Il n’y avait guère, pour accéder au Promontoire qui grimpait jusqu’aux étoiles, qu’un long chemin serpentant entre les arbres fins — jusqu’en bas du relief, où il se faisait escalier étriqué. Ioan avançait calmement. Il écoutait, distrait, ce que la brise entre les branches tentait de lui dire. Encore, toujours. Il lui semblait, parfois, du coin de l’œil, voir la ramée de l’un de ces grands êtres longilignes et inamovibles, pourtant, risquer leurs bras noueux jusqu’à lui. L’horloge, dodelinant derrière le garçon, tiquait et toquait, sans plus préciser ce dont elle pouvait bien l’alerter.

Après tout, ce lieu était paisible. Le garçon profitait de sa sérénité désolée. Il n’y avait ici aucune voix claire autre que la sienne — malgré les murmures qu’il percevait du bout de l’oreille à son passage. Aucun heurt. Aucun trop-plein. Il ne se sentait pas dépassé. Il se sentait en sécurité, à l’inverse. Le silence, presque parfait, et la nuit, avaient pour eux tout ce qu’ils pouvaient de rassurant. Son pas sur la neige fraîche avait le bruit du métal, du bois, du verre — des choses autrefois aimées, cachées et oubliées dans la poudreuse… qui les recouvrait avec délicatesse.

Une lueur, toutefois, dans le sous-bois, lui fit ralentir sa marche.
Un éclat précieux, enchanteur, entre les buissons maigres et les arbres tordus.
D’une enjambée, il se détournait du chemin, intrigué.

Mais elle tic, l’horloge. Elle tic. Tic. Tic. Tic. Tic. Tic.
Alors, inquiet d’une telle répétition, il posait sur elle ses grands yeux bleus. « Oui ? »
Elle tic. Tic. Tic. Et tic une fois de plus.
« Tu ne veux pas ? Que j’y aille ? »
Elle tic. Elle toc.
« Pourquoi ? »
Silence.

Il retint une moue. Il ne voulait pas la mettre dans un tel état. Et pourtant… pourtant il avait envie. De voir. Savoir. S’en approcher. Le toucher du bout des doigts. La couleur de la lune. Il avait la couleur de la lune. Alors…

Elle tic. Elle toc.

Ioan clignait des yeux.
Il s’était avancé de quelques pas, sans s’en rendre compte.

L’horloge grinçait.

« Je… je n’y vais pas, d’accord, » consentit-il avec un sourire doux. « Nous allons déjà trouver ton étoile, tu as raison. »

L’enfant jetait un nouveau regard sur le sous-bois.
Il était sombre, sans bruit. Sans lueur.

Il revenait sur les quelques pas qu’il avait effectués. Quelque chose n’allait pas. Quelque chose avait changé. Tout était toujours si calme. Si simple. Si silencieux. Mais la neige avait perdu de son immaculé, de son blanc si pur, si beau. Elle était grise. Tâchée. Pourquoi ? Il ne savait pas. Sa gorge se serrait, comme étranglée par un souvenir lointain.

L’enfant remontait ses yeux sur le ciel.

L’oiseau de feu, d’un battement d’ailes, s’éloigne. Ses plumes tombent en braises et en cendres que le vent vient gorger d’orgueil. Il n’est aucune Lumière dans ces flammes, elles brillent pourtant — sombres. Dangereuses mais attirantes. Elles t’invitent. Ton coeur…

Et toi, tu pars en cendres. Tes doigts s’effilent, ta peur se dénoue et ta peine s’oublie. Tu te laisses partir.

Une ombre rassurante.


Ioan s’éveille.