Il m’avait pour ainsi dire suppliée de venir ici, avait dû sans doute profiter de l’un de mes instants de faiblesse pour m’extorquer un « oui ». Pourquoi tenait-il tant à ce que je revienne ici ? Je ne pouvais pas exactement débarquer devant chez mes parents en plein massacre avec un bouquet de fleurs et une bouteille de champagne. Mais il avait insisté.
-Non mais je t’assure, on n’est même pas obligés d’aller voir tes parents, ou même ta soeur, c’est comme tu veux.
A chaque fois qu’il évoquait Abigaëlle j’éludais la question d’une manière ou d’une autre. Pour une raison que je ne comprenais pas moi-même, je me sentais presque plus coupable pour elle que pour mes parents. Etait-ce le fait de l’avoir laissée derrière, seule, si jeune pour affronter le monde, ou était-ce le fait de lui laisser le plaisir de supporter chaque jour des parents devant porter pratiquement le deuil de leur fille ainée.
J’avais la quasi-certitude qu’elle n’avait pas pu me pardonner une telle chose, et pour cette raison c’était probablement une des personnes que je craignais le plus au monde. Oui, cette jeune étudiante du consulat, pratiquement incapable de se battre, selon les dires de Maxence.
Pourtant c’était d’elle qu’il parlait avec le plus de plaisir, me racontant avec quel intérêt elle poursuivait ses études et se passionnait pour tout. C’était avec elle qu’il adorait parler des voyages qu’il faisait en tant que messager, elle toujours qui posait des questions sur ces mondes auxquelles il n’aurait jamais pensé. Cela me rendait presque jalouse. Non, pas presque.
Je ne pensais pas être quelqu’un de stupide mais il fallait se rendre à l’évidence, mon absence de rêve, de projet autre que « survivre » avait considérablement diminué ma capacité à inventer et à trouver des idées. De plus, on ne pouvait pas dire que j’étais entourée de fréquentations spécialement érudites au Château. Entre les domestiques et les gardes noirs, il me restait la bibliothèque et Maxence, mon seul contact avec la vie réelle. Et je n’avais jamais réellement envisagé n’importe quel autre membre de la Coalition comme une fréquentation pouvant mener à une relation enrichissante, je n’avais jamais vraiment recherché à être détrompée non plus.
-Alors qu’est-ce que tu voudrais voir ou revoir ? Le sommet des arts ? L’académie ? Le temple d’Aphrodite ?
Tous ces noms révélaient à quel point ma vie en ce lieu remontait à loin. A l’époque, Maxence était encore un adolescent, à peine plus vieux que Abi.
-Tu n’as rien de moins consulat-esque ?
-On peut aller braquer Picsou si tu veux !
-On a le droit de faire ça ?
-Je pense qu’à la fin du mois on perd tout et lui récupère, donc j’imagine que ce n’est pas très grave.
Nous marchions assez tranquillement sur les fortifications, ayant une vision dégagée sur les alentours et pouvant prévenir l’apparition d’un ennemi assez facilement. Nous nous assîmes sur un muret, il me prit la main.
-Tu pourrais déjà me montrer ton appartement ? Je crois pouvoir dire que tu connais mon chez-moi.
Qui était à vrai dire devenu presque autant le sien.
-Ouhla euh… Qui sait dans quel état il est maintenant vu à quand remonte ma dernière visite ? Peut-être qu’une colonie d’artistes squatteurs y a élu domicile. Mais dis-moi plutôt ce qui t’a le manqué le plus ici, tes meilleurs souvenirs, par exemple.
Oui, il y avait bien sûr mes souvenirs avec mes parents, avec Abi, bien qu’assez flous. Pourtant, quelque chose revenait frapper dans ma poitrine, invariablement, quelque chose de bien plus difficile à accepter et pourtant toujours aussi net dans mes cauchemars. Mes meilleurs jours sur ce monde avaient été avec « lui ». Mon dernier jour sur ce monde avait été « son » dernier jour dans cette vie. Il serra ma main.
-Ca ne va pas ?
Tout ça, Maxence l’ignorait. Je ne voulais pas gâcher son enthousiasme, sa bonté pleine de naïveté, encore bien ancrée même aujourd’hui.
-Tu n’as qu’à me montrer l’Académie. J’imagine qu’il y a peu de chance de tomber sur Abigaëlle.
-J’imagine que les étudiants ont dû saccager les bibliothèques pour le plaisir de la rébellion, alors ne t’inquiète pas trop, je ne pense pas qu’elle s’y risquerait ces jours-ci.
-Non mais je t’assure, on n’est même pas obligés d’aller voir tes parents, ou même ta soeur, c’est comme tu veux.
A chaque fois qu’il évoquait Abigaëlle j’éludais la question d’une manière ou d’une autre. Pour une raison que je ne comprenais pas moi-même, je me sentais presque plus coupable pour elle que pour mes parents. Etait-ce le fait de l’avoir laissée derrière, seule, si jeune pour affronter le monde, ou était-ce le fait de lui laisser le plaisir de supporter chaque jour des parents devant porter pratiquement le deuil de leur fille ainée.
J’avais la quasi-certitude qu’elle n’avait pas pu me pardonner une telle chose, et pour cette raison c’était probablement une des personnes que je craignais le plus au monde. Oui, cette jeune étudiante du consulat, pratiquement incapable de se battre, selon les dires de Maxence.
Pourtant c’était d’elle qu’il parlait avec le plus de plaisir, me racontant avec quel intérêt elle poursuivait ses études et se passionnait pour tout. C’était avec elle qu’il adorait parler des voyages qu’il faisait en tant que messager, elle toujours qui posait des questions sur ces mondes auxquelles il n’aurait jamais pensé. Cela me rendait presque jalouse. Non, pas presque.
Je ne pensais pas être quelqu’un de stupide mais il fallait se rendre à l’évidence, mon absence de rêve, de projet autre que « survivre » avait considérablement diminué ma capacité à inventer et à trouver des idées. De plus, on ne pouvait pas dire que j’étais entourée de fréquentations spécialement érudites au Château. Entre les domestiques et les gardes noirs, il me restait la bibliothèque et Maxence, mon seul contact avec la vie réelle. Et je n’avais jamais réellement envisagé n’importe quel autre membre de la Coalition comme une fréquentation pouvant mener à une relation enrichissante, je n’avais jamais vraiment recherché à être détrompée non plus.
-Alors qu’est-ce que tu voudrais voir ou revoir ? Le sommet des arts ? L’académie ? Le temple d’Aphrodite ?
Tous ces noms révélaient à quel point ma vie en ce lieu remontait à loin. A l’époque, Maxence était encore un adolescent, à peine plus vieux que Abi.
-Tu n’as rien de moins consulat-esque ?
-On peut aller braquer Picsou si tu veux !
-On a le droit de faire ça ?
-Je pense qu’à la fin du mois on perd tout et lui récupère, donc j’imagine que ce n’est pas très grave.
Nous marchions assez tranquillement sur les fortifications, ayant une vision dégagée sur les alentours et pouvant prévenir l’apparition d’un ennemi assez facilement. Nous nous assîmes sur un muret, il me prit la main.
-Tu pourrais déjà me montrer ton appartement ? Je crois pouvoir dire que tu connais mon chez-moi.
Qui était à vrai dire devenu presque autant le sien.
-Ouhla euh… Qui sait dans quel état il est maintenant vu à quand remonte ma dernière visite ? Peut-être qu’une colonie d’artistes squatteurs y a élu domicile. Mais dis-moi plutôt ce qui t’a le manqué le plus ici, tes meilleurs souvenirs, par exemple.
Oui, il y avait bien sûr mes souvenirs avec mes parents, avec Abi, bien qu’assez flous. Pourtant, quelque chose revenait frapper dans ma poitrine, invariablement, quelque chose de bien plus difficile à accepter et pourtant toujours aussi net dans mes cauchemars. Mes meilleurs jours sur ce monde avaient été avec « lui ». Mon dernier jour sur ce monde avait été « son » dernier jour dans cette vie. Il serra ma main.
-Ca ne va pas ?
Tout ça, Maxence l’ignorait. Je ne voulais pas gâcher son enthousiasme, sa bonté pleine de naïveté, encore bien ancrée même aujourd’hui.
-Tu n’as qu’à me montrer l’Académie. J’imagine qu’il y a peu de chance de tomber sur Abigaëlle.
-J’imagine que les étudiants ont dû saccager les bibliothèques pour le plaisir de la rébellion, alors ne t’inquiète pas trop, je ne pense pas qu’elle s’y risquerait ces jours-ci.