Ça avait commencé comme une journée ordinaire.

Et pourtant, elle est partie au plus étrange qu'on ne puisse jamais faire. Je vous explique : j'étais sur le chantier du grand vaisseau, observant et encadrant l'avancée des travaux... tout en étant moi-même encadré par les deux qui me surveillent constamment. Tout était normal, les esclaves bossaient correctement et depuis l'apparition de Hayner, la garde noire n'avait pas vraiment rencontré de problème majeur... jusqu'à ce moment. C'est un moment dont je me souviendrai toujours, assez étrange à vivre. Je vous dresse le portrait : il y a eu comme un bref flash, ou un truc étrange qui est passé et qui nous a tous affecté.

- C'est quoi ce délire ? Commente Garet, juste à côté de moi.

Personne ne semble vraiment comprendre ce qui se passe. Nos couleurs sont devenues plus vives, de façon générale. Mon t-shirt rouge foncé ressort soudainement plus et quand je regarde le pot de colle qui vient de prononcer la question qu'on se pose tous, ses cheveux roux contrastent plus intensément avec ses vêtements que d'habitude.

Je fronce les sourcils, sors et serre avec fermeté ma fidèle lame osseuse, sur mes gardes. Je sonde les environs, observe attentivement l'environnement, croyant à une attaque du chantier, un sortilège qui affecterait tous les gardes noirs. Puis, quand je m'aperçois que les esclaves sont aussi concernés par ce phénomène, mon visage se déforme d'incompréhension.

- C'est pas un de tes coups fourrés, j'espère ?

Je fusille du regard cette vipère de Boa qui m'accompagne aussi, les dents serrées, suspicieux comme jamais. Elle me semble si comploteuse, si... pernicieuse et fourbe que je ne peux m'empêcher de penser qu'elle ferait une redoutable mage et que je dois agir en conséquence. Mais cet unique regard me suffit à comprendre qu'elle n'a pas plus idée que moi de ce qui se trame.

- Et toi ? T'as une idée de ce qui se passe ?

Elle semble tant désarçonnée par cet événement singulier qu'elle n'est pas dans son surjeu habituel. Elle ne feint même pas être blessée, simplement effrayée par ce qui pourrait nous attendre.

- Je suis le Lord Business et je viens de la Salle d'Arcade ! Cet endroit que vous assiégez, que vous essayez de réguler et dont vous convoitez l'ensemble des médailles ! À mon tour ! Je vous assiège, vous et tous vos mondes ! Et mon armée ?! Huhum...

Je tourne la tête, la voix provient du gummi... truc de Garet. A l'écran, j'aperçois la scène improbable diffusée par l'Éclaireur. Tout le monde écoute attentivement le discours du Lord Business. Je crois en comprendre que les règles de notre monde ont été changées pour être semblables à celles d'un jeu vidéo. Est-ce que c'est seulement possible ? Je continue d'écouter, perplexe.

- Jusqu'à la fin du mois de février, battez-vous ! Unissez-vous ou Trahissez-vous ! Ça ne change rien pour moi, au final... il n'en restera qu'un ! Cette personne sera couverte de récompenses, et cette personne, ce sera moi !

Le personnage semble dément, mais ses mots ont totalement trouvé un écho en moi. Il appelle l'univers à se battre pour obtenir des récompenses. Des richesses, de la puissance ? Quelle qu'elle soit, je l'obtiendrai. Je serai le survivant et je me couvrirai de gloire. Garet recule soudainement, rangeant hâtivement son appareil dans sa poche et... je n'ai que le temps de parer de ma lame osseuse un coup de hache de sa part.

- Mec, t'es pas sérieux ? C'est pas le moment !

On est en poste, si les esclaves venaient à tenter d'en profiter, les conséquences seraient dramatiques ! Pourtant, le jeune homme enchaîne d'un nouveau coup horizontal, me contraignant à une parade hâtive. Son coup, plus brutal, me fait perdre l'équilibre et je chute dos vers le sol. Heureusement, ma tête ne heurte pas le sol, je suis juste un peu sonné. Je me relève aussi vite que possible, m'apercevant que ma cible se trouve désormais au sol, plutôt grisâtre, assommé par un esclave portant une plaque de métal. La vipère se faufile derrière celui-ci et lui plante une dague dans l'épaule.

Elle fait pivoter la lame, causant une douleur terrible qui fait hurler le captif. Celui-ci tente alors de se défendre, se retournant et lui jetant son arme de fortune à la tête, provoquant la chute de la dame qui laisse son arme plantée dans l'épaule de son assaillant. Je profite de ce temps pour brandir ma lame vers le ciel, concentrer le flux magique, puis le déchaîner en un puissant sort de foudre. Des éclairs successifs crépitent et s'abattent sur différentes cibles autour de moi, dont le malheureux.

C'est là que je m'aperçois que le chaos est plus général : tout le monde se bat, ou plutôt se battait, puisque certains sont tombés, décolorés suite à mon sortilège. J'aperçois quelques "+1" qui défilent du coin de l’œil, sans me soucier de leur signification. Pour l'heure, je préfère sortir mon arme à feu pour me couvrir. Je tire au hasard en direction de quiconque tente de me prendre en chasse, effectuant un repli stratégique pour le moment. Direction : le centre-ville.