« Et… j’ai les cafés ! » dis-je en ouvrant la porte et en la refermant derrière moi d’un précis jeu de jambes, dansant presque avec mon porte-gobelets d’une main et de l’autre un sachet de beignets. Parce que ? Parce que cliché. Des beignets, c’était obligé. Et puis tu sais quoi, Irélia ? Prends ça. Prends ce style naturel dans ta tronche de danseuse contemporaine beaucoup trop sexualisée pour son âge ! … Bon, ça je le pense pas vraiment. C’est plus dans le feu de la phrase, l’impulsion du clash que « Hey ! Super idée, ça ! »  se précipite le Dr. Wilson, alors qu’il emporte déjà avec lui un des cafés, pendant que je lance le sachet de pâtisseries au milieu de la table de réunion. Il va se rasseoir. Enfin, par se rasseoir, j’entends qu’il s’assied sur le dossier d’une chaise, les deux pieds sur le coussin déjà usé.

« Oh merci ! » dit Amasa, alors que je lui apporte son café de manière moins décontractée. « Tu n’as pas… »  Elle hésite. Je reste dans l’attente tout en faisant le tour de la table pour servir à son tour l’impitoyable et totalement badass Mokonzo. « Oui ? » « de secrétaire ? D’assistant ? »  Le chorégraphe me regarde avec attention quand je rigole nerveusement. « Un assistant ? Purée euh… T’en as un, toi ? »  que je demande à ce dernier.

« Évidemment. »  dit-il en cherchant un beignet dans le sachet. « Ouais mais bon, toi ça marche avec ton image et… vous c’est genre indispensable, Madame la Maire ! Et toi, docteur ? »

« Pff… Si mes patrons devaient engager un chargé de café et des courses pour chaque scientifique du bâtiment, on serait serrés, et on serait moins bien payés. Non par contre j’ai des stagiaires et des assistants genre… que je forme. »

« Oui voilà. Bah pareil. Si ce n’est que j’forme pas les miens. J’ai mon équipe, mes modos, mon agent, mon styliste et photographe mais… aucun qui va me faire du café ou garder mes gosses. »

Amasa hausse les sourcils en trempant ses lèvres dans le café. « C’est… déjà pas mal. » Je rigole nerveusement. « Tout dans l’ombre ! Je peux pas commencer à me promener avec des gardes du corps, des maquilleuses et une centaine de larbins, moi ! »  Non attends, la catastrophe. Déjà que tout ce que je fais, je le fais pour que mes fans se sentent proches de moi. « Bon, les gars. » coupe Mokonzo. « La production veut les 7 finalistes pour 11h00 et je ne sais pas pour vous, mais ça m’arrange si je peux manger chez moi. »

« Pareil, j’ai ma permanence à 13h00 à l’unif. »

« Ok on a tous nos responsabilités, les amigos. Mais on va faire ça sérieusement. On en a quinze à voir, donc. On commence par lesquels ? »

« Tenez. »  Amasa prend une feuille de son calepin, la plie en quatre, et avec soin, la coupe en quatre avec perfection. Elle nous donne à chacun une des parties. « Bien sûr, nous allons discuter et faire ça sérieusement, mais vous allez tous écrire au préalable, loin du regard des autres, les noms de vos cinq favoris. »

« Ok. »  dis-je en regardant le tableau où elle a déjà écrit le nom de nos quinze concurrents. « C’est qui déjà Jozé ? » Parce que euh… « L’imitateur professionnel. »

« Ah. » Je ris légèrement en regardant Mokonzo.  « S’il y a des noms qui se retrouvent dans les quatre papiers, on pourra raisonnablement les sélectionner pour la finale. Donc soyez sincères. »

Ok hop. Je réfléchis un peu en regardant les noms, c’est un bon plan. Déjà, franchement, je vais forcément pas noter les noms de ceux à qui j’ai dit non, donc ça exclut… bah pas grand monde. Sérieusement, on dirait l’école des fans, j’ai aimé tout le monde, là ?! Je jette un œil à Mokonzo qui… a déjà fini, attend patiemment, les deux mains jointes et les yeux rivés sur Amasa. Wilson, lui… je vois déjà des gribouillages pas possibles. 1000% il est en train de peser le pour et le contre de chacun et tout. Purée moi… j’ai l’impression de fonctionner trop à l’affect ! Bon ! Décision ! Je prends… Daath le Cyborg, Mercy,  Enab et ses porteurs… Axel, forcément. Bon et sur le dernier. « Je bloque… »

« Ouais, donnez-moi encore cinq minutes, moi aussi. » reprend Wilson, alors qu’Amasa vient de finir. Non parce que moi j’ai adoré Bonzo le clown qui volait sur ses ballons, c’était génial mais objectivement… c’était plus « ah ouais sympa » que… « Oh mon dieu, qu’est-ce que je viens de voir ?! » et… Shigedo ? Avec son pouvoir où elle retournait le plafond ? C’était absolument WTF, mon cerveau et mon cœur se sont unis pour dire ensemble : J’ai rien compris mais c’était génial. Mais… Mais ça met plus en danger Patrice et son écharpe super longue qui était trop trop chou… Et puis y a aussi Maathai et Legion. Franchement, déjà tu vois le truc arriver. Moi je dirais que y en a… Attends je compte : Neuf, je crois. Neuf que j’ai adorés et que je serais trop triste de pas voir en finale. Donc forcément, y en aura deux, au moins ! Genre gros minimum deux qui iront pas. Bon et… La question :

Pour lequel ce serait un scandale ?

Bon. Shigedo.


« C’est bon ! » Mais pas encore pour Wilson, du coup on attend, ce qui est… le meilleur moment pour un selfie avec tout le groupe, en plongée, forcément ! « Cachez vos choix et soyez beaux ! » Je prends la photo et direct, j’enclenche la caméra pour montrer les trois autres membres du jury avant de revenir vers moi. « Saluuuuut. »  dis-je en chuchotant, pour un prochain vlog. « Je suis avec le conseil des sages de SF. Genre… On nous a choisis nous quatre, pour la plupart parce qu’on est les meilleurs, et puis on m’a ajoutée moi parce que je suis fabuleuse. Et là… »

« Purée D.Va, j’arrive pas à me concentrer. »  m’interrompt Wilson en rigolant. Je le filme, alors qu’on voit, dans le champ, Amasa à sa gauche sourire gentiment en attendant. « On vous a demandé l’heure, docteur ? Faites votre boulot et je fais le mien ! » Mon air menaçant est bien sûr pas du tout crédible. Je me lève et je me penche sur la table, en me renversant limite dessus pour pouvoir me rapprocher de Wilson et le gêner au max. « Vous avez choisi qui, Docteur Wilson ? » Il cache ses choix, ou plutôt l’horreur qu’il a cryptée sur sa feuille A6. « On ne peut pas le dire, Docteur D.Va. Le but est de choisir à l’aveugle, et surtout pas de le dire à sa communauté. » Je l’embête pour de vrai mais… ça va, il a de l’humour ! « Moi je respecte pas vos règles, les gars. Je viens d’un monde où on fait ce qu’on veut. C’est juste la loi du plus cool, chez nous. Vous voulez que je vous drop un nom que j’ai pris ? »

Ils répondent tous non, en chœur. Je filme Amasa, qui… pour une fois n’est pas habillée en tailleur mais avec un chemisier fleuri, un peu décolleté, et un jean de haute taille, qu’on voit pas fort parce que… bah elle est assise. « Madame la Maire, vous parlez au nom de votre électorat ou juste en votre nom ? »

« Juste le mien. »  Elle rigole en rougissant quand même. « Bah dommage pour vous, je parle au nom de ma communauté, donc on est grave en supériorité numérique. Je vais tout déballer. » Je me recule un peu pour pouvoir me filmer, sans avoir l’air d’un sac de courses renversé sur la table. En une petite seconde, je me retrouve en tailleur sur notre espace de travail. Je suis habillée simple, aujourd’hui, parce que voilà, c’est quand même une journée calme. Du coup j’ai juste un pull à col roulé, noir, super cintré, qui me donne juste une poitrine de bombe. Et en bas, je porte un jean. Et mes cheveux sont détachés ! Donc vraiment peu d’efforts ! « Enab ! »

« D.Va ! T’es pas sérieuse ! »  proteste Wilson, toujours un sourire aux lèvres. « Mais quoi ? C’est évident que tu dois choisir Enab ! De toutes façons vous l’avez tous choisie, les gars. C’est une enfant et elle a été catapultée à vingt mètres du sol, pour se réceptionner comme on n’a jamais vu ça. »

Je rigole sous leurs nombreuses protestations. « À tantôt, les coquins ! » Je coupe la vidéo avant de me prendre des remarques mi-sérieuses, mi-légères, pour que Mokonzo prenne ma défense. « Cela dit, bon… ce n’est pas la production qui va s’en plaindre. »

Ouhhh. Amasa acquiesce. « Oui on est bien d’accord. Mais t’es quand même grave, Hana. »  Et franchement, si ça les agaçait pas un peu, genre gentiment, ça serait moins amusant à regarder, au final. Mais du reste… « Pardon les gars, mais vous êtes trop stylés pour que je ressorte d’ici sans traces ! Et si on choisit pas Enab, je couperai ça au montage, donc ne sois pas influencé, Doc. » Je souris plus innocemment et reporte mon regard sur Amasa, en attendant toujours. « Vous êtes quand même contente de faire tout ça avec moi, Madame la Maire ? »

Je demande ça, genre… Question pour passer le temps, pour rigoler, pour attendrir. Keud. Je stresse de poser cette question, pour de vrai. « C’est sympa. »  répond-elle en souriant. « Je m’habitue. Et on s’amuse assez bien. »

« On devrait continuer comme ça. On fait un bon duo ! »  Mon sourire s’élargit, je passe une main dans mes cheveux, avec des purées d’étoiles dans les yeux en la regardant. « Si l’occasion se présente, pourquoi pas ! »

Ahah ! Mais c’est moi qui crée l’occasion, donc jusque-là, tout va bien ! « Bon voilà. »

« Enfin. Tu as bien fait de calmer nos attentes de nous en aller pour 11h00, Wilson. Si on continue comme ça… « Ouais bon, ça va. »

Amasa prend tous les papiers, les regarde et avec un marqueur jaune, surligne les noms en commun. Et y en a que deux qui reviennent à chaque fois. « Enab. » Je tape dans les mains ! « Qu’est-ce que j’avais dit ! Quel potentiel ! »

« Et Daath. Sans surprise. »  ironise Amasa en regardant les autres membres du jury. « Prenons quand même le temps. Enab ? »

« Parfait. »  explique Mokonzo. « La chorégraphie, les gestes étaient géniaux. Et le pouvoir, la magie, bref, le truc… est déroutant. Cinq gaillards qui ne parviennent pas à faire bouger d’un pouce une petite de sept ans, et puis qui jouent avec elle comme si c’était un ballon de plumes ? Rien d’autre à dire. »  On hoche la tête, tous. Clairement. « Et Daath ? » Amasa se tourne vers Wilson, le scientifique. « Je pense que si on ne le choisissait pas, la prod’ nous l’imposerait, de toutes façons. En live, il va s’opérer lui-même et faire l’opération ultime ? Laissez tomber, dans dix ans, on en parlera encore, qu’il réussisse ou qu’il rate, de toutes façons. »

« Et les questions éthiques ? »  demandé-je, quand même soucieuse de savoir à quelle sauce j’allais être mangée par les médias et par les forums. « Vous êtes plus relax que les autres mondes par rapport aux progrès technologiques. Franchement ? Certains pourraient dire qu’on profane l’humanité, ou un truc comme ça. Ou qu’on joue avec une vie. »

« Alors espérons qu’il réussisse son opération. Mais dans tous les cas, ça fera parler, et c’est ce qu’attend la prod’. »

Hum… Mouais. Mokonzo je comprends. C’est un homme de show, qui est toujours d’une manière ou d’une autre dépendant de la pub qu’on lui fait, des émissions qui l’engagent et tout… Mais Wilson est un scientifique de génie qui ne sera jamais largué par son entreprise, moi j’ai la Shinra et ma communauté, je m’en fiche des producteurs de l’émission, en soi… Et Amasa est littéralement à la tête de ce monde. Donc ? Au pire, on s’en fiche de ce qu’attend la prod. Bien sûr, je suis carrément chaude pour voir ce que Daath va faire, mais je veux pas que mon nom soit mêlé à un scandale, genre « Un homme meurt en plein live d’une émission à succès, l’équipe est en cause ! » Après, on a rien sans rien, mais… Le souci c’est qu’on est à SF. Le monde de la technologie, le monde où de plus en plus on s’émancipe de comment on a été fait. Et donc… Ouais ? Je dois être de la vieille école, comparé à eux. Puis bon, en vrai, je tiens pas spécialement à relancer toutes les questions du transhumanisme, hein.

« Ok, réfléchissons un peu moins popularité et audimat ? »

« De toutes façons, on était tous d’accord pour ces deux-là. »  relativise Wilson. Et purée il a raison, et mince, de toutes façons, je suis juste entourée de l’élite, donc j’aurai jamais le dernier mot ! Y a que sur l’affect que je peux gagner. Comme une ado, oui.

« Bon. On a nos deux premiers. »  dit Amasa tout en notant. « On va faire l’inverse, en prendre deux qui ne sont dans aucune de vos listes. »  À nouveau, super orga, on l’aide à chercher qui n’est pas du tout… LE bachelor. Le X-Factor. Ok, on a compris, D.Va !

« Ca nous donne… Jozé et le quintette au piano. Jozé ? »

« Je ne comprends même pas qu’il soit arrivé jusqu’ici. Ses imitations étaient vraiment… vraiment mauvaises. Sans esprit. » On rigole devant le sérieux et le réquisitoire de Mokonzo. « Ouais bon, avec le recul, c’était peut-être pas si bien que ça. »

« Mais d’un autre côté, lui… on sait que pour la finale, y aura du nouveau. Il ne nous imitera pas à nouveau, il montera un autre show. Là où… Patrice ? Tea ? Légion ? » Je me remémore qui est qui au fur et à mesure du dropshipping. Bon de toutes façons, on reviendra sur chacun plus tard. « Le public ne va pas revoir la même chose, c’est sûr. »

« On reparle de l’audimat, là. »

« Oui et bien ça va, miss trente mille vues. »  rigole Wilson en s’énervant un chouïa. « Même nous, on va revoir quelque chose de différent, avec lui ! Il imitera… Death, Ariez, Matthew March, Krey, Pamply et Moussky. » Je hausse les sourcils. C’est… quoi ?

« Mais il ne gagnera jamais cette finale. On ne devrait mettre que ceux qui ont une vraie chance, ce sera clairement divertissant. »

« Oui bon. Je suis d’accord, en fait, je ne vais pas me battre pour Jozé, clairement. » Mokonzo hausse les épaules. En vrai c’était surtout pour parler d’un point, je crois, parce que allez… Jozé quoi. C’est bon. « Bon et les cinq pianistes, franchement c’était chou de ouf. »

« C’est vrai que c’est très attendrissant, mignon, mais…   « Les mettre face à Enab qui voltige ou Daath qui remplace son cœur par une boîte de métal ? Ils sont très bien mais c’est plus un spectacle amusant très bien orchestré et répété qu’un talent suffisant pour concurrencer les autres finalistes. »
« On aime tous mais on n’adore pas non plus. Donc voilà, on en a deux rayés de la liste. »

« Patrice, sinon. Qui a fait une écharpe longue de plus d’un kilomètre. Elle n’est dans aucune des listes. »

« Ouais mais… non les gars, elle est trop bien ! Rien que de penser à son numéro, j’ai le smile ! C’est notre grand-mère ! »

« Et la mise en scène était amusante. Arriver sur scène en tirant une écharpe des backstage… encore et encore, et encore, et encore… Très drôle. Et pour son âge, c’est extrêmement touchant. »  me rejoint Mokonzo.  Les autres se taisent. On décide de la laisser pour plus tard. Je bois un peu de mon café en les laissant discuter de Légion, qui… se divise, donc. Lui, j’ai envie de le voir continuer, mais voilà, bon, ce sera pas mon cheval de bataille non plus.

« Là on a le souci. Son show était très bien. Mais qu’est-ce qu’il va nous faire pour la finale ? Il sait se diviser en sept, super, on a compris. Tu t’attendrais à quel genre de show, Mokonzo ? »

« Pour moi, le plus attendu, ce serait qu’il essaie d’aller plus loin. Se diviser en neuf, par exemple. »

« Oui enfin... »  proteste Wilson. « Woah, quoi. D’accord, c’est très impressionnant et difficile. J’imagine à peine la difficulté éprouvée mais… ça ne va pas construire le show. On attend quand même une certaine mise en scène, une idée. Quelque chose de solide. »

« Il va peut-être faire totalement autre chose. Il connait son pouvoir et ses possibilités. On vient juste de le découvrir, on… n’a sûrement pas conscience de tout son potentiel. » Wilson hoche la tête. Mokonzo est plus dur, clairement. « J’avais dit non, aux sélections. J’admets qu’il est doué mais déjà l’autre jour, son manque de mise en scène m’avait dérangé. Même pour une découverte, il manquait de quelque chose. Je n’ai pas franchement foi en son inventivité. On ne devrait pas le laisser passer. »

« Bon, je ne vais pas me battre pour le garder. » finit Wilson, rejoint par Amasa. Je fais non de la tête. Légion était un costaud, sûrement le premier qu’on écarte. « Bon allez, un facile ! »  propose Amasa avec énergie. « J’ai trouvé Axel absolument époustouflante… et bon, elle nous a promis bien plus pour la finale. » Je hoche la tête. Forcément, je l’ai mise dans mes cinq favoris, donc… « Wilson, tu ne l’as pas choisie. »

« Oui mais je suis d’accord avec vous, elle est géniale. Personnellement, je lui ai préféré Bonzo et Daku mais il y a clairement de la place pour elle en finale. »  Je tape dans les mains, contente de voir trois de mes cinq déjà en finale. En même temps, quasi tout le monde les avait sélectionnés donc c’est pas comme si j’avais tout manipulé mais voilà !

« Et Bonzo, justement. Wilson et moi l’avons sélectionné mais pas vous deux. »

Je fais une grimace en regardant Mokonzo. Trop trop chaud. C’est le genre que tu veux voir en finale mais qui va forcément prendre une place que tu verrais encore plus pour  quelqu’un d’autre. « On ne peut pas le laisser pour plus tard et s’attaquer à plus évident ? Genre… »

« Oui, on ne peut pas faire ça à chaque fois ou on va être bloqués mais enfin, éliminons. »

« Myst ? Le magicien ? Personne ne l’a mis dans sa liste, non ? Quelqu’un veut se battre pour le voir resté ?... Bon bah voilà. »  Affaire rondement menée ! Un de moins ! « Bon. Tous ceux qui restent sont au moins dans une des listes. Sauf Patrice et son écharpe géante. »

« Et Maathai ! »

« Tu rêves. »  plaisante Mokonzo. « Je l’ai mise dans mon top 5. »  Purée… « Non ok. Moi aussi j’ai adoré Maathai mais… qu’est-ce qu’elle va pouvoir faire de plus ? Ok elle lit dans les pensées, mais… ? »

« Même question pour Patrice. »   Purée ! Quelle horreur. « On les élimine toutes les deux ? »  demande Wilson, en tapotant la table de ses doigts. Mokonzo et moi nous regardons longuement. « Allez. » finit-il par dire, sans que je proteste longuement.

« Bon. Très bonne nouvelle ! Il nous en reste six. Tea le mange-tout, Daku et son mécanisme pour faire varier l’énergie cinétique, Bonzo le clown aux ballons, l’équipe de Weir, Mercy le masseur, et le moine Shigedo. »

« Super, les surnoms. »

« Et il faut en choisir quatre parmi ces six-là ! »  Ouf ! Trop cool ! Ce sera moins frustrant ! « Ok, les gars, je vais mettre mon véto. Virons l’équipe de Weir, la blague a trop duré. »

« Euh… non, pas d’accord. » proteste Wilson. Je me lève et vais jusqu’à Amasa, pour me pencher au-dessus de son épaule pour voir les listes, avant de me redresser. « Mais tu l’as même pas mis dans ta liste, Doc ! »

« Oui bah ça change rien. »

« Nous l’avons mis, Mokonzo et moi. »  soupire Amasa. Elle met ses mains dans ses cheveux avant de détacher son chignon. Je la découvre les cheveux relâchés et redécouvre un aspect plus énervé de sa personnalité, alors qu’elle se masse le cuir chevelu. « Selon les listes, les trois favoris restants sont Tea, Bonzo et l’équipe du professeur Weir… »

« Mais de quoi ! »  Je m’exclame en commençant à marcher jusqu’à la fenêtre de notre pièce. « Les gars ! Ils se sont plantés ! Leur portail pour se téléporter à travers les mondes, ça n’a… pas marché. Gros échec ! Aucune mise en scène, en plus ! Comment t’as pu le mettre dans ta liste, Mokonzo ? Et surtout… il est où ce gros fainéant de Weir ? Il envoie son équipe pour gagner de la fame, en faisant rien ! »

« Alors… » répond Mokonzo en étant plus calme que madame la maire et moi. « À ce stade, je dirais qu’on peut décider indépendamment des listes. Toutefois, je rappelle que si l’expérience du professeur Weir réussissait, ce serait un jour sans précédent. »  Ca me fait rigoler. Purée, faut organiser une émission dès que Weir se foire pas, maintenant ? N’imp !

« Pour la ville, ce serait incroyable, D.Va. Et c’est une émission de San Fransokyo, qui met de la lumière sur des gens qui en ont besoin. »  Euh… Je ressens comme… « Le professeur Weir aurait pu avoir la politesse de venir, toutefois, il faut mesurer ce que cette technologie apporterait comme avantage à notre monde. Nous marquerions encore davantage l’écart. S’il parvient à faire fonctionner son portail, en-dehors de nos écrans, cela n’attirera pas autant l’attention. »

Ok. J’ai compris. Forcément, elle m’évoque Irélia. Non ouais, Amasa est plus maligne que tout le monde. « Tu veux bien me soutenir ? »  Ouf… Mon cœur se serre. Je lui dois mille fois ça. Sans elle, je serais en ce moment-même en train d’argumenter sur : Pourquoi il ne faut pas qu’Irélia passe en finale. Et elle le sait. « Ok oui. Je suis avec vous. »  dis-je en me calmant direct.

« Si l’équipe échoue encore en finale, ils ne remporteront pas le concours, de toutes façons. Ce sera ta victoire. » Traduction pour ceux qui comprendraient pas : si Weir se foire, je pourrai raconter à tout le monde que je savais que c’était une mauvaise idée de le prendre. C’est pas grand-chose mais j’adore avoir raison.

« Puisqu’on en est aux négociations… »  rigole Wilson. « Je devine ce qu’il va se passer et… je veux que Tea reste dans l’émission. Je l’adore. ET. Avant que vous n’argumentiez, voilà ma proposition : je laisse tomber pour Daku. »

« Je signe. »  plaisante Amasa. « J’aime beaucoup le style de Tea. Il m’a vraiment touchée. »

… ?

« Attends ? Le mec qui a mangé un piano sur scène ? Ce mec, il vous a touchée, Amasa ? »  dis-je avec dégoût. Je suis pas franchement sûre de supporter de le voir en finale. « Il est mignon, timide. Et ça ne doit pas être évident de montrer un tel pouvoir à la télévision. On est loin de l’adolescente qui commande aux machines ou d’une enfant de huit ans portée par cinq beaux garçons. »  Oui, je vois ce qu’ils veulent dire.

« Ca me va. Je refuse de voir Daku en finale. »

Je hausse les épaules. « Tout le monde s’y retrouve trop bien, les gars, là. Mais moi ? »

« Il en reste trois. Bonzo, Mercy et Shigedo. Et on doit encore en choisir deux, donc dans tous les cas, au moins un quatrième de tes poulains va passer en finale. Tu t’en sors bien. »

« Bon… »  J’ai pas tellement d’arguments. Je peux pas nier qu’au pire du pire, un seul de mes cinq sélectionnés n’ira pas en finale. Mais ! Mais je vois venir l’affaire ! « Vous voulez vous débarrasser de Mercy. »

Ils rigolent tous, genre ils ont l’air exaspérés ou je sais pas quoi mais…   «Nan ! Faites pas genre, c’est ce que vous voulez ! »  Je les pointe d’un doigt accusateur ! Purée mais qu’est-ce qui m’a pris de mettre un pull à col roulé ! On se dispute trop, ça me donne chaud ! J’ai envie d’arracher mes vêtements ! « Je vous laisserai pas faire ! »  Amasa continue de rire, aussi épuisée qu’amusée, je crois. Mais elle s’en fiche, elle, elle a déjà quatre de ses favoris qui sont pris ! Et elle voudra son cinquième ! Elle voudra Bonzo ! J’aurais jamais dû le laisser aller si loin dans la sélection !

« Allez sérieusement, Di. Bonzo saute de ballon en ballon, fait un spectacle absolument féerique. Il volait au-dessus de nous ! Et Shigedo a littéralement plié la salle en deux par… je ne sais quel tour de magie. »

« C’est vrai qu’à côté d’eux… Mercy est un masseur. »

« C’est pas le show du siècle. »

« Non mais… vous avez vu la femme qu’il a massée ? Les bruits qu’elle a faits ? Arrêtez de faire les malins, vous avez tous dit oui pour qu’il passe les sélections ! » J’arrive pas à les ravoir, ils rient à nouveau alors que j’ai l’air d’une folle, toujours debout, en train de transpirer. « Les gars, même sa voix. Il l’a travaillée et tout ! Même pour les téléspectateurs, c’est… ça vaut le coup ! »

« Mais enfin ! » se reprend Mokonzo, presque fâché, après un rire interminable. « C’est un masseur ! Je respecte ça mais… y a une seule personne qui profite vraiment de son spectacle, D.Va ! »

« Oui bah… » Je me force à faire un sourire. « Bah ce sera moi pour la finale. »  Wilson est reparti dans un rire. « Ce n’est pas toi qui choisiras. Je crois que ce sera lui, Di, tu sais bien. »

« Bah non, je le menacerai de buzzer. Il me choisira. »

« À moitié nue sur une table de massage ? »  demande Amasa, un peu plus sérieuse. « Tu l’as dit toi-même, ça avait l’air super intense pour la fille du public qu’il a choisie. »

« Je m’en fiche. Je sacrifie ma carrière s’il le faut. Vous dites oui ? »

Et bim ! Après négociation, après de solides arguments, ils acceptent ! Et j’aurai mon massage ! Je m’en fiche, je vais menacer la prod’ de quitter le show si je l’ai pas. J’ai pas DU TOUT envie d’attendre la fin de l’émission pour demander un massage en privé, t’es dingue… il va quadrupler ses honoraires, c’est évident ! Et évidemment…

« Là c’est très compliqué. Pour moi, on a deux talents de même niveau. Et deux personnalités qui passent super bien à la télévision… Un moine qui déforme les dimensions, et un clown qui vole de ballon en ballon. On finit en votant ? » Bon  et forcément… Wilson et Amasa votent Bonzo, ce que je comprends parce qu’il est génial. Et Mokonzo les rejoint. Tant pis. On perd Shigedo. Et on se regarde. Franchement, je suis contente. 11h10. Ca passe de fou. Et on s’est pas trop engueulés. Et on s’y retrouve tous, ça va !