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Nous sommes quatorze ans après les évènements de Kingdom Hearts 2. En tant d’années, les choses ont considérablement changé. Les dangers d’hier sont des soucis bénins aujourd’hui, et au fil du temps, les héros ont surgi de là où on ne les attendait pas. Ce sont les membres de la lumière qui combattent jour après jour contre les ténèbres.

Ce n’est plus une quête solitaire qui ne concerne que certains élus. C’est une guerre de factions. Chaque groupe est terré dans son quartier général, se fait des ennemis comme des alliés. Vivre dehors est devenu trop dangereux. Être seul est suicidaire. A vous de choisir.

La guerre est imminente... chaque camp s'organise avec cette même certitude pour la bataille.

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Suite au défilé de la plage, je suis revenu à l'hôtel. Je suis plutôt épuisé, les événements insolites du casino et de la plage ont eu raison de mon énergie et de mon cerveau qui fume toujours, totalement dépassé. La situation avec Amber n'est toujours pas résolue. J'ai donc ouvert la porte du bâtiment avec la ferme intention de m'expliquer et de m'excuser. J'ai frappé à la porte de sa chambre deux fois. En l'absence de réponse, j'ai appuyé sur la poignée, mais rien ne s'est produit. Je tente de l'appeler par son nom, sans réponse. Je finis par renoncer et quitter les lieux pour la chercher.

Même si elle pourrait s'y trouver, je préfère restreindre les recherches loin de la plage. Je ne m'y risquerai pas une nouvelle fois de peur que le mauvais sort me frappe encore. La mer au loin est calme, les vagues sont peu nombreuses. L'ambiance dans les rues est apaisante. Je croise des habitants en tenue estivale, munis de lanternes qui rient en évoquant un festival. J'arque un sourcil et leur lance un regard interrogateur qui n'aura pas de réponse. J'ai sûrement du rater les préparatifs car mon esprit était ailleurs. Je retourne vers le quartier commerçant au pas de course, qui au loin, semble très lumineux.

Lorsque j'arrive dans la grande rue, je finis par apercevoir dans les airs de milliers de rangées de lampions alignés. L'éclairage est tel que seul le ciel me permet encore de m'apercevoir que nous sommes bien en pleine soirée. Je souris. La coutume m'est totalement étrangère mais le spectacle est beau et digne d'un certain intérêt. Des boutiques sont disposés ici et là de tous les côtés. L'un vend ces fameuses lanternes que les passants ont à la main.

- Waouh, papa regarde les lumières !

Mon sourire s'élargit en apercevant cet enfant qui rit sur les épaules de son père avec des étoiles plein les yeux, s'extasiant sur le spectacle que lui offre la décoration atypique de ce monde. Une odeur me chatouille les narines et m'entraîne vers un commerce plus loin. Un homme est attelé à confectionner des sortes de boulettes de riz. Mon estomac gronde. La journée a été longue. Me laissant enivrer par la gourmandise, je me dirige vers le vendeur et observe avec intérêt l'homme qui prépare les boulettes. Au moment de passer commande et sortir la monnaie, mon visage se renfrogne au souvenir du casino.

Les pertes ne m'ont laissé assez que pour un trajet de la Shin'ra.


Dernière édition par Kuro le Jeu 5 Mar 2020 - 21:33, édité 2 fois
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Une journée infernale, à courir dans tous les sens. Et tout ça pour quoi ?! Pour assister l’assistante de Jimbo, son patron, à la Costa del Sol ! Qu’est-ce qu’il était, hein ?! Erik était à peu près sûr que si le réseau avait un jour des stagiaires de 3ème, ils ne seraient pas aussi baladés et mobilisés que lui.

Il allait prendre des vacances.

Quelque chose dans cette pensée n’allait pas. Quoi ? Ah. Oui. Évidemment. Pourquoi n’y avait-il pas pensé avant..?

Il était en train de songer à prendre des vacances alors qu’il se trouvait dans LE monde qui apparaissait sur TOUTES les publicités d’agences touristiques ! TOUTES !!! Est-ce que ce n’était pas le signe d’une vie de merde ça ?! Raaaaaah !!!

Au moins, il y avait la fête. Voilà qui le distrairait, le temps d’une soirée.

De la musique sympa, un joli cadre avec plein de lumières (plus agréables que les néons de la Dark City)... ce serait dépaysant. C’était exactement ce dont il avait besoin. De ça, et d’un petit snack. La journée avait été longue. Il réalisait maintenant ne pas avoir déjeuné.

Et maintenant...

Erik regardait le type devant lui avec un léger dépit. Il pouvait voir son expression renfrognée, et était partagé entre le fait de le plaindre et le fait de se lamenter sur l’attente supplémentaire qu’il allait devoir lui-même subir, si un jeune idiot devait fouiller dans le fond de toutes ses poches pour trouver les quelques pauvres munnies que coûtaient ces boulettes de riz.

Merde ! Il avait trop faim pour ces conneries. Et puis, il pouvait toujours faire passer ses repas sur ses notes de frais. Il lui suffirait de dire qu’il avait tout acheté pour lui-même.

Lorsqu’il leva la main pour se manifester, quelque chose en l’escroc lui fit ressentir une petite fierté de bon seigneur. « Je vais régler pour le monsieur, » lâcha-t-il avec une nonchalance assurée. Comme il faisait bon faire acte de générosité !

« Et je vais prendre une boulette avec du saumon, si vous pouvez ajouter ça. »

Le cuisinier acquiesçait tout en réceptionnant les munnies que le jeune homme lui tendait. Il ne restait plus qu’à attendre.

... silence.

Cela avait quelque chose de gênant.

« Alors... vous êtes là pour la fête ? J’ai entendu dire qu’il y aurait des feux d’artifice plus tard dans la soirée. Vous devriez pas tarder à rejoindre les quais si vous voulez pas les louper. »
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Si quiconque me regardait avec suffisamment d'attention, on pourrait lire dans mon regard les mêmes étoiles qu'un de ces enfants, découvrant l'éclairage magique apporté par ces rangées de lampions accrochés en hauteur. La bouche entrouverte, le souffle un instant coupé, mon regard s'était arrêté sur lui. Si l'on pouvait personnifier E... Eron ? Elle serait en la personne de ce jeune homme généreux qui m'offrait un rayon de soleil dans cette journée épuisante. Le soleil se reflète dans les petites touffes de cheveux blonds du beau gosse. A l'instar de moi, il arbore une tenue plutôt civile, mais plus relâchée genre jean bleu et t-shirt blanc. Le nouveau venu a dans sa démarche ce quelque chose de nonchalant qui me fait penser à certains de ces gaillards du défilaient qui passaient avec une insouciance enviable, ni trop sûrs d'eux, ni timides.

- Je... Euh... Merci.

J'ai baissé le regard, mes joues empourprées de honte, même pas capable d'aligner une phrase cohérente à mon sauveur. Tout ça me fait réaliser que malgré une malchance compétitive dans le multivers, j'ai souvent eu quelqu'un pour me sauver la mise à chaque mauvais coup du sort : Kuro, D.Va, les deux fées et maintenant lui. Ça a ce côté embarrassant de ne jamais pouvoir m'en sortir tout seul.

- Non, je recherche quelqu'un sans qui elle n'aura aucun sens, fis-je, pensif.

Néanmoins, l'inconnu a lâché une information qui n'est pas incongrue : il va y avoir des feux d'artifices. Connaissant Amber, elle serait trop fascinée par le spectacle pour le manquer. Elle va forcément rechercher un excellent angle de vue. C'est plutôt vague comme début, mais c'est une bonne piste si je veux la retrouver avant la fin de la soirée.

- J'espère pouvoir les voir avec elle si je parviens à la retrouver à temps.

Ce qui, malgré les quelques maigres pistes à explorer, n'a à ce rythme peu de chances de se produire. Surtout si je flâne autour d'un stand de restauration... Au point où j'en suis, je préfèrerais trouver un moyen de remercier cet étranger plutôt que de poursuivre une femme que je ne retrouverai sûrement pas avant le lendemain.

- Et vous ? Quel gâchis... Qu'est-ce qu'un bel homme comme vous fait sans compagne par ici ?

Mon regard est plus taquin que moqueur. J'espère qu'il ne prendra pas personnellement ma plaisanterie. Je décale mon regard, les commandes ne sont pas encore prêtes, on a un peu de temps devant nous.

- Monsieur... ? Finis-je en lui tendant amicalement une main.
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Il lui serra la main, la poigne ferme par habitude, mais sans plus. « Euh, Erik. »

Si. Si il avait pris la remarque de Ross personnellement, mais pas comme une attaque à son ego. Loin de là. Qu’importait que l’escroc n’ait pas de compagne, ce n’était pas vraiment ce qu’il cherchait en ce moment. Il n’allait donc pas s’offusquer qu’on le relève. Par contre, il était tout à fait inédit que quelqu’un qu’il ne connaissait ni d’Etro ni du Nuage Noir l’appelle « bel homme » et commence à s’inquiéter du manque de bonne femme à son bras.

La formulation avait un rendu profondément douteux.

Il veut me draguer ou..? s’interrogea-t-il en une demi-seconde de connexion neurale.

Non. Il se faisait des idées. Stop la parano Erik ! Enfin… n’avait-elle pas souvent eu raison là où ses efforts de tempérance l’avaient desservi ? NON ! Il ne devait pas y penser. Il sentait déjà la gêne lui monter au cerveau. Et puis, Le blondinet cherchait la petite dame sans qui « la fête n’aurait pas de sens. » Il n’avait de toute évidence pas le temps pour du menu fretin comme lui ! Avec une déclaration si proche du mélodrame romantique, il avait d’autres chats à fouetter !

Il l’espérait. Madame Song et ses techniques de drague aussi subtiles qu’un templier à un club de lecture devaient l’avoir atteint, finalement.

Calme. Allez.

« Et vous ? » demanda donc l’escroc, l’esprit soudainement apaisé — pour approximativement deux secondes.

Il détaillait plus avant son interlocuteur, maintenant. Un garçon aux longs cheveux blonds, propre sur lui, habillé dans des tons bleu sombre. Il n’était vraiment pas vieux, et avait dans le regard cet éclat de « je suis perdu. »

Erik en aurait presque soupiré.

Est-ce qu’il était condamné à aider tous les petits jeunes du multivers ?! Ils paraissaient lui coller aux baskets, tous plus ennuyés les uns que les autres… et lui, peinait à les laisser dans la détresse.

Il prit une brève inspiration. « Vous avez perdu votre amie c’est ça ? Elle ressemble à quoi ? Je traîne là depuis un moment, je l’ai peut-être vue. »
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Non, je ne l'ai pas simplement perdue. Si ce n'était que ça... Je soupire et baisse le regard. Dans une certaine mesure, j'ai toujours fait n'importe quoi. Pourtant, j'ai toujours fait de mon mieux ! J'avais pensé pouvoir reprendre les choses en main, que je pourrais trouver une place dans mon groupe et me sentir utile. Mais j'ai eu tort. Je n'ai jamais été en phase avec la Coalition Noire. Là, ça m'a rattrapé. Et franchement... Je me demande si ce serait pas pareil avec Amber. Je me suis attaché à elle et d'une certaine façon, j'ai constamment tenté de rattraper la maladresse que j'ai eu avec elle. Mais au casino, j'ai perdu pied. Je me suis laissé submerger par mes sentiments, j'ai joué avec le feu, j'ai tenté de tout contrôler.

Au final, j'ai juste merdé.

Oups ! Je relève la tête. Je réalise que j'étais tant préoccupé que j'en ai oublié de répondre aux questions d'Erik. Je me frotte la nuque. Mon visage qui s'était récemment fendu d'une grimace prend une mine moins sombre, mais plus embarrassée.

- Peut-être oui.

Je tente de lui faire une description d'elle, relativement approximative mais suffisante. Mais cela ne semble pas lui évoquer quoi que ce soit. De la déception s'affiche sur mon visage mais s'efface plutôt vite. Profitons de l'instant présent, les personnes sympathiques telles que ce jeune homme ne sont pas si courantes dans mon groupe.

- Pour être honnête... Je prends une inspiration. Je lui dois bien la vérité pour son geste. Je me suis disputé avec elle. C'est une longue histoire.

Je fais une pause. Je ne vais pas lui mentir mais je préférerais éviter de gâcher cette rencontre en entrant trop dans les détails. Il ne mérite pas que je l'ennuie avec cette histoire. Et puis, il y a aussi une part de moi qui, comme lors de ma dernière mission, ne parvient pas vraiment à accepter ouvertement ses torts.

- On vient de la Cité du Crépuscule.

Je parle plutôt calmement, mais je ne parviens pas à dissimuler une pointe de mélancolie. J'espère que cette mention à un monde sous le joug de la Coalition Noire ne l'effraiera pas trop.

- Tout là bas a tant changé que je ne sais plus où me placer. Je me demande s'il vaudrait pas mieux que je laisse tout tomber et que je... Et quoi au juste ? Je sais même pas. Ça vous est déjà arrivé de...

Merde, ça devient bizarre... Je baisse à nouveau un peu la tête. Voilà, je me sens tant paumé que je reste là, dans ma détresse, totalement incapable de formuler ma question convenablement. Quelle tache.
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« De ? »

Ce garçon venait donc de la Cité du Crépuscule… l’escroc retint une moue peinée, qui pourtant avait menacé ses traits. Voilà bien une chose qu’il n’était pas enthousiaste de partager avec quelqu’un.

Il voulait le plaindre, quelque part… mais d’un autre côté, le garçon avait la liberté de sortir de ce monde maudit pour en visiter un autre. Soit la Coalition Noire s’était bien relâchée, soit il était privilégié. En tous les cas, il n’était pas dans leur viseur.

La Cité du Crépuscule… son monde. Erik sourit finement – le soleil lui revenait, et quelques rires – mais c’était un sourire trop doux, trop effacé, mélancolique. Ce monde dont il se souvenait était mort depuis longtemps. Il prit une brève inspiration. « C’est sûr, ce n’est pas un monde où les choses doivent être évidentes, » soufflait-il, trop habitué à ne pas s’épancher sur ses circonstances pour dire qu’il en était originaire, lui aussi. Plus il y pensait, plus son sourire périssait. « Mais… »

Il s’interrompit. Non. Il n’avait aucun conseil à donner. Pas lui.

Il prit une bouchée de la boulette au saumon qu’il venait de récupérer, et laissait son interlocuteur réceptionner les siennes tout en s’écartant. Le riz lui semblait avoir un goût amer… à moins qu’il ne s’agisse de son imagination. Ce que l'esprit pouvait avoir d'influence sur le corps...

L’escroc ne savait que dire, vraiment, et pourtant le jeune homme paraissait attendre qu’il poursuive. Mais qu’y avait-il à ajouter ? Que pouvait-il dire ? Il n’était certainement pas le mieux placé pour se prononcer sur quoi que ce soit qui touche à ce lieu comme à ceux qui l’habitaient. C’était un monde qu’il avait abandonné.

Pire : c’était un monde où il avait abandonné ceux qui avaient compté pour lui.

Ah… que dire, oui ? Que dire à quelqu’un qui était resté, quand on était parti ? Erik levait sur son interlocuteur un œil tranquille dans lequel naissait une pointe de curiosité.

C'était vrai : pourquoi restait-il, ce jeune homme ? L'escroc ne ressentait pas chez lui l'assurance idéaliste de ceux qui y demeurent parce qu'ils ne sauraient le quitter, le laisser entre les mains de la Coalition Noire, de ses laquais, de ces profiteurs qui avaient noirci leur ciel et leurs cœurs. Il sentit ses épaules se crisper alors que la question franchissait ses lèvres.

« Qu’est-ce qui vous retient à la Cité du Crépuscule ? Je me dis… que c’est peut-être là le point. »

Tiens. Maintenant qu’il y pensait, le blondinet n’avait pas donné son nom.
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J'ai tellement laissé passer de temps juste avant que je n'ai pas remarqué que notre commande est prête. Je profite de l'instant où mon sympathique bienfaiteur s'écarte pour m'approcher du vendeur. Cinq boulettes de riz, empalées sur un fin pic à brochette en bois clair qu'il me tend et que je réceptionne. Ensuite, je m'éloigne également afin de ne pas gêner les autres clients. Je ferme les yeux, écoutant d'une oreille distraite la question d'Erik et en profite pour humer l'odeur émanant de la nourriture, éveillant mon appétit. Je la laisse en suspend au profit de faire cesser les plaintes de mon estomac.

- Bon appétit, dis-je avec le sourire avant de profiter d'une première bouchée.

Un choc de l'arrière. Une épaule m'a percuté un peu violemment. Mes appuis tiennent, bien sûr. Toutefois, l'objet de ma gourmandise s'enfonce un peu trop vite au fond de ma bouche. Ça brûle et ça pique, je dois m'empresser de reculer la brochette. Le rustre s'est déjà bien éloigné sans m'accorder un regard ni même des excuses. Je grimace, légèrement irrité, mais décide de laisser couler. Je fais signe à mon nouvel ami de me suivre. Une fois posé sur un banc, un peu à l'écart du tumulte, je réponds de façon plutôt spontanée avec un ton plutôt amer :

- C'est pas toujours facile, oui.

Je marque une pause. Bravo Ross, t'as bien plombé l'ambiance. Si j'étais drôle, ça serait le moment de lâcher une bonne blague pour détendre l'atmosphère. Pas de bol, je le suis pas vraiment.

- Mais jusque récemment, je pensais que les choses n'étaient pas si terribles.

Je suis plutôt sérieux, mais qui est-ce qui y croirait ? Les habitants sont sous oppression, subissant les taxes et les horreurs que certains peuvent décider d'imposer en spectacle. Certains doivent même lutter contre les apparitions de sans-cœur en attendant les rondes de gardes noirs, qui ne peuvent couvrir tout un monde, mais qui apportent tout de même une sécurité approximative.

- C'est le monde où j'ai grandi. J'y ai tout ce à quoi je tiens, ma famille, mes amis...

Et une position relativement confortable, bien qu'on ne puisse pas dire que je sois une recrue particulièrement appréciée. Mes états de service sont plutôt déplorables. Mais au moins, je n'attirais pas trop l'attention et je pouvais continuer de suivre mes habitudes, vivre ma vie, presque normalement.

- Et pourtant...

Une fois de plus, je m'interrompt, incapable de formuler ma pensée. Pas parce que je ne sais pas, mais parce que c'est difficile de me l'avouer. Je décide enfin d'engloutir la première boulette. Ce serait dommage de les laisser refroidir ! Le riz fond dans ma bouche et se mêle au goût du poisson, provoquant un mélange de sensations agréables sur ma langue. Le poids dans mon cœur semble même s'en alléger un petit peu.

- J'ai le sentiment de n'avoir rien à faire là-bas. Ça vous est déjà arrivé ?
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Erik ne connaissait que trop bien ce sentiment. Il lui collait à la peau depuis longtemps — trop longtemps, à la vérité : il n’avait plus rien eu à faire à la Cité du Crépuscule, il n’avait jamais rien eu à faire au Domaine Enchanté, et nul n’avait rien à faire à Illusiopolis, objectivement. Il était pourtant étrange de voir comme on pouvait regretter ou s’attacher à des lieux où l’on avait plus, pas, ou ne devrait pas avoir sa place.

Il avait suivi le petit gars jusqu’à son banc, à sa propre surprise. Les jeunes désœuvrés étaient décidément sa faiblesse. Enfin. T’es encore jeune, Erik ! se rassurait-il alors même qu’il y pensait. L’escroc ne s’était pas assis, pas encore. Malgré ses épaules relâchées, malgré son air tranquille, il n’était pas des plus à l’aise : ce type, il ne le connaissait pas. Ce type, il lui rappelait des choses dont il ne voulait pas se rappeler. Ce type, il avait quand même sorti quelques répliques à double sens… lequel ne savait que l’embarrasser.

Surtout, Erik ne savait comment lui répondre, ou par quel bout prendre le problème.

« Oui, fatalement, » commença-t-il donc, prudent, avant de temporiser. « Ca peut arriver à tout le monde. »

Son repas consommé, l’amertume imaginée qu’il lui avait prêtée lui restait. Son hésitation, elle, s’invitait discrètement en quelques signes que les attentifs repéreraient : un regard fuyant, et des mains dont on ne sait que faire.

« Vous… tu. Je peux tutoyer ? » Il poursuivit lorsque le jeune homme assit devant lui acquiesça. Sa voix se posait, calme mais sérieuse. Il voulait être sûr d’avoir compris : car si il avait pris l’escroc à part pour échanger avec lui, s’il ressentait ce besoin, c’est bien que ce garçon était un peu perdu.

S’il avait besoin d’un conseil, ou d’une oreille, Erik n’aurait en revanche pas su en juger. « Si je comprends bien… t’es resté parce que ce monde, c’est tout ce que tu connais. C’est là où tu as tout ce que tu connais. »

Mais il en était sorti. Il avait vu un autre monde, d'autres gens, eu d'autres expériences, désormais. « Jusque récemment, il pensait que les choses n’étaient pas si terribles, » pour reprendre ses termes.

Alors, était-ce différent maintenant ?

« Mais… tu hésites, c’est ça ? » cherchait-il à s’en assurer.

Quelles seraient les chances ?

Quelles seraient les chances de croiser un jeune homme venant de la Cité du Crépuscule, et contemplant le fait de partir malgré qu’y demeure tout ce qu’il a toujours connu et aimé ?

L’escroc déglutit une mauvaise pensée.

Ne serait-il pas plus simple d’évoquer le sujet à cœur ouvert ? Peut-être. Autant pour Erik que pour son interlocuteur, à n’en pas douter. Mais il n’arrivait pas à avouer ce hasard trop gros, trop improbable, d’une origine et d’une problématique commune. Il ne le pouvait pas. La vérité était simple : une part de lui s’agrippait à une méfiance bien ancrée. La Cité du Crépuscule… la Cité tranquille où le clocher veille les toits des maisons et où on se retrouve sur la plage le week-end venu. Non. Celle-ci était partie et il fallait s’y faire. Il avait fallu s’y faire. La Cité du Crépuscule : celle des taupes, de ceux qui retournent leurs vestes. La voici telle qu’elle était. Combien avaient été abusés par ceux qu’ils pensaient proches d’eux ? Combien en avaient payé les frais ? Tout était trop loin pour que l’escroc en ressente encore de la colère. Les années l’avaient lavée à coup de recul, et les circonstances n’en avaient pas ôté le vernis. Mais ses souvenirs lui soufflaient un doute. Ils lui soufflaient la prudence. Ils lui glissaient des réflexes dont il ne parvenait pas à se défaire.

Tout inoffensif qu’ait eu l’air celui qui devant lui se confiait ou semblait se confier…

… lui n’avait pas confiance.

Il poursuivait d’une dernière question, qui dépassait sa pensée : « Si je peux… pourquoi maintenant ? »
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- Oui.

Je hoche la tête à l'affirmative, confirmant ainsi toutes les hypothèses formulées, mais avec un ton toutefois plutôt grave. Simplement dire que j'hésite est un véritable euphémisme. Et pourtant, d'ici demain, il faudra que j'en sois venu à une décision : mon séjour à l'hôtel ne sera plus valide et je n'ai les munnies que pour un unique trajet, sans retour possible. Je finis par lever le menton et le regarder dans les yeux. Tais-toi ! Non, ne lui dis rien, vas-t-en ! Et s'il était un agent de la coalition, envoyé pour me récupérer après m'avoir interrogé à mon insu ? Et si derrière toute cette gentillesse se cachait quelque chose de plus insidieux ?

Par le soleil noir, tais-toi, foutue voix !

C'est insensé, il faut que je me calme. Ne pas sombrer dans la psychose. Pourtant si proche du "Boucher de Grimm", Lenore n'a rien soupçonné à mon sujet. Enfin... Je crois. C'est la première fois que je le rencontre, je le saurais, si ce jeune homme était parmi nos rangs. Je poursuis la dégustation, l'association de saveurs parvient de nouveau à m'apaiser. Je n'ai plus tellement le choix. C'est ce que j'aimerais répondre, mais c'est pourtant faux. Je peux toujours rentrer, faire mon rapport et subir l'inévitable sanction - peut-être mortelle... Mais Death pourrait également se montrer clément.

- J'ai désobéi aux ordres de... J'hésite à citer le nom, mais décide de me raviser pour le moment par prudence. Quelqu'un parce qu'ils constituaient un risque pour moi. Jusqu'à ce jour, je pensais que les suivre pourrait peut-être amener quelque chose de positif. Mais au fond, j'avais pas bonne conscience.

Je marque une nouvelle pause et entame la consommation de la troisième boulette. J'en ai sûrement trop dit pour qu'il ne puisse pas comprendre ce à quoi je fais référence. Mais je me plais à penser que Erik agit sans arrière pensée. Je finis par soupirer, amer. Déserter, au risque d'être traqué ?

- Je sais pas ce que je peux faire...

Après tout, j'ai pas vraiment de talent particulier, outre celui de m'attirer des ennuis, j'ai nulle part où aller... En quelque sorte, cela me faciliterait les choses si je rejetais toute la responsabilité du choix sur lui. Mais je ne peux pas. Je ne dois pas. Dans la finalité, en quoi ça différerait du fait d'avoir laissé Death dicter ma vie ? Je peux écouter ses conseils, mais c'est à moi d'assumer. Je ne peux plus laisser les autres décider à ma place.

- Je me sens pas capable de quitter mon monde... Et pourtant, j'ai l'impression qu'y retourner serait la pire erreur de ma vie.
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Il n’avait pas confiance, toujours pas, non. Mais l’histoire de ce jeune homme commençait à l’intriguer.

Aux ordres de qui avait-il pu désobéir ? Dans quel genre de merde était-il allé se fourrer ? Erik ne savait pas à quoi il devait la petite crédibilité qu’il tendait à accorder au garçon ; à sa mine perdue, à son air subtilement teint d’un léger pathétisme, ou au fait qu’il aurait très bien pu être à sa place, avec la chance dont il faisait souvent preuve. Ses lèvres se murent bien malgré lui d’un petit pincement.

Une part de l’escroc, qu’il cherchait à étouffer, aurait aimé avoir une solution à apporter au problème du type face à lui, mais il n’y avait qu’une chose à dire à cet inconnu qui se confiait, en réalité.

« Si je peux me permettre, » risqua-t-il « je.. je ne connais pas vraiment ton histoire, alors me prononcer est peut-être un peu déplacé. Le point… c’est peut-être de savoir si tu es prêt à laisser ce que tu connais derrière toi. »

Erik n’allait pas en faire la liste : ses proches, le peu qu’il possédait, les lieux qui composaient sa mémoire… Dire ces mots avait arraché à l’escroc une expression plus concernée et affectée qu’il ne l’avait voulue. Pourquoi était-il surpris ? Le regret rampant qui le saisissait n’était plus un mystère pour lui, quoiqu’il ait régulièrement réussi à le repousser d’un petit élan de mauvaise foi, ou de désaveu. « C’est un choix avec lequel tu vas devoir vivre, » ajoutait-il en connaissance de cause.

Il fallait cependant être un idiot pour penser que tenir, inflexiblement, tenir, toujours, se raccrocher à chaque miette de ce que l’on avait ou avait eu était une bonne idée.

Il fallait s’adapter, retomber sur ses pattes, composer : voir une nouvelle aube.

« D’un autre côté, » se tempérait-il donc immédiatement, de raison, « mort, tu ne pourras plus rien faire. Que ce soit regretter, ou trouver quelque chose de mieux, ailleurs. »

Pour tout ce qu’Erik avait regretté, n’avait-il pas aussi pu trouver des choses nouvelles ? Avec tous les mondes qui s’offraient à eux, est-ce que ça ne valait pas le coup, quand en effet il n’y avait plus rien pour soi dans l’un d’eux, ou plus rien pour soi qui valle la peine d’y rester toutes choses considérées, de partir ? Voir un nouveau ciel ? Découvrir un nouveau soleil ?

Erik inspira doucement, son regard se portant machinalement vers le soleil déclinant en fin de journée, prêt à s’écrouler sur la mer qui lui servirait de lit.

« Enfin, je ne sais pas à qui tu as désobéi, mais avec ce qu’on entend sur la Cité du Crépuscule, et sur la Coalition Noire qui y règne… je me dis que ça peut être à prendre en considération. »

Ses yeux se reportèrent sur le jeune homme, jaugeant sa réaction sous couvert d’un peu d’inquiétude de bon samaritain – il l’appuyait un peu, tout en se surprenant ne pas la feindre totalement. Sérieusement… Quel âge avait ce garçon ? Surtout, pourquoi l’avait-on envoyé ici ?
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Suis-je prêt à laisser ce que je connais derrière-moi, sans pouvoir regarder en arrière ? Mes lèvres se pincent. Il y a Amber... Mais je pourrais tenter de la convaincre de me suivre. J'ai une famille. Une mère aimante qui est employée à l'accueil de la gare pour le compte de la Shin'ra. Un père littéraire qui, malgré tout, conserve une énergie remarquable et parvient à trouver une inspiration plus qu'admirable dans le monde qui nous entoure. Ses romans me permettent de m'évader totalement de ce quotidien qui n'est pas toujours évident. Ils sont une véritable bouffée d'air frais plus que nécessaire dans nos vies.

C'est mon modèle. Depuis que je suis enfant, mon rêve a toujours été de suivre ces traces et de tenter à mon tour de créer mes propres œuvres fictives, donner le sourire à mes lecteurs et faire vivre de grandes histoires épiques ! Malheureusement, il subit une assez forte pression récemment : on souhaite le faire taire. Le contenu sensible de ses récits ne plaît pas à l'autorité locale. Le stress qu'il subit au quotidien l'a conduit à se mettre à fumer. Je suis très proche de lui et ça ne serait pas forcément facile de m'en éloigner. Mais surtout, j'ai bien peur que mon départ pourrait également accentuer la pression qu'on lui inflige. J'ai peur que l'étau ne se resserre sur lui et que ça se termine mal.

Dans ce cas, ne vaudrait-il pas mieux que je revienne la queue entre les jambes, fasse mon rapport, donne la lettre d'excuses de D.Va en espérant qu'elle pèse dans la balance et le laisser une nouvelle fois décider de mon sort ? Non, il n'en est pas question. Me ranger dans les rangs, agir pour leur compte n'a fait que me soumettre davantage à leur autorité. Je ne souhaite plus les laisser décider de mon avenir. Je veux faire mes propres choix. Je suis le personnage principal de ma propre histoire, merde !

- Merci, Erik. Grâce à v-toi, je pense savoir quel choix faire.

Je termine la dégustation de la brochette et glisse un sourire optimiste à mon interlocuteur. Ses mots m'ont aidé à y voir plus clair, remettre en ordre mes pensées. Ma décision étant prise, je décide de me lever du banc, plutôt décidé à ne pas l'ennuyer plus que nécessaire après qu'il m'ait sauvé la mise. Mais avant de le quitter, je plonge ma main dans ma poche, chagriné à l'idée de ne pas pouvoir lui renvoyer l'ascenseur... J'y sens une forme, puis décide de sortir l'objet et le lui tendre, le geste étant plutôt hésitant au début, puis s'affirmant au fur et à mesure.

- Je pense que je n'en aurai plus besoin, dis-je avant d'enfoncer finalement l'objet dans sa main, sans réellement lui demander son avis.

Il s'agit d'une sorte d'insigne, un signe distinctif qui peut montrer mon appartenance à la Coalition Noire. Au dos y est inscrit mon prénom... Oups.

- Je m'appelle Ross, de la Coalition Noire, dis-je enfin pour me présenter en retour, ayant visiblement oublié de répondre à une de ses questions précédentes. Ou du moins, je l'étais.

Mon regard revient sur le visage d'Erik, scrutant avec appréhension l'instant où il comprendrait, espérant ne pas me faire rejeter vivement avant d'avoir pu terminer mon explication que je m'empresse de poursuivre :

- Si un jour tu venais à avoir des problèmes avec eux... Demandes à parler à "Kuro", j'appuie sur le prénom afin qu'il puisse s'en souvenir, et donnes-lui ceci de la part de Brett. C'est un ami, il pourrait sûrement t'aider.

Je sais que ce n'est pas grand chose et j'espère surtout que ça ne lui sera jamais utile, mais je voulais tout de même tenter avec le peu que j'avais de lui rendre la pareille.
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« Euh oui, d’accord, Bre — Ross ? » balbutiait Erik, complètement pris de cours par le soudain dynamisme plein de bonnes résolutions du jeune blondinet.

Qu’est-ce qui lui avait mis le feu comme ça ? Pourquoi une telle détermination ? Qu’avait dit l’escroc pour motiver son choix ? Etait-ce le fait que, décédé, il n’arriverait à rien ? Pourtant, Ross n’avait pas la mine de quelqu’un qui venait d’envisager son décès prochain dans de terribles souffrances, alors quoi ?

De fait, ce n’était pas l’appartenance du jeune homme à la Coalition Noire qui le saisissait. Elle ne le surprenait pas trop. L’escroc la suspectait déjà. En revanche un tel élan de motivation, rejeté de plein fouet sur lui qui en manquait bien souvent cruellement, était suffisant pour lui faire esquisser un mouvement de recul. Il hésitait. « Je sais pas trop ce qui t’a décidé mais… » … quoi ? Il ne savait même plus quoi dire.

D’un coup, et peut-être bien involontairement, son interlocuteur lui avait flanqué une belle confusion.

Comme tout homme sachant qu’une information peut parfois sauver une vie (sa propre vie) Erik les enregistrait mécaniquement. Rapidement. Ross — Kuro — Brett — Kuro — Ross — K… attendez. Attendez une minute… « … Kuro-le-Kuro-de-la-Coupe-Noire ?! » se coupait-il soudainement avec une exclamation ! Kuro ? Le gosse qui s’était fait étaler par ce bulldog des Enfers de Roxas ? Le petit mec paumé d’Illusiopolis qui avait l’air prêt à se faire piquer son goûter ? Ce Kuro-ci ?

Objectivement, l’escroc saluait la résilience perceptible dudit jeune combattant, il n’y avait pas à en discuter : mais l’incongru de la situation poussait son esprit à en tirer le plus de ridicule cocasse possible.

En substance, et comme suit :

Mais bordel de merde ! Avec TOUS les mondes existants — des milliers de mondes, qui pouvait le dire ?! — POURQUOI fallait-il toujours que les mêmes personnes se croisent et se recroisent ? Se séparent puis se retrouvent ?

Est-ce que c’était ça, le Destin ? Est-ce qu’il y avait une main divine pour mettre les noms de tous les hommes, les hybrides, les fées, les monstres et qu’en savait-il d’autre dans un bac, et les en tirer pour les faire se rencontrer ? … et toujours remettre les mêmes noms dans le même panier ?! Va te faire foutre, Etro ! pensa-t-il brièvement et, sûrement, de façon bien injuste et malavisée.

Il n’avait rien contre Kuro, mais son apparition dans cette discussion était symptomatique d’un problème plus important — Erik n’aimait pas tant revoir de vieilles connaissances, mais elles le trouvaient sans cesse.

« Tu le connais ? » poursuivait-il par automatisme, sans y réfléchir plus que ça. Une partie de lui évaluait l’avantage que voulait lui conférer Ross avec son insigne et son conseil, mais peinait à en estimer le bénéfice.

A imaginer que le déserteur-en-devenir était honnête, pourquoi est-ce qu’un membre de la Coalition aiderait un quelconque individu en relation avec un traître ? N’était-ce pas, plus encore, une raison de vouloir lui soutirer des informations ? De le faire souffrir, lui faire cracher le morceau ? Alors… « … pas que je compte avoir des soucis avec la Coalition mais… pourquoi il aiderait ? » … est-ce qu’il était en réalité un membre peu convaincu de l’organisation ?

Bordel. Jimbo ne devait jamais apprendre ça.
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La décision que je viens de prendre est lourde de conséquences. C'est un choix complètement égoïste qui pourrait causer du tord à mes proches et totalement me retomber à la figure plus tard. Je pourrais m'en mordre les doigts. Est-ce que c'est vraiment la bonne décision ? Ne suis-je pas complètement horrible de ne pas prêter suffisamment d'importance aux répercussions de mes actes ? Au fond, je ne suis sûrement pas certain de ce que je fais. Je ne suis peut-être pas capable de l'assumer. Et pourtant...

- Je ne veux pas regretter de ne pas avoir tenté de chercher mieux pour ma vie.

Là, il devrait sûrement mieux comprendre ce qu'il a dit qui puisse m'avoir poussé à prendre cette décision. Et d'ailleurs, ce chic type ne m'a même pas sauté au cou à l'instant où j'ai prononcé les mots "Coalition Noire". Bon, il est clairement déstabilisé, ça se sent et c'est normal, mais j'ai l'impression que c'est plutôt les deux prénoms que j'ai prononcé qui l'ont perturbé. Sur ce point aussi, il y a de quoi l'être. La mention à Brett est un peu sortie de nulle part et ça lui donne peut-être l'impression que je parle de moi alors qu'en réalité... Pas vraiment.

C'est juste comme ça que j'avais appelé Kuro lors de notre première mission ensemble, au Château de la Bête. S'il savait pourquoi je l'ai appelé comme ça, il apprécierait sûrement moyennement, ceci dit. Il me semble que c'était parce qu'il venait de dire quelque chose qui me semblait bête... Et du coup j'avais cherché quelque chose qui sonnait pareil. Bref, en tout cas, si j'ai sorti ce prénom à Erik, c'est surtout pour que Kuro y reconnaisse directement ma signature.

- Yep, c'est ce Kuro oui...

Celui-là même que j'avais aperçu en direct se faire détruire lors de cette maudite Coupe Noire, retransmise par l'Éclaireur. Vraiment, il en était revenu brisé, même moralement. Ça faisait de la peine à voir.

- C'est un pote... Un des seuls, dans le groupe en fait, dis-je en me frottant la nuque, dans un aveu gênant qu'il comprendrait sûrement aisément. Il m'en doit une et il tient ses engagements, il a pas forcément mauvais fond.

Mais il ne faut pas non plus se faire d'illusions, il n'est clairement pas un enfant de chœur. Il n'hésite pas à employer les moyens nécessaires à parvenir à ses fins, quels qu'ils soient. Pourtant, je reste persuadé que dans le fond, il a une part plus lumineuse que j'ai déjà pu observer, qu'il montre à ses proches dont je suis, progressivement, parvenu à faire partie.

- Je vais devoir y aller, dis-je presque à regret. Je dois encore retrouver mon amie. Merci encore pour tout, Erik !

Je ne souhaiterais pas l'ennuyer plus que je ne l'ai déjà fait et... Oui, je voudrais retrouver Amber tant que j'ai une très vague idée d'où la chercher. Je lui jette un dernier regard, puis commence à me retourner pour m'éloigner avant de le saluer une dernière fois de plus loin. Une bonne rencontre, que j'espère refaire un de ces jours.
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« Je ne veux pas regretter de ne pas avoir tenté de chercher mieux pour ma vie. »

Il avait dit ça avec un tel naturel, un tel sérieux, un tel élan de résolution. C’en était admirable, vraiment. Mais loin de le faire sourire, elle pinçait l’escroc en ce qu’il avait de cœur. Chercher à vivre sans regrets était bien louable : mais c’était une tâche plus difficile qu’il n’y paraissait. A le chercher autrefois, Erik s’en était en fait créé d’autres… et avec le temps, avait renoncé.

Alors il avait observé Ross parler d’un ami qu’il laissait derrière lui, sa mine de jeune premier un peu penaud flanquée au visage, puis courir après une autre.

Ce gosse va se faire bouffer, pensait-il, un sourire poli apparu, de circonstance, au coin de ses lèvres.

Ross dégageait une impression douce et désespérément normale, avec une pointe d’idéalisme dormant : le genre de personne qui soit vit en se soumettant à ce qui est, quitte à ne jamais en être vraiment heureux, ou versent sang et eau en tentant de s’en défaire… et souvent, Erik le pensait, y échouant. Le monde — les mondes — pour tout merveilleux qu’ils semblaient, pour plein d’opportunités qu’ils paraissaient, obéissaient en réalité tous aux mêmes règles.

Tant qu’il y avait les mêmes hommes, les mêmes autres, d’un lieu à l’autre…

… les forts mangeaient les faibles.

Et Ross ne renvoyait pas l’image des premiers.
Et Erik ne savait pas si celui-ci était assez malin pour éviter le sort le plus commun des seconds.

C’était bien dommage. Il n’avait pas l’air méchant, en réalité. L’escroc se rejouait leur échange.

Un profond sentiment de fatigue l’emplit.

Saloperie !

Les jeunes paumés étaient donc vraiment une faiblesse !

Vite, il courut les quelques mètres qui les séparaient. « Hey ! » l’interpellait-il vivement ! Mais il ne l’entendait pas, avec tout ce monde ! Erik bousculait un passant, et deux jeunes filles qui profitaient de la vue. Il n’avait trop le temps de s’arrêter alors il se contentait de rapides excuses vides d’intention. Il reprit ! « ROSS ! » Ah, voilà, mieux : le pauvre ne comprenait pas ce qui lui tombait dessus.

« E - écoute… » Erik reprenait son souffle, appuyant ses mains sur ses genoux, voûté. « Je te retiens pas plus mais… » Grande inspiration. Il se redressa. « Refaire sa vie, c’est compliqué. Vraiment. » Il appuyait ce dernier mot, comme s’il espérait faire comprendre au jeune homme qu’il ne serait pas sorti d’affaire avec de simples résolutions. Il doutait fortement qu’il le comprenne de suite, ou qu’il en saisisse toute l’ampleur, mais merde ! Pour peu, on aurait pu dire que l’escroc envoyait des mômes à leur perte !

Il poursuivit, sans trop laisser le temps à son interlocuteur de contester, ou non.

« Alors… si tu t’y perds, et que tu as de quoi te payer le billet, file à Illusiopolis. Trouve le bar Chez Régis et dit que tu cherches Erik. Laisse ton contact. Ca devrait finir par m’arriver aux oreilles. »

Il tapota son épaule. « En espérant que t’en aies jamais besoin. Voilà. Allez. Profitez bien de la soirée, toi et.. ton amie. Désolé si je t’ai fait peur. »

Ceci dit, l’escroc s’apprêtait à retourner à la foule, l’esprit plus léger. Il inclinait poliment du chef.
Il espérait ne pas avoir fait une grosse connerie.
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Je suis là, à écarquiller des yeux sans trop comprendre ce qui se passe ni pourquoi. Oh, ça, je peux vous dire que j'ai sursauté tout de même assez vivement, lorsque quelqu'un, noyé dans la foule, m'a appelé par mon prénom. Pendant la fraction de seconde qu'il m'a fallu pour reconnaître la voix d'Erik, j'ai même cru avoir déjà été retrouvé par mon groupe. Une crainte défiant évidemment toute logique lorsqu'on y réfléchit deux secondes, ceux-ci ne devant avoir aucune raison de me cherche après seulement ces quelques journées d'absence sans avoir été donner mon rapport.

"Refaire sa vie, c'est compliqué" a souhaité ajouter mon nouvel ami. Une phrase sur laquelle je devrais sûrement méditer car y réfléchir à deux fois pourrait peut-être m'aider dans les jours qui s'annoncent.

- Je sais, dis-je en me cherchant une assurance que je n'ai pas vraiment.

Non, en fait, je ne sais pas. Je pense en avoir conscience, mais je ne peux pas savoir ce qui m'attend. On ne sait jamais de quoi le futur est fait. D'autant que je ne sais toujours même pas où j'irai, ni si je m'y rendrai seul. Et pourtant, c'est tout de même un facteur important : je n'ai jamais été longuement loin de mes proches ni livré à moi-même. Et visiblement, maintenant que j'ai appris ses origines, je pense que l'homme que j'ai en face de moi doit bien s'en tirer. Je n'y suis jamais allé, mais tout ce que j'ai pu entendre concernant Illusiopolis n'a rien de bien reluisant.

- Merci pour tout encore une fois.

Il n'a pu s'empêcher de faire un dernier geste d'altruisme qui n'a pu que me toucher. Bien que j'apprécie ce brave homme, je n'aimerais pas lui causer d'ennuis et donc je préférerais le rencontrer en d'autres circonstances que celle-ci. J'espère moi aussi qu'il n'aura jamais besoin de ce que je lui ai offert, faute de pouvoir faire mieux pour lui rendre la pareille.

Notre échange étant terminé et ayant à retrouver Amber, je commence par faire quelques pas en retrait, puis je m'arrête une dernière fois pour saluer mon ami.

- Au revoir, Erik !

Cette fois, je m'éloigne pour de bon, sans me retourner. Direction la plage, l'endroit offrant sûrement une perspective inouïe pour observer des feux d'artifices.
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