Il fait nuit. La cabine est plongée dans le noir. Je survole sans activer les phares, je dois être la plus discrète possible. Mon véhicule est très proche du sol, je tâche de ne pas l’endommager et de suivre l’ancienne piste que j’ai suivie autrefois. Nous sommes à plusieurs kilomètres de Xi’An.
J’enclenche l’atterrissage.
Les hautes herbes se plient sous le poids de l’appareil et la vision est en partie dissimulée par la végétation. Je coupe les moteurs. Un silence règne désormais dans l’habitacle. Je suis donc le plan, étape par étape.
Je change de tenue. Un ensemble à la mode d’Illusiopolis, moitié cuir et moitié matières synthétiques. De couleur noir, il servira à merveille. C’est une tenue de voyou, clairement. Le blouson en cuir est peut-être un peu de « trop » mais cela fera amplement diversion.
Le fameux « Freddy » va revenir à la vie ce soir.
Le choix de l’identité n’est pas un hasard. J’ai dû le tuer dans le cadre d’une mission pour la Shinra. Freddy était un membre du gang des Blood Fists, peut-être qu’aujourd’hui son groupe existe encore. Illusiopolis est un sacré repaire de rats après tout.
Freddy va donc servir. Une belle couverture et un excellent brouilleur de pistes. Mais de sorte à ce que cela ne soit pas trop évident, je vais tout de même faire mine d’agir en voilant mon identité : littéralement.
Je vais enrouler ma tête avec une capuche et une sorte de foulard rouge. Au cas où la Shinra arrive par un moyen des plus inattendus d’avoir des clichés du conducteur du véhicule, ils verront un jeune bandit. Et pas moi.
En effet, nos deux apparences sont assez différentes. Il est noir, avec des dreadlocks. Un corps fin, sans aucune forme. Je ne me rappelle plus ses yeux, je crois qu’il avait des lunettes… De toute façon, dans leurs sous-sols on ne voyait pas grand chose. Je vais générer quelque chose de cohérent et nous ferons avec.
De toute façon, il n’y a pas de caméras sur le site que je vais visiter. Je n’en ai pas installé quand je l’ai construit. Cela ne fera que facilité les choses. L’exploitation est isolée, loin de tout. Un braquage en règle. Mon premier. Et presque sans violences.
« Allez… Je vais aller chercher ton petit cadeau. » pensé-je.
Je change d’apparence, enfile les habits et ouvre le sas. Il est temps de passer à l’action. Je me change en corbeau et m’engouffre dehors. Il fait froid. Le vent souffle sur les plaines. Je survole les herbes en direction du nord. A un kilomètre de là, la mine des gemmes rouges.
Je n’ai pas pris cette cible par hasard : ce minéral écarlate a une très forte valeur marchande. La mine est très peu défendue, pas de caméras, pas de systèmes de sécurité excessifs. Peu de risques en somme.
Je reprends la forme de Freddy à deux cents mètres du site. Je ne m’attends pas à une forte résistance des surveillants et des gardes : cet endroit n’est ni stratégique et de mon temps, il n’y a eu aucune mesure de renforcement de sécurité des installations de la compagnie. C’est possible que certains y aient pensé.
Mais au vu de la lenteur administrative de la Shinra, je doute que ce soit le cas. De plus, la Terre des Dragons n’a jamais été une zone considérée comme risquée par l’entreprise. Cela serait très surprenant que cela ait changé. Mais je ne suis pas à l’abri d’une surprise. Rufus sait être surprenant, parfois.
Je n’ai pris aucune arme. Pas besoin. Le mauvais éclairage, quelques effets « sons et lumières », l’absence de caméras suffiront pour créer un récit suffisamment imprécis pour que l’enquête piétine un très long moment. Un espace de temps qui de toute façon permettra que les preuves disparaissent lentement mais sûrement.
J’approche, presque à quatre pattes, désormais. Comme à l’époque, le camp des mineurs est à l’écart de l’exploitation, juste à côté. J’aperçois vaguement les tentes blanches au loin avec quelques braseros. Ensuite, quelques lueurs s’échappent de la terre : de là où je suis, je ne vois pas l’énorme trou, juste des faisceaux de lumière éparses.
Je continue de m’approcher des lumières. Je me plaque sur le sol et rampe furtivement dans l’herbe pour observer les lieux.
L’excavation a grandi depuis que je suis venue l’ouvrir. La terre a été creusée avec avidité et de nombreux gisements de gemmes rouges parcourent la balafre terrestre. Des lanternes et des braseros donnent un peu de visibilité aux gardes qui protègent les lieux. Certains sont des hommes de main chinois avec un équipement local… D’autres sont des soldats de la plus faible des classes, avec des armes à feu.
Je regarde sur ma droite, une lanterne approche aussi. Trois ombres l’entourent et se dirigent vers ma position. Ils ne m’ont toujours pas vu. Tant mieux. Je roule dans l’herbe, profitant du vent qui parcoure les plaines pour que le bruit passe inaperçu.
Je reste au sol. Attendant qu’ils arrivent presque à ma hauteur. Je suis allongée, et je me concentre sur eux. Ils marchent lentement mais sûrement vers un doux sommeil bien léger… Lorsque j’estime que la distance est suffisante, je les regarde s’effondrer tandis que leurs têtes se cognent les unes contre les autres.
En voilà trois qui vont dormir au moins quelques heures.
Une autre patrouille ne va pas tarder. Je récupère et la lanterne et l’éteint. Cela retardera la découverte des assommés. Je vais donc aller là où les caisses de gemmes sont conditionnées : soit à l’entrée de l’exploitation. Désormais, c’est un terrain aplati penché d’où sortent de petits wagonnets remplis de cristaux écarlates et de terre.
Il n’y a qu’à se servir dans les réserves qui attendent d’être expédiées. Mais, comme c’était à prévoir, il y a plus de gardes autour du bâtiment de fortune qui sert d’entrepôt. Plusieurs ombres sont en faction tandis que des patrouilles font des cercles autour d’eux pour détecter d’éventuels assaillants.
La finesse ne sera que de courte durée ici. Il va falloir forcer et cela va être violent, c’est certain. Je vais tâcher d’être à la hauteur des gardes… Ce qui ne devrait pas être très compliqué. Je regarde le ciel noir et m’élève au-dessus du sol pour prendre de l’altitude. Il fait particulièrement froid ce soir et je le ressens terriblement.
J’espère que je ne vais pas être malade.
Je progresse dans les hauteurs pour me stabiliser au-dessus de l’entrepôt. Je vais tomber telle la foudre de Lei Shen sur ces pauvres hommes. Mais je vais être miséricordieuse : je ne vais que les assommer, pas les tuer. Sauf s’ils sont vraiment agaçants, bien sûr.
Je le fais avant tout pour Gao. Il a raison de me dire qu’il faut avoir une certaine retenue, malgré notre pouvoir. Je vais donc suivre son conseil. J’aurai eu tendance à vouloir faire un fait d’armes plus « spectaculaire » mais ce serait quelque peu hors de propos ici.
Il faut que ça se fasse vite. Que les gardes n’aient le temps, au maximum, que d’apercevoir vaguement une forme ou brièvement le visage de ce cher Freddy. Comme quoi, tout le monde peut avoir une utilité en ce bas monde, même après sa mort…
Je me pose sur le toit de l’entrepôt.
Le vent joue en ma faveur, le peu de bruits que je fais sont à peine audibles. Il est temps de passer à l’action. Autour du mince bâtiment, constitué essentiellement de planches de bois et de quelques bouts de pierre, un certain nombre de défenseurs autour des braseros pour se réchauffer.
A quelques mètres plus loin, des patrouilles tournent autour du lieu. Vu la taille de la maigre bâtisse, il n’y a pas de quoi faire le braquage du siècle, mais cela devrait être largement suffisant pour prouver ma bonne foi auprès de Monsieur Woods et de son patron. Sans compter que cela me permettra d’avoir une équipe plus fournie pour mon petit voyage archéologique à Oerba.
Je me concentre sur la terre. Sur mon environnement. Je ressens les choses. Les fibres des hautes herbes, le bois mort de l’entrepôt, les pierres inertes sur le sol. Je balaie la zone comme une vague, invisible aux yeux de ces pauvres gus qui vont tous finir par terre d’ici quelques instants dans un torrent de violences bref mais efficace.
D’un ordre sec, les flammes des braseros surgissent de leurs socles dans un éclat vif et téméraire. La scène surprend les hommes qui sont entrain de réchauffer leurs mains, c’est à ce moment-là que les hautes herbes se resserrent sur leurs jambes pour les déséquilibrer et les faire tomber au sol tandis que l’emprise de la végétation les prend au piège.
Au début, les gardes ne réagissent pas vraiment… Puis, ils se rendent compte que ce n’est pas normal. Les plantes les assaillent pour les bloquer. Ils appellent à l’aide comme tout humain normalement constitué :
« Au secours ! Les gars ! » crie l’un d’eux.
Il pointe son arme vers le ciel, je lui arrache brutalement. Il allait tirer pour informer les autres. Trop dangereux. Je lui ai peut-être cassé le poignet mais au moins son joujou est loin de lui maintenant. Mon assaut continue. Je prends au piège les gardes avec la nature puis… Les pierres inertes ne le sont plus.
Je les fais tourbillonner dans la pénombre pour frapper avec vigueur les têtes des courageux. Pas assez pour les tuer, mais assez pour les assommer. Quant à ceux qui tombent, je les en serre, les écrase. Ils sont bloqués, asphyxiés par les plantes jusqu’à ce qu’ils perdent connaissance.
Les patrouilles arrivent au pas de course avec les chiens pour porter secours à leurs camarades désormais inconscients.
« Equipe quatre ! Equipe quatre ! Allez chercher des renforts au camp, l’escadron Beta est à terre, ils sont tous inconscients ! » crie l’un d’eux.
Trois hommes se détachent immédiatement du lot pour courir de l’autre côté de la mine. Je me change en corbeau et décide de les suivre. Il ne faut pas que le camp soit prévenu. Ils traversent les hautes herbes à toute vitesse. Je bats des ailes très vite pour les survoler. Je m’écrase à une quinzaine de mètres devant eux.
« Oh putain t’es qui toi ?! » s’écrie l’un des soldats.
Ils braquent leurs pistolets vers moi. Les trois sont de la Shinra. Les voilà mes dommages collatéraux. Je pointe ma propre arme dans leur direction. Deux hommes sont propulsés en arrière, incapables de tirer et rapidement assommés. Je déclenche le mécanisme, la balle part et quitte le canon.
L’autre se met à tirer. Ses balles ne m’atteignent pas. Mais la mienne le touche, en pleine tête.
Voilà. Assez gros pour la cohérence du plan, pas assez pour créer un raz-de-marée quelconque.
Je vérifie que les deux autres soient bien assommés et je repars en direction de l’entrepôt. Là, j’arrive par le sol, les chiens et les gardes me voient et comprennent bien vite que je ne suis pas les renforts.
« Pas un pas de plus ! Décline ton identité ! » dit le chef qui pointe son arme vers moi.
Les autres dégainent leurs épées, leurs lances ou leurs fusils… Selon leur appartenance.
« Je suis Freddy. Des Blood Fists. » lancé-je, un léger sourire aux lèvres.
Je renverse deux braseros par terre pour détourner l’attention de certains gardes tandis que je plonge sur le côté pour envoyer des pierres frapper la tête de ces simples d’esprit. Je fais mine de tirer avec mon pistolet mais je ne vise rien en particulier, c’est juste pour le spectacle.
Les flammes déconcertent les soldats. Le feu danse et zigzague comme un serpent que je manipule avec aisance. Un coup il avance pour les faire reculer, un coup il revient en arrière pour faire mine de se préparer à plonger sur eux.
Et moi, pendant ce temps, je ramasse les petits objets au sol, même leurs propres armes. Ils sont décontenancés et la débâcle est vite entamée. Ils tentent de s’enfuir dans les hautes herbes, avant de se prendre des pierres qui les envoient dans les bras de Morphée.
Malgré le chaos de la scène dû à une multitude d’éléments surprenants, un homme se dégage des flammes accompagné de deux chiens. Brièvement, le souvenir de Li Guo m’assaille. Je me rappelle de tout cette nuit-là.
Les morts, les cris de guerre, la peur… Les flammes, le froid de la nuit, la colère de l’aube. Li Guo qui tombe sous les coups d’Yijun le traître. Son dernier souffle et son souhait que je le guide vers un au-delà saint et dénoué de toute souffrance. La Nécromancie est une magie sombre… Mais elle permet aussi de mettre de la lumière dans ces ténèbres d’après la vie.
L’ennemi s’avance. Un soldat de la Shinra au vu de l’équipement. Il sort une sorte de machette et lâche les chiens sur moi. Il fait tourner sa lame dans sa main avant de lancer avec un air de défi :
« Je sais pas qui tu es. Mais tu m’impressionnes pas avec tes tours de passe-passe. Maintenant tu vas crever. Personne touche aux biens de la Shinra.
- Les Blood Fists touchent à ce qu’ils veulent. »
Je reste dans le personnage. Je ne faiblirai pas. Je dois tenir.
Un avenir meilleur nous attend. Et pour ça, il faut se donner les moyens de réussir.
Les chiens bondissent sur moi, je les repousse violemment en les projetant dans les braises. Leurs poils brûlent et ils s’échappent couinant comme de pauvres diables pour aller se rouler dans la végétation. Ils ne sont pas fous, ils savent quand cela ne sert à rien.
« Je vais te massacrer. »
Je tends la main vers lui. Je lui fais signe d’approcher. Il grommelle. Il se rend compte que je n’ai pas peur de lui. Il fulmine. Il est agacé. Tant mieux. Qu’il rage. Qu’il peste. Il ne se rend pas compte, mais il est déjà mort.
« Je vais apporter ta tête au Président et j’aurai une belle prime.
- Tu peux toujours essayer. »
Il se propulse vers moi. J’ouvre les bras, comme pour accueillir sa force. Il ne crie pas, il semble concentré sur moi. Lorsqu’il est presque à ma hauteur, je me décale d’un pas. Il est toujours sur sa trajectoire et puis…
Il s’écroule sur le sol. Il tremble, la main sur un gros éclat de bois planté dans son flanc gauche.
Il a beaucoup parlé. Un peu trop. Je vais le laisser finir sa vie ici… Ou peut-être qu’il survivra. Cela n’a pas vraiment d’importance. Je quitte la scène de combat en fonçant vers l’entrepôt à moitié en ruines…
Ce n’était pas vraiment un bâtiment stable auparavant, mais là, il n’y a même plus de toit. Je serre le poing et relâche des éclats de flammes sur le bois effondré. Une belle diversion pour couvrir ma fuite. D’un geste, trois caisses remplies de gemmes rouges se mettent à léviter et me suivre dans les hautes herbes. Il n’y a pas de quoi faire flancher les affaires de la Shinra…
Mais pour le réseau dont Monsieur Woods fait partie, deux caisses seront particulièrement les bienvenues. Quant à la troisième, je vais la stocker dans la grotte que nous avons fini d’aménager. Le temps de lui trouver une utilité bien plus intéressante que d’uniquement garnir mon compte en banque.
Alors que le feu commence artificiellement à prendre, je disparais dans la campagne chinoise avec mon butin. Peu fière de mon geste, mais le sourire aux lèvres d’avoir volé la Shinra, même d’un peu. Mais bref, l’adrénaline est toujours présente et il faut vite déguerpir.
Je me remets vite à courir pour rejoindre mon vaisseau. Je charge les caisses rapidement, mon petit véhicule est bien chargé. Avant de disparaître, je reprends mon apparence originelle. Je regarde les lueurs qui s’agitent au loin, puis qui commencent à s’éteindre.
Le feu a disparu et l’obscurité de la nuit revient.
Il est temps de repartir. Je décolle dans les ténèbres redevenues silencieuses et rejoint mon foyer, loin d’ici.
J’enclenche l’atterrissage.
Les hautes herbes se plient sous le poids de l’appareil et la vision est en partie dissimulée par la végétation. Je coupe les moteurs. Un silence règne désormais dans l’habitacle. Je suis donc le plan, étape par étape.
Je change de tenue. Un ensemble à la mode d’Illusiopolis, moitié cuir et moitié matières synthétiques. De couleur noir, il servira à merveille. C’est une tenue de voyou, clairement. Le blouson en cuir est peut-être un peu de « trop » mais cela fera amplement diversion.
Le fameux « Freddy » va revenir à la vie ce soir.
Le choix de l’identité n’est pas un hasard. J’ai dû le tuer dans le cadre d’une mission pour la Shinra. Freddy était un membre du gang des Blood Fists, peut-être qu’aujourd’hui son groupe existe encore. Illusiopolis est un sacré repaire de rats après tout.
Freddy va donc servir. Une belle couverture et un excellent brouilleur de pistes. Mais de sorte à ce que cela ne soit pas trop évident, je vais tout de même faire mine d’agir en voilant mon identité : littéralement.
Je vais enrouler ma tête avec une capuche et une sorte de foulard rouge. Au cas où la Shinra arrive par un moyen des plus inattendus d’avoir des clichés du conducteur du véhicule, ils verront un jeune bandit. Et pas moi.
En effet, nos deux apparences sont assez différentes. Il est noir, avec des dreadlocks. Un corps fin, sans aucune forme. Je ne me rappelle plus ses yeux, je crois qu’il avait des lunettes… De toute façon, dans leurs sous-sols on ne voyait pas grand chose. Je vais générer quelque chose de cohérent et nous ferons avec.
De toute façon, il n’y a pas de caméras sur le site que je vais visiter. Je n’en ai pas installé quand je l’ai construit. Cela ne fera que facilité les choses. L’exploitation est isolée, loin de tout. Un braquage en règle. Mon premier. Et presque sans violences.
« Allez… Je vais aller chercher ton petit cadeau. » pensé-je.
Je change d’apparence, enfile les habits et ouvre le sas. Il est temps de passer à l’action. Je me change en corbeau et m’engouffre dehors. Il fait froid. Le vent souffle sur les plaines. Je survole les herbes en direction du nord. A un kilomètre de là, la mine des gemmes rouges.
Je n’ai pas pris cette cible par hasard : ce minéral écarlate a une très forte valeur marchande. La mine est très peu défendue, pas de caméras, pas de systèmes de sécurité excessifs. Peu de risques en somme.
Je reprends la forme de Freddy à deux cents mètres du site. Je ne m’attends pas à une forte résistance des surveillants et des gardes : cet endroit n’est ni stratégique et de mon temps, il n’y a eu aucune mesure de renforcement de sécurité des installations de la compagnie. C’est possible que certains y aient pensé.
Mais au vu de la lenteur administrative de la Shinra, je doute que ce soit le cas. De plus, la Terre des Dragons n’a jamais été une zone considérée comme risquée par l’entreprise. Cela serait très surprenant que cela ait changé. Mais je ne suis pas à l’abri d’une surprise. Rufus sait être surprenant, parfois.
Je n’ai pris aucune arme. Pas besoin. Le mauvais éclairage, quelques effets « sons et lumières », l’absence de caméras suffiront pour créer un récit suffisamment imprécis pour que l’enquête piétine un très long moment. Un espace de temps qui de toute façon permettra que les preuves disparaissent lentement mais sûrement.
J’approche, presque à quatre pattes, désormais. Comme à l’époque, le camp des mineurs est à l’écart de l’exploitation, juste à côté. J’aperçois vaguement les tentes blanches au loin avec quelques braseros. Ensuite, quelques lueurs s’échappent de la terre : de là où je suis, je ne vois pas l’énorme trou, juste des faisceaux de lumière éparses.
Je continue de m’approcher des lumières. Je me plaque sur le sol et rampe furtivement dans l’herbe pour observer les lieux.
L’excavation a grandi depuis que je suis venue l’ouvrir. La terre a été creusée avec avidité et de nombreux gisements de gemmes rouges parcourent la balafre terrestre. Des lanternes et des braseros donnent un peu de visibilité aux gardes qui protègent les lieux. Certains sont des hommes de main chinois avec un équipement local… D’autres sont des soldats de la plus faible des classes, avec des armes à feu.
Je regarde sur ma droite, une lanterne approche aussi. Trois ombres l’entourent et se dirigent vers ma position. Ils ne m’ont toujours pas vu. Tant mieux. Je roule dans l’herbe, profitant du vent qui parcoure les plaines pour que le bruit passe inaperçu.
Je reste au sol. Attendant qu’ils arrivent presque à ma hauteur. Je suis allongée, et je me concentre sur eux. Ils marchent lentement mais sûrement vers un doux sommeil bien léger… Lorsque j’estime que la distance est suffisante, je les regarde s’effondrer tandis que leurs têtes se cognent les unes contre les autres.
En voilà trois qui vont dormir au moins quelques heures.
Une autre patrouille ne va pas tarder. Je récupère et la lanterne et l’éteint. Cela retardera la découverte des assommés. Je vais donc aller là où les caisses de gemmes sont conditionnées : soit à l’entrée de l’exploitation. Désormais, c’est un terrain aplati penché d’où sortent de petits wagonnets remplis de cristaux écarlates et de terre.
Il n’y a qu’à se servir dans les réserves qui attendent d’être expédiées. Mais, comme c’était à prévoir, il y a plus de gardes autour du bâtiment de fortune qui sert d’entrepôt. Plusieurs ombres sont en faction tandis que des patrouilles font des cercles autour d’eux pour détecter d’éventuels assaillants.
La finesse ne sera que de courte durée ici. Il va falloir forcer et cela va être violent, c’est certain. Je vais tâcher d’être à la hauteur des gardes… Ce qui ne devrait pas être très compliqué. Je regarde le ciel noir et m’élève au-dessus du sol pour prendre de l’altitude. Il fait particulièrement froid ce soir et je le ressens terriblement.
J’espère que je ne vais pas être malade.
Je progresse dans les hauteurs pour me stabiliser au-dessus de l’entrepôt. Je vais tomber telle la foudre de Lei Shen sur ces pauvres hommes. Mais je vais être miséricordieuse : je ne vais que les assommer, pas les tuer. Sauf s’ils sont vraiment agaçants, bien sûr.
Je le fais avant tout pour Gao. Il a raison de me dire qu’il faut avoir une certaine retenue, malgré notre pouvoir. Je vais donc suivre son conseil. J’aurai eu tendance à vouloir faire un fait d’armes plus « spectaculaire » mais ce serait quelque peu hors de propos ici.
Il faut que ça se fasse vite. Que les gardes n’aient le temps, au maximum, que d’apercevoir vaguement une forme ou brièvement le visage de ce cher Freddy. Comme quoi, tout le monde peut avoir une utilité en ce bas monde, même après sa mort…
Je me pose sur le toit de l’entrepôt.
Le vent joue en ma faveur, le peu de bruits que je fais sont à peine audibles. Il est temps de passer à l’action. Autour du mince bâtiment, constitué essentiellement de planches de bois et de quelques bouts de pierre, un certain nombre de défenseurs autour des braseros pour se réchauffer.
A quelques mètres plus loin, des patrouilles tournent autour du lieu. Vu la taille de la maigre bâtisse, il n’y a pas de quoi faire le braquage du siècle, mais cela devrait être largement suffisant pour prouver ma bonne foi auprès de Monsieur Woods et de son patron. Sans compter que cela me permettra d’avoir une équipe plus fournie pour mon petit voyage archéologique à Oerba.
Je me concentre sur la terre. Sur mon environnement. Je ressens les choses. Les fibres des hautes herbes, le bois mort de l’entrepôt, les pierres inertes sur le sol. Je balaie la zone comme une vague, invisible aux yeux de ces pauvres gus qui vont tous finir par terre d’ici quelques instants dans un torrent de violences bref mais efficace.
D’un ordre sec, les flammes des braseros surgissent de leurs socles dans un éclat vif et téméraire. La scène surprend les hommes qui sont entrain de réchauffer leurs mains, c’est à ce moment-là que les hautes herbes se resserrent sur leurs jambes pour les déséquilibrer et les faire tomber au sol tandis que l’emprise de la végétation les prend au piège.
Au début, les gardes ne réagissent pas vraiment… Puis, ils se rendent compte que ce n’est pas normal. Les plantes les assaillent pour les bloquer. Ils appellent à l’aide comme tout humain normalement constitué :
« Au secours ! Les gars ! » crie l’un d’eux.
Il pointe son arme vers le ciel, je lui arrache brutalement. Il allait tirer pour informer les autres. Trop dangereux. Je lui ai peut-être cassé le poignet mais au moins son joujou est loin de lui maintenant. Mon assaut continue. Je prends au piège les gardes avec la nature puis… Les pierres inertes ne le sont plus.
Je les fais tourbillonner dans la pénombre pour frapper avec vigueur les têtes des courageux. Pas assez pour les tuer, mais assez pour les assommer. Quant à ceux qui tombent, je les en serre, les écrase. Ils sont bloqués, asphyxiés par les plantes jusqu’à ce qu’ils perdent connaissance.
Les patrouilles arrivent au pas de course avec les chiens pour porter secours à leurs camarades désormais inconscients.
« Equipe quatre ! Equipe quatre ! Allez chercher des renforts au camp, l’escadron Beta est à terre, ils sont tous inconscients ! » crie l’un d’eux.
Trois hommes se détachent immédiatement du lot pour courir de l’autre côté de la mine. Je me change en corbeau et décide de les suivre. Il ne faut pas que le camp soit prévenu. Ils traversent les hautes herbes à toute vitesse. Je bats des ailes très vite pour les survoler. Je m’écrase à une quinzaine de mètres devant eux.
« Oh putain t’es qui toi ?! » s’écrie l’un des soldats.
Ils braquent leurs pistolets vers moi. Les trois sont de la Shinra. Les voilà mes dommages collatéraux. Je pointe ma propre arme dans leur direction. Deux hommes sont propulsés en arrière, incapables de tirer et rapidement assommés. Je déclenche le mécanisme, la balle part et quitte le canon.
L’autre se met à tirer. Ses balles ne m’atteignent pas. Mais la mienne le touche, en pleine tête.
Voilà. Assez gros pour la cohérence du plan, pas assez pour créer un raz-de-marée quelconque.
Je vérifie que les deux autres soient bien assommés et je repars en direction de l’entrepôt. Là, j’arrive par le sol, les chiens et les gardes me voient et comprennent bien vite que je ne suis pas les renforts.
« Pas un pas de plus ! Décline ton identité ! » dit le chef qui pointe son arme vers moi.
Les autres dégainent leurs épées, leurs lances ou leurs fusils… Selon leur appartenance.
« Je suis Freddy. Des Blood Fists. » lancé-je, un léger sourire aux lèvres.
Je renverse deux braseros par terre pour détourner l’attention de certains gardes tandis que je plonge sur le côté pour envoyer des pierres frapper la tête de ces simples d’esprit. Je fais mine de tirer avec mon pistolet mais je ne vise rien en particulier, c’est juste pour le spectacle.
Les flammes déconcertent les soldats. Le feu danse et zigzague comme un serpent que je manipule avec aisance. Un coup il avance pour les faire reculer, un coup il revient en arrière pour faire mine de se préparer à plonger sur eux.
Et moi, pendant ce temps, je ramasse les petits objets au sol, même leurs propres armes. Ils sont décontenancés et la débâcle est vite entamée. Ils tentent de s’enfuir dans les hautes herbes, avant de se prendre des pierres qui les envoient dans les bras de Morphée.
Malgré le chaos de la scène dû à une multitude d’éléments surprenants, un homme se dégage des flammes accompagné de deux chiens. Brièvement, le souvenir de Li Guo m’assaille. Je me rappelle de tout cette nuit-là.
Les morts, les cris de guerre, la peur… Les flammes, le froid de la nuit, la colère de l’aube. Li Guo qui tombe sous les coups d’Yijun le traître. Son dernier souffle et son souhait que je le guide vers un au-delà saint et dénoué de toute souffrance. La Nécromancie est une magie sombre… Mais elle permet aussi de mettre de la lumière dans ces ténèbres d’après la vie.
L’ennemi s’avance. Un soldat de la Shinra au vu de l’équipement. Il sort une sorte de machette et lâche les chiens sur moi. Il fait tourner sa lame dans sa main avant de lancer avec un air de défi :
« Je sais pas qui tu es. Mais tu m’impressionnes pas avec tes tours de passe-passe. Maintenant tu vas crever. Personne touche aux biens de la Shinra.
- Les Blood Fists touchent à ce qu’ils veulent. »
Je reste dans le personnage. Je ne faiblirai pas. Je dois tenir.
Un avenir meilleur nous attend. Et pour ça, il faut se donner les moyens de réussir.
Les chiens bondissent sur moi, je les repousse violemment en les projetant dans les braises. Leurs poils brûlent et ils s’échappent couinant comme de pauvres diables pour aller se rouler dans la végétation. Ils ne sont pas fous, ils savent quand cela ne sert à rien.
« Je vais te massacrer. »
Je tends la main vers lui. Je lui fais signe d’approcher. Il grommelle. Il se rend compte que je n’ai pas peur de lui. Il fulmine. Il est agacé. Tant mieux. Qu’il rage. Qu’il peste. Il ne se rend pas compte, mais il est déjà mort.
« Je vais apporter ta tête au Président et j’aurai une belle prime.
- Tu peux toujours essayer. »
Il se propulse vers moi. J’ouvre les bras, comme pour accueillir sa force. Il ne crie pas, il semble concentré sur moi. Lorsqu’il est presque à ma hauteur, je me décale d’un pas. Il est toujours sur sa trajectoire et puis…
Il s’écroule sur le sol. Il tremble, la main sur un gros éclat de bois planté dans son flanc gauche.
Il a beaucoup parlé. Un peu trop. Je vais le laisser finir sa vie ici… Ou peut-être qu’il survivra. Cela n’a pas vraiment d’importance. Je quitte la scène de combat en fonçant vers l’entrepôt à moitié en ruines…
Ce n’était pas vraiment un bâtiment stable auparavant, mais là, il n’y a même plus de toit. Je serre le poing et relâche des éclats de flammes sur le bois effondré. Une belle diversion pour couvrir ma fuite. D’un geste, trois caisses remplies de gemmes rouges se mettent à léviter et me suivre dans les hautes herbes. Il n’y a pas de quoi faire flancher les affaires de la Shinra…
Mais pour le réseau dont Monsieur Woods fait partie, deux caisses seront particulièrement les bienvenues. Quant à la troisième, je vais la stocker dans la grotte que nous avons fini d’aménager. Le temps de lui trouver une utilité bien plus intéressante que d’uniquement garnir mon compte en banque.
Alors que le feu commence artificiellement à prendre, je disparais dans la campagne chinoise avec mon butin. Peu fière de mon geste, mais le sourire aux lèvres d’avoir volé la Shinra, même d’un peu. Mais bref, l’adrénaline est toujours présente et il faut vite déguerpir.
Je me remets vite à courir pour rejoindre mon vaisseau. Je charge les caisses rapidement, mon petit véhicule est bien chargé. Avant de disparaître, je reprends mon apparence originelle. Je regarde les lueurs qui s’agitent au loin, puis qui commencent à s’éteindre.
Le feu a disparu et l’obscurité de la nuit revient.
Il est temps de repartir. Je décolle dans les ténèbres redevenues silencieuses et rejoint mon foyer, loin d’ici.