Il n’avait rien écouté.

Certes, l’accès à l’internet et au gummiphone ne sont pas des luxes communs du domaine, mais le fait est là. Il ne c’était intéressé à rien. Il avait bien noté une agitation, des soldats parlant çà et là. Mais rien qui l’a alarmé.

Il est tard, la nuit est tombée depuis déjà un moment. Les quelques fenêtres s’illuminent sur les tours de la citadelle, et le fauve attend la visite de Morphée.

Il se tourne un instant, cherchant une position plus confortable. Qu’il est serré et recroqueviller, dans sa petite tour des remparts. Son chez-lui, sa tour. Ce qui en temps normal, aurait été un poste de garde, c’était mut en repère à poil bleu. Serré, petit, mais il s’y sentait bien.

Peu d’espace pour le prendre par surprise, une nécessité pour calmer ses instincts animaux à même de lui provoquer la pire des insomnies.

Et tandis que son œil unique commence à se fermer, bercer par le silence et le sifflement du vent. Il commence à sentir quelque chose. Une petite secousse, quelques grains de poussière qui sombre vers lui depuis le plafond.

Dans un reniflement, le ronso se redresse, encore dans un état second, onirique. Il remarque sa main, ou plutôt, sa fourrure. S’il est bleu en temps normal, ce n’est pas à ce point. Il fronce les sourcils, observant un peu plus, avant de sentir un nouveau petit tremblement.

Intrigué, il sort de sa tour d’un pas hâtif. Une attaque en pleine nuit ? Quelle heure est-il au juste ? La lune est bien haute dans le ciel, minuit ? Une heure du matin ? Quelque part au milieu ?

Nouveau tremblement. Et cette fois, il en aperçoit la cause. Une énorme roche vient de traverser le ciel, pour s’écraser contre l’une des tours. La pierre commence à se détacher, chutant jusqu’à la cour inférieure.

Une attaque ?!

Serrant les crocs, le fauve se précipite à l’intérieur de sa tour pour saisir son katana. Son regard se pose brièvement sur son armure, entreposer dans un coin. Non, il n’a pas le temps. Le temps de l’enfiler, et de serrer les lanières, il en aura pour au moins dix minutes. Dix minutes dans un assaut, c’est impensable.
Son arme fétiche en main, le prêtre-guerrier se précipite vers le rempart pour analyser la situation. Ce qu’il entend, et entrevoit, lui glace le sang.

Plusieurs illuminations semblent provenir du village, tandis qu’au pied même des remparts, les tintements des épées se laissent entendre.

La pupille unique du ronso se rétrécit brièvement en une fine ligne tandis qu’il aperçoit un encore plus étrange phénomène. Similaire à des étoiles filantes, d’une taille colossale, des objets aux filaments rouges sont en train de chuter du ciel.

Se posant dans divers endroits du domaine, avant d’éjecter vers le ciel, un grand faisceau rouge. Incompréhensible, le fauve ne comprend plus rien.

Dégainant son arme, voici qu’il descend l’escalier du toit, pour mieux pénétrer dans la salle du trône.

Rien ne pouvait le préparer au spectacle sous ses yeux.

Le chaos a pris forme, le nuage noir c’est emparé du domaine enchanté. Des soldats s’affrontant, des lustres tombant au milieu de tous. Ce n’est pas une attaque ennemie, oh non, Bryke le voit bien. Tous portent les couleurs du Sanctum, tous sont des visages qu’il a croisés çà et là au détour d’un couloir.

Un sortilège, une malédiction, quelque chose ! Tous brillent de cette lueur anormale, et le fauve ne peut se sentir qu’horrifier. Le responsable, la sorcière, qui a lancé ce sort. Il faut qu’il la trouve, il faut qu’il la tue, et vite ! Il ne peut pas laisser ses collègues dans cet état de folie !

Le village, il y avait des signes de combats aussi. Il faut qu’il y aille, il verra peut-être la cause.

Le fauve s’élance au travers du champ de bataille qu’est la salle principale du château.

Bien vite, c’est un des soldats qui s’élance dans sa direction, épée et bouclier en avant.

Dans un rugissement, le ronso vient parrer son coup, avant d’esquiver d’un bref pas en arrière. Voilà que ce dernier repart à la charge. Pas le choix, grogne le fauve, il va devoir s’en débarrasser. Quelques échanges de lames ne tardent pas. Le bouclier aide à parer ses assaults, et le prêtre-guerrier commence à cruellement manquer de patience.
Redressant sa lame, il mime de frapper en direction de la tête de son adversaire. Poussant ce dernier à relever son bouclier, laissant… ses jambes sans protection.

La lame change de direction en plein milieu de sa manœuvre, frappant les jambes d’un coup sec et violent. Le soldat tombe au sol dans un gémissement de douleur, tandis que le fauve se positionne au-dessus de lui.

Saisissant son arme à deux mains, il se prépare à planter en plein dans la poitrine. Bryke marque une hésitation. L’espoir de voir dans le regard du soldat quelque chose, une lueur, n’importe quoi qui le dissuade de le tuer.

Mais ce qu’il voit, ce n’est juste que de la colère, de la frustration, de la haine. Non, pas de doute, il voulait bien le tuer.

Prenant une inspiration, le fauve plante sa lame, avant de la dégager tout aussi vite. Il vient de tuer un garde du Sanctum, et ce n’est pas quelque chose qu’il souhaitait faire. Mais il ne peut pas prendre de risque, essaye-t-il de se convaincre, et si ce n’était pas lui, ça aurait été les autres fou dans la sa…

Le fauve cligne de l’œil. Malgré son exécution, le soldat rouvre les yeux, toussant amèrement. Et si ses couleurs deviennent d’un terne anormal, le fauve ne peut qu’être perplexe. Comment ? Comment peut-il être encore en vie ?

En plus d’être ensorceler, ils se relèvent en mort-vivants ?!

Le fauve redresse sa lame à nouveau, se préparant à frapper à nouveau le revenu d’entre les morts. Mais son geste s’arrête sec.

« Aaaah ! Attend! Attend attend attend ! Je suis éliminé, t’as gagné, stop ! » commence à paniquer le « mort-vivant »

C’est de la terreur dans son regard, de la peur de mourir. Mais qu’est-ce qui se passe ici au juste ?!

Visiblement, l’incompréhension dans le regard du fauve est suffisamment lisible pour que le soldat cherche dans sa poche un appareil.

Une sorte de petite boite métallique, muni d’un écran qui s’illumine et affiche bien des images.

Une bien étrange personne semble présente derrière l’écran. La peau jaune, les traits démunis de la moindre humanité. Et une tête aussi ronde que ridicule.

Battle royale, un seul survivant, des règles de jeux vidéo… Le fauve ne comprend plus rien.

Le soldat range son appareil, avant de se relever doucement. Les mains toujours levé, il fait quelques pas en arrière, visiblement terrifié par ce fauve confus.

Il ne lui faut pas moins de trois pas, avant de tourner les talons, et s’enfuir bien loin.

Le tout, sous le regard d’un fauve qui a bien du mal à remettre ses pensées en ordre. Et d’un concerto d’épées, de cri, et de combats. Le tout dans une salle du trône méconnaissable, au mobilier fracassé, et aux tapisseries de plus en plus déchirés.

Le chaos…