L’éclair fracassa le sol dans un tremblement assourdissant. Insuffisant encore, se lamentait intérieurement le fauve. A bout de souffle, le voici qui appuis ses mains contre ses genoux, inspirant, expirant. Haletant, il ne peut qu’observer tandis que la vapeur s’échappe de ses babines. Comme ses cousins plus féral, il n’est pas capable de transpirer, et doit se contenter d’une respiration courte et frénétique.

Fidèle à son plan, le prêtre-guerrier ne se ménage pas. Déconnecté du monde comme il l’a choisi, il n’est pas conscient des dernières nouvelles. Y a-t-il encore beaucoup de participants en course ? Les puissants sont-ils en train de chercher les rescapés ? Qu’importe, il doit s’entraîner chaque jour comme si l’affrontement est imminent.

Sa foudre est un atout, il en a conscience. Mais il sait aussi que sa magie n’est pas la plus puissante. Les souvenirs de Fiathen le hantent. Comment ce vieux cul-de-jatte enchaîne les sorts, dont certain d’une puissance bien supérieure à la sienne. Augmenter sa vitesse et faire des enchaînements, il sait déjà la tâche impossible. Sa manière d’incanter est trop différente, trop pénalisante. Non, il faut qu’il vise autre chose.

Un sort, un mort.

S’essuyant la truffe d’un revers de paume, il reconnait à nouveau l’odeur du jeune fermier. Il s’y est presque habitué. Si son instinct lui dicte d’éliminer cet intrus, pénétrant dans son territoire, il n’en fait rien.

Il faut dire qu’il l’a bien observé, et la dernière fois, il lui a même sauvé sa place. Pour une cause bien simple, il ne vient que pour prier. Pas une seule fois ne l’a-t-il vu flâner. Ces vas et viens ont toujours été droit au but. Atteindre la corniche, saisir son amulette, prier, et repartir. Une certaine monotonie qui a désensibilisé le fauve.

Pour autant, Bryke ne peut qu’être surpris d’une chose. Quel inconscient irait à nouveau à un tel endroit, lorsque la veille, un monstre cornu de deux mètres s’y est laissé entrevoir.

Non, il y a définitivement autre chose. L’odeur du jeune fermer est déjà en train de s’éloigner. Il se serait donc rendu au point pour repartir aussitôt ? Etrange, très étrange.

Bryke se redresse, reprenant son souffle une dernière fois. La curiosité commence à le gagner, et il meurt d’envie de trouver l’explication à ce bris de routine.

Calme, sur ses gardes, les sens en alerte, le fauve se déplace. Il approche de plus en plus du promontoire, les traces du prieur encore fraiche dans la neige. Pas de doute, il a fait demi-tour, et n’est plus présent.

La réponse ne tarde pas à s’entrevoir. Un panier d’osier, de bonne facture, a été laissé seul sur le promontoire. Méfiant comme il l’est par nature, le prêtre-guerrier s’en approche, prêt à bondir au moindre bruit.

Il suspecte le piège, c’est un panier d’osier bien trop travaillé pour qu’un fermier le laisse ainsi, à la merci des bêtes.

Et pourtant, rien. Pas d’explosions, pas de messages, pas de nuages empoisonné. Seulement un panier d’osier, et sa couverture.

Tirant d’une griffe le tissu usé qui recouvre son contenu. Le fauve y découvre une galette de blé noir, ainsi qu’un maigre saucisson séché.

Le fauve plisse son œil un instant. Ce fermier a au moins le geste de remercier visiblement. Saisissant le panier de sa main griffue, il dessine avec l’autre sur la neige.

Tournant les talons, le fauve repart en direction de sa tanière. Il compte bien dévorer un tel don, sa faim dévorante ayant été stimulé par l’entraînement.

Derrière lui, l’empreinte de ses pattes ne durera pas longtemps. Tandis qu’à l’ancien emplacement du panier, quelques pierres dessinent désormais une tortue.