Me voilà donc assis sur un banc, parmi les innombrables d’étrangetés que je ne comprends pas. A deux mètres, j’aperçois une sorte de vaisseau miniaturisé. Il discute avec un militaire de façon contraire à toutes les lois, l’individu ne possédant aucune bouche pour parler. Les lois et règles de ce monde sont tout de même carrément étranges. Je commence à me dire que le Lord Business, c’est peut-être loin d’être le plus effrayant des personnages qui soient ici. J’avais carrément raison de venir ici. Si je parviens à convaincre des personnes de quitter leur jeu, j’aurai d’excellents nouveaux alliés.

Je sors mon gummiphone, toujours ennuyé par mon problème : je ne peux pas passer le portail sans être un personnage du jeu vidéo “Super Mario Bros” et dieu sait que je n’y connais rien. Je me rends rapidement sur mon profil. Mon post est loin de faire autant de bruit que je ne l’espérais, mais avec un peu de chance, la tendance finira par s’inverser. Je ferme et je décide de visiter un réseau, un truc qui s’appelle “L’Internet”. J’arrive sur une page, je vois un rectangle dans lequel on me demande ce que je cherche. Je touche et mon clavier apparaît.

Je saisis “personnage super mario bros” et la recherche se fait après un certain temps de latence. Apparemment, ça donne des milliers de résultats. Mais comme j’ai la flemme, je m’en tiens au premier que je croise et je vois une liste avec différentes images. J’essaie de me souvenir si j’ai vu un de ces personnages. Je crois reconnaître le premier personnage. Sa tenue ne m’évoque rien, mais j’ai vu un autre gars avec une moustache, des yeux bleus et un nez plutôt ovale s’engouffrer dans un des portails. Je range l’appareil et je fais le tour du couloir, tentant de me rappeler d’où je l’ai vu passer exactement.

Une fois mon choix fait, j’entre. Cette fois, aucune alarme, pas de flic qui m’arrête pour une raison complètement stupide. Après un trajet à bord d’un véhicule dans un tunnel bizarre, je me retrouve avec les autres passagers dans un bar. C’est plutôt animé, mais surtout, je remarque assez vite le gars que je cherche, derrière le comptoir. Je m'assois en face de lui, plongeant mes yeux noirs dans les siens :

- Tu serais pas… je regarde mon écran, Mario par hasard ?

Il hoche négativement la tête, poursuivant le nettoyage de son verre pour le moment. Quelqu’un l’interpelle, j’ai même pas le temps de cligner des yeux qu’il a disparu et… il revient plutôt vite comme si de rien était.

- Bonjour et bienvenue chez Tapper’s, c’est la première fois que je vous vois dans le coin. Vous venez de le rater, il vient de partir car un joueur a besoin de lui.

Je crois que j’ai pigé ce qu’il me raconte. Mario est le personnage principal du jeu, donc il doit absolument être présent aussi vite que possible lorsqu’une partie se lance. Tapper va prendre une nouvelle commande, si bien que je me retrouve une nouvelle fois seul, contemplant… une princesse ? A trois tables de là, je vois une femme blonde, portant une couronne et une ample robe rose qui vient de terminer sa boisson. Elle semble plutôt pressée de sortir, mais je me lève et lui attrape le bras, faute de mieux :

- Attendez ! Je crois qu’un… je regarde l’écran de gummiphone, sélectionnant le premier petit personnage que j’aperçois, Gomba s’est coincé dans les toilettes !
- Oh mon dieu, je vais l’aider, merci de m’avoir avertie !

Je la laisse courir dans le sens inverse en tenant les pans de sa robe, la suivant discrètement. En tentant de refermer la porte, elle s’aperçoit de ma présence. Je la pousse violemment. Elle percute une cabine de toilettes, coupant sa respiration momentanément tandis que je referme la porte à clé afin de ne pas être dérangé. Je plaque aussitôt l’une de mes mains contre sa bouche. Elle tente d’appeler à l’aide, les sons étant étouffés. Elle se débat, mais sa tenue lui complique trop la tâche. Je finis par la maîtriser et la réduire au silence en l’assommant.

J’ouvre la porte de l’une des cabines à contre-cœur, rechignant déjà à ce que je m’apprête à faire. Ce gars de la sécurité, ce connard, il me paiera ce que je vais devoir faire par sa faute. Je fais tomber le t-shirt et le pantalon, soupirant, le regard presque éteint. Putain, mais qu’est-ce que je m’apprête à faire pour passer ce foutu portail. Franchement, il y a intérêt que je parvienne au moins à recruter une personne dans ce jeu de merde, sinon, je vais tout bousiller là-bas.

Enfin, je n’ai pas trop le choix. Je tire la jambe de la princesse vers moi. Sa robe est si longue que je n’ai pas pu voir ce qu’elle chausse. Des talons haut. OK, c’est mort. Je vais vivre le summum de l’humiliation, mais je veux au moins pouvoir marcher correctement. Je galère de fou pour retirer sa robe, je finis par le faire par le haut. Ensuite, processus inverse, je l’enfile, puis je fais de même avec ses longs gants blancs et je me fais un plaisir d’au moins lui prendre cette couronne. En revanche, la plus grosse ombre au tableau, c’est que je suis obligé de laisser mes meilleures armes avec mes vêtements ici.

Faudra que je me démerde pour trouver mieux dans ce jeu. Je parviens tout de même à dissimuler un poignard et mon gummiphone dans mon calbut. Ça peut toujours servir. Je laisse Peach là, la positionnant assise sur la cuvette, affalée contre le mur sur le dos. Je fais bien attention à laisser ses talons dépasser de sorte à ce qu’on puisse la croire assise correctement. Avec un peu de chance, personne ne cherchera à la déranger en mon absence.

Je referme ensuite la cabine et là, j’observe mon reflet dans le miroir. C’est le grand choc, la pire erreur que je pouvais commettre. Le pire, c’est qu’en dehors du visage et de la coiffure, je suis relativement crédible dans mon déguisement. En plus, elle est plutôt plate. Je manque d’exploser le miroir devant ce constat. Putain, c’est le pire truc que j’ai jamais fait de ma vie. Je crois que même avec le diable, là, Karg’orth, je suis pas descendu aussi bas. Je prends une inspiration, parviens à me convaincre d’attendre au moins d’être dans le jeu avant de péter un câble.

Je quitte les toilettes, tentant de façon assez exagérée d’imiter sa démarche. J’ai une démarche excessivement droite, mon regard s’agite dans tous les sens. Je crois que quelques personnes comprennent que je suis un imposteur, mais j’essaie d’oublier cette idée et j’essaie simplement de sortir aussi vite que je le peux. Je parviens jusqu’au portail pour “Super Mario Bros” et là, mon coeur s’arrête. L’alarme sonne de nouveau et le vigile bleuté apparaît de nouveau avec son presse-papiers en main.

- Contrôle de routine, madame. Votre nom ?

C’est le moment de vérité. J’éclaircis ma gorge, tentant de prendre une voix aussi aiguë que j’en suis capable avant de lui répondre :

- Princesse… euh…

Merde, j’ai oublié son nom au pire moment. C’était comment déjà ? Ça se finissait en “itch”, je crois. Je l’ai sur le bout de la langue, merde !

- Bitch.
- Vous n’êtes pas sur la liste, répond-t-il presque mécaniquement.

Quoi, je me suis encore trompé ? Bitch… Bitch… Bitch… ah, ça y est, je sais !

- Pardon, je suis la princesse Peach ! L’exclamation est presque fière et… merde.
- Votre voix ne serait pas un peu bizarre ?
- Excusez-moi, je ne me sens pas très bien, ma voix redevient plutôt aiguë comme elle l’était, je perds en assurance et j’ai peur d’être grillé devant autant de monde qui peut déjà avoir remarqué, ça serait tellement la honte suprême !
- Je vois… Dépêchez-vous d’aller à votre place avant que l’écran-titre ne soit terminé.

Incroyable, malgré les différences carrément pas subtiles, ça passe !