je en lançant un clin d’œil à Hengameh. Elle hoche la tête. « Ce serait bien. Pas vrai, Fa' ? » ajoute-t-elle en caressant les cheveux de la tête. La petite répond faiblement avant de fermer les yeux. Je continue de sourire à la grande. « Faut qu'elle reprenne des forces. » Je prends un premier virage et descends doucement une pente. Au loin, en contrebas, on peut déjà voir les buildings du centre-ville, tout près du port. Du reste, jusqu'au garage qui se trouve dans un entre-deux, situé pas si loin des gratte-ciels, on a une bonne quinzaine de minutes à cette allure. « Je mets de la musique ? » C'est... limite bizarre. Je chipote à la radio pour trouver le canal principal de SF. J'ai tellement pas l'habitude de conduire une voiture, de... de tout ça.



« Allez. Ca colle à notre ambiance. » Et quelle ambiance. J'ai pas assez pris le temps de remarquer à quel point la ville a changé. Bien sûr, des commerces sont détruits, des voitures sont dans tous les sens, y a des vitres brisées absolument partout... de nombreuses fenêtres sont barricadées, et à quelques kilomètres, on peut voir un building renversé sur un boulevard. Mais c'est pas ça. C'est le monde. Voir aussi peu de personnes, c'est très particulier. Par contre, des éliminés, oui si, on en voit. C'est aussi des personnes mais... disons qu'on prend quand même l'habitude de pas trop faire attention à eux, en vingt-trois jours de game.
La lumière du soleil se reflète dans la mer au loin et vient nous carresser le visage. Je ferme les yeux deux secondes. Même pas besoin d'ouvrir la fenêtre pour profiter de la brise hivernale qui s'est réchauffée depuis quelques jours, puisque... le pare-brise est en miettes. Encore une bonne raison de ne pas aller trop vite.

Je profite de ce voyage, oui. Pas parce que je passe la meilleure journée de ma vie, pas parce que les circonstances sont ultra détendues et que la ville est plus ou moins à nous, non. Je veux profiter, juste parce qu'on est une équipe, dans cette voiture. Etro le sait mieux que moi : je suis faite pour du sport individuel, pour le chacun pour soi. Mais ici, ça me plait. Avec les bons mates, avec des personnes qui savent se faire apprécier, c'est... un peu sympa, oui.


« C'est dans combien de jours, le rétrécissage ? »

« Rétrécissement. » Je corrige en regardant le rétroviseur. Hengameh a l'air dans une réflexion de malade. « On est mardi. Et si ça doit arriver, SI... ce sera dimanche. » Je regarde dans le rétro à ma gauche pour vérifier que les petits gars que j'ai vus dans l'épicerie étaient bien éliminés. « Elle n'ira pas vraiment mieux, si ? »

« Si. Elle ira mieux. »

« Mais elle pourra se battre ? »

Je fais une moue d'hésitation. Moi je pourrais. Va savoir quel gêne SOLDAT la Shinra m'a injecté dans mon sommeil, mais je ne suis plus vraiment la petite ado qu'on éclatait au sol avec une grosse claque. Depuis le début de tout ça, je me suis pris quelques balles, j'ai craché du sang et... j'ai passé de très mauvaises nuits, mais le matin, je sais me lever, tous les jours. Bon alors, je sais pas renverser une table toute seule, par contre, ça, ça ne change pas. Du coup... « Je ne sais pas. »

« Moi je ne pense pas. » Hengameh a même pas l'air triste, elle a l'air concernée, genre... Elle cherche quelque chose. « Les docteurs pourraient l'aider à guérir plus vite ? »

« Je ne sais pas s'il y a des docteurs encore en jeu... et prêts à nous écouter. Les éliminés ne pourront rien pour elle. » Mais après, je suis pas tout à fait honnête. J'ai été soignée quelques fois, ici, à SF, et il y a des genre de robots infirmières aux mains glaciales, très brusques mais qui font du sacré bon boulot ! Mais de là à remettre cette gamine sur pied... Et ça veut dire qu'on doit... Je cherche l'hôpital principal de la ville, un grand building à l'architecture futuriste, pas très loin du centre-ville. Il ressemble vaguement à un Colisée aseptisé. Ce truc est énorme et ça doit être un des derniers endroits vraiment contestés de la ville. Plus personne ne me test dans le centre-ville. Mais là ? « Je ne pense pas que la médecine pourra la remettre rapidement en état, sincèrement. » Autrement dit ?...

Je souris dans le rétroviseur.
« Oui ? » me demande Hengameh, une pointe d'espoir dans la voix ! Allez ma grande, inspire-moi ! Je vais pas faire le boulot toute seule !

« Si la médecine ne peut pas la remettre full life, il nous reste la magie ! »

« Ah ! Ok, super ! Où est-ce qu'il y en a ? »

« Pas ici, pas à SF. C'est genre l'endroit où y a pas un millilitre de magie. On doit partir. »

« Où ? »

« J'en ai aucune idée. » Je regarde la route. On est dans la banlieue plus populaire, dans des rues normalement bondées de restaurants traditionnels. « Mais on va trouver ! » Je souris une nouvelle fois. « On doit se préparer. T'es prête à repartir en mission, jeune fille ? »

Je la vois hocher la tête dans le rétroviseur. Allez. On n'a pas le temps de traîner.