Et je dérive, comme ça. J’me laisse porter au gré de quoi veut bien me balader dans les entrechemins. Je sens plus rien du tout, à part mes deux épaules qui jonglent entre me dire merci d’avoir arrêté d’autant les solliciter, et de me rappeler que c’était pas une bonne idée. En fait, si j’commence à te parler du poids que j’avais sur les épaules, j’vais pas te parler d’une responsabilité de dingue, d’un truc qui m’a instantanément fait gagner vingt points en maturité ou quoi… Non, le poids que j’avais là, c’était beaucoup plus littéral. C’était un putain de building. J’ai porté un putain de building ! Bon… pas longtemps mais… C’que j’aurais kiffé que Jecht voit ça, lui qui se la pète avec son caillou d’merde.
Je sens que je souris dans mon casque. J’suis génial, c’est tout. Qui maintenant peut s’asseoir à ma table et me dire qu’il a fait mieux que moi hein ? C’te p’tite pédale de Kotetsu p’tête ? Jamais de la vie. Parce que même s’il s’y mettait maintenant, il lui faudrait vingt ans pour atteindre la moitié du putain de Maréchal de la Lumière. Ah putain, mais pourquoi je m’embarque tout seul dans des histoires aussi compliquées moi ?
J’arrive plus à ouvrir les yeux. J’ai la dalle et j’ai soif. Je sens que j’arrive à l’autre bout, j’sais pas où j’vais atterrir et en fait j’m’en fous. Je t’ai dit, j’ai juste prié pour pas que ce soit le monde du jouet, trop d’emmerdes potentielles là-bas. C’est limite s’ils ont pas des affiches placardées partout avec ma tête. Alors ça, plus la situation actuelle, les mecs ils vont pas se gêner ils vont tirer à vue. Et devine quoi ? J’ai tout sauf l’envie de sauter dans tout les sens et de botter des culs. J’veux juste trainer ma vieille carcasse à l’ombre d’un saule et plus rien branler de la journée.
Dans mon sac, j’ai encore du coca, et des barres de céréales. C’est pas le repas quatre étoiles par excellence mais, ça me calera le temps que je trouve de la vraie bouffe. Parce que mine de rien, le seul truc que j’ai dans le bide là, c’est le ragoût d’Adonia. Et ça commence à un peu dater. Faudrait que… faudrait que je cuisine. Ca me poserait, et c’est le ventre plein qu’on réfléchit le mieux. Putain c’est maintenant que le monde se barre en couille que j’commence à me comporter comme une gonzesse et à vouloir faire de bons petits plats.
J’me demande si Ventus va bien.
Je flotte plus. Je sens quelque chose de dur, je suis sur le sol. Mon armure s’enlève d’elle même, je sens le vent souffler dans mes cheveux. D’abord un petit peu, puis il m’enveloppe complètement, soulevant mon sweat et venant se glisser par en dessous. Je rassemble le peu de forces qu’il me reste pour ouvrir les yeux.
Le ciel est bleu, j’entends des oiseaux chanter. C’est super calme. Encore un effort et j’arrive à tourner la tête pour voir que je suis à la lisière d’une forêt. Je reste comme ça encore quelques minutes, mais c’est mort, c’est pas avec aussi peu d’infos que je vais piger où je suis. Faut que je me sorte les doigts du cul. Je me redresse et j’me traine jusqu’à m’adosser à un rocher au bord de l’eau. J’ouvre mon sac, c’qu’est pas évident quand tes bras c’est du chewing gum, et j’en sors une barre au chocolat que je mange sans trop de conviction, avec une canette que j’ouvre et que je pose à côté de moi.
Au bout de quelques minutes, y’a une silhouette qui se dessine. Elle avance vers moi, calmement. Je m’imagine un tas de scénarios possibles, que le gars m’a repéré et qu’il va se faire son petit kiff. A mesure que je le vois s’approcher, je remarque qu’il à un panier avec lui, ainsi qu’une canne. Je lève un sourcil. Il arrive enfin à côté de moi, s’asseoit au bord de l’eau, pose son panier sur le sol et commence à fouiller dedans.
Bonjour. C’est rare de voir du monde ici.
Bon…jour ? Le mec est désaturé, je risque rien. C’est juste qu’un pêcheur. Il accroche un truc à sa ligne et la jette dans l’eau.
Je crois comprendre que vous participez à ce jeu ridicule ? Vous êtes pas d’ici, ça se voit.
Ouais.
Je suis pas très bavard. En vrai il a l’air cool, et j’aimerais bien mais… ça a l’air tellement hors du temps que j’me demande surtout si j’suis pas en train d’halluciner.
T’as perdu ?
Il se regarde. Oui, enfin… si on peut dire que je participais. J’ai rien demandé moi.
Il s’est passé quoi ?
Ben, j’suis pêcheur. J’ai du poisson. Des bandits m’ont attaqué sur le chemin du retour, ils m’ont poignardé pour s’emparer de mon panier. Fin de l’histoire.
Ouais.
Je me retourne vers lui, j’le regarde faire. Il se passe bien cinq minutes sans qu’on se dise rien. Il à le regard fixé sur sa ligne, et d’un coup, il se lève et la tire d’un coup sec. Le fil sort de l’eau et il en attrape le poisson accroché à l’hameçon. Il le frappe avec un bâton et le pose dans son panier avant de recommencer. J’ai jamais compris comment tu pouvais faire ça pendant des heures. Ça doit être d’un chiant.
On est où ? Dans quel monde, je veux dire.
Grimm.
Donc t’es Francesco, le Pêcheur de Grimm.
… pourquoi Francesco ?
C’était une blague.
Il hausse les épaules. J’ai pas compris, désolé.
Pouah lala… C’est la phase terminale du fun. J’veux bien que y’ait choc culturel mais là… On dirait qu’ici ils sont condamnés à rester des ploucs. Mais des ploucs sympas. J’y tends ma canette.
Si t’es pas habitué des autres mondes, tu dois pas connaître ça, vas-y goûte.
Il me regarde bizarre, genre « c’est quoi cette merde », et il se saisit de la canette avant d’en tester une gorgée. Il fronce les sourcils et se tient la gorge, il tousse.
C’est ça que vous buvez dans les autres mondes ? Excusee-moi, mais… c’est immonde.
Je souris. T'en fais quoi après de ton poisson ?
J’en garde la moitié, le reste, je le vends au marché. C’est mon boulot, ça fait trente ans que je fais ça.
Je plonge ma main dans ma poche et en ressort une centaine de munnies. Ça vous dit un jour de congé ? Il regarde ma main, hésite, et puis accepte. Marché conclu. Ça aurait été criminel de refuser une offre pareille. Par contre, si je peux me permettre…
Ouais ?
… taisez-vous. Vous faites peur aux poissons.
Ah oui… Le fameux silence du pêcheur, hein.
Jeu 18 Fév 2021 - 9:40Je sens que je souris dans mon casque. J’suis génial, c’est tout. Qui maintenant peut s’asseoir à ma table et me dire qu’il a fait mieux que moi hein ? C’te p’tite pédale de Kotetsu p’tête ? Jamais de la vie. Parce que même s’il s’y mettait maintenant, il lui faudrait vingt ans pour atteindre la moitié du putain de Maréchal de la Lumière. Ah putain, mais pourquoi je m’embarque tout seul dans des histoires aussi compliquées moi ?
J’arrive plus à ouvrir les yeux. J’ai la dalle et j’ai soif. Je sens que j’arrive à l’autre bout, j’sais pas où j’vais atterrir et en fait j’m’en fous. Je t’ai dit, j’ai juste prié pour pas que ce soit le monde du jouet, trop d’emmerdes potentielles là-bas. C’est limite s’ils ont pas des affiches placardées partout avec ma tête. Alors ça, plus la situation actuelle, les mecs ils vont pas se gêner ils vont tirer à vue. Et devine quoi ? J’ai tout sauf l’envie de sauter dans tout les sens et de botter des culs. J’veux juste trainer ma vieille carcasse à l’ombre d’un saule et plus rien branler de la journée.
Dans mon sac, j’ai encore du coca, et des barres de céréales. C’est pas le repas quatre étoiles par excellence mais, ça me calera le temps que je trouve de la vraie bouffe. Parce que mine de rien, le seul truc que j’ai dans le bide là, c’est le ragoût d’Adonia. Et ça commence à un peu dater. Faudrait que… faudrait que je cuisine. Ca me poserait, et c’est le ventre plein qu’on réfléchit le mieux. Putain c’est maintenant que le monde se barre en couille que j’commence à me comporter comme une gonzesse et à vouloir faire de bons petits plats.
J’me demande si Ventus va bien.
Je flotte plus. Je sens quelque chose de dur, je suis sur le sol. Mon armure s’enlève d’elle même, je sens le vent souffler dans mes cheveux. D’abord un petit peu, puis il m’enveloppe complètement, soulevant mon sweat et venant se glisser par en dessous. Je rassemble le peu de forces qu’il me reste pour ouvrir les yeux.
Le ciel est bleu, j’entends des oiseaux chanter. C’est super calme. Encore un effort et j’arrive à tourner la tête pour voir que je suis à la lisière d’une forêt. Je reste comme ça encore quelques minutes, mais c’est mort, c’est pas avec aussi peu d’infos que je vais piger où je suis. Faut que je me sorte les doigts du cul. Je me redresse et j’me traine jusqu’à m’adosser à un rocher au bord de l’eau. J’ouvre mon sac, c’qu’est pas évident quand tes bras c’est du chewing gum, et j’en sors une barre au chocolat que je mange sans trop de conviction, avec une canette que j’ouvre et que je pose à côté de moi.
Au bout de quelques minutes, y’a une silhouette qui se dessine. Elle avance vers moi, calmement. Je m’imagine un tas de scénarios possibles, que le gars m’a repéré et qu’il va se faire son petit kiff. A mesure que je le vois s’approcher, je remarque qu’il à un panier avec lui, ainsi qu’une canne. Je lève un sourcil. Il arrive enfin à côté de moi, s’asseoit au bord de l’eau, pose son panier sur le sol et commence à fouiller dedans.
Bonjour. C’est rare de voir du monde ici.
Bon…jour ? Le mec est désaturé, je risque rien. C’est juste qu’un pêcheur. Il accroche un truc à sa ligne et la jette dans l’eau.
Je crois comprendre que vous participez à ce jeu ridicule ? Vous êtes pas d’ici, ça se voit.
Ouais.
Je suis pas très bavard. En vrai il a l’air cool, et j’aimerais bien mais… ça a l’air tellement hors du temps que j’me demande surtout si j’suis pas en train d’halluciner.
T’as perdu ?
Il se regarde. Oui, enfin… si on peut dire que je participais. J’ai rien demandé moi.
Il s’est passé quoi ?
Ben, j’suis pêcheur. J’ai du poisson. Des bandits m’ont attaqué sur le chemin du retour, ils m’ont poignardé pour s’emparer de mon panier. Fin de l’histoire.
Ouais.
Je me retourne vers lui, j’le regarde faire. Il se passe bien cinq minutes sans qu’on se dise rien. Il à le regard fixé sur sa ligne, et d’un coup, il se lève et la tire d’un coup sec. Le fil sort de l’eau et il en attrape le poisson accroché à l’hameçon. Il le frappe avec un bâton et le pose dans son panier avant de recommencer. J’ai jamais compris comment tu pouvais faire ça pendant des heures. Ça doit être d’un chiant.
On est où ? Dans quel monde, je veux dire.
Grimm.
Donc t’es Francesco, le Pêcheur de Grimm.
… pourquoi Francesco ?
C’était une blague.
Il hausse les épaules. J’ai pas compris, désolé.
Pouah lala… C’est la phase terminale du fun. J’veux bien que y’ait choc culturel mais là… On dirait qu’ici ils sont condamnés à rester des ploucs. Mais des ploucs sympas. J’y tends ma canette.
Si t’es pas habitué des autres mondes, tu dois pas connaître ça, vas-y goûte.
Il me regarde bizarre, genre « c’est quoi cette merde », et il se saisit de la canette avant d’en tester une gorgée. Il fronce les sourcils et se tient la gorge, il tousse.
C’est ça que vous buvez dans les autres mondes ? Excusee-moi, mais… c’est immonde.
Je souris. T'en fais quoi après de ton poisson ?
J’en garde la moitié, le reste, je le vends au marché. C’est mon boulot, ça fait trente ans que je fais ça.
Je plonge ma main dans ma poche et en ressort une centaine de munnies. Ça vous dit un jour de congé ? Il regarde ma main, hésite, et puis accepte. Marché conclu. Ça aurait été criminel de refuser une offre pareille. Par contre, si je peux me permettre…
Ouais ?
… taisez-vous. Vous faites peur aux poissons.
Ah oui… Le fameux silence du pêcheur, hein.