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Nous sommes quatorze ans après les évènements de Kingdom Hearts 2. En tant d’années, les choses ont considérablement changé. Les dangers d’hier sont des soucis bénins aujourd’hui, et au fil du temps, les héros ont surgi de là où on ne les attendait pas. Ce sont les membres de la lumière qui combattent jour après jour contre les ténèbres.

Ce n’est plus une quête solitaire qui ne concerne que certains élus. C’est une guerre de factions. Chaque groupe est terré dans son quartier général, se fait des ennemis comme des alliés. Vivre dehors est devenu trop dangereux. Être seul est suicidaire. A vous de choisir.

La guerre est imminente... chaque camp s'organise avec cette même certitude pour la bataille.

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Ils bourdonnaient et fusaient, s’activaient et s’excitaient. Trop de bruit. De sons. De phrases et d’attentions. Il ne savait toutes les attraper. Elles couraient. Couraient et s’échappaient — et lui n’avait que deux jambes, et un seul souffle. Il s’en sentait profondément désavantagé.

Mais où étaient-ils, ceux qui parlaient de s’en aller loin, faire le tour des mondes aux lumières ? Ceux qui s’entretenaient de mille festivals à lanternes ? Ioan avait voulu les suivre, afin de voir ces rues parsemées d’étoiles que l’on pouvait toucher. Il aurait tant aimé en laisser une s’envoler — la guider jusqu’à la Lune et lui tenir compagnie.

C’eut été une agréable attention.

Mais il devait les avoir égaré. Quand ? Il ne le savait trop. L’enfant ralentit le pas. Il oubliait ceux qui criaient, riaient et pleuraient. Il ne pouvait tous les entendre. Aucun ne l’appelait plus qu’un autre. Pourquoi, alors, ferait-il un favori ?

Il laissait ces bruits glisser sur lui, les entendait sans les écouter.

Comme il était plus tranquille de les laisser aller.

Il se sentait plus serein, presque.

Comme si ceux qui s’égosillaient à côté de lui n’étaient plus là. Ce silence, imaginé, l’apaisait.

Alors seulement, il put voir les murs blancs, et les grandes colonnades à la régularité impeccable. Il put marcher le long des lignes des tapis rouges, et saluer les buissons si propres sur eux — si nets, taillés avec une perfection toute aimante. Il y avait de l’agitation ici, une vie fourmillante dans les angles morts de laquelle Ioan vagabondait.

Un enfant sans parent à une journée qui les appelait pourtant, quoiqu’il en fut bien ignorant.

Il finit par s’intéresser à ceux qui marchaient à ses côtés ; aux petites gens et aux grandes, aux créatures bienveillantes à la fourrure fournie et aux dames d’honneur au regard inflexibles, ainsi qu’aux enfants qui suivaient leur sillage, ou précédaient leur marche. Il s’amusait de leur ballet si commun et si décousu. Chaque ensemble avait sa dynamique : sa démarche, son pas, son rythme — une avancée lancinante ou un sautillement inlassable.

Lui, copiait distraitement la chorégraphie des uns avant d’aller à celle des autres, l’œil curieux.

Il changeait de sujet d’attention, une fois encore. Le garçon avait remarqué son pas esseulé, frôlant d’une douceur habituée le dallage d’un couloir jusqu’à ce matin immaculé. Il n’y avait aucun cortège bruyant l’annonçant ou pleurant son départ. Délicate. Elle dégageait la délicatesse d’une fleur, protégée par un sous-bois où nul ne s’aventurait.

L’enfant détaillait son allure. La coordination de ses bras l’occupa bien quelques instants, étonnamment précise et maîtrisée. Quelque chose l’intriguait, dans l’étoffe qui pendait à sa taille et dans les arabesques de ses bottes. Quelque chose de commun, de familier.

Son regard remonta le long de sa nuque, de ses cheveux bleus.

Oh, voilà.

Celle que les poupées essayaient d’imiter.

Il pressa sa main sur la sienne.

Une urgence. Il devait voir son regard.
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Sa tête pivota, dévoilant un visage surpris, avant que son regard bleu ne se baisse pour rencontrer les yeux brillants et rêveurs d’un jeune garçon. Son expression changea rapidement, un sourire attendri se dessinant sur ses lèvres. « Bonjour toi. » lui dit-elle d’une voix douce.

La jeune femme ne pouvait pas prétendre l’avoir déjà vu ici, au Château Disney. Mais cela ne la surprenait pas. Aujourd’hui les couloirs étaient envahis d’enfants… Il avait été décidé que cette journée leur serait consacrée, qu’ils pourraient venir visiter les lieux en compagnie de leurs parents. Cette initiative avait également pour but de réunir les familles. Celles de nombreux gardes résidaient dans d’autres mondes et ne pouvaient se voir souvent. Alors aujourd’hui, l’humeur était à la fête, à la joie et à l’insouciance des cris enthousiastes que l’on entendait résonner un peu partout.

Quant à elle, la Maîtresse de la Keyblade se contentait de flâner dans les couloirs, de regarder la formidable énergie des enfants à l’oeuvre. Elle ne pouvait que se ravir du bonheur dont elle était témoin. Et le geste qu’avait eu celui qui se trouvait en face d’elle avait quelque chose d’inexplicablement touchant. Peut-être était-ce la curiosité innocente dont il faisait preuve, ou la manière dont sa main plus petite était venue serrer la sienne qui lui avait mis du baume au coeur.

Cependant il demeurait muet. Aqua regarda tout autour d’eux. Les familles étaient ensemble, parlaient et riaient. Mais aucun jeune ni aucun adulte ne semblait s’intéresser au petit innocent qui avait attiré son attention. Une légère inquiétude passa sur le visage de la jeune femme. Et si son geste n’avait pas été motivé que par une impulsion étrange propre au monde de l’enfance ?  S’il était venu auprès d’elle pour lui demander son aide ? Après tout le Château pouvait se révéler un véritable labyrinthe pour un jeune garçon guidé par les chimères qu’il poursuivait. Quel âge pouvait-il avoir d’ailleurs ? Il semblait être aux alentours d’une douzaine d’années, mais elle n’aurait su l’évaluer d’avantage.

Tout comme il avait pressé sa main, elle la serra en retour avant de la laisser glisser dans sa paume. Puis, cette dernière alla se poser sur son épaule délicatement. S’il était perdu, elle devait l’aider ! Aqua lui adressa un nouveau sourire rassurant, espérant le mettre en confiance et chasser  la crainte qu’il dissimulait peut-être.

« Tu es tout seul ? » Sa voix tâchait d’être apaisante alors qu’il ne la quittait pas de ses grands yeux. Le garçon ne répondit pas tout de suite, aussi ajouta-t-elle avec douceur « Est-ce que tu sais où sont tes parents ? »
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« Je sais pas, » répondit-il simplement, un sentiment de déjà-vu aux lèvres. Il ne semblait pas affecté par ces paroles, comme si la chose résultait d’un constat purement factuel. C’était bien le cas. Ioan ne connaissait pas ses parents, s’il en avait jamais eu, et il n’aurait su en tout état de cause où ils se trouvaient.

Quelle question étrange, pensait-il brièvement. S’il était parfois bien difficile de savoir où l’on se trouvait, comment pouvait-on garantir la position d’un autre ?

— Mais les yeux de cette dame étaient beaux. Cela avait retenu son attention, momentanément. Cela continuait de le distraire, régulièrement.

Ils étaient profonds. Le garçon se souvenait de ceux d’Alice, qui l’étaient tout autant — de cet océan de possibilités, de chimères toutes inventées ! Il y avait là-bas une houle entraînante et dont il était difficile de s’extraire. Lui-même n’avait su comment s’en écarter, comment s’en libérer, comment s’y arracher !

Ces eaux-ci étaient différentes.

Calmes. Calmes et réconfortantes.

Un bleu comme la mer après la tempête, uni et sans remous.

Il voulait y être.

Le garçon pouvait comprendre la jalousie des poupées. Comment ces petites demoiselles pouvaient-elles ne pas souhaiter un tel paysage ? Leur regard fait de perles sombres ne pouvait leur sembler, en comparaison, que vide et triste.

C’était bien dommage. Ioan aimait leur simplicité. Elle était reposante.

De vieilles images s’enfilaient sur la corde de ses pensées, qui rattrapait les quelques mots qu’on avait pu lui adresser ; des rues animées, et une forêt cachée derrière un rideau de cuivre.

Ioan se souvenait avoir demandé à une fleur de chair si c’était important, des parents.

Mais il ne pensait pas avoir eu de réponse.

« Je dois en trouver ? » demandait-il donc, intrigué. Ce n’était pas la première fois qu’on lui posait une question de cette ordre. « Est-ce que c’est quelque chose d’important ? » poursuivit-il avec un sourire enthousiaste ! Le garçon ramenait ses mains ensemble, occupant ses doigts. Sans oser avancer ni reculer, il laissait son poids passer de l’avant à l’arrière de ses bottes vieillissantes, dans lesquelles il avait enfoncé un pantalon un peu trop grand, comme sa tunique.

Il se sentait tout proche de résoudre un mystère, et l’idée l’enchantait !
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Aqua demeura interloquée quelques secondes, ouvrant de grands yeux ronds. Elle aurait pu s’attendre à n’importe quelle réponse, mais certainement pas à celle-ci. Pendant un instant elle envisagea que tout ceci ne soit qu’un jeu pour lui, un jeu mystérieux dont les règles ne pouvaient être comprises que par les enfants. Mais il y avait sur son visage une telle sincérité, une telle naïveté… Encore une fois le regard de la jeune femme balaya les environs, passa sur les jeunes qui s’amusaient en chahutant ainsi que sur ceux qui restaient sage. Et quand il revint se poser sur celui qui était venu la trouver, elle réalisa enfin à quel point ce petit bonhomme différait des autres. Il y avait quelque chose dans son attitude, dans son accoutrement, dans sa manière de se balancer sur place comme s’il était ici, à la regarder, mais également ailleurs, très loin.

« Tu ne sais pas ce que sont des parents… ? » Un fond de peine dans la voix, elle lui posait la question aussi bien qu’elle établissait un constat. A voir la fascination avec laquelle il semblait attendre une réponse, elle ne doutait plus de sa franchise.

La jeune femme prit une grande inspiration. Posant sa seconde main sur son autre épaule, elle mit un genou à terre pour se retrouver à son niveau et le regarda dans les yeux, essayant d’y lire quelque chose. D’où venait-il ? Comment était-il arrivé ici ? Malgré tous les mystères qui l’entouraient, la question qui la préoccupait le plus était de savoir quoi lui répondre. Instinctivement, elle sentait en elle un besoin de le rassurer. Aqua ne pouvait s’empêcher de s’attendrir devant un enfant, et la curiosité de celui-ci ne faisait qu’exacerber ce sentiment.

Elle lui sourit avec bienveillance.

« Et bien… Oui. » Il y eut dans son regard une lueur réjouie alors que des souvenirs lui revenaient « C’est quelque chose d’important. » Elle repensait à Maître Eraqus. Il avait été un véritable père pour elle. Il l’avait éduquée, lui avait transmis ses valeurs, l’avait guidée… Mais surtout il l’avait aimée et il l’avait protégée. Ses yeux brillants revinrent du passé pour se fixer de nouveau sur le garçon. Dans sa voix, on pouvait déceler l’émotion qui la saisissait « Les parents, ce sont ceux qui sont toujours là pour toi pendant que tu grandis ! »

Elle laissa échapper un petit rire à la manière dont il paraissait intégrer l’information. Conservant un air amusé, le fond de son esprit reprenait son sérieux. Elle ne pouvait pas le laisser errer dans le Château sans personne. Où irait-il ? Elle peinait déjà à imaginer ce qu’il avait pu traverser avant d’atterrir ici. Peut-être pouvait-elle essayer d’en apprendre d’avantage sur lui afin de l’aider ? Même s’il avait tout d’un enfant perdu, la Maîtresse de la Keyblade ne pouvait pas encore prendre de décision. Autant commencer par le plus simple se dit-elle.

« Je m’appelle Aqua. » Elle ponctua sa déclaration d’un sourire doux avant de lui demander « Et toi ? »
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Il la fixait toujours de ses grands yeux bleus.

Il réfléchissait encore à ce qu’il venait d’apprendre.

Il n’était pas véritablement sûr de comprendre.

Il y avait quelque chose d’intrinsèquement beau dans tous les individus qu’il rencontrait, même les moins communément appréciés. Ioan n’en avait jamais douté. Cette beauté singulière l’amenait à se souvenir d’eux, souvent. Longtemps.

Mais au contraire des souvenirs, que l’on gardait avec soi, les gens n’avaient jamais été que passagers.

Il y avait eu le bûcheron qu’il avait aimé. Mais il lui avait dit de partir, et il ne l’avait plus jamais revu.

Il y avait eu Maître Patregain, Beld, et l’homme de velours. Mais il ne les avait pas aperçus depuis qu’il avait rencontré son Monstre Généreux.

Lui aussi était allé à ses affaires.

Il y en avait eu d’autres, bien sûr.

Ioan se convainquait que s’il devait les revoir, il les reverrait, tout simplement. Il se confortait dans cette confiance, croyant que s’il l’espérait assez fort, son chemin le mènerait à l’un d’eux. S’il en ressentait le besoin. Cette pensée avait quelque chose d’agréable.

Mais de là à dire que quelqu’un avait été ou serait toujours là pour lui tant qu’il grandirait, il y avait un pas que l’enfant ne franchirait pas. Avait-il déjà grandi ? — Il n’avait, en tous les cas, aucunement la prétention de peser ainsi sur une personne, quelle qu’elle ait été. Bien que la Dame aux Poupées lui ait dit que c’était une chose importante, il ne savait trop s’il devait effectivement en chercher.

Alors il demeurait là, penaud. Il pondérait la question. Ses lèvres bougèrent avec une réponse toute en réflexe lorsqu’on lui demanda son nom. « Ioan. »

Il marqua une hésitation, revenant temporairement à son interlocutrice.

« Kappel. »

On lui avait dit de donner les deux. Il oubliait, parfois.

Sa moue d’un instant fut soudain remplacée par une expression plus intéressée. Aqua avait eu l’air heureuse, lorsqu’elle avait évoqué l’importance que les parents devaient avoir. Il y avait eu cette légère plissure au coin de ses yeux ; ce petit point, au coin des lèvres. Un frémissement tout sauf brusque, agrémenté de pensées douces.

Une vision pleine de chaleur, qui irradiait jusque dans la poitrine du garçon. Il était curieux, il voulait savoir…

« Est-ce que tu as mis longtemps à trouver les tiens ? »
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De nouveau un léger rire lui échappa. Il avait un don pour formuler les choses avec une touchante et singulière étrangeté !

« Disons que c’est plutôt lui qui m’a trouvé. »  lui répondit-elle. Aqua repensa au moment où Maître Eraqus l’avait recueillie. Ses souvenirs de cette époque étaient flous… Elle était même trop jeune pour se rappeler de l’âge qu’elle avait ou du lieu où il l’avait trouvée. Mais dans sa mémoire restaient gravés les mots qu’il avait prononcés, le don qu’il lui avait transmis. « A cette époque je ne devais pas être… » Elle leva sa main et la laissa à environ un mètre du sol, représentant une Aqua haute comme trois pommes qui n’arrivait pas à l’épaule du garçon. « … plus grande que ça. »

Et elle se releva lentement, redevenant l’Aqua qu’elle était aujourd’hui.

« Ioan… » répéta-t-elle doucement en hochant la tête, le gravant dans sa mémoire. « C’est un joli nom. »

Elle eut un sourire rayonnant avant de lui frotter délicatement le sommet des cheveux. Il y avait quelque chose d’attendrissant chez ce petit bonhomme. Comment pouvait-il être possible que personne n’ait recueilli un garçon pareil ? Il semblait sage, gai, innocent… Un bref instant, la jeune femme réalisa qu’elle avait eu de la chance de ne pas être toute seule étant petite. Aucun enfant n’aurait dû vivre cela, et il en allait de même pour Ioan Kappel. Il méritait de grandir et s’épanouir dans la même bienveillance que Maître Eraqus lui avait accordée.

Qu’allait-elle faire pour lui ? Si elle parvenait à découvrir de quel monde il venait, peut-être que la Lumière pourrait l’aider à retrouver ses parents ? En tout cas elle était certaine qu’au besoin il serait autorisé à rester au Château Disney, au moins pour un temps. Jusqu’à ce qu’on lui trouve une famille. Il ne pouvait tout de même pas grandir sans, n’est-ce pas ? Aqua songea qu’il devait bien y avoir, dans certains mondes, des établissements qui permettaient de venir au secours des orphelins. Peut-être que cela serait une solution de dernier recours s’ils ne trouvaient personne pour s’occuper de lui ?

La jeune femme soupira, ressentant un soupçon de peine face à la solitude de ce garçon. Mais elle décida de repousser le problème pour l’instant. Elle aurait tout le temps de s’y atteler plus tard. En attendant elle préférait se consacrer à Ioan afin de lui éviter d’errer seul dans les couloirs. Et puis cette journée était dédiée aux enfants, il avait le droit, tout comme les autres, de découvrir le Château. Il lui manquait bien un parent pour cela... Mais fort heureusement, Aqua n’avait rien de prévu aujourd’hui !

« Est-ce que tu veux que je te fasse visiter ? » lui proposa-t-elle en lui tendant la main et en lui souriant.
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« Oh, oui ! » — Et en une demi-seconde, envolées les questions, envolés ces parents si mystérieux ! Qu’ils partent, balayés par le besoin de découverte. C’était là une envie irrésistible, mais guère insidieuse ; un vent violent chahutant toute préoccupation, au gré duquel Ioan se laissait emporter.

Il avait eu mille interrogations.

Comment son parent l’avait-il trouvée, elle ? Si Aqua en parlait au singulier, pouvait-on n’en avoir qu’un ? La notion lui avait été présentée, jusqu’alors, au pluriel. Il n’avait donc réellement considéré qu’on ne puisse en avoir qu’un. Surtout — pourquoi avait-elle ce soupir peiné tout en le regardant, soufflé entre deux sourires ?

C’était un soupir simple ; fragile et gracile. Il l’avait intrigué.

Mais comme le reste, il s’en était allé, pris entre deux bourrasques.

Ioan saisit de ses deux mains celle qu’Aqua lui tendait, pressé par sa proposition. Une visite ? Il y avait tant de voies possibles ! Alors… « C’est quoi le chemin que tu préfères ? » demandait-il, le regard brillant.

Il avait remarqué le fil d’or qui courait sur les tapis, invitant à le poursuivre jusqu’à un tournant plein de promesses. Il avait remarqué les appels discrets que la lumière adressait depuis les jardins taillés et fleuris, qu’il n’avait fait que saluer de loin. Peut-être voulaient-ils plus de compagnie ? L’endroit était peuplé de nombreux automates de feuilles parfaits et disciplinés. Arriverait-il à leur faire quitter leur posture immuable, même un instant ? Et l’odeur ! Ce fumet délicat, qui venait… qui venait d’où, exactement ? Le garçon tournait la tête, à la recherche d’une réponse.

Bien qu’elles aient toujours su comment se faire sentir, les odeurs n’étaient pas connues pour le notable de leur apparence. Ioan peinait à les suivre. Il se fendit d’une moue légère, reproduisant machinalement le geste que la dame aux poupées avait imposé à sa tignasse sombre.

C’était agréable.

Le garçon laissa sa main retomber le long de son crâne puis de sa joue, comme d’un éclat de déjà vu.

L’autre, quant à elle, s’agrippait toujours à celle d’Aqua. Ses doigts s’animaient de pressions légères et régulières. Ioan revint brusquement à elle, rattrapé par de nouvelles questions ! Que préférait-elle, oui ? Quelle voie ? Il était fascinant de connaître le chemin que d’autres choisissaient de suivre. Même un lieu connu, exploré par un autre, pouvait révéler de nouvelles couleurs, que l’enfant s’empressait de peindre en mémoire.

Certes, il ne connaissait pas ce lieu. « Est-ce qu’on pourra tout voir ? » quémandait-il d’ailleurs.

Découvrir le château par le prisme d’un autre paraissait cependant le charmer. Son pied droit raclait le sol en un balancier peu précis et impatient.
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De nouveau elle lâcha un rire attendri face à la légèreté de son enthousiasme. Il s’était illuminé à sa proposition, son regard brillait de curiosité alors qu’il tournait dans tous les sens, prêt à découvrir mille merveilles. Elle serra doucement la main qu’il gardait dans la sienne, craignant si elle la lâchait de le voir partir comme une fusée dans les couloirs.

« Nous n’aurons peut-être pas le temps de tout voir aujourd’hui ! » lui répondit-elle avec un sourire avant d’ajouter comme explication « Le château est grand. »

Lorsque elle-même y était arrivé il lui avait bien fallu plusieurs jours pour tout explorer, et davantage pour véritablement s’y repérer. Malgré cela il lui arrivait encore de découvrir certains endroits, comme le toit au sommet de cette tour où elle se rendait parfois, ou encore le lieu de réunion de S.O.S Société. Mais elle pourrait montrer tout cela à Ioan s’il restait au Château !

Quant à savoir quel chemin elle préférait, Aqua n’eut pas à réfléchir bien longtemps. Le lieu qu’elle voulait lui faire visiter en premier semblait une évidence.

« Est-ce que tu veux commencer par les jardins ? » lui proposa la jeune femme avec douceur.

Il secoua la tête énergiquement, ce qui lui fit pousser un rire léger. Les jardins dans ce cas !

Le tenant toujours par la main, avançant à petit pas pour lui laisser le temps de s’émerveiller de tout ce qui l’entourait, la jeune femme entreprit de le guider. Parfois ils s’arrêtaient quand le garçon lui posait une question à laquelle elle essayait de répondre avec la plus grande simplicité. Il s’étonna tout particulièrement devant l’emblème du Château Disney et sembla perplexe quand elle lui expliqua qu’il représentait le Roi Mickey. Comment ces trois cercles pouvaient-ils être un roi ? Il comprendrait mieux en le voyant, lui répondit-elle d’une voix amusée.

Enfin ils parvinrent aux jardins. Aqua avait toujours aimé ce lieu pour son calme et sa beauté, il était apaisant. Aujourd’hui cependant les gazouillis des oiseaux avaient laissé leur place aux cris de joie des enfants. Ils étaient nombreux à courir dans tous les sens tandis que d’autres jouaient, se cachaient derrières les haies. Rien de tout cela ne semblait atteindre Ioan dont l’attention restait rivée sur les buissons sculptés, fasciné qu’il était par cette fanfare végétale. La jeune femme l’amena près de l’un d’entre eux représentant un musicien porcin jouant de la trompette.

« Ça te plait ? »

Le sourire sur ses lèvres paraissait ne pas pouvoir faiblir. La candeur de sa curiosité la réjouissait.
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Le musicien, tout rondelet et joyeux, gonflait les joues pour souffler une mélodie pourtant inaudible ou interrompue. Sa grande casquette, au moins quelques fois la taille de la tête de Ioan pensait ce dernier, n’était qu’un minuscule cercle de feuilles posé sur une maigre planche. Du moins, était-ce le cas pour qui voyait son regard happé par l’immense corps du cochon qui se voulait mélomane.

Le garçon conservait en l’avisant un sourire fin et doux, s’imaginant les morceaux que l’animal aurait pu lui jouer — lui, ou ses collègues de fanfare. Ils auraient sûrement commencé par un air enjoué ! La majorité semblaient l'être, aujourd'hui. Il fallait donc encore conquérir les cœurs de ceux qui ne l'étaient pas. A parler de conquête, peut-être eut-il fallu faire suivre cette introduction d'une épique propre à flatter les armures des soldats qu'il avait croisé ! Elles se seraient raidies d'honneur, plus encore qu'elles ne l'étaient déjà. Il se l'imaginait si aisément !

Mais les musiciens demeuraient tous immobiles, prisonniers d’une bien triste malédiction. Qu’on les voie jouer ! Qu’on les voie jouer de jour comme de nuit ! Qu’ils sourient, qu’ils s’appliquent ! Qu’on entretienne leurs instruments et leurs tenues d’apparat !

Mais que jamais, jamais on ne les entende.

A cette pensée, les lèvres de l’enfant se laissèrent retomber. Il touchait le ventre du cochon du bout des doigts, caressant quelques feuilles d’un geste lent et attentionné. « C’est dommage qu’ils ne puissent pas jouer… » répondait-il à Aqua. Sa voix aux envolées poussées par la découverte s’était calmée, alourdie et peinée. La Dame aux Poupées avait tenu à lui montrer ce musicien-ci, plus que tout autre : était-ce parce qu’il avait quelque chose de particulier ? De cher à son cœur ? Etait-il celui qui, avant de se trouver ainsi figé, menait les autres ?

D’un mouvement rapide, le garçon délaissait la main de son accompagnatrice et faisait le tour du trompettiste. D’autres jeunes gens s’affairaient eux aussi dans les jardins — ils criaient et couraient, ou soufflaient et s’effondraient. Ioan ne leur prêtait pas attention pour l’heure. Son esprit entier était consacré au cas de ses nouveaux amis de feuilles et de branches ; alors, il esquivait ceux qui jouaient à chat, et les plus âgés assis dans l’herbe. Il s’aventurait entre deux buissons tout aussi élégamment taillés, engagés dans un duel de regard dont le vainqueur ne serait pas déterminé avant quelques années au moins, et leur demandait poliment s’il pouvait regarder au-delà de leur précieux habit chatoyant. Quelque chose était-il caché, quelque part ? S’il le trouvait, pouvait-il les libérer ?

Il ne voyait rien. Il n’y avait aucune chaîne pour retenir cette fanfare, si ce n’étaient leurs racines. Or, il eut été plus qu’indélicat de les en séparer. Il y avait des liens dont on ne pouvait se défaire.

Comme d’autres, Ioan se laissa tomber à l’ombre d’une haie.

Il fermait les yeux, il réfléchissait. L’air transportait des rires et des conversations — des odeurs de viande, lointaines et diffuses. Il se fendit d’une moue. Cela ne l’aidait guère.

Il leva le regard vers le musicien. Avait-il besoin d’un coup de pouce, d’un coup de main, d’un coup de plus ? L’enfant chantonnait la seule chanson dont il parvenait à se souvenir.

« L’art délicat de rejoindre sa famille,
Quand on part à l’aventure.
Tu vagues pas à pas, tu arrives jusqu’ici,
Croises un homme à pauvre allure.
 »

Les notes, boudeuses comme précieuses, lui refusaient le chant des gens expérimentés. Il était toutefois à peu près sûr d’avoir retrouvé la mélodie — légère et séduisante. Pourtant, son ami trompettiste ne paraissait pas prêt à s’en émouvoir ou s’en mouvoir pour autant. Il n’y avait que le vent pour souffler dans son instrument… et ce dernier ne parvenait pas à maîtriser ses gammes.

Ioan se relevait, pensif. Une idée germait au coin de son esprit. Une idée qui l’enchantait. En quelques enjambées et pas maîtrisés, il revenait se planter devant Aqua. Il ne faisait pas bien attention aux tâches que la terre avait laissées sur sa tunique, ni aux quelques feuilles que le jardin avait soufflées sur ses cheveux noirs. Il souriait, de nouveau. « Vous avez des instruments comme ceux-là quelque part ? »
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