Je sors du pickup après que D.Va m'a serré l'épaule. Je prends une inspiration, je regarde mon gummiphone. Je ne perds pas une seconde, je commence à courir dans la rue pour atteindre le magasin de chaussures. Je regarde derrière mon épaule. La camionnette est encore là, les phares éteints. Je ne dois pas rater ça. Je lève les yeux vers le toit mais je continue à courir. Je dois... Si je monte sur la voiture rouge, je peux atteindre le feu rouge, je... Après, je saute, je m’agrippe à...
Ok, je dois y aller. La voiture rouge. En deux petits sauts, j'arrive au-dessus du toit de la voiture. Je me retourne vers la poteau des feux de circulation et je saute. J’atteins le boîtier jaune avec mes mains, je tire sur mes bras et m'aide de mes jambes en poussant sur le poteau, pour grimper dessus. J'ai très peu d'espace. Mes jambes commencent à trembler. Arrêtez de trembler... Arrêtez de trembler ! Je tape ma cuisse du plat de ma main, le dos contre le poteau. J'ai déjà l'impression d'être super en hauteur. Je tourne autour du poteau, le dos toujours contre lui, mes mains qui me tiennent un peu, et je suis enfin bien placée.

Il y a un balcon sur l'immeuble des chaussures. Au premier étage, et c'est un peu plus bas. J'hésite. Je regarde le vide. Je suis éliminée si je rate, je crois. J'essaie de mettre mes pieds les mieux joints possible. Je fléchis mes genoux, me penche en avant. Et je saute. Yes ! J'arrive sur le balcon. Je regarde vers le pickup. Elle me sourit. Ok. Je regarde par la fenêtre du balcon, je cherche des gens...  Une lumière dans le couloir. Tans pis, je monte sur le garde-fou du balcon, en me tenant avec mes mains. Mes jambes tremblent encore. Comment ça se fait ? D'habitude je tremble pas. Je ne tremble pas. Tant pis. Je lâche la rambarde de mes mains et je me redresse lentement en essayant d'être bien en équilibre. Je regarde au-dessus de moi et je tends les bras. Le balcon d'au-dessus est un peu trop loin, je dois sauter.
1... 2...

J'arrive à attraper le pied d'un des barreaux de la barrière.
« Hnn... » Je tire sur mes bras de toutes mes forces et j'arrive à monter. Je passe par-dessus la rambarde. Et je me colle à la fenêtre pour regarder si je vois quelqu'un, une lumière. Merci merci merci mon dieu ! Je prends un gros couteau de cuisine et je le mets dans le trou entre la porte de la fenêtre et le chassis, je crois. Et je force ! J'essaie longtemps, et je réessaie. Je reprends mon souffle, retire mon couteau et le range. Je prends le pistolet de Di, je vise pas la vitre mais l'endroit où il y a le verrou, ou ce qui bloque la fenêtre. Et je tire jusqu'à ce que le verrou saute. C'est plus discret que de viser la fenêtre et le pistolet de Di n'est pas bruyant.
J'ouvre la fenêtre et je me glisse à l'intérieur. Je crois qu'il y a encore deux étages. Je traverse l'appartement pour trouver la porte d'entrée. Je tente toutes les portes, j'arrive dans le salon, la cuisine, et enfin, il y a une porte plus lourde ! Je peux l'ouvrir sans clé, je la claque derrière moi et je  suis dans l'escalier. Je monte jusqu'à l'appartement le plus haut. Je regarde la porte de l'appartement,  je mets mon oreille contre le bois. Et j'attends une dizaine de secondes. J'entends rien. Ok, je dois y aller ! Je pointe mon pistolet sur la serrure et je tire plusieurs fois, pour pouvoir entrer. Et je cours, j'essaie de pas traîner ! Si quelqu'un arrive, je dois l'éliminer. Il y a un escalier dans l'appartement, je le monte, et j'arrive dans une chambre avec une fenêtre dans le toit.
« Yes ! » Je prends une chaise devant le bureau, je la mets sous la fenêtre, monte sur celle-ci, ouvre la fenêtre et je me glisse dehors. Et voilà, je suis sur le toit !  Ce n'est pas un toit plat comme on avait dans le building, c'est pentu, avec une arête au milieu. Je m'aide de mes mains pour gravir le toit jusqu'à l'arrête, je me lève en équilibre sur celui-ci, je regarde mon gummiphone pour savoir où je dois aller. J'avance prudemment jusqu'à un bout du toit, je saute de mes pieds joints et j'arrive sur le toit juste à côté, qui est plat, cette fois. Je cours directement vers le suivant. Je dois arriver jusqu'à la fin de la rue comme ça. Et seulement arrivée là-bas, j'aurai une vue sur Madame GoGo. Cette femme, c'est celle qui nous as attaqués, qui nous a mises à terre, moi et Fahimeh et qui a éliminé Iggy et Mousse, et bon... surtout Kotetsu.

Depuis, en vérité, on n'a plus vraiment parlé avec Iggy et Mousse. D.Va les a remerciés, a fait quelques promesses mais c'est tout. Et Kotetsu, c'est pas mieux. Il est resté avec nous, jusqu'à la destruction de l'immeuble mais... c'est comme si, pour certains, il était devenu invisible. Il a perdu ses couleurs donc on ne le prend plus en compte, et ça, pardon mais c'est bizarre. Arrivé au sixième toit, je me couche au sol et je reprends mon souffle. Mes jambes brûlent, j'ai l'impression de cuire ! Et... j'ai pas aussi facile avec la tenue de mécanicien que D.Va m'a trouvée, qu'avec les vêtements sportifs de d'habitude. Mais j'ai mes bonnes chaussures, et ça c'est quand même bien. J'ai failli mettre mes pantoufles, quand on est revenus de la piscine, le jour où Roxas est venu. Si je les avais mises ?... T'imagines un peu ?
Ok, je suis prête. Je me relève et je recommence à courir. Je saute sur le prochain immeuble. Ca ne dure pas longtemps avant que j'aie de nouveau l'impression que ma respiration a un goût différent, comme un goût plus rouillé. Ma gorge est déjà sèche. Tant pis, je ne peux rien faire, je dois tenir. Longtemps, sûrement. Je voulais être très légère, j'ai juste pris la jumelle du sniper violet de D.Va, le couteau et le pistolet. Une bouteille d'eau c'est trop encombrant. Une gourde c'est encore pire.

J'arrive au bord d'un des immeubles, devant l'avant-avant-dernier. Il est beaucoup plus grand. Je regarde le sommet, et... c'est trop haut. Mais il y a une gouttière qui monte, et elle est accrochée au mur par de grosses vis. Je crois que ça peut tenir mon toit. C'est... pas plus difficile que de monter à la barre. Même, c'est plus facile. A l'école, j'arrive la corde et la barre sans aucun problème, et c'est plus fin ! Là j'ai le mur pour poser mes pieds et me pousser en avant. Ok je sais que je peux le faire. Je regarde ma jambe et souris. Je ne tremble pas.

Je saute en avant. Mes mains attrapent le tube de métal, mes pieds viennent atterrir sur le mur.
« Hmm... ! » Je me suis cognée à la tête. Je me mords la lèvre, je réussis à rester accrochée. Je me retiens de crier. Allez. Allez allez. Je monte petit à petit, les deux mains serrées contre la gouttière, et mes pieds sur les briques qui sortent un peu plus, d'un côté et de l'autre du tube. Au bout d'une minute, j'arrive en haut. Je me hisse sur le toit, assez contente de moi ! Je savais que j'y arriverais, je savais que c'était pas trop difficile. Je continue de courir, parce que la douleur a totalement disparu, tellement ça devient facile de juste courir sur le toit et de sauter sur un autre, par rapport à la gouttière. Et j'arrive sur le bâtiment de l'objectif. Et là, je suis encore plus distraite. Je prends le viseur qu'on a détaché du fusil de D.Va et je cherche les bâtiments en face, en bas de la rue. 39... 37... 35. C'est un immeuble à appartements, mais il est tout petit comparé au nôtre. Y a cinq étages. Même à Agrabah, certaines maisons sont aussi hautes. Sinon, il y a une barrière devant l'escalier de l'entrée, et la barrière est plutôt belle. Gogo n'y est pas. Je sais qu'elle vit au troisième étage donc je regarde par là. Et... Non. Tout est noir. Elle est peut-être cachée dans le noir, pour faire croire qu'elle est partie. Moi je pense que ça peut être ça en tous cas.

Je m'allonge sur le toit, les coudes sur le rebord. Sans lumière pour m'éclairer, surtout pas. C'est très très inconfortable mais c'est mieux, pour D.Va. Grâce à ça, je ne m'endormirai pas. Et j'attends qu'il se passe quelque chose, le moindre mouvement. Moi, je veux bien rester là pendant deux jours, si ça permet d'avoir un résultat. Je suis d'accord avec Di. On doit se venger. On doit faire payer à Gogo ce qu'elle nous a fait ! En plus, quand tu y penses, c'est quand même très possible que ce soit elle qui ait piégé notre bâtiment pour qu'il explose. Alors on va l'éliminer, et ce sera notamment grâce à moi. Je suis beaucoup plus distraite que D.Va et en plus, même si Gogo me voyait, elle ne me tuerait pas. Je sais ce qu'il s'est passé, ce jour-là, quand elle nous a attaqués, quand elle a coupé l'armure de pixels de Kotetsu. Elle m'a frappée, m'a fait tomber, et elle aurait pu me rouler dessus pour me couper en deux moi aussi. Déjà, je suis sûr de l'avoir vue me regarder et mâcher son bonbon, comme si elle me prenait pas assez au sérieux. Et c'est évident que j'ai raison : elle n'a pas non plus éliminé Fahimeh. Mais c'est une erreur de sa part. Moi je l'éliminerai. Ou D.Va le fera, ce sera pas forcément moi. J'ai pas besoin d'être celle qui venge les autres.
On est une équipe, ça je le sais bien. Jusqu'à ce que ce soit fini, on s'entraide, et à la fin, D.Va nous donnera la victoire.

Toujours rien dans le viseur. Peut-être qu'elle dort, oui. Mais je crois que j'ai une vue sur sa chambre, et je vois juste des draps. Si elle est pas là, ou si elle vient jamais, je ne sais pas ce qu'on doit faire. Madame Amasa, la Maire de la ville ne nous a donné qu'une seule adresse, celle où habite  Gogo, et c'est tout. Donc on n'a pas d'autres pistes, en fait. Ou alors D.Va ne me dit pas tout.
Normalement, si. Normalement, elle me dit tout. Sinon, ce serait une trahison. Et D.Va est pas du genre à mentir. Moi c'est pas ça que je lui reproche. Elle fait beaucoup semblant, ça oui. Je ne lui en veux pas. Elle nous a prévenus. Elle voulait qu'on vienne vivre avec elle pour pouvoir utiliser Babak pour le film. Et puis, elle a remarqué que les gens la trouvaient plus gentille parce qu'elles nous hébergeaient. Du coup, elle ne veut plus qu'on parte. Enfin, elle ne voulait plus.

On va partir. Elle a eu ce qu'elle voulait, mais je ne vais pas la laisser nous utiliser encore et encore. Avec la victoire, on pourra vivre dans une belle maison à Agrabah et on aura des miliciens qui nous protégeront tout le temps. On ne fera plus le ménage pour eux, on ne cuisinera plus pour eux, on n'aura plus besoin de voler. Si Babak, Jila et Fa' veulent continuer à voir D.Va, on lui téléphonera de temps en temps, maintenant qu'on a des gummiphones.

« Hff... » Je frissonne fort. Je pose un bras sur le rebord du toit et je mets mon menton sur mon bras pour être un peu plus confortable. Je vais réussir à rester éveillée, de toutes manières. Et je continue de penser à ma famille et à D.Va pour passer le temps. C'est plus facile d'attendre quand on a quelque chose à faire.
La vérité, c'est que la Seyyede nous aime et pas D.Va, en fait. Et ça, Fa' ne le comprend pas. Jila et Babak sont fort petits, encore, donc ils ne se rendent pas compte. Ok parfois on s'amuse bien. Mais c'est pareil pour plein de gens avec D.Va. Elle a des... équipiers, des partenaires. Des gens qui lui apportent des choses, et elle leur apporte aussi, oui c'est vrai. Mais elle ne les aime pas. Nous c'est pareil. La Seyyede, elle doit s'occuper du temple, elle doit aider plein de gens, et personne ne parle d'elle. Ça ne lui a servi à rien de nous accueillir chez elle.  Elle le fait parce qu'elle nous aime. Fahimeh est bête si elle pense qu'avoir un grand appartement, que d'être connu, c'est plus important que d'être avec la Seyyede. On l'a abandonnée, en fait. On pensait que c'était pour deux mois, et ça fait des années, parce que D.Va a tout fait traîner. Et nous, on n'a pas osé dire qu'on voulait revenir à Agrabah, au début. C'est tout. De toutes façons, on va retourner à Agrabah. Maintenant, c'est décidé. Elle est au courant. Ça ne me fait pas rigoler. C'est juste comme ça.

J'attends très longtemps, et le soleil commence à se lever quand enfin il se passe quelque chose. Gogo arrive à la grille, en bas. Elle est habillée en noir, dans une combinaison de moto, je crois. Je la regarde dans mon viseur. Elle mange un stupide chewing-gum, cherche une clé dans sa poche et... une minute plus tard, elle arrive dans son appartement. J'essaie de rentrer ma tête dans mes épaules pour être la plus discrète possible. Allez... vas-y, installe-toi, GoGo. Installe-toi et j'appelle tout le monde.

Elle prend un sac à dos et prend plein d'affaires qu'elle met dedans.
« Mince. » Je prends mon gummiphone et j'appelle D.Va. Elle laisse sonner deux fois avant de répondre. « Di. »

« Oui, Hengameh ? » Elle me sourit. « GoGo prend des affaires mais je crois qu'elle va partir directement. J'essaie de l'éliminer ? Elle m'a pas vue. » Elle fait une grimace et parle super vite : « Non non ! Elle a  sûrement une arme ou quelque chose pour se défendre a... « Je vais la suivre, alors. Et je regarde où elle va. Elle prend des habits ! »

D.Va a l'air de réfléchir. « Elle vit peut-être ailleurs pour le moment. » Je fais oui de la tête. Elle soupire. « Bon, ok. Suis-la mais active ta localisation GPS et connecte-la à notre discussion. Je dois toujours savoir où tu es. Tu ne sauras pas revenir toute seule. » Yes ! Je souris, contente qu'elle me laisse m'occuper de ça ! « Je vais y arriver ! »

« Ta localisation GPS, Hengameh. »

« Oui oui. » Je la mets maintenant, et regarde GoGo. Elle commence à descendre. Je vais la suivre depuis les toits tant que je peux. Si on sait où elle passe ses nuits, on peut lui tendre un piège !