« En voilà une ! » crie Fahimeh dans l’appartement. Je me précipite vers la fenêtre du salon, que j’ouvre pour arriver dans le balcon. En pleine nuit, une lumière rouge traverse le ciel comme un éclair pour s’écraser dans une des rues de SF. Et… ça arrive à quelques autres endroits. Les caches d’armes de Lord Business. Je regarde ma montre. 23h47… Purée qu’est-ce qu’ils font, les frangins ?! « Fais une photo, Fahimeh. » dis-je en posant ma main avec douceur sur sa nuque. La petite fait ce que je dis. Je me retourne vers Hengameh. « Un moment ou un autre, il faudra que j’y aille. » dis-je assez sérieusement. C’est… exactement le moment que je crains le plus des prochains jours à venir. Business a fait son annonce hier soir et depuis lors, j’échafaude des plans et je fais ma maligne sur le GummiNow. En vrai je fais pas la fière. C’est horrible à dire mais… j’ai un handicap énorme. Non seulement Hengameh a treize ans, donc elle est dans la course, donc… d’une manière ou d’une autre, je dois la protéger aussi… mais en plus, je peux pas complètement abandonner les trois autres non plus, même s’ils risquent moins. Quand je partirai pour la cache d’armes, je devrai les laisser livrer à eux-mêmes pour… peut-être un jour entier.
« Tu n’as pas assez d’armes ? »
« Si. Non si théoriquement j’ai assez avec les mékas, tant que j’ai mon D.Ririgeable pour m’approvisionner. Mais je peux pas me battre partout avec eux et… sinon j’ai que mon pistolet laser. » Je le tapote à ma ceinture. Hengameh fait une moue assez mécontente. Comme si je m’étais pas assez préparée… Allez quoi, jusqu’à ce soir 23h59, je suis encore un Soldat 1ère Classe. Je trouve que ça le fait moyen d’arriver dans une boutique pour demander quatre lance-flammes et trois tourelles. « Et bon, c’est pas dingue comme puissance de feu. » [i]Enfin bon. Calmons-nous. J’ai QUAND MÊME les mékas, et avec ça, je dois genre être la meuf la mieux armée de tout San Fransokyo !
« Ou tu peux me donner une arme. » répond-elle en souriant légèrement, ce qui est… super rare pour elle ! Un joli sourire, tout pour m’amadouer. Je rigole. « Ouais, puis je peux aussi t’offrir une voiture, tiens, t’es grave en âge. »
« Arrête avec ça ! » Elle proteste en élevant la voix. « T’as aucun droit de m’empêcher de participer ! » Hmm… Ok ça va m’énerver. Même pas envie de répondre. Je regarde ma montre. Pile à ce moment-là, mon Gummiphone sonne. Kotetsu. Pfiou. « Il l’a dit ! Les moins de douze ans peuvent pas participer ! J’ai treize ans ! Donc c’est bon ! »
Je décroche tout en décrochant – Oula, jeu de mots – une réplique cinglante à l’aînée de la fratrie. « Oh oui t’as raison. Donc si un vieux playmobil cinglé d’un jeu pourri te dit que tu peux participer à une guerre mondiale, qui suis-je pour m’y opposer ? » Je lève un doigt autoritaire à Hengameh pour la couper avant qu’elle parle encore. « ‘Tetsu purée !! Mais t’es où ? »
« À deux kilomètres de chez toi, Hana. Je« Deux kilomètres ?! » Je crie en me tapant la main sur la cuisse. « Comment tu vas arriver avant minuit ?! Qu’est-ce que tu fais ?! »
« Les rues sont complètement bouchées. Y a déjà des groupes qui font des barrages alors que ça n’a pas commencé… »
« Et ils ont des armes ? » Je l’entends super essoufflé à travers l’appareil. Et franchement, ça ajoute rien à l’ambiance rassurante. « Pas tous, non. La Shinra s’est repliée en grande partie. Mais ils ne tirent pas… Au moins c’est toujours ça de gagné. » Je hoche la tête. Ils sont pas fous. Le truc va être… forcément ultra médiatisé. Des tas de gens vont filmer, même si l’Éclaireur est down. S’ils commencent à tuer des gens avant minuit ou s’ils font preuve de la moindre violence… purée, on les ratera pas. « Mais j’arriverai, tracasse « Chut. » Quelqu’un toque à la porte. J’ai un frisson mais je m’approche, une main sur le gummiphone, l’autre sur mon pistolet. J’approche ma tête du judas. Et j’ouvre, super rassurée. Nakada rentre, me prend dans ses bras. « Purée, ton frère est super loin. » Il me regarde, les cheveux tombant sur son visage transpirant, le regard… franchement sombre. « Je vais le chercher. » dit-il en soupirant avant de se retourner. Je le prends par la manche. « T’es bête ?! Comment c’était en bas ? »
Il regarde la cage d’escalier. « Ouais franchement c’était horrible. Dans les rues, c’est la cata mais en-bas de ton building ou devant l’hôtel de ville, c’est au-dessus de tout. »
« Ah. » Je souris. « Désolée. »
« Tu peux l’être, ouais. Pourquoi t’as provoqué tout le monde six heures avant minuit, franchement ? » J’entends la voix de Fahimeh derrière nous crier avec joie « Elle a eu raison ! Ils viennent tous se jeter dans la gueule du loup, maintenant ! » Je souris encore plus, essayant d’ignorer Hengameh qui soupire. Le post GummiNow, c’était peut-être pas ma meilleure idée… On se retrouve comme dans un live. T’as des streamhackers qui s’en fichent de gagner, qui veulent juste être LE mec qui m’a battue. « Ouais c’était un peu l’idée. Y a que des gens qui veulent m’éliminer devant l’entrée ? »
« Non. Y a pas mal de tes plus grands fans. » Il pose son sac à l’intérieur de l’appartement. « C’est grâce à eux que j’ai pu me faufiler. Ils bloquent les autres, même ceux qu’ont rien à voir… Bon et pour Kotetsu ? »
« J’arriverai à vous atteindre. » Je l’entends mal à travers le Gummiphone, tellement c’est le del-bor de son côté. « Non. » Une moue ennuyée, je me retourne vers les enfants. Ils vivront bien moins tout ça si Kotetsu est pas avec nous… mais « T’y arriveras pas. Planque-toi. On te récupérera quand les choses se calmeront un peu. »
« C’est moi qui ai les provisions. J’ai genre quatre sacs plein. »
« On a de quoi tenir un peu, tracasse. Bon, traine pas et envoie-moi des textos pour me dire comment tu t’en sors. Bisou. » Je raccroche, un petit pincement au cœur. Aux dernières nouvelles, c’est quand même mon copain, mais j’ai pas le choix. Il me le faut en jeu, pas éliminé. Je regarde l’heure… 23h57. Enorme boule dans le ventre, brusquement. « Ça craint. » Je retourne dans le salon, suivie de Nakada. « On doit se mettre en place. »
« T’as une arme ? »
« Un couteau à cran d’arrêt. » Il montre sa lame. Je souris légèrement avant de m’exclamer en riant nerveusement : « Mais comment c’est tout nul ! On était censé être trois pour défendre l’étage, et je suis toute seule avec le pire caïd de la zone ! »
« À nouveau… » Il s’énerve, mais sans rire, lui. « Je rappelle que c’est toi qui as provoqué des dizaines de personnes, et qui a un putain de dirigeable au-dessus de son building pour bien dire à tout le monde où elle habite ! »
« Oui bah moi j’ai un flingue ! » Bon on n’a pas le temps. Je regarde Hengameh. « Bon, va te cacher sous le lit de Babak. »
« Allez… Pitié Di. » Elle joint ses mains en prière. « Pitié pitié, laisse-moi vous aider. T’en élimines un, tu me donnes son arme et je te promets que je te gêne pas. »
« C’est pas une question de gêner, c’est une question de risque inutile ! Si je dois me faire éliminer, tu seras toujours là ! » Bon je mens à mort, mais si j’arrive pas à résoudre ça, je suis foutue. Nakada l’accompagne en la rassurant, je me retourne vers Babak, Jila et Fahimeh. « Restez dans le salon, normalement rien peut vous arriver. Nous, on va aller les régler dans les escaliers dès que ça commence. »
J’ai pensé à tout mais… c’est pas comme si j’avais eu la possibilité d’installer des pièges, je suis pas artificière ou… terroriste, en fait ! Les escaliers, c’est franchement notre seule chance de gagner malgré l’infériorité numérique, et surtout d’épargner l’appartement. S’il est détruit aujourd’hui, on a juste aucune chance de tempo après. Nakada revient. Minuit. Ça commence. Le revêtement commence à recouvrir les murs et à nous recouvrir, Nakada et moi. Le rose de ma combinaison de méka est plus éclatante, j’ai… limite l’air plus en forme. « Fahimeh ! » crie Nakada. Je la regarde, super effrayée, genre qu’elle se soit pris une balle, déjà… Non. Elle aussi, elle est plus éclatante, alors que Jila et Babak sont pâles, désaturés, comme on avait été prévenus.
« C’est quoi ce délire ? » Je crie en chuchotant, en m’approchant d’elle ! J’ai pas le temps, c’est quoi ce truc ?!! « T’as onze ans, t’en as pas douze ! »
Fahimeh est… complètement due-per. Elle me regarde comme si elle avait gaffé. C’est… la pire chose. Hengameh sait vraiment se débrouiller, elle est indépendante. Mais j’ai transformé Fahimeh en une poupée qui pose devant les caméras… Quelle… « Comment ça se fait ? » demande Nakada.
Je ferme les yeux et je me… déteste. « Ils n’ont jamais su leur date d’anniversaire, on a fait que… estimer, en fait. À Agrabah, on est loin d’être franchement au point. Je suis trop bête, j’aurais tellement dû le voir venir. »
« Pas le temps. Va te cacher dans un placard, Fahimeh. » Il se tourne vers moi en sortant son bête couteau. « Concentre-toi. »
Je hoche la tête. « Je suis toujours à 100%. » Je fais un clin d’œil comme si j’étais filmée et je sors de l’appartement, avec Nakada. J’allume la lumière du hall. Et… hey hey ! Voilà le miracle. Devant ma porte, la lumière s’allume bien, mais en regardant par la cage d’escalier, tous les autres étages sont éteints. Je me suis amusée à toutes les flinguer cette après-midi. Hors-event, oui je sais ! Je ferai un virement au concierge ! Et pour finir le boulot, je pointe mon pistolet vers cette dernière lumière, et j’appuie sur la détente. « Chh… » dis-je à Nakada en lui prenant la main et en montant au palier supérieur. On n’y voit… strictement rien. Je chuchotte, le visage proche de celui de mon compère. « N’oublie pas. Le toit. »
« Oui. »
J’ai mon pistolet à la main. Et on attend. Au bout d’à peine quelques dizaines de secondes, les coups de feu commencent à résonner dans tout l’immeuble. Pas de cri, juste des détonations. Ça me rassure. Franchement… oui, ça me rassure beaucoup. Pour m’être déjà fait tirer dessus, je veux pas que Hengameh ressente la même douleur, même si ça la tuera pas vraiment. Ah et… Fahimeh aussi, du coup. Je… J’en reviens toujours pas. C’est l’horreur. Et là j’en suis à un point où je sais même plus si c’est possible pour moi de gagner contre l’univers entier… alors que je dois gérer quatre autres joueurs dont deux gosses et un intello. Heureusement, j’ai Nakada. Premier degré, ça me rassure, même si c’est super naze comme arme, un couteau à cran d’arrêt. Rappelons-le.
Les coups de feu continuent. Et puis ça devient encore plus glauque. Il me faut quelques bonnes minutes pour comprendre comment ça se passe. Le premier bruit est sourd. Une porte qu’on enfonce. Et puis le deuxième, c’est des mecs qui commencent à crier des trucs comme « Où est-ce que tu te caches ?! ». Et le troisième c’est des coups de feu sur mes pauvres voisins. Étage par étage, ils se font juste fusiller la tronche. Et comment t’expliquer que même si c’est un jeu, même s’ils sont juste éliminés, de notre position, on le sent quand même comme un massacre horrible. Enfin je parle pour moi… Et dans une certaine mesure. Quand ces gros rageux arriveront devant ma porte, qu’ils voudront l’enfoncer, ils vont comprendre qu’y a aucun monde où on enfonce ma porte à moi, et où on fait crier mes gosses. Et là, le massacre, il me fera pas frissonner. Je te les…
Ils approchent. Au bout d’un moment, ils sont à genre… cinq étages du mien. Et c’est style… trente secondes plus tard qu’on entend un gros coup de feu suivi d’un hurlement franchement différent. « Aidez-moi ! » Et vu l’intonation… vu comme je l’entends trop nettement dans la cage d’escalier pour que ça vienne d’un appartement… ça a l’air de venir d’un des streamhackers venus pour m’éliminer. Je regarde dans la direction de Nakada, totalement aveugle. « Je crois que c’est l’étage du gars et de sa mère. »
« Quel gars ? »
« Un grand black, super sec, toujours avec un vieux marcel gris. »
« Eh beh. » Et bien du coup, celui que je suspecte d’être mon voisin grand black sec… est en train de franchement défendre son étage. Je l’avais pas prévu, mais sérieux ? Trop bonne nouvelle. « On va l’aider ? » dis-je en chuchotant, avec un petit sourire gêné aux lèvres, qu’il ne peut pas voir, forcément.
« T’es folle ? Laisse-le éliminer ces idiots. »
« Wesh c’est mon voisin et il est en train de se faire assiéger à cause de moi. D’une manière ou d’une autre, il me défend. Je vais pas le laisser… » purée j’arrête de parler, c’est trop chiant d’expliquer un truc en chuchotant. « On y va. » Je commence à descendre, 100% blind, en me tenant à la rampe, suivie de près par Nakada. On entend régulièrement des nouveaux gros coups de feu. C’est… Un fusil à chevrotine, je crois. Le mec est juste un taré. D’autres tirent mais ça s’arrête pas. Plus que deux étages. Je me risque à un coup d’œil à travers la cage d’escalier, et je vois des lumières de lampe de poche de Gummiphone éclairer faiblement des types. Ils sont nombreux. Encore un étage. Un palier avant d’avoir une vue sur les gars. J’ai le trac mais pour la première fois aujourd’hui, je suis aussi franchement super super excitée. À pas feutrés, je m’approche. Je vois pas grand-chose, si ce n’est des silhouettes à couvert devant le seuil de la porte, essayant de pas se faire farm par mon voisin. Eh beh… Go ? Je pointe mon pistolet sur eux. « Joyeux Battle Royale ! » Et je tire comme une folle sans vraiment viser de ouf, avec la cadence de tir acceptable de mon pistolet laser. Plusieurs mecs tombent. D’autres tirent. Je vais sur ma gauche pour me mettre à couvert derrière les escaliers… le canon à chevrotine rugit encore, emportant un distrait. « Ok le voisin ! » , dis-je en faisant des tirs de suppression. « C’est D.Va ! Je vais m’occuper d’une partie d’entre eux. Ahh » Je crie super aigu quand des tirs me frôlent. Je me couche à terre quelques secondes. « Et… on se retrouve demain, si on est vivants, pour partager le butin. Je te laisserai pas toutes leurs armes. Ok ? »
Quelques secondes… « Ok. » J’entends sa voix à travers sa porte perforée de parts en parts. Je me tourne vers Nakada. « Va chercher un flingue. Je te couvre. » Il s’avance. Je prends mon gummiphone. Lampe de poche, luminosité au max. « Vous voulez de la lumière ?! » Je braque ma lampe de poche sur eux pour les éblouir, tout en tirant sur ceux que j’arrive à voir. J’en touche seulement un, et à la jambe, donc meh. Mais Nakada atteint une arme, un pistolet-mitrailleur, et tire une salve en direction de l’escalier plus bas, avant de remonter.
« J’en ai eu un ! »
« Ils vont forcer le passage. » dis-je. Je crie ensuite « Merci et bonne chance ! » avant de me retourner et de courir en remontant les escaliers, en m’aidant de ma lampe de poche cette fois, tirant quelques lasers au hasard, juste pour attirer l’attention. « J’ignore ce connard ! Passez juste en évitant l’encadrement de sa porte et on fume la Shinra ! » Les mecs commencent à nous suivre, tout juste ralentis par les tirs qu’on balance derrière nous au pifomètre. On monte… « On est beaucoup trop nombreux ! » On monte… « Tu nous échapperas pas ! » On s’épuise… « Eliminée Day One ! Tout le monde se foutra bien de toi ! » On dépasse mon étage. On se retourne juste pour montrer que c’est SURTOUT pas là qu’on se réfugie, tirant quelques coups de feu. Et on y retourne… totalement essoufflés. Mais au moins on est sportifs ! Sûrement plus que les streamhackers !
« On y est ! » Enfin ! Je pose ma main sur la poignée de la porte qui mène au toit. On passe comme si on entrait dans le paradis, mon gars ! « Dépêche ! » Je crie sur Nakada alors que je cours vers l’autre bout du toit comme une dingue, en chipotant à ma montre ! Et la suite… Tu la connais ! La nacelle de mon D.Rigeable s’ouvre, une cinquantaine de mètres au-dessus de moi, libérant un des trésors du ciel ! Les Streamhackers ouvrent la porte, me visent… La Classique ! Mon méka tombe juste derrière moi, prend les tirs à ma place. Je me retourne en souriant. Mon sourire devient un rire éclatant. Je me glisse dans mon méka, saisit les joysticks.
« Nakada ! » Ma voix est amplifiée et un peu robotisée, alors que Nakada, sur le toit de l’accès à l’escalier, qu’il a atteint grâce à ses purées de skills d’acrobate, vise les mecs. Ils sont encore six. Ils pourraient même être trente, à ce stade. « Feu ! » Je les braque, et je tire des deux canons-mitrailleurs de mon méka, alors que dans leur dos, Nakada tire aussi. On les ex-ter-mine !!! Ils perdent leur couleur, nous regardent avec une haine comme t’en as jamais vu… Et ils se barrent parce qu’ils ont rien de mieux à faire, frérot !
Je descends de mon méka en riant, le laissant revenir dans la nacelle de ses propres propulseurs, avant de prendre Nakada dans les bras, beaucoup trop contente ! « Monstrueux. »
« Faut pas se relâcher, Di. D’autres peuvent venir. »
Sûrement, ouais. On va le dire, j’ai deux priorités, dans l’immédiat. Tenir la nuit. Et faire un bon stock d’armes avec ce que les streamhackers ont drop.
Lun 1 Fév 2021 - 0:17« Tu n’as pas assez d’armes ? »
« Si. Non si théoriquement j’ai assez avec les mékas, tant que j’ai mon D.Ririgeable pour m’approvisionner. Mais je peux pas me battre partout avec eux et… sinon j’ai que mon pistolet laser. » Je le tapote à ma ceinture. Hengameh fait une moue assez mécontente. Comme si je m’étais pas assez préparée… Allez quoi, jusqu’à ce soir 23h59, je suis encore un Soldat 1ère Classe. Je trouve que ça le fait moyen d’arriver dans une boutique pour demander quatre lance-flammes et trois tourelles. « Et bon, c’est pas dingue comme puissance de feu. » [i]Enfin bon. Calmons-nous. J’ai QUAND MÊME les mékas, et avec ça, je dois genre être la meuf la mieux armée de tout San Fransokyo !
« Ou tu peux me donner une arme. » répond-elle en souriant légèrement, ce qui est… super rare pour elle ! Un joli sourire, tout pour m’amadouer. Je rigole. « Ouais, puis je peux aussi t’offrir une voiture, tiens, t’es grave en âge. »
« Arrête avec ça ! » Elle proteste en élevant la voix. « T’as aucun droit de m’empêcher de participer ! » Hmm… Ok ça va m’énerver. Même pas envie de répondre. Je regarde ma montre. Pile à ce moment-là, mon Gummiphone sonne. Kotetsu. Pfiou. « Il l’a dit ! Les moins de douze ans peuvent pas participer ! J’ai treize ans ! Donc c’est bon ! »
Je décroche tout en décrochant – Oula, jeu de mots – une réplique cinglante à l’aînée de la fratrie. « Oh oui t’as raison. Donc si un vieux playmobil cinglé d’un jeu pourri te dit que tu peux participer à une guerre mondiale, qui suis-je pour m’y opposer ? » Je lève un doigt autoritaire à Hengameh pour la couper avant qu’elle parle encore. « ‘Tetsu purée !! Mais t’es où ? »
« À deux kilomètres de chez toi, Hana. Je« Deux kilomètres ?! » Je crie en me tapant la main sur la cuisse. « Comment tu vas arriver avant minuit ?! Qu’est-ce que tu fais ?! »
« Les rues sont complètement bouchées. Y a déjà des groupes qui font des barrages alors que ça n’a pas commencé… »
« Et ils ont des armes ? » Je l’entends super essoufflé à travers l’appareil. Et franchement, ça ajoute rien à l’ambiance rassurante. « Pas tous, non. La Shinra s’est repliée en grande partie. Mais ils ne tirent pas… Au moins c’est toujours ça de gagné. » Je hoche la tête. Ils sont pas fous. Le truc va être… forcément ultra médiatisé. Des tas de gens vont filmer, même si l’Éclaireur est down. S’ils commencent à tuer des gens avant minuit ou s’ils font preuve de la moindre violence… purée, on les ratera pas. « Mais j’arriverai, tracasse « Chut. » Quelqu’un toque à la porte. J’ai un frisson mais je m’approche, une main sur le gummiphone, l’autre sur mon pistolet. J’approche ma tête du judas. Et j’ouvre, super rassurée. Nakada rentre, me prend dans ses bras. « Purée, ton frère est super loin. » Il me regarde, les cheveux tombant sur son visage transpirant, le regard… franchement sombre. « Je vais le chercher. » dit-il en soupirant avant de se retourner. Je le prends par la manche. « T’es bête ?! Comment c’était en bas ? »
Il regarde la cage d’escalier. « Ouais franchement c’était horrible. Dans les rues, c’est la cata mais en-bas de ton building ou devant l’hôtel de ville, c’est au-dessus de tout. »
« Ah. » Je souris. « Désolée. »
« Tu peux l’être, ouais. Pourquoi t’as provoqué tout le monde six heures avant minuit, franchement ? » J’entends la voix de Fahimeh derrière nous crier avec joie « Elle a eu raison ! Ils viennent tous se jeter dans la gueule du loup, maintenant ! » Je souris encore plus, essayant d’ignorer Hengameh qui soupire. Le post GummiNow, c’était peut-être pas ma meilleure idée… On se retrouve comme dans un live. T’as des streamhackers qui s’en fichent de gagner, qui veulent juste être LE mec qui m’a battue. « Ouais c’était un peu l’idée. Y a que des gens qui veulent m’éliminer devant l’entrée ? »
« Non. Y a pas mal de tes plus grands fans. » Il pose son sac à l’intérieur de l’appartement. « C’est grâce à eux que j’ai pu me faufiler. Ils bloquent les autres, même ceux qu’ont rien à voir… Bon et pour Kotetsu ? »
« J’arriverai à vous atteindre. » Je l’entends mal à travers le Gummiphone, tellement c’est le del-bor de son côté. « Non. » Une moue ennuyée, je me retourne vers les enfants. Ils vivront bien moins tout ça si Kotetsu est pas avec nous… mais « T’y arriveras pas. Planque-toi. On te récupérera quand les choses se calmeront un peu. »
« C’est moi qui ai les provisions. J’ai genre quatre sacs plein. »
« On a de quoi tenir un peu, tracasse. Bon, traine pas et envoie-moi des textos pour me dire comment tu t’en sors. Bisou. » Je raccroche, un petit pincement au cœur. Aux dernières nouvelles, c’est quand même mon copain, mais j’ai pas le choix. Il me le faut en jeu, pas éliminé. Je regarde l’heure… 23h57. Enorme boule dans le ventre, brusquement. « Ça craint. » Je retourne dans le salon, suivie de Nakada. « On doit se mettre en place. »
« T’as une arme ? »
« Un couteau à cran d’arrêt. » Il montre sa lame. Je souris légèrement avant de m’exclamer en riant nerveusement : « Mais comment c’est tout nul ! On était censé être trois pour défendre l’étage, et je suis toute seule avec le pire caïd de la zone ! »
« À nouveau… » Il s’énerve, mais sans rire, lui. « Je rappelle que c’est toi qui as provoqué des dizaines de personnes, et qui a un putain de dirigeable au-dessus de son building pour bien dire à tout le monde où elle habite ! »
« Oui bah moi j’ai un flingue ! » Bon on n’a pas le temps. Je regarde Hengameh. « Bon, va te cacher sous le lit de Babak. »
« Allez… Pitié Di. » Elle joint ses mains en prière. « Pitié pitié, laisse-moi vous aider. T’en élimines un, tu me donnes son arme et je te promets que je te gêne pas. »
« C’est pas une question de gêner, c’est une question de risque inutile ! Si je dois me faire éliminer, tu seras toujours là ! » Bon je mens à mort, mais si j’arrive pas à résoudre ça, je suis foutue. Nakada l’accompagne en la rassurant, je me retourne vers Babak, Jila et Fahimeh. « Restez dans le salon, normalement rien peut vous arriver. Nous, on va aller les régler dans les escaliers dès que ça commence. »
J’ai pensé à tout mais… c’est pas comme si j’avais eu la possibilité d’installer des pièges, je suis pas artificière ou… terroriste, en fait ! Les escaliers, c’est franchement notre seule chance de gagner malgré l’infériorité numérique, et surtout d’épargner l’appartement. S’il est détruit aujourd’hui, on a juste aucune chance de tempo après. Nakada revient. Minuit. Ça commence. Le revêtement commence à recouvrir les murs et à nous recouvrir, Nakada et moi. Le rose de ma combinaison de méka est plus éclatante, j’ai… limite l’air plus en forme. « Fahimeh ! » crie Nakada. Je la regarde, super effrayée, genre qu’elle se soit pris une balle, déjà… Non. Elle aussi, elle est plus éclatante, alors que Jila et Babak sont pâles, désaturés, comme on avait été prévenus.
« C’est quoi ce délire ? » Je crie en chuchotant, en m’approchant d’elle ! J’ai pas le temps, c’est quoi ce truc ?!! « T’as onze ans, t’en as pas douze ! »
Fahimeh est… complètement due-per. Elle me regarde comme si elle avait gaffé. C’est… la pire chose. Hengameh sait vraiment se débrouiller, elle est indépendante. Mais j’ai transformé Fahimeh en une poupée qui pose devant les caméras… Quelle… « Comment ça se fait ? » demande Nakada.
Je ferme les yeux et je me… déteste. « Ils n’ont jamais su leur date d’anniversaire, on a fait que… estimer, en fait. À Agrabah, on est loin d’être franchement au point. Je suis trop bête, j’aurais tellement dû le voir venir. »
« Pas le temps. Va te cacher dans un placard, Fahimeh. » Il se tourne vers moi en sortant son bête couteau. « Concentre-toi. »
Je hoche la tête. « Je suis toujours à 100%. » Je fais un clin d’œil comme si j’étais filmée et je sors de l’appartement, avec Nakada. J’allume la lumière du hall. Et… hey hey ! Voilà le miracle. Devant ma porte, la lumière s’allume bien, mais en regardant par la cage d’escalier, tous les autres étages sont éteints. Je me suis amusée à toutes les flinguer cette après-midi. Hors-event, oui je sais ! Je ferai un virement au concierge ! Et pour finir le boulot, je pointe mon pistolet vers cette dernière lumière, et j’appuie sur la détente. « Chh… » dis-je à Nakada en lui prenant la main et en montant au palier supérieur. On n’y voit… strictement rien. Je chuchotte, le visage proche de celui de mon compère. « N’oublie pas. Le toit. »
« Oui. »
J’ai mon pistolet à la main. Et on attend. Au bout d’à peine quelques dizaines de secondes, les coups de feu commencent à résonner dans tout l’immeuble. Pas de cri, juste des détonations. Ça me rassure. Franchement… oui, ça me rassure beaucoup. Pour m’être déjà fait tirer dessus, je veux pas que Hengameh ressente la même douleur, même si ça la tuera pas vraiment. Ah et… Fahimeh aussi, du coup. Je… J’en reviens toujours pas. C’est l’horreur. Et là j’en suis à un point où je sais même plus si c’est possible pour moi de gagner contre l’univers entier… alors que je dois gérer quatre autres joueurs dont deux gosses et un intello. Heureusement, j’ai Nakada. Premier degré, ça me rassure, même si c’est super naze comme arme, un couteau à cran d’arrêt. Rappelons-le.
Les coups de feu continuent. Et puis ça devient encore plus glauque. Il me faut quelques bonnes minutes pour comprendre comment ça se passe. Le premier bruit est sourd. Une porte qu’on enfonce. Et puis le deuxième, c’est des mecs qui commencent à crier des trucs comme « Où est-ce que tu te caches ?! ». Et le troisième c’est des coups de feu sur mes pauvres voisins. Étage par étage, ils se font juste fusiller la tronche. Et comment t’expliquer que même si c’est un jeu, même s’ils sont juste éliminés, de notre position, on le sent quand même comme un massacre horrible. Enfin je parle pour moi… Et dans une certaine mesure. Quand ces gros rageux arriveront devant ma porte, qu’ils voudront l’enfoncer, ils vont comprendre qu’y a aucun monde où on enfonce ma porte à moi, et où on fait crier mes gosses. Et là, le massacre, il me fera pas frissonner. Je te les…
Ils approchent. Au bout d’un moment, ils sont à genre… cinq étages du mien. Et c’est style… trente secondes plus tard qu’on entend un gros coup de feu suivi d’un hurlement franchement différent. « Aidez-moi ! » Et vu l’intonation… vu comme je l’entends trop nettement dans la cage d’escalier pour que ça vienne d’un appartement… ça a l’air de venir d’un des streamhackers venus pour m’éliminer. Je regarde dans la direction de Nakada, totalement aveugle. « Je crois que c’est l’étage du gars et de sa mère. »
« Quel gars ? »
« Un grand black, super sec, toujours avec un vieux marcel gris. »
« Eh beh. » Et bien du coup, celui que je suspecte d’être mon voisin grand black sec… est en train de franchement défendre son étage. Je l’avais pas prévu, mais sérieux ? Trop bonne nouvelle. « On va l’aider ? » dis-je en chuchotant, avec un petit sourire gêné aux lèvres, qu’il ne peut pas voir, forcément.
« T’es folle ? Laisse-le éliminer ces idiots. »
« Wesh c’est mon voisin et il est en train de se faire assiéger à cause de moi. D’une manière ou d’une autre, il me défend. Je vais pas le laisser… » purée j’arrête de parler, c’est trop chiant d’expliquer un truc en chuchotant. « On y va. » Je commence à descendre, 100% blind, en me tenant à la rampe, suivie de près par Nakada. On entend régulièrement des nouveaux gros coups de feu. C’est… Un fusil à chevrotine, je crois. Le mec est juste un taré. D’autres tirent mais ça s’arrête pas. Plus que deux étages. Je me risque à un coup d’œil à travers la cage d’escalier, et je vois des lumières de lampe de poche de Gummiphone éclairer faiblement des types. Ils sont nombreux. Encore un étage. Un palier avant d’avoir une vue sur les gars. J’ai le trac mais pour la première fois aujourd’hui, je suis aussi franchement super super excitée. À pas feutrés, je m’approche. Je vois pas grand-chose, si ce n’est des silhouettes à couvert devant le seuil de la porte, essayant de pas se faire farm par mon voisin. Eh beh… Go ? Je pointe mon pistolet sur eux. « Joyeux Battle Royale ! » Et je tire comme une folle sans vraiment viser de ouf, avec la cadence de tir acceptable de mon pistolet laser. Plusieurs mecs tombent. D’autres tirent. Je vais sur ma gauche pour me mettre à couvert derrière les escaliers… le canon à chevrotine rugit encore, emportant un distrait. « Ok le voisin ! » , dis-je en faisant des tirs de suppression. « C’est D.Va ! Je vais m’occuper d’une partie d’entre eux. Ahh » Je crie super aigu quand des tirs me frôlent. Je me couche à terre quelques secondes. « Et… on se retrouve demain, si on est vivants, pour partager le butin. Je te laisserai pas toutes leurs armes. Ok ? »
Quelques secondes… « Ok. » J’entends sa voix à travers sa porte perforée de parts en parts. Je me tourne vers Nakada. « Va chercher un flingue. Je te couvre. » Il s’avance. Je prends mon gummiphone. Lampe de poche, luminosité au max. « Vous voulez de la lumière ?! » Je braque ma lampe de poche sur eux pour les éblouir, tout en tirant sur ceux que j’arrive à voir. J’en touche seulement un, et à la jambe, donc meh. Mais Nakada atteint une arme, un pistolet-mitrailleur, et tire une salve en direction de l’escalier plus bas, avant de remonter.
« J’en ai eu un ! »
« Ils vont forcer le passage. » dis-je. Je crie ensuite « Merci et bonne chance ! » avant de me retourner et de courir en remontant les escaliers, en m’aidant de ma lampe de poche cette fois, tirant quelques lasers au hasard, juste pour attirer l’attention. « J’ignore ce connard ! Passez juste en évitant l’encadrement de sa porte et on fume la Shinra ! » Les mecs commencent à nous suivre, tout juste ralentis par les tirs qu’on balance derrière nous au pifomètre. On monte… « On est beaucoup trop nombreux ! » On monte… « Tu nous échapperas pas ! » On s’épuise… « Eliminée Day One ! Tout le monde se foutra bien de toi ! » On dépasse mon étage. On se retourne juste pour montrer que c’est SURTOUT pas là qu’on se réfugie, tirant quelques coups de feu. Et on y retourne… totalement essoufflés. Mais au moins on est sportifs ! Sûrement plus que les streamhackers !
« On y est ! » Enfin ! Je pose ma main sur la poignée de la porte qui mène au toit. On passe comme si on entrait dans le paradis, mon gars ! « Dépêche ! » Je crie sur Nakada alors que je cours vers l’autre bout du toit comme une dingue, en chipotant à ma montre ! Et la suite… Tu la connais ! La nacelle de mon D.Rigeable s’ouvre, une cinquantaine de mètres au-dessus de moi, libérant un des trésors du ciel ! Les Streamhackers ouvrent la porte, me visent… La Classique ! Mon méka tombe juste derrière moi, prend les tirs à ma place. Je me retourne en souriant. Mon sourire devient un rire éclatant. Je me glisse dans mon méka, saisit les joysticks.
« Nakada ! » Ma voix est amplifiée et un peu robotisée, alors que Nakada, sur le toit de l’accès à l’escalier, qu’il a atteint grâce à ses purées de skills d’acrobate, vise les mecs. Ils sont encore six. Ils pourraient même être trente, à ce stade. « Feu ! » Je les braque, et je tire des deux canons-mitrailleurs de mon méka, alors que dans leur dos, Nakada tire aussi. On les ex-ter-mine !!! Ils perdent leur couleur, nous regardent avec une haine comme t’en as jamais vu… Et ils se barrent parce qu’ils ont rien de mieux à faire, frérot !
Je descends de mon méka en riant, le laissant revenir dans la nacelle de ses propres propulseurs, avant de prendre Nakada dans les bras, beaucoup trop contente ! « Monstrueux. »
« Faut pas se relâcher, Di. D’autres peuvent venir. »
Sûrement, ouais. On va le dire, j’ai deux priorités, dans l’immédiat. Tenir la nuit. Et faire un bon stock d’armes avec ce que les streamhackers ont drop.