Putain de merde.

J’ai conduit des vaisseaux, j’ai tabassé des mecs dans des bars, j’ai cramé la baraque de ma belle-mère, j’ai combattu une armée -pas tout seul mais quand même-, j’ai piloté des voiturettes de la Costa del Sol et maintenant me voilà en charge d’une enquête impériale !

Ma vie est putain de glorieuse !

Bref, c’est pas ça mais je commence à avoir le cul douloureux après les je-sais-pas combien de bornes on a parcouru depuis la capitale. Heureusement qu’on est bientôt dans la ville où y a l’astroport. Je suis partie avec une vingtaine de gars à cheval.

Et ouais pas con le Francis : à cheval on va plus vite qu’à pieds. Note la bien Jimmy t’en auras besoin pour tes cours.

Avant de rentrer dans la ville je marque l’arrêt pour mettre les choses au clair :


« FOUTEZ VOUS SUR LE CÔTÉ DE LA ROUTE LES MECS ! »

Ouais c’est le bordel : avec les mesures prises par Huayan, les routes sont de plus en plus bondées de marchandises entre les villes. Je sais pas où ça en est du côté de la Shinra mais avec un tel trafique, je suis presque sûr qu’ils crachent pas dessus.

Bref, le point.

J’avoue que je me sens un peu mal avec mon gros bide alors que les gars en face de moi sont quand même athlétiques et tout… Et leurs armures claquent quand y a pas un gros truc qui sort devant. L’ironie de l’histoire, c’est que c’est quand même moi le chef.

Bon après, j’ai pas comploté pour tuer le précédent Empereur et ça ! Ça, c’est bien.


« Bon les gars. On va pas tortiller des fesses trois heures, la mission de Sa Majesté est claire : on vérifie les registres des officiers d’immigration, on cherche l’individu susmentionné par les espions de l’Impératrice et ensuite on va au campement qui a pris feu. Clair ? Des questions ?
- Quelle est la description de la personne que nous recherchons ?
- Excellente question toi là-bas. La personne serait une femme, on en est pas sûrs encore : ce qu’on sait, c’est qu’elle est arrivée y a moins d’une semaine et qu’elle est repartie très rapidement après. Donc on va pas sortir les fiches du mois dernier. Aussi, et à mon avis c’est ce qu’on a de mieux sous la main : la personne avait un masque.
- Comme un déguisement ?
- Ouais, ou comme une soirée mousse au Bubble Bath. Un masque sur la tronche. D’autres questions ? Non ? »

Pas de nouvelles requêtes de l’équipe.

« Hé bien on y retourne les cocos ! Direction l’astroport ! »

Et à cheval pour le grand rodéo !

Ouais nan j’déconne, les joyeuses peuvent encore me servir. On repart donc à bon rythme et on pénètre dans la ville. Je vous cache pas qu’une troupe de vingt soldats avec à sa tête un bonhomme comme moi, ça marque les esprits. L’étendard de l’armée est respecté et on nous laisse passer plutôt tranquillement.

On sent que y a le respect ! Quoique c’est peut-être moi qui leur fait peur du coup ils se poussent : dans tous les cas, le résultat est le même.

On arrive -enfin- à l’astroport, enfin dans la zone où on a calé les gars de l’immigration. On était attendus, le responsable nous accueille dans une annexe à côté du terrain de la Shinra où ils ont ramené de la garnison les registres des dernières semaines.


« Tout est à votre disposition Messire. »

« Messire » ? Je pèse tellement dans le game maintenant. Il va me faire rougir ce con. Je lui fais signe de se tirer et j’invite les plus brillants du troupeau à se lancer dans l’analyse pendant que les autres vont interroger le personnel de l’immigration pour voir si quelqu’un colle à la description qu’on a.

Quant à moi ? Je suis un chef responsable, je m’assois dans un coin et j’attends que les mecs trouvent un truc. C’est ça l’avantage quand t’es haut gradé, tu refiles le travail relou aux autres. Et la meilleure dans l’histoire, c’est que moi en plus j’ai droit de vie et de mort sur ces anciens traîtres.

Et ça, ça n’a pas de prix.

Après un petit moment, je décide que c’est l’heure de ma pause, donc je me lève pour aller me dégourdir les jambes et choper un petit godet de quelque à me jeter dans le gosier tel un pélican affamé… Et c’est là que les mecs reviennent avec deux officiers de l’astroport. Et merde, j’aurai dû y aller plus tôt.


« Chef Francis, nous avons trouvé ces deux personnes qui ont quelque chose à vous dire.
- Hé bien ! J’écoute. » dis-je tout en prenant une pose de mec qui pèse, c’est-à-dire les deux mains sur les hanches de l’armure et le bide en avant.

Les deux membres du personnel se regardent, se demandant sur quoi ils ont pu bien tomber.


« L’Impératrice attend, vous voulez la faire attendre les gars ? Moi personnellement, je le ferai pas. Elle est aimable et tout, mais cette affaire l’inquiète alors… » dis-je tout en sortant le mandat de Huayan de l’armure.

Et quand ils voient le sceau, ils comprennent bien qu’on sort pas de la taverne du coin pour déconner. Et ouais, les armures, les bannières, le mandat… On se trimballe un de ces matos pour une mission officielle.


« Il y a bien eu une personne qui correspond à ce que vous cherchez, on s’en rappelle très bien car ce n’est pas tous les jours qu’un voyageur avec un masque arrive en Terre des Dragons.
- Alors, déjà on commence par le début de l’histoire : c’était quand ?
- Deux ou trois jours je crois... Peut-être quatre ?
- Vous vous rappelez le nom de cette personne ?
- Pas vraiment. On voit tellement de voyageurs passés, on se souvient pas de tout. »

Je me tourne vers les soldats qui fouillent les registres.

« Cherchez un voyageur, y a deux ou trois jours enregistrés par ces deux officiers, et que ça saute ! » ordonné-je.

Je me retourne devant les deux comiques de service.


« Et vous, vous voyez un mec masqué qui descend d’un transporteur Shinra et vous le laisser passer ? C’est quoi ce bordel ?
- Hé bien on a fait une fouille pour voir s’il était armé ou…
- C’est pas le point ! La base : si le mec est armé OU masqué, vous le laisser pas passer sans qu’il explique pourquoi il a un putain de masque sur la tronche ! Bon après, il avait quoi d’autres sur lui ?
- Une flûte ! Oui, une flûte ! Et à la fouille, je crois bien que c’était une femme !
- Ah parce que vous différenciez pas les hommes des femmes vous ? De mieux en mieux les gars.
- Elle avait une tenue… Comme un costume un peu. On s’est dit que c’était peut-être une personne du Consulat qui venait en visite.
- Sauf que les mecs du Consulat, il y a une procédure spéciale pour eux : ils doivent montrer leur signe distinctif sur un bout de tissu rouge pour prouver leur identité ! Même moi qui suit pas à l’immigration je le sais bordel ! Vous suivez les procédures ou pas ?! Je vais vous coller un rapport, vous allez finir aux archives c’est moi qui vous le dit ! »

Ça commence à m’énerver : les mecs du ministère ont envoyé les plus teubés de la bande ou comment ça se passe ? Ils font pas les fiers les deux-là. Et ils ont bien raison. Je vais les allumer dans le rapport, ils seront plus au contrôle d’identité le vieux et le gros.

« Bon on reprend… Le nom, c’était quoi ?
- Euh c’était, c’était…
- Chef, on a un document d’identité ici ! »

Les deux sursautent comme s’ils avaient vu Etro, Lei Shen, Confucius ou qui vous voulez. Ils pointent l’espèce de torchon du doigt :

« Oui, c’était ça sa pièce d’identité ! »

Je m’approche du bazar parce que là c’est quelque chose. Un espèce de vieux papier dégueulasse avec des caractères écrits très approximativement avec de l’encre de basse qualité… Et je le sais car quand je vois ce qu’on utilise à la Cité Interdite, je peux faire la différence. Ça vient de Mongolie cette daube ou quoi ? Ils tiennent la perle les deux. Ça sent le faux document à plein nez.

« Donc les gars, on va récapituler : une meuf dans un costume chelou se pointe masquée à l’immigration, donc vraisemblablement une étrangère, avec un vieux truc écrit un coin de table par je ne sais quel connard… ET VOUS LAISSEZ PASSER ÇA SANS POSER DE QUESTIONS ?! »

Si j’étais pas raisonnable, je leur péterai la gueule pour leur connerie. La procédure est quand même pas si compliquée : la personne se pointe, dit oralement comment elle s’appelle, on note, elle dit ce qu’elle vient foutre en Terre des Dragons, si c’est pas louche, coup de tampon ça dégage au suivant.

« Bon vous déjà, vous allez retourner au ministère, ça vous fera les pieds. Faut pas être un génie pour faire ce travail, mais faut pas être complètement con non plus. Toi là, il est parti quand le type louche ?
- Le lendemain !
- Putain on le tient ! Faites une copie des deux pages, prenez la preuve ! Toi là, va me chercher le responsable ! »

Je fais les cent pas dans la pièce. C’est pas possible. Quand je vais raconter ça à Huayan, elle va être verte.

« Vous m’avez fait mander Messire Francis ?
- Tu iras voir la garnison, tu demandes que des soldats patrouillent autour du terrain de l’astroport pour éviter que des faussaires fassent de faux documents pour passer les contrôles. Et tu me renvoies ces deux couillons au Ministère ! On décolle les gars !
- Saluez l’Impératrice de ma part, Messire Francis !
- Vous inquiétez pas, tous vos noms seront mentionnés dans mon rapport ! Un conseil : la prochaine fois que des mecs masqués se pointent : les laissez pas passer ! A CHEVAL BORDEL ! »

Je sors tel le tonnerre de l’annexe : on est pas aidés putain. Je remonte vite fait à cheval, en m’appuyant sur un tabouret, et c’est reparti pour une destruction structurelle de mon glorieux postérieur. J’ai mal au cul… Pire que lorsque j’ai ma vieille blessure de guerre lors de l’opération Bravo… Enfin bref.

Direction, le camp des bandits, ou du moins ce qu’il en reste. L’armée du coin a envoyé une patrouille pour garder les lieux tandis que deux autres sont partis chercher les survivants qui se sont enfuis. A mon avis, ils les auront pas ou les blessés peut-être. Mais y a peut-être d’autres preuves dans le camp.

Je le sens mal le dossier. Je vais rentrer bredouille avec aucun avancement en plus. Je me vois déjà devant Huayan : Ouais, alors je confirme bien ce que tes corbeaux ont dit. Tiens, j’ai même trouvé un vieux papier dégueulasse dans un registre de l’immigration, satisfaite ?

Ça fait pas pro putain !

Après un petit bout de galop dans les plaines, on trouve la patrouille en position autour du camp. Facile à repérer, on est légèrement en hauteur, je marque un arrêt pour voir un peu la gueule du bazar.

Y avait bien un camp, et les mecs se sont fait fumer par un type ? Le gars est soit hyper balèze, soit il manque un élément au dossier. Tout le campement a pas flambé, mais autour de ce qui devait être le feu, ils ont pris cher.

On descend la petite colline et je me présente au chef de patrouille. Pas le temps de bavasser trois heures, je lui donne le mandat il l’encadrera dans sa tente pour se faire plaisir mais moi j’ai un travail.


« Merci les gars, je prends le relais. ALLEZ LES GARS FOUILLEZ MOI CE CAMP ! Vous me retournez chaque pierre, chaque débris, chaque tente, chaque feuille… Ne laissez RIEN au hasard ! » ordonné-je tandis que je trône fièrement au milieu des ruines.

Les gars démontent tout. Je fais pas dans la finesse, chaque bout de terrain doit être retourné. Je me tourne vers le gars qui est arrivé avant nous sur place. Il est jeune, mais il a l’air sérieux, du moins plus sérieux que les deux abrutis de l’astroport.


« Vous avez trouvé quoi avant qu’on arrive ? Des traces ? Des pistes ?
- Aucune, Messire. On a entassé les corps là-bas, nous n’avons rien trouvé de particulier sur eux. Ils sont morts à cause des flammes et des projectiles venant du feu. On suppose une explosion à la poudre.
- C’est quand même fou qu’un seul type puisse mettre en déroute un camp entier non ? C’est quoi votre sentiment ?
- Ce que je sais, c’est que ce ne sont pas les Mongols… Cela ne ressemble pas du tout à leur mode opératoire.  
- C’est curieux cette affaire et j’aime pas ça du tout… Demandez à vos gars de refouiller les corps s’il vous plaît, enlevez les vêtements s’il le faut. Y a forcément quelque chose qui nous échappe.
- A vos ordres ! »

Il salue puis va à la tâche. Ce dossier est bizarre. Ça me fout presque les jetons. J’observe les fouilles avec attention. Les gars font le taff correctement, j’apprécie. On les a bien formés. Bon ils l’étaient de base, mais là encore plus.

Pourquoi foutre le feu à un camp de bandits ?

Alors… Le type déteste les bandits ? Pourquoi pas, je serai capable de faire la même en vrai. Une vengeance donc ? Possible. Sinon, y a quoi dans un camp de bandits ? De l’alcool, des armes, des vivres, des butins… De l’or ? Pas con ça. Plus facile de s’attaquer à des connards dans la cambrousse que les coffres de la Shinra. C’est peut-être autre chose mais bon…


« Chef ! On a trouvé quelque chose ! » s’écrie un soldat.

AH ! Enfin une bonne nouvelle !


« Regardez Messire ! »

De la cendre et des débris, un solide gaillard me sort un objet vert, il met beaucoup de délicatesse dans la manipulation de la découverte. Il se met à genou devant moi et me le tend. Je saisis… la pierre ?

La pierre a emmagasiné de la chaleur. C'est chaud ! Je manque de lâcher l’objet avant qu’un de mes gars ait l’intelligence de récupérer un bout de linge qui traîne pour tenir une de nos dernières preuves potentielles.


« Je me demande si ce n’est pas ce que cherchait notre ami masqué… » dis-je à haute voix.

Je détaille le bazar. Je reconnais la pierre après une analyse très approfondie : de la jade.


« Vous avez trouvé autre chose ?
- Non, chef. »

Bon bah je la tiens mon histoire : une meuf, et encore c’est pas sûr à 100%, s’est pointée, elle voulait la jade, elle l’a pas trouvé dans la pagaille qu’elle a créé et elle s’est barrée avant que l’armée débarque. Ça se tient. Huayan sera pas satisfaite, mais au moins ça lui allègera la conscience… Surtout qu’apparemment, le ou la voleur est reparti très rapidement après... Et puis, la pierre est vraiment très belle. De la aide, y en a beaucoup dans la haute société chinoise, mais celle-ci... Elle plaira à Huayan, c'est une certitude !

« Officier !
- Oui, Messire ?
- Continuez à fouiller le camp, ramassez les matériaux que vous pourriez avoir utilité dans l’armée, si vous trouvez autre chose, vous envoyez directement un message à l’Impératrice, d’accord ?
- Certainement, Monsieur !
- Très bien, sur ce je décolle. »

Je me tourne vers mes fiers gars en armure noire : franchement elles claquent. Les mogs ont bien bossé, leurs ouvriers aussi. Faut le dire quand y a du taff bien fait quand même.

« A CHEVAL ! On retourne rapporter les preuves et la jade à Sa Majesté l’Impératrice ! J’espère que vous êtes pas fatigués, car y a du chemin ! » crié-je avant de me diriger vers ma monture, tenu très gentiment par un soldat de l’armée régulière.

On remonte à cheval et c’est reparti pour je sais pas combien de bornes avec le cul en feu. Mais bon, je sais que je peux pas trop non plus faire la fine bouche : plus tu restes en Terre des Dragons, plus tu sais qu’il y a toujours un piaf quelque part pour s’assurer que tu ailles bien… Ou qui te surveille.

Donc déjà, je sais que je pourrais pas m’arrêter à la prochaine maison de passe avant de rendre compte de la situation à Huayan… Mais bon, au pire je vis dans un palais. Y a des gens qui ont une vie pire que celle-là.


« ALLEZ AU GALOP ON PERD PAS DE TEMPS ! »