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Nous sommes quatorze ans après les évènements de Kingdom Hearts 2. En tant d’années, les choses ont considérablement changé. Les dangers d’hier sont des soucis bénins aujourd’hui, et au fil du temps, les héros ont surgi de là où on ne les attendait pas. Ce sont les membres de la lumière qui combattent jour après jour contre les ténèbres.

Ce n’est plus une quête solitaire qui ne concerne que certains élus. C’est une guerre de factions. Chaque groupe est terré dans son quartier général, se fait des ennemis comme des alliés. Vivre dehors est devenu trop dangereux. Être seul est suicidaire. A vous de choisir.

La guerre est imminente... chaque camp s'organise avec cette même certitude pour la bataille.

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Peu s’en est fallu qu’elle ne remarquât pas la lettre parmi de nombreuses publicités. Le jardin radieux avait encore beaucoup changé depuis qu’elle l’avait quitté, quelques années auparavant, pour le domaine enchanté. Si sa vie semblait se résumer en un aller-retour entre ces deux mondes, entre modernité et sacré, elle-même changeait autant que les deux localités. Les consuls entraînaient leur territoire dans une propension de plus en plus importante au spectacle et au consumérisme. Lulu ne désirait pas juger ce point. La Coalition noire et le Sanctum avaient créé le mensonge. Elle pouvait pardonner au Consulat et à la Shinra d’avoir réinventé le commerce.

Pour autant, en lisant le contenu de la lettre, elle fut surprise. Et cet étonnement l’accompagna jusqu’à ce jour précis où pourtant, elle prenait le risque d’aller à Costa del Sol. Le piège était parfait et couvert avec tant de précaution qu’il n'en était encore que plus évident. Cependant, de sa maigre expérience de journaliste, il lui semblait qu’un bon agent de presse devait être capable de guetter l’occasion idéale. Si elle gardait la particularité d’accuser les groupes et de se faire l’ennemie de toutes les nations, il semblait opportun de tester le Sanctum en répondant à son invitation. Si sa Sainteté, le Primarque, lui avait bel et bien tendu un piège, il lui tendrait du même geste les armes pour le détruire en un seul et dernier papier. Et s’il n’y avait aucune espèce de tromperie derrière l’invitation, cela lui ferait des bonnes vacances.

Aussi Lulu se retrouva sous un soleil plus clément, une brise plus chaude et une température définitivement plus estivale, quelques heures plus tard, après avoir quitté le concessionnaire de la Shinra. Mnerva était restée dans les locaux de l’Éclaireur. Elle leur appartenait autant qu’à elle, officieusement, et à ce propos, la sorcière souhaitait bel et bien que cette équipe de journalistes voie le potentiel extraordinaire de la chouette, pour le futur de l’information. Mais pour l’heure, c’était avant tout pour que le Sanctum ne récupère pas cet atout, en ces jours de vacances. Car l’éditorialiste ne s’imaginait pas faire autre chose que se reposer, sur ces terres. Bien sûr, elle ne se fermait pas à quelques rencontres, si elles étaient brèves et instructives. Toutefois, sa vision de ce séjour était, à l’aune de ces dernières semaines, une pause aussi bien médiatique que politique. Lulu s’était promis de ne lancer aucun sort, de ne fuir aucun danger. Plus que quiconque, elle avait besoin de tranquillité. Les soldats avaient choisi leur guerre, les têtes pensantes avaient fomenté leur ascension. Elle ne faisait que subir et adapter son approche de la situation pour y gagner un moindre avantage. Et s’il n’avait pas été question de son père, ni même de Cassandra Pentaghast, elle pouvait dire avoir fait un bon travail.

Dans ses bras, se laissait aller un Hadès en peluche portant une chemise hawaïenne et, sur son nez, des lunettes de soleil triangulaires. Il essayait de mettre ses bras trop courts derrière son crane pour s’improviser un coussin et se reposer à même la poitrine de Lulu. De nombreux regards vinrent détailler l’objet dont elle était particulièrement fière, ou du moins était-elle contente de l’achat qu’elle avait fait durant la Journuit. Cela avait été sa seule participation à cet événement haut en couleurs, il y a des mois de cela. Et à vrai dire, c’était le seul moment qu’elle en avait retenu.

Et si la jeune trentenaire avait craint la chaleur, elle qui était originaire d’un monde relativement humide, elle dut bien accorder à l’atmosphère de ce monde un équilibre parfait entre la fraicheur de la plage et la chaleur du midi.
Sa première escapade s’imposait d’elle-même car à vrai dire, elle la devait à cet homme généreux qui lui avait offert ce voyage pour une raison, certes floue, mais tout de même suffisamment touchante pour arracher un sourire à la touriste. Aussi se dirigea-t-elle vers un premier magasin de vêtements, convoitant le rayon des maillots de bain de celui-ci car à vrai dire, c’était la seule chose qui l’intéressait vraiment dans le textile à Costa del Sol, dont elle ne voulait ni la mode, ni les mœurs. En tenues de plage, ils savaient y faire, puisqu’ils avaient eux-mêmes vraiment créé l’engouement autour du phénomène. Et face aux dizaines de modèles aux tailles et couleurs différentes, il était prioritaire pour la sorcière de constater la nette différence qui existait entre ce monde et la Conquête de l’Ouest, qu’elle avait aussi visitée. Le hasard avait voulu que les deux étoiles resurgissent du sommeil à des moments très proches, peut-être à deux semaines l’une de l’autre, alors que leur culture et leurs habitants n’auraient pas pu davantage différer. Là où l’un s’ouvrait à l’étranger, voyant en ce dernier un potentiel infini, allant jusqu’à laisser au groupe favorisant le tourisme et le commerce une belle place dans l’organisation de leur monde ; l’autre se fermait devant les nouveaux venus, défendant leur terre de toute bizarrerie exotique.

Si l’envie d’acheter une dizaine de maillots de bain, maintenant qu’elle avait l’occasion d’en profiter, l’éprit bien sûr, la journaliste resta raisonnable. Compte-tenu du week-end offert, elle trouvait opportun et suffisamment agréable d’en prendre deux, mais cela ne se fit pas en quelques minutes mais bien en quelques magasins. Se sachant en relative sécurité et ayant beaucoup de temps à dépenser durant ce séjour, elle essaya de nombreux maillots, parfois même certains qu’elle était certaine de ne pas prendre.

Finalement, après plus d’une heure d’hésitation, elle continua sa promenade sur la digue, regardant les produits locaux dans les étalages ainsi que les nombreux hôtels dont certains plus rustiques que d’autres. Sa marche n’attendait que l’heure de midi, renseignée par un très mignon clocher dépassant la cime des toits en tuile. Aussi chercha-t-elle un restaurant parmi les très nombreux qui se proposaient à elle, au niveau de la digue ou légèrement plus loin dans les terres. Elle compara les prix longuement, chercha des produits bien précis. Toutefois, son choix se porta, davantage que sur la gastronomie, sur le paysage, sur la localisation. Ainsi s’arrêta-t-elle particulièrement devant un restaurant disposant derrière le bâtiment d’une terrasse en extérieur, jonchant un récif surplombant la mer et offrant un beau vis-à-vis sur la plage, déjà habitée par de nombreux touristes. Où du moins était-ce ce que promettaient les différentes photographies. Ignorant le prix, dédaignant le menu, elle s’avança dans le restaurant relativement chic.


« Madame. » lui adressa poliment un hôte, à l’entrée de l’établissement.

« Je suis toute seule. » affirma-t-elle, sans prendre la peine de demander s’il restait de la place. C’était au moins un avantage, bien qu’elle en trouvât beaucoup d’autres, au fait de dîner en solitaire. Elle renseigna aussi son envie de dîner en terrasse, ce qui n’avait rien d’étonnant, et fut menée aussitôt jusqu’à l’arrière du restaurant, arrivant sur un balcon charmant, légèrement couvert, laissant tout de même un vent s’engouffrer sous l’abri. Elle s’assit à une table, alors que l’endroit comportait déjà quelques places occupées.
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Après mon petit jus d’orange pressé du matin et une visite plutôt longue de la salle de bain de ma chambre, je me promène en tenue légère et élégante le long du front de mer. Une belle robe s’arrêtant un peu au-dessus de mes genoux, épousant mes formes tout en gardant un soupçon de pudeur.

Chose qui est plutôt rare ici pour être soulignée.

Avec mes escarpins d’été, mon grand chapeau et mon paréo rouge, je fais sensation. Beaucoup de regards se tournent vers moi, même si je tente de rester toujours discrète derrière mes grandes lunettes. Et mine de rien, à force de faire mon défilé furtif au bord de mer, je commence à avoir un petit creux.

Je suis loin de la bonne cuisine de ma Chine natale, donc il va falloir se rabattre sur le premier restaurant chic que je trouve. Et heureusement, je suis dans la meilleure partie de la ville pour cela. Je détourne mes yeux de la mer et de la plage pour regarder les belles et grandes façades blanches aux couleurs chaudes. Un bref coup de vent tente d’emporter mon chapeau que je maintiens avec ma main.

Hum. Il y a une petite brise, dites-moi !

Je traverse la rue, non sans bien regarder si des mini-voitures n’arrivent pas à pleine vitesse. Heureusement, tout est calme. Je vois quelques terrasses de sortie, mais nous ne sommes pas sur des établissements de standing. Des attrape-touristes qui ne manquent pas de regarder une vraie dame d’élégance et de charme passer devant eux et illuminer leur journée terne de consuméristes frénétiques.


« Où est-ce que je vais bien pouvoir manger, hum ? Le Gorgonzola ? Les Trois Balcons ? » murmuré-je à moi-même.

Cela commence à devenir frustrant. Sans compter qu’à force de penser à la nourriture, je finis à avoir vraiment faim. Il est bien midi, cela je ne peux pas en douter et vu le nombre croissant de clients dans les restaurants en bord de mer, j’ai raison.

Je continue d’avancer et puis, comme une évidence, le portier d’un établissement que je connais bien apparaît devant moi, à quelques mètres. Tout sourire, il s’incline légèrement devant moi avant même que je sois à son niveau.

Devant tant de courtoisie, je ne peux qu’accepter cette invitation très formelle :


« Ce sera la Tour d’Ivoire. »

Comme une évidence, l’établissement est là, sur ma route. Je traverse de nouveau la route pour rejoindre l’entrée.

« Bonjour Madame Song, quel plaisir de vous revoir à la Costa del Sol ! Je vous en prie, entrez dont. » dit-il tout en m’ouvrant très poliment la porte.

Je le remercie d’un léger hochement de tête. Une fois à l’intérieur, je suis directement accueillie par le maître d’hôtel. Un grand homme d’un âge moyen en costume sombre. Il doit mourir de chaud par cette chaleur. Pauvre homme.


« Bonjour Madame Song. Votre table habituelle ?
- Mais certainement.
- Veuillez me suivre, s’il vous plaît. »

J’enlève mes lunettes pour les ranger dans mon sac. Je retrouve Francis à la plage plus tard, mais je devrais avoir suffisamment de temps pour déguster tranquillement mon déjeuner. Je suis emmenée jusqu’à l’arrière de l’établissement de gastronomie, là où il y a une ouverture avec un balcon donnant sur la mer.

Les meilleures tables, et j’ai toujours la mieux placée de toute. On arrive audit emplacement, le maître d’hôtel tire la chaise, je m’assois seule à ma table. Il sort un petit calepin et un stylo pour prendre en note le début de ma commande.


« Que puis-je vous offrir Madame Song aujourd’hui ?
- Un cocktail du soleil s’il vous plaît. Avec quelques tapas en plus.
- Très bien, Madame. Je reviens de suite avec la carte. »

Je le salue avec un léger sourire tandis qu’il s’éloigne, ce qui me laisse le loisir d’observer la vue, d’apprécier la légère brise et de voir qu’il y a déjà beaucoup de clients pour l’heure. De riches touristes, des hommes et des femmes d’affaires locaux, de simples riches… Une femme qui déjeune seule aussi manifestement. Elle n’est pas très loin de moi et on ne peut pas dire qu’elle soit laide.

Elle a un port, une tenue. Ce n’est pas n’importe qui, elle est habillée comme moi : une riche touriste aussi ? Intéressant. Je vais attendre au moins que mon verre arrive, puis je l’inviterai peut-être à ma table. Manger avec Francis, c’est un repas animé garanti… Mais peut-être qu’un peu de compagnie ne me fera pas de mal pour ce déjeuner ?

Peut-être que cette belle dame saura susciter mon intérêt ?

Quand le maître d’hôtel revient avec mon verre et mes tapas. Je le laisse disposer le tout sur ma table. Cependant, je le coupe avant qu’il ne puisse commencer l’énumération des plats du jour. Je me penche vers lui légèrement, il fait de même comprenant que j’ai quelque chose à lui dire.


« Vous voyez la femme assise seule à table ?
- Oui, tout à fait ?
- Allez lui dire que si elle le souhaite, elle peut partager ma table. Ce sera peut-être divertissant… Et puis cela vous libère une table incroyablement chère.
- Tout de suite, Madame. »

Il se redresse et repart directement. En espérant que la dame répondra à la positive : sinon, ce serait une « perte de face » un peu violente. Je tâche de sourire légèrement, pour paraître sympathique.
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« Madame. » Le serveur tenait sur un plateau l’apéritif qu’elle avait commandé un peu plus tôt mais semblait attendre quelque chose, gardant jalousement l’objet à hauteur de sa poitrine. En se penchant légèrement – pas assez pour menacer l’équilibre de sa prise – il s’adressa à elle d’une voix claire, avec un léger sourire complice. « Madame Song, qui est là-bas » il s’interrompit pour désigner d’un simple coup de menton une table non loin sur la terrasse autour de laquelle était assise une jeune femme coiffée d’un large chapeau, habillée d’une robe légère. « vous invite à rejoindre sa table, si le cœur vous en dit. »
Lulu resta de marbre, reporta son regard sur l’hôte. « C’est elle qui tient l’établissement ? » demanda-t-elle sans rougir de sa question. « Non. » soupira-t-il en souriant. Un instant pour réfléchir, un premier regard vers la mer et un deuxième pour estimer si, assise aux côtés de la solitaire, elle serait davantage éloignée du paysage. « D’accord. » Elle sourit poliment.

« Je vais y déposer votre verre. » Elle hocha la tête. C’est d’abord la peluche d’Hadès en tenue de soleil qui quitta sa place, sautant sur les lattes du balcon pour courir maladroitement vers Madame Song. Sans qu’elle ne le regarde, ou si peu, elle le fit se hisser jusqu’à une chaise voisine et se tenir debout en attendant. Et elle se leva enfin, joignant ses mains devant son jupon, avant de rejoindre sa nouvelle table, laissant ses nombreux bijoux tintinnabuler au rythme de ses pas. Elle se figea devant cette nouvelle rencontre, se présentant avant de s’asseoir.

« Merci pour cette invitation. Je m’appelle Lulu. » Sans baisser les yeux, le regard toujours rivé sur cette femme dont elle discernait maintenant les traits asiatiques, elle laissa un de ses bras baller le long de son corps. Hadès s’y accrocha, lui laissant le siège, et elle s’assit, rejoignant par la même occasion la liqueur qu’elle avait commandée, un vin au miel que la carte conseillait aux « résidents des mondes médiévaux », pour reprendre l’appellation. Elle ne reniait pas cette origine, au contraire. C’était bien celle-là qui l’avait rassurée quant au fait de ne pas rester tout à fait seule, avec sa peluche, à sa table. Les quelques banquets auxquels elle avait participé avec ses parents, au domaine enchanté, ou en tant qu’étudiante à l’Institut, se faisaient comme dans la cour de sa Majesté, le long de grandes tables où chaque famille s’asseyait et fêtait aux côtés, parfois, d’inconnus. Il en allait de même pour le Sanctum et ses célèbres festins. Ayant été, jadis, une personne importante de cette organisation, elle n’avait pas toujours été la dernière à s’asseoir auprès d’autrui. Mais non consciente de ces traditions, sa peluche vint s’asseoir entre ses cuisses, levant son menton pour jeter un regard vide à cette nouvelle rencontre.

Mais ce qui l’avait décidée, avant tout, n’était pas ce nom, ni ce visage. Song était un patronyme courant. Les traits de la susnommée évoquaient bien chez elle une image. Mais combien d’étonnants destins étaient racontés par l’Éclaireur ou par d’autres journaux ? Les personnalités connues n’étaient souvent guère plus que des excentriques doués d’un petit don pour les tours de passe-passe. L’on connaissait des personnes comme Arthur Rainbow bien uniquement parce qu’il savait parler dans un micro lors de la journuit, suspendu au-dessus de sa tour. Il n’était pas une exception. La notoriété ne concernait que ceux qui y croyaient. Ce n’était pas son cas, toutefois elle accordait un crédit à une personne dont un serveur se rappelât le nom.


« Et qui êtes-vous ? »

Song ne lui suffirait pas. Parler pour passer le temps n’avait jamais été une option, pour elle, et cela même en vacances. Le mystère de ne rien savoir de son vis-à-vis ne la charmait déjà plus. Quelle que soit la discussion à venir, elle aurait une utilité, pourrait lui revenir plus tard ou serait tout simplement oubliée le soir même. Voilà un principe qui aurait pu motiver l’action des Archivistes, si ceux-ci avaient pu voir le jour, si Fitzgerald leur avait donné une chance de naître et de s’épanouir.
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Je suis ravie de voir que la jeune femme a accepté mon invitation. Un repas est toujours plus intéressant lorsqu’il est partagé avec d’autres personnes. Cela m’arrive souvent de déjeuner seule quand je travaille, à mon grand regret.

« Ravie de faire votre connaissance, Lulu. » répondis-je d’abord, toujours souriante.

Elle est polie, c’est appréciable. Ce n’est pas une qualité que l’on retrouve chez tout le monde malheureusement. Cependant, c’est à mon tour de me présenter dans les règles.


« Je suis Songzi Huayan, Ambassadrice du Consulat en Terre des Dragons, Consule de l’Étiquette, Gouverneur et Dame de Chengdu. » annoncé-je, avec une certaine fierté que je ne dissimule pas vraiment.

Est-ce que c’est de la vantardise ? Un petit peu. De la tradition ? Aussi, oui.


« Il n’est pas nécessaire de nous formaliser, vous pouvez m’appeler Huayan ou Madame Song, selon ce qui vous convient le mieux. » continué-je avec un sourire qui se veut être un signe de sympathie.

Après tout, je ne suis pas venue ici pour me crêper le chignon ou m’embêter avec les gens, touristes ou locaux. Un bon déjeuner, dans un bon restaurant, avec une bonne compagnie : voilà qui s’annonce formidable pour mon moral – et déstressée-.

Je continue de détailler la figure féminine que j’ai en face de moi. Elle a une certaine aura, un certain charisme. Elle a un port, une posture, une tenue. Je peux déjà imaginer que nous ne sommes pas sur un cas de plagiste qui s’est égarée et est allée dans un restaurant trop cher pour elle.

Une personne du Consulat en vacances ou en séjour ici ? Une riche fortune des Routes Stellaires de passage ? Une personnalité célèbre que je ne connais pas encore ?

Qui est donc cette « Lulu » ? D’ailleurs, est-ce vraiment son vrai nom ? De mon expérience, les noms étrangers sont souvent plus longs que deux syllabes. C’est peut-être un surnom ou un diminutif ? Cependant, avant nous allions plus loin, je lève mon verre à mon invitée de midi. Je plonge mon regard dans le sien, et continue de sourire comme je le fais depuis le début de cette rencontre.


« À cette belle journée ensoleillée ! » lancé-je, sans trop hausser le ton.

Nous sommes dans un établissement chic, je ne vais pas crier comme un vagabond dans une taverne miteuse. Je porte mon cocktail à mes lèvres et laisse la saveur sucrée et fruitée me rafraîchir. Il fait chaud, et un petit rafraîchissement ne fait pas de mal. Je repose le verre sur la table, je ne vais pas tout boire d'un coup... Ce ne serait pas un bon signe à envoyer, il faut savoir profiter des bonnes choses.


« Entre nous, j’espère qu’ils n’ont pas changé de cuisinier. Roberto, le chef de ce restaurant, est un grand maître de la cuisine de la Costa del Sol. Rares sont ceux qui ont eu quelque chose à redire des plats servis ici. »

J’essaye donc de créer un début de conversation pour éviter une éventuelle « gêne ». Après tout, nous sommes deux inconnues qui venons à peine de nous rencontrer, il faut bien trouver quelque chose pour débuter l’échange : autant pour la rassurer qu'éviter que nous tombions dans la déchéance de la discussion sur le climat, le temps et les saisons.  

« Dites-moi Lulu, si vous me permettez de vous appeler ainsi, qu’êtes-vous donc venue faire à la Costa del Sol ? Vous n’avez pas vraiment le « profil » des jeunes femmes qui passent leurs journées à la plage ou au Bubble Bath. » demandé-je tout en rigolant très légèrement pour me moquer des touristes « de base ».

Il est toujours intéressant d’en apprendre sur les autres. Et même si cette Lulu est une touriste comme une autre, il y a toujours quelque à tirer d’un échange respectueux et inattendu. J'ai suffisamment eu d'étranges aventures pour savoir que n'importe qui ou n'importe quoi peut arriver n'importe où.
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Lulu but une gorgée de son vin au miel, continuant de regarder à travers la glace tintée sa vis-à-vis. Boire en compagnie de la nouvelle ambassadrice du Consulat, la première en terre des dragons, était un événement qu’elle n’aurait pas imaginé arriver si tôt. C’était une femme qui avait fait parler d’elle, récemment, bien sûr. Se tenant au courant des dernières actualités, et étant elle-même journaliste, elle n’ignorait pas ce nom. Quant à ce qu’il lui évoquait, disons qu’elle trouvait toujours quelques raisons de se méfier d’une jeune personne propulsée au pouvoir. D’une étrangère au Consulat, elle l’avait rejoint directement en qualité d’ambassadrice, parce qu’elle avait de l’autorité à Chengdu, sûrement. Du reste, Lulu ne connaissait ni la ville, ni le monde, autrement que parce que l’Éclaireur avait pu en dire. Il n’en demeurait pas moins certain que le Consulat en avait fait la troisième ou quatrième plus influente figure dans les cités dorées.

« C’est la première fois que je viens à Costa del Sol. » commença Lulu, se forçant à parler. Si elle pouvait être bavarde, ce n’était jamais en discussions vaines, en papotages. Toutes les femmes, de sa branche maternelle, n’avaient le goût de bien parler qu’en sujets utiles ou en critiques. Pour elle, qui même devant des Primarques n’avait pas changé cette tendance, s’y voyait bien contrainte, après avoir accepté de partager la table de quelqu’un. « J’étais trop occupée, ces dernières années, pour venir profiter du confort de ce monde. » Pourtant, quel exemple académique elle aurait pu être de l’idée-même d’une religieuse sans poste astreignant, disposant de suffisamment de temps pour le tourisme. Somme toute, à plusieurs reprises, la sorcière était passée à deux doigts de rejoindre le Clergé et d’être loin des nombreux conflits qu’avait subis la Citadelle. « Je n’ai pas souvent quitté mon monde d’origine avant d’en partir, peut-être définitivement. Mais aujourd’hui, si. Je suis juste une femme qui vient profiter du soleil et acheter un maillot » Elle sourit légèrement à l’intention de Huayan. Elle ne l’avait pas encore nommée mais avait trouvé bien étonnant de sa part de donner le choix entre son prénom et quelque chose de plus officiel, lorsqu’elle invoquait elle-même le peu de nécessité de se formaliser.

Il ne lui en fallait pas plus pour repenser à Angeal, à sa rencontre avec lui. Il lui avait dit aussitôt qu’elle pouvait l’appeler par son prénom, ce qu’elle avait refusé, compte tenu du fait qu’il demeurait, à ses yeux jadis, Sa Sainteté. Les temps avaient changé et elle devait reconnaître que la mémoire enjolivait beaucoup de souvenirs pour l’épargner. Son regard se tourna vers la mer qui s’abattait sur les flancs de ce monde.
« Je voulais venir depuis aussi longtemps que le monde s’est réveillé. J’ai manqué l’occasion. Un… inconnu a entendu parler de moi et m’a envoyé un bon pour un séjour, valable pour ce week-end. »

Racontée, l’histoire semblait encore plus invraisemblable que lorsqu’elle la vivait plus simplement.

« Et vous, Huayan ? » Lulu reporta son attention sur la femme de pouvoir. Elle n’avait jamais rencontré Genesis ou une autre grande figure du Consulat, tels que l’exilé Chen Stormstout, Natalia ou Rainbow. Malgré son occupation, elle ne s’était pas encore tellement approchée de ce groupe-là. En cela, Huayan Song serait la première, et Lulu espérait précisément faire de cette discussion une conversation féconde. « Êtes-vous venue pour le soleil ou pour tout autre chose ? Je n’ai pas encore tant entendu parler d’autres raisons de venir ici que le tourisme. »
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Hé bien, je ne connais pas exactement le métier de cette « Lulu », mais en tout cas elle sait comment se faire inviter pour profiter de belles vacances. Ou alors elle m'embobine et à ce stade, je ne lui en veux guère. Après tout, nous sommes là pour déjeuner toutes les deux.

Apparemment, elle n'a pas beaucoup voyagé. Quel dommage !

L'univers est si vaste... Quoiqu'elle a l'air jeune, elle a encore le temps d'en explorer une partie. Cela semble indiquer aussi que ce n'est pas un agent vétéran de la Shinra : ils bougent tout le temps ces oiseaux de malheur. Ou alors c'est une recrue récente... Je m'emballe.


« Je suis venue voir une connaissance professionnelle qui réside à la Costa del Sol. Je suis de passage, à peine arrivée que je repars demain en fin de journée pour la Terre des Dragons où une nouvelle semaine de travail m'attend ! » répondis-je poliment.

Un petit mensonge. Moi aussi je suis venue ici pour me reposer un peu mais j'avoue avoir du mal à l'avouer à une inconnue que je viens à peine de rencontrer. Cela pourrait faire mauvais genre.


« J'ai construit beaucoup de bâtiments et d'infrastructures touristiques sur ce monde. J'ai donc gardé quelques contacts que je m'efforce d'entretenir. J'aime penser qu'avec mes collaborateurs, nous avons apporté un élan nouveau pour ce monde, économiquement parlant. » continué-je sans me vanter outre mesure.

Et clairement, vu cette sombre histoire de double comptabilité tristement « fâcheuse », je n'ai pas à cœur de m'étendre plus sur le sujet. Heureusement que nous avons brûlé tous les livres de compte avant de partir. Cela aurait fait tâche pour ma fin de mandat.

« Enfin, je parle, je parle ! Dites m'en plus sur vous ! Que faites-vous dans la vie ? » dis-je tout en voyant le serveur arriver avec les menus du coin de l'oeil.

Il se place à côté de nous et nous tend élégamment les cartes que j'ouvre non sans avoir le regard pétillant à l'idée de découvrir les nouveautés de cet excellent restaurant. Cependant, j'en profite pour immédiatement mettre à l'aise mon invitée de table.


« Faites vous plaisir, je vous invite ! Prenez ce que vous voulez. » annoncé-je tout en commençant à feuilleter les pages.

J'ignore la partie des boissons alcoolisées, je ne suis pas une femme ivrogne. Je vais tout de suite vers les menus gastronomiques. Cela m'a l'air tout à fait charmant : beaucoup de fruits de mer et de poissons – ce qui semble logique jusqu'ici-, quelques plats de viande très rares au menu. J'avoue que le homard est tentant, mais terriblement classique. Peut-être de la raie ? Cela changerait un peu.

Hum, je ne sais pas trop encore, j'hésite. Je vais voir en fonction de ce que prend Lulu, elle me donnera peut-être des idées.


« Qu'est-ce qui vous tente ma chère ? Si je peux me permettre un conseil, tout ce qui provient de la mer est excellent ici. Je vous le recommande chaudement. »

Et une petite tapas pour moi pour conclure cette phrase. Je me demande ce que cette Lulu a à raconter. Nos vies sont toutes exceptionnelles à certains égards. C'est pourquoi j'ai à cœur de discuter avec tous les gens que je rencontre quand j'en ai l'occasion. C'est une source d'inspiration et de savoirs immense.
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Du bout des doigts, elle saisit la carte du restaurant, regardant quelques secondes  le serveur, prêtant attention à la sienne. Si elle avait bel et bien accepté de tenter le diable en venant dans ce monde touristique où des inquisiteurs pouvaient l’attendre, elle n’irait pas jusqu’à laisser entendre aux inconnus le moindre de ses secrets. Il en était sensiblement différent pour l’ambassadrice du Consulat. Il y avait fort à parier que de nombreux événements l’avaient, elle aussi, tenue éloignée du Sanctum, l’avaient gardée de s’y faire beaucoup d’amis, d’alliés. De plus, il était facilement imaginable qu’une entente avec une personne de cette envergure, qu’elle durât quelques secondes ou toute une vie, représente un intérêt pour les deux femmes.

Elle garda le silence devant la carte, sinon pour enfin révéler son choix. Un choix peu risqué, compte tenu de sa maigre expérience en matière de nourriture provenant de la mer. Pour une personne originaire de la Terre des Dragons, ayant côtoyé les hôtels et les plages de Costa del Sol, il semblait inévitable d’avoir une bonne expérience de tout type de poisson. Mais au Jardin Radieux et encore davantage au Domaine enchanté, cette nourriture était plus rare. Certains croyants refusaient même, désormais, de servir ou de vendre du poisson pour des raisons religieuses.
« Une sole meunière, s’il vous plait. »

Lulu rendit la carte sans regarder à nouveau l’hôte et reporta toute son attention sur Dame Song, qui semblait fière de son choix et de son expérience gastronomique. À bien des égards, elle présentait une parfaite ressemblance avec l’idée que donnaient de nombreux consuls, avec ceux que Lulu avait déjà entendus. Elle était d’une classe et d’une éducation indéniables, semblait jeune, était belle, et avait un goût pour le partage de son opinion et de son temps. « Je travaille pour l’Éclaireur. » révéla-t-elle avec aussi peu de honte que de fierté. « Je partage la charge d’éditorialiste avec le rédacteur en chef. » Si la charge était prestigieuse dans n’importe quel journal, elle l’était encore davantage dans le premier média de la galaxie, mais était amoindrie par sa faible productivité. À vrai dire, Lulu s’était encore refusée à écrire un sujet qu’elle n’aurait pas elle-même trouvé et alimenté. Et en ce qui concernait l’alimentation de cette discussion, la sorcière fit un effort. Son vis-à-vis espérerait un peu plus qu’une présentation des titres. « Depuis peu de temps. Je n’ai écrit qu’un seul papier qui ait fait du bruit. J’y critiquais l’absence de communication de certains groupes, la manipulation de la vérité des autres. »

Lulu but une gorgée de son verre, laissant sa peluche saisir un verre vide et faire semblant d’y boire à son tour. « Et avant ça… » Elle prit quelques secondes pour réfléchir à ce qu’elle allait dire, sur la nécessité de déranger les histoires passées. Bien sûr, elles avaient un intérêt, mais ces souvenirs étaient aussi quelques bons moments qu’elle aimait se garder, loin de son opinion actuelle de la politique du Sanctum. « j’étais conseillère d’Angeal Hewley, Primarque du Sanctum... et institutrice, encore avant. »

La sorcière fit un imperceptible sourire. Leur parcours respectif devait sembler avoir quelques assonances, sous un certain prisme. Sans le statut qu’elles avaient acquis et mérité dans leur jeunesse, elles n’auraient sûrement pas été accueillies avec autant d’efforts dans de nouvelles institutions. Autrement dit, sans l’importance que lui accordait Angeal et la méfiance qu’elle inspirait à Matthew, sans doute ne serait-elle encore maintenant qu’une institutrice ayant expérimenté les voies religieuses. En ce qui concernait la dame, elle ne pouvait être sûre de rien, bien sûr. Cependant, historiquement, aucun consul avant elle n’avait été recruté et directement placé en place haute du pouvoir. Lulu n’avait ni la familiarité, ni la complicité, pour en conclure à voix haute qu’elles étaient des parvenues, mais en garderait le sentiment.

« Vous parliez de ce que vous avez construit avec vos collaborateurs. » demanda Lulu en ramenant ses deux mains sur ses genoux. « Outre pour les bons souvenirs, je ne suis pas certaine de saisir l’intérêt de rester proche d’eux. Vous devez être débordée, devez crouler sous les projets, à Chengdu. »
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« Excellent choix. » complimenté-je Lulu.

On peut dire que je n’ai pas invité n’importe qui. Un ancien membre du Sanctum, ex-conseillère du précédent Primarque… Joli parcours pour une journaliste. Moi qui pensais que ce n’étaient qu’une bande d’écervelés en provenance des mondes technologiquement développés.


« Je vais prendre le homard, merci. » déclaré-je.

Le serveur s’en va, nous laissant à notre discussion le temps que le chef de l’établissement fasse son travail. Et il le fera bien, je le sais. Je n’ai jamais entendu quelqu’un trouver à redire sur la cuisine.


« J’imagine que vous étiez proche du précédent Primarque. Cela a dû être difficile de rester travailler pour le suivant… Lorsqu’on s’attache à quelqu’un, c’est parfois compliqué d’accompagner pleinement le « remplaçant » dans son rôle. » suggéré-je tout en continuant de siroter mon cocktail.

« Parfois, nos partenaires de travail deviennent des connaissances amicales qu’il est parfois bon de revoir. Je ne viens guère ici tous les jours, vous avez de la chance d’être au bon endroit au bon moment. » dis-je, non sans un certain ton un peu joueur.

« Cependant, il est vrai que j’ai de nombreux travaux en Terre des Dragons. Surtout l’Yishu Gong, le Palais des Arts, première antenne de l’Académie en dehors du Jardin Radieux. J’en suis très fière ! De nombreuses affaires requièrent mon attention, mais je dois dire que je préfère travailler sur des dossiers politiques ou d’aménagements publics que sur des évènements plus… Graves. Même si je dois dire que j’apprécie plus ce que je fais maintenant que lorsque je travaillais pour la Shinra. » lancé-je, non sans reprendre un ton plus classique et formel.

Je me demande bien comment d’institutrice, elle est devenue conseillère. Lorsque nous venons d’un milieu populaire ou aisé, il est souvent difficile de monter les échelons de nos sociétés, d’autant plus lorsqu’on est une femme… Si Lulu est devenue conseillère du Primarque, elle a dû faire ou dire des choses qui ont plu en haut lieu.

Je ne dois donc pas la sous-estimer. Peut-être a-t-elle entre ses mains des informations concernant la sinistre secte qui a pris mon mari ? Et un certain nombre d’autres personnes. Je n’ose pas vraiment la questionner sur ce point-là, elle croirait à un piège.


« Je ne vais pas vous mentir, le nouveau Primarque ne m’est guère sympathique et je n’ai pas eu l’honneur de connaître le précédent… Mais je sais qu’il était apprécié parmi les cercles dirigeants du Consulat. Nos vies sont pavées de tristes évènements, parfois plus sombres et horribles que d’autres… Surtout ces derniers temps… »


Je suis interrompue par l’un des servers qui vient disposer nos éléments de table devant nous. Fourchettes, couteaux, cuillères. Les pièces métalliques sont belles et scintillent sur cette belle nappe blanche mise en valeur par la luminosité de la Costa del Sol. Tous nos problèmes semblent tellement loin lorsque nous sommes sur ce monde paradisiaque et lointain.  Tout paraît sans importance, sans poids.

Juste le ciel, la mer et le soleil.

« Qu’est-ce qui a fait que vous vous êtes éloignée du Sanctum ? J’imagine que la disparition du Primarque vous a grandement affectée, mais vous auriez pu rester pour perpétuer son héritage d’une certaine manière ? Je ne connais pas vraiment la position de la religion d’Etro concernant les femmes donc je ne saurais dire si cela à jouer d’une manière ou d’une autre mais… » commencé-je, quelque peu curieuse.

« Mais je dois avouer que votre évolution de carrière est pour le moins intéressante et attire mon attention. » conclu-je en souriant tout en reprenant une gorgée de mon cocktail.

Je me demande bien ce qu’elle va me répondre. Je suis curieuse, je dois l’avouer. Après tout, on ne rencontre pas aussi formellement un ancien membre du Sanctum tous les jours. Voyons ce que nous pouvons apprendre…
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Même si elle avait pu déceler quelques traits de caractère, quelques détails intéressants, du moins lui semblait-il, il apparaissait que Songzi Huayan était une femme difficile à définir, selon les critères de la Sorcière. Finalement, elle avait passé une partie de sa vie entourée de sorcières, de fées, de soldats, de soldats au pouvoir, mais de la plupart, elle pouvait dire qu'il s'agissait d'incroyables idiots. L’Ambassadrice du Consulat appartenait évidemment à une catégorie qu'elle connaissait moins, mais trop complexe pour pouvoir la résumer en quelques mots. Elle était une femme de pouvoir, une ambitieuse, de la caste la plus politique qui pouvait exister. Ironiquement, Lulu avait peu traité avec des personnes de son espèce. Du reste, cette femme était douée, et pour la faire parler elle, plus que ne l'avaient fait la quasi totalité de ses connaissances, et pour susciter une curiosité claire. Sans qu'il y ait réellement de questions que Lulu brûlait de poser à son interlocutrice, les mots de cette dernière trouvaient toujours un intérêt à son attention.

Ses propres mots vis-à-vis des dossiers dont elle préférait s'occuper, suscitaient chez la journaliste une certaine excitation. Elle décida de retenir le mot pour plus tard, essayant tout d'abord de trouver une réponse adéquate à la situation. Huayan voulait la faire parler, et pour cela, Lulu ne pouvait la blâmer, mais il convenait de rester un tant soit peu pudique, quoique cette qualité ne lui correspondît pas en toutes les occasions. Il était trop facile de se sentir flattée par cette curiosité et de livrer le moindre petit détail à son vis-à-vis, y compris de ceux qui pouvaient la mettre en danger. Elle ne se méfiait pourtant absolument pas de ce que pourrait faire la Consule des informations qu'elle lui livrait, car peu de choses étaient réellement utilisables. Son opposition à Matthew March était connue, publiée, tout comme de nombreux détails plus accablants, pour l'un comme pour l'autre. Le directeur de l'Éclaireur en avait pris le plus grand soin.


« Angeal était un homme qu'il était facile d'aimer. » répondit-elle tout d'abord avant de boire une gorgée de sa coupe, fermant machinalement les yeux, écartant la douleur qu'elle pouvait encore percevoir au souvenir de ce vieil ami qui lui avait apporté autant de possibilités que de graves ennuis. « Mais son seul héritage » reprit-elle en ouvrant les yeux, posant ses iris rouges sur la dame, « fut une panoplie de valeurs chevaleresques, quelques tables de lois, et rien d'autre. Il n'a malheureusement pas eu le temps ou l'opportunité de faire davantage que simplement réagir. » Réagir, reconstruire, rassurer et recommencer. La Coalition noire, Swain, Grell Sutcliff, les bûchers et les hérésies... ne lui avaient pas permis d'être un grand réformateur. « Mais comme vous dîtes, Huayan. Je me suis attachée. » avoua-t-elle en esquissant un très léger sourire entendu, qui disparut lorsque Hadès porta une main à sa tempe et fit un maladroit salut militaire, avant de chipoter de nouveau aux nombreux couverts, sans toutefois s'approcher du service de l'ambassadrice.

Son départ réveillait chez elle des sentiments plus récents, plus vifs. Elle avait beau être une femme taciturne, la dureté de ses mots n'occulterait pas la moindre de ses convictions par rapport à tout ce qui avait pu accompagner sa fuite. Lulu releva le regard pour dire de vive voix ce qu'elle n'avait avoué qu'une seule fois auparavant, bien que, à nouveau, toutes ces informations avaient été publiées un jour ou l'autre par l'Éclaireur, peu après son intégration.
« Je suis partie parce que je ne pouvais pas tolérer les décisions et les considérations de Matthew March. Il m'a écartée de la position que j'occupais auparavant, » dit-elle avec une certaine aigreur, d'une voix dure. « Il voulait diminuer mes fonctions. Je représentais un Sanctum qu'il réprouve. J'ai pris des décisions difficiles, pour sauver mon pays. » Il était inévitable, en laissant Lulu parler de cet épisode, que la discussion s'alourdisse. La légèreté des précédentes minutes, pleines de demi-mots, de présentations courtoises, s'était transformée en un échange plus intense. Du reste, Lulu parlait d'une voix sûre et ne se permettait aucune tristesse. « Je peux comprendre qu'il ait voulu m'écarter du centre de l'attention, pour donner une nouvelle image au haut-cercle du Sanctum. » admit-elle, consciente des évidences politiques. Quand Genesis mourrait, ses proches notoires, non loin du pouvoir décisionnel, seraient remplacés par d'autres. Il en était de même pour la générale de la lumière, et pour chacun des grands pouvoirs de ce monde. « Mais il a pris quelques résolutions, et en restant à ses côtés, je devenais complice de la destruction de tous les documents pouvant le compromettre lui ou le Sanctum, dont certains d'une valeur inestimable. »

Cela serait peut-être un motif de départ décevant à entendre, pour une personne de si haut rang, sûrement habituée à des coups politiques d'une démesure autre. Pour Lulu, qui avait vécu quelques années au Jardin Radieux et qui était profondément croyante, détruire des documents construisant l'histoire du Sanctum était un acte impie et choquant. « Je suis partie avec un objet que le précédent Primarque m'avait confié. Cela a fâché Matthew, qui m'a condamnée à mort et a mis une prime sur ma tête. » finit-elle d'un ton discret. « Du reste, j'ai beaucoup parlé. » affirma-t-elle, plus par constat que par politesse. « Le Sanctum m'a rejetée en même temps qu'il a rejeté votre groupe. Quel est votre point de vue sur lui, actuellement? »
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« Homard de la Costa del Sol avec sa farandole de crevettes et ses accompagnements estivales, Madame Song. » dit notre serveur qui dispose devant moi une assiette tandis qu’il pose un plateau de crustacés sur un support métallique circulaire légèrement surélevé.

Un second qui l’accompagne annonce la sole meunière pour Dame Lulu et lui place devant elle avec légèreté et surtout coordination avec le premier. Les deux employés finissent par se redresser et nous souhaiter en cœur :


« Nous vous souhaitons une agréable dégustation mesdames ! »

Ils nous quittent ainsi, nous laissant devant cette tablée des plus appétissantes. Le homard est d’un rouge vif, réveillant mes papilles et ma bouche déjà salivante après la dégustation des tapas en entrée.

« Je n’ai pas commandé d’alcool car je n’en bois pas, mais n’hésitez pas à vous prendre un verre si vous le souhaitez, Lulu. »

Elle en aurait peut-être besoin après ce qu’elle a pu me raconter sur sa vie. Contrainte de fuir de son monde après avoir manifestement beaucoup donner, du moins de son point de vue, cela n’a pas dû être facile. Sans compter que le Sanctum a probablement, au minimum, mis sous surveillance ses proches. Ou pire encore. Les religieux étrangers ne m’ont jamais inspiré confiance, qui sait ce qu’ils ont pu faire ailleurs qu’en Terre des Dragons.

« Vous m’en voyez désolée, Lulu. Je compatis, sincèrement. » déclaré-je, honnête.

Étant moi-même une femme capable de beaucoup de choses pour son pays et son peuple, je ne peux qu’imaginer la colère, la frustration ou la tristesse qu’a pu ressentir cette femme en devant abandonner son monde pour des raisons qui semblent être avant tout politiques.

La politique n’épargne personne et lorsqu’on entre dans son viseur, il peut y avoir vite des dégâts. J’aurais bien des exemples à donner, mais je crois qu’ils seraient malvenus et particulièrement mauvais pour ma réputation d’en parler. Je travaille suffisamment sur mon image pour éviter qu’elle ne soit anéantie en un repas.

Le homard était fendu en deux. J’en saisis une moitié que je place dans mon assiette. Habile avec mes couverts, j’essaye d’enlever le plus de chair de la carapace pour pouvoir manger les morceaux les plus exquis. Non sans profiter d’une ou deux crevettes au passage avec un léger apport de mayonnaise. Sans oublier de mettre un peu de citron dessus, sans en abuser pour éviter une acidité qui ruinerait les bouchées.

Lulu avait posé une question qui était semble-t-il, très « journalistique » dans la formulation. Avant d’y répondre, je préfère débuter sur une approche plus personnelle, tâchons de l’amadouer un peu avant qu’elle n’obtienne ce qu’elle veut comme réponse. Cette rencontre est-elle vraiment le fruit du hasard ? C’est une grande interrogation pour moi à cet instant précis, mais après tout maintenant que nous avons commencé… Autant finir le mieux possible.


« Parfois, on ne nous reconnaît pas à notre juste valeur. C’est déjà arrivé que mes supérieurs ou d’autres « haut-gradés » me regardent de haut, méprisant soit le fait que je sois une femme, ou bien doutant de mes compétences. Bien souvent, ceux qui sous-estiment trop les autres finissent par perdre leur poste, leur position ou pire encore. » commencé-je tout en continuant de déguster mes plats.

Je pose mes couverts un instant, pour continuer mon propos :


« Je pense comprendre votre histoire. Elle est unique bien sûr, mais j’y vois des échos d’autres vies, y compris la mienne. Lorsque l’on décide de se battre pour ce que l’on croît, son pays, ses idéaux, sa famille, ses amis… On peut perdre des personnes ou des choses qui nous sont chères. Peut-être avez-vous eu écho de la bataille qui m’a propulsé à mon titre de Gouverneur et Dame de Chengdu. Une terrible et douloureuse bataille… » poursuivis-je, sérieuse mais avec un ton compatissant.

« J’ai sauvé ma ville, j’ai sauvé mon fils, j’ai sauvé ma famille et mes amis. J’ai protégé l’Empire. Mais je n’ai pas pu sauver mon mari et je m’en voudrais probablement jusqu’à la fin de ma vie. » avoué-je, légèrement affectée par cette sinistre histoire qui me hante encore.

Est-ce que j’aurais pu mener ma vie autrement ? Probablement. Malheureusement, le choix ne nous appartient toujours et le Destin nous entraîne parfois sur des chemins bien sombres.


« Soyez fière de ce que vous avez fait et de ce que vous faîtes, Lulu. D’après ce que vous m’avez raconté, j’en déduis que vous êtes une femme de conviction et courageuse avec ça. Ce n’est pas monnaie courante de nos jours malheureusement. » conclu-je enfin tout en me servant un verre d’eau.

Je profite de quelques instants de répit pour boire un peu d’eau fraîche avant de retourner dans un bain plus « politique » et « diplomatique », disons-le clairement. Il va falloir répondre avec talent et finesse.


« Concernant le Sanctum, vous imaginez bien que ma position est exclusivement personnelle et qu’elle ne représente en rien celle du Sénat tout entier. Ma parole a certes un poids, mais je ne demeure qu’une humble serviteur du Consulat et de l’Empire. »

C’est ce qu’on appelle avancer prudemment.

« J’ai rejoint le Consulat relativement récemment comme vous devez probablement déjà le savoir, lancé-je tout en souriant légèrement comme pour émettre un petit sous-entendu sur le « hasard » de cette rencontre, et malgré la richesse de mes nombreuses rencontres de « personnalités », je n’ai jamais eu l’opportunité de rencontrer le Primarque Angeal ou son successeur, le Primarque Matthew dans le cadre privé ou professionnel. Il est ainsi difficile pour moi d’avoir vraiment une opinion sur sa personne. » commencé-je doucement pour éviter de mentionner que de toute façon en tant que chef d’un culte étranger, je ne l’apprécie guère.

Le Consulat a la volonté d’offrir le meilleur aux peuples des Cités Dorées, et bien que parfois des tactiques moins nobles soient nécessaires pour permettre la réussite de cette mission, on ne peut dire qu’il y ait une hantise du Sanctum au sein de notre organisation. Après tout, de ce que j’ai pu comprendre de mes pairs, c’est plus l’incompréhension et la surprise qui ont ponctué le retournement diplomatique effectué par Matthew March.

Pour moi, le Sanctum n’est pas une menace aussi sérieuse que la Shinra, la Coalition Noire ou la Lumière. La première est une organisation capable de bloquer et bombarder des mondes entiers sans aucun effort, la seconde a des individus violents voir dérangés tenus en laisse par le Boucher de Grimm et la troisième a de ce que j’ai pu comprendre des éléments potentiellement extrêmement dangereux en son sein. Frollo en fut victime, comme d’autres certainement. Alors oui, quelques prêcheurs peuvent faire de gros dégâts, preuve en est des incidents en lien avec l’affaire de Chengdu. Mais comparativement, il peut y avoir pire. Cela ne m'empêche pas de les mépriser, dans une certaine mesure.


« Je ne vous mentirai pas en disant que c’est avant tout l’incompréhension qui domine dans les rangs consulaires concernant le Sanctum. Un retournement aussi vigoureux qu’inattendu n’avait pas été par les responsables du Consulat à l’époque. Incompréhension d’autant plus renforcée qu’Atlantica est un monde important pour les fidèles d’Etro. » continué-je tout en préparant mes futures bouchées de crustacés.

Hum, ces produits sont vraiment frais. Cela se sent et cela fait plaisir aux papilles.


« J’imagine, mais ce n’est que pure spéculation de ma part, que le Sanctum a voulu s’aligner avec son allié, La Lumière. Dommage de rejoindre un conflit qui est avant tout un conflit judiciaire entre les Consuls demandant Justice et la Lumière s’enfermant dans un déni qui ne lui fait pas réellement honneur. A mon sens, le Primarque aurait dû jouer un rôle de médiateur, plus que celui d’un allié suivant la Lumière contre vents et marées. D’autant plus que la situation n’est pas irrémédiable dans la mesure où les actes de guerre ont pour le moment été inexistants d’un côté comme de l’autre. » avancé-je, un peu plus prudemment.

Naturellement, je ne vais pas couvrir d’éloges le Sanctum. Je ne fais pas confiance aveugle à des religieux étrangers qui ont potentiellement semé une de leurs branches dans mon propre monde pour tenter de mener de sombres desseins. Je finirais par retrouver tous les responsables, et je les ferais payer. D’une manière ou d’une autre.


« Je pense que le Sanctum, par la volonté de son Primarque, a commis des erreurs. Je ne suis pas Porte-Parole du Consulat, donc mes propos n’engagent que moi bien sûr, mais il me semble que pour le bien-être et la prospérité des peuples du Consulat et du Sanctum, nous devrions engager des négociations pour mettre un terme à ce non-sens diplomatique. Les Cités Dorées ne sont pas les ennemies du Sanctum et cela me semble assez logique. Il y a suffisamment d’atrocités commises sur les mondes des Routes Stellaires, cela me semble nécessaire de toujours tendre à ne pas aider à leur prolifération. » conclu-je momentanément pour manger un peu.

Cette situation de guerre était de toute façon complètement surréaliste. On laisse des membres du Sanctum librement circuler sur nos terres, mener leurs petites activités tranquilles alors que le Primarque nous méprise du haut de son château. Mais bon, paraît-il qu’il faut rester ouvert et apaisé car beaucoup de gens sont des fidèles d’Etro. Heureusement que ce n’est pas le cas en Terre des Dragons, cela ferait mauvais genre. Hum. Le homard est vraiment succulent.


« Je pense avant tout qu’il faut demeurer ouvert au dialogue pour empêcher une escalade qui serait très coûteuse au Sanctum. Je prône toujours la médiation en cas de conflits, je pense que c’est en partie pour cela que le Sénat a reconnu mon utilité à sa cause. » conclu-je enfin.

Et voici comment ne pas répondre à une question. Qu’est-ce que je pense du Sanctum ? Pas grand chose si j’analyse ce que je viens de dire. En espérant que cela suffira pour Lulu et que je n’aurais pas à donner un avis plus « clair » sur cette organisation que je méprise au plus haut point même si je sais que ce serait inutile et futile de s’en prendre à eux. Le Consulat a déjà suffisamment à faire avec les autres groupes.

Et une nouvelle bouchée pour moi. Le homard fond sur la langue, c’est presque divin. Il faut vraiment que j’en fasse venir plus souvent au Palais de Chengdu.
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En posant cette question, Lulu ne s’était pas attendu à une réponse d’une telle exhaustivité. Bien sûr, elle avait des choses à redire, des points sur lesquels elle aurait apprécié revenir, notamment sur cette prudence évidente dont faisait preuve, à raison, son interlocutrice. Le ton de la discussion avait encore changé, et pourtant la journaliste pouvait difficilement la trouver désagréable, au contraire. Bien que se forçant à parler autant, se retrouvant dans une situation peu familière où elle partageait civilités et couverts avec une inconnue – du moins c’est ce qu’elle était, une heure auparavant – Lulu devait reconnaître ne pas avoir passé un moment aussi sympathique depuis des années en compagnie d’une autre personne que son père. Bien entendu, il fallait rappeler qu’elle avait passé celles-ci en prison, ou poursuivie par le Stratège ou par le Véritable Primarque, ou dans un monde où elle n’avait ni famille, ni amis. Pour cause, malgré quelques détails qui devaient incomber à son rôle de Consule de l’Étiquette, Huayan Songzi lui plaisait.

Sa position était réfléchie et profondément politique, bien qu’elle tentât à plusieurs reprises de rassurer Lulu quant au fait que ses opinions ne reflétaient pas celles du Consulat. En somme, c’était une femme intelligente et, de ce qu’il semblait, convenable. Si réellement elle souhaitait éviter le conflit avec le Sanctum autant que possible, à l’instar de Genesis Rhapsodos, elle ne pourrait avoir qu’un impact positif sur les événements à venir. Malgré cette affection mesurée qui gagnait la Sorcière vis-à-vis de Huayan, il était bien sûr évident à ses yeux que cette femme n’allait pas assez loin. En omettant cette simple prudence qui voulait que l’on ne révélât pas ses plus noires pensées à la première journaliste venue, en analysant simplement ce qu’elle avait dit, Lulu regrettait l’absence de convictions plus tranchées. Le Sanctum s’était perdu aussi bien politiquement, médiatiquement, spirituellement et économiquement.


« C’est un débat qui doit secouer votre Sénat. Navrée de vous l’imposer une nouvelle fois. » Lulu inclina légèrement la tête, sans sourire. Elle se retenait d’argumenter, de protester ou de critiquer. À vrai dire, leur conception de la guerre était très différente. Lulu pardonnait difficilement. Si elle n’était ni une guerrière, ni une cheffe d’état, elle savait que pour toujours resterait en elle l’amertume de l’attaque de Tian-Long, de la mort de Death, du rejet du Consulat de la part du Sanctum et de l’humiliation qu’elle-même avait subie. Mais il n’y avait pas qu’elle. À vrai dire, seuls comptaient l’État religieux, le Sanctum et le Domaine enchanté.
Elle piqua avec soin l’une de ses carottes de sa fourchette avant de prendre une portion de la sole, elle aussi aspergée de citron, avant de la manger à petite bouchée. Elle attendit une dizaine de secondes avant de boire une gorgée d’eau, ses yeux plongés dans ceux de la consule, et d’enfin continuer.


« Je pense que Matthew March est aussi dangereux que Death. Pour nous aussi, sa position vis-à-vis du Consulat a causé de l’incompréhension, mais il ne s’agissait pas pour lui de suivre la Lumière dans sa guerre contre le Consulat. À l’époque, le seul véritable allié du Sanctum, c’était votre groupe, et non celui de la Générale Cissneï. Je pense qu’il voulait se débarrasser de tout ce que représentait son prédécesseur, balayer tout ce qu’il avait entrepris d’un revers de la main… et refaire tout à sa façon. »
En somme, Matthew n’avait pas fait d’erreurs, comme l’avait suggéré sa vis-à-vis. Il n’avait fait que ses choix, et par là il fallait comprendre : les siens. Et en cela, il n’accepterait jamais la paix avec le Consulat, car, sans doute devait-il y avoir une part de son esprit qui voyait le monde d’aujourd’hui et se disait qu’il était tel qu’il l’avait imaginé.

« Pour être sincère, si cette discussion et cette question sont totalement informelles, je reste contente de vous avoir rencontrée. Je pense que nous pourrions bénéficier toutes les deux de l’intelligence de l’autre. Accepteriez-vous que je vous consulte, à l’avenir, si je suis curieuse de connaître votre point de vue sur tel ou tel sujet ? » Lulu ne souriait toujours pas et n’avait pas l’air gênée de demander ce service. Si avoir le contact d’une ambassadrice du Consulat, en tant que journaliste, était une opportunité à ne pas manquer, elle était certaine d’avoir elle-même des atouts à offrir, des opinions qui valaient la peine d’être écoutées.
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Le repas est délicieux. Je pense que j’ai bien fait d’inviter cette charmante personne à ma table. Je ne pensais pas faire une telle rencontre à la Costa del Sol… Comme quoi, il n’y a pas que de simples et dérisoires touristes sur ce monde.

La vie est pleine de surprises.


« Je comprends ce que vous dîtes, oui. » déclaré-je, sérieuse et tâchant de me montrer compréhensive.

Je continue de penser que le Primarque a commis des erreurs, mais il n’y a pas vraiment d’intérêt ici à défendre bec et ongles ma position vis-à-vis de Lulu. Surtout que ce n’est pas très nécessaire ici. Elle a son ressenti et elle a pu voir le phénomène de ses propres yeux au Sanctum. Ce n’est pas utile d’aller plus loin ici.

Un serveur observe discrètement notre table. Nos assiettes ne sont pas encore vides, il allait devoir attendre un petit peu. Peut-être que mon invitée voudra un dessert, ou du fromage. Ne précipitons pas les choses. Il est vrai que je commence à ne plus avoir très faim… Mais je me forcerais pour accompagner Lulu s’il en exprime l’envie.

Cela me change des conversations avec Francis.


« De même, le plaisir est partagé » répondis-je poliment, avec un petit sourire amical.

Bien sûr que je souhaite rester en contact avec vous : une journaliste de l’Éclaireur ! Et pas la plus stupide apparemment. Nous sommes un peu au-dessus de la simple « Miss » météo… Jaina je crois ?


« Ce serait avec grand plaisir. Je suis toujours ravie d’échanger avec des personnes aussi intéressantes que vous, Lulu. Encore plus si c’est en lien avec le Consulat ou mon monde natal. » conclu-je, toujours avec un sourire sur les lèvres.

La dégustation se poursuit, et je ne peux que remarquer que nos plats vont bientôt être vides. J’avoue ne pas avoir de scrupules de passer ce repas en notes de frais pour le Consulat… Ils m’ont voulu après tout.


« Quels sont vos projets concernant votre rôle au sein de l’Éclaireur ? J’imagine que vous devez avoir des idées en tête, je serais curieuse de les entendre. Peut-être pourrais-je même vous aider, qui sait ? » demandé-je pour changer de sujet.

Loin de moi l’idée d’éviter de parler du Sanctum… Mais mine de rien, nous avons déjà beaucoup échangé sur ce dernier et le Consulat. Déjà, j’aimerais éviter de gâcher la fin de mon homard, ensuite peut-être qu’il aurait des choses supplémentaires à apprendre de la part de Lulu. Connaître les orientations qu’elle pourrait avoir, des sujets qu’elle souhaiterait explorer pourrait s’avérer utile à l’avenir. Trop de fois j’entends au Sénat le nom de l’Éclaireur, mais avoir des contacts précis et connus au sein du journal est bien plus efficace.

Mon assiette était enfin finie. Je me recale dans mon siège, usant d’un rince-doigts pour me nettoyer les mains. Il faudra que je pense à passer aux sanitaires pour nettoyer un peu plus en profondeur et éviter de conserver cette odeur désagréable. Sans compter les blagues vaseuses et pathétiques de Francis dont j’aimerais me préserver autant que possible.

Je ne peux m'empêcher de jeter quelques regards à la Dame du Domaine Enchanté, la jauger. Elle inspire confiance de par son attitude posée et réfléchie. Cela change des énergumènes que j'ai déjà eu l'opportunité de rencontrer dans ma vie... Je ne regrette pas d'être venue déjeuner ici aujourd'hui.
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