« Alors, pourquoi m’as-tu appelé ? » demandait-il à l’horloge coincée dans la neige. Elle tic. Elle toc. Il lui sourit avec bienveillance. « Tu as besoin d’aide pour te relever ? » Elle tic. Elle toc. « D’accord. »

La clairière dégageait autour d’eux, comme une autre nuit, comme d’autres nuits, peut-être, un cercle pur et blanc, dont la bordure était grignotée par les branches sombres d’un bois dont les murmures étaient portés par la brise. Ioan croyait entendre un nom — le sien — familier et étrange à la fois. Il voulait interroger ce bois, lui demander, poliment, ce qu’il pouvait avoir à lui dire de si pressant qu’il semble l’appeler et l’appeler, encore et encore. Mais il y avait déjà l’horloge ; cette belle horloge travaillée, au bois lustré, mais seule, et triste. Alors, il mettait de côté les questions qu’il avait pour lui-même, et s’attelait plutôt aux difficultés de sa toute nouvelle amie.

Il passait dans son dos et la tirait, d’abord, vers le haut ! Toute polie qu’elle était, l’horloge se refusait à lui imposer le poids de son bois épais — aussi sans difficultés, le garçon la relevait et la basculait, jusqu’à ce qu’elle se retrouve sur ses pieds ! Il sourit de contentement. « Et voilà ! C’est mieux, comme ça, oui ? » Elle tic. Elle toc. « Tu t’es perdue ? »

L’horloge resta cette fois-ci silencieuse. Il se mit devant son pendule exposé, la mine concernée. « Quoi… ça ne va pas ? » Elle profita d’un coup de vent pour dissimuler un triste grincement. L’enfant passa le bout des doigts sur sa surface nette et lisse. Il la détaillait. Il remarquait, sur son côté gauche, comme ses coins, eu haut, étaient éraflés. Une légère inquiétude trottait sur le coin de son esprit. Il s’abaissait, et écartait la poudreuse. En bas, aussi. Il redressa le regard jusqu’à ses aiguilles. L’horloge avait été laissée un moment sur le côté, sans grand soin. Il ne pouvait que supposer ce que cela signifiait. « Il y a eu un problème dans ta maison ? »

Elle tic. Elle toc. Avec une certaine réticence.

« Est-ce que tu veux… y retourner ? Pour être sûre que tout va bien ? »

Silence.

Le garçon se relevait. « Tu vois, chacune de ces lumières, là-haut ? » Il lui montrait les étoiles, autour de sa Belle, sa Charmante Lune. « C’est un monde. Est-ce que tu sais que laquelle tu viens ? »

Elle tic. Silence.

« Hm… » Tout ceci le laissait bien pensif. Mais il avait en lui la certitude que cet endroit-ci lui était bon. Qu’ici, en lui et pour lui, tout était possible. Alors, il regardait le ciel. Il laissait son regard parcourir les mondes et les lumières, et dégringoler jusqu’à un imposant promontoire, là, se découpant sur le firmament, pour qui voudrait faire la cour à la lune.

« Allons leur demander, dans ce cas ! Je suis sûre que celle d’où tu viens saura te reconnaître ! »

« Tu veux ? »

Il sentit la brise sur son cou. Un temps de réflexion. Une crainte. Une appréhension.

Elle tic. Elle toc.

Le garçon sourit à pleines dents ; voilà qui était le début d’une belle aventure.