Dans quoi me suis-je embarqué encore… ?
Je suis caché dans une jarre, et pas n’importe laquelle, une jarre qui doit normalement contenir les excréments de la Cité Interdite qui sont évacués plusieurs fois par semaine par des charrettes dédiées.
Je me suis glissé dans l’une d’elle, avec la complicité d’un eunuque du Prince. L’odeur est infecte. Rien ne m’atteint en général, mais je dois bien admettre que ces derniers temps, je vis des aventures « palpitantes ». Elle est loin la belle journée que j’ai vécu en allant « faire de la place » dans la prison de Chengdu…
La charrette s’arrête au poste de garde, à la grande porte. Après une brève inspection peu minutieuse -on se demande pourquoi- les excréments et moi-même prenons le large. Une fois dans Beijing, loin des yeux des gardes impériaux, je sors de de ma jarre avec l’aide de l’eunuque. J’empeste.
Il me tend des vêtements de rechange que j’accepte volontiers.
« Part vite avant qu’on ne te voie. » lancé-je à son attention.
Les oiseaux de Huayan sont de plus en plus nombreux en ville. Comme elle l’avait prévu, son réseau d’informateurs aviaires se développe et a pu étendre ses ailes jusque dans le nord du pays. Il faut que je sois prudent.
Le Prince Hailong m’a demandé d’aller éliminer un haut-fonctionnaire influent du Ministère des Finances. Le vieil administrateur aurait eu des déclarations… Ambiguës vis-à-vis de Son Altesse et de Huayan.
Apparemment, l’idiot aurait parlé aux mauvaises personnes, qui se sont empressées de le signaler à Hailong. Il se serait moqué des compétences du Prince et aurait fait beaucoup d’éloges quant à la gestion des régions du Sud par le Duc Song et sa sœur.
Et maintenant il doit mourir.
Je crois que Son Altesse n’est pas très contente de voir que même loin de Huayan, à la capitale impériale, certains membres du gouvernement et des autorités apprécient plus la gouvernance de la Dame de Chengdu que lui, futur Empereur de Chine.
Je dois l’attaquer sur sa route en allant au travail et le tuer en faisant croire à un larcin qui tourne mal. Enfin… Je n’ai pas vraiment envie en vérité. C’est un scénario pitoyable, mais l’Empereur semble tellement troublé ces jours-ci entre ses courtes nuits et les affaires de fin d’année qu’un « accident » ne lui parviendra même pas. Le Prince fera le nécessaire pour cela. Donc autant régler le problème rapidement, qu’importe la technique.
Bref. Il faut que je me mette en position.
Il va passer par une rue proche du Temple de Confucius. Elle n’est pas petite, mais il y a du monde à cette heure matinale, des marchands et commerçants en grande majorité. Vu son âge, il va certainement utiliser une voiture tirée par un cheval. J’ai qu’une lame. Une arme plutôt standard, que tout le monde peut se procurer. Hailong va de toute façon faire en sorte que le dossier n’atteigne pas l’Empereur, ni lui. Pourquoi se compliquer la vie ?
« Je commence à me dire que je n’aurais peut-être pas dû bosser pour le Prince… » murmuré-je à moi-même.
J’enfile un capuchon et je me glisse dans les ruelles de Beijing en direction du Temple de Confucius. Je finis par atteindre la rue du temple, perpendiculaire à celle d’un manoir d’un des ministres. Il y a du monde, je grimpe sur le toit d’un des hutong pour éviter les regards inquiets de la population. Je cache du mieux que je peux mon œil cybernétique.
Ça fait mal… Je souffre. Terriblement. C’est comme si des parties de moi pourrissaient avec le temps, dévorées par une gangrène invisible. Mais aujourd’hui, je vais pouvoir satisfaire un peu cette douleur… Tuer. Tuer est la solution.
Je repère la cible. Un vieil homme est dans un petit chariot, façon pousse-pousse, tiré par un cheval. Je descends de mon point d’observation discrètement et me mêle à la foule. Je m’approche et je cherche à savoir s’il s’agit bien de lui.
Premier indice en ma faveur : il a la tenue des administrateurs impériaux. Soit une tunique noire avec les bords rouges. Le chapeau indique qu’il est d’un rang assez élevé. Soudain, le chariot s’arrête. Il y a trop de monde, le cheval ne peut pas bouger. Je me cache derrière pour ne pas paraître trop suspect.
Le conducteur s’agite :
« Bougez-vous je veux passer ! Allez, allez ! »
Je jette un coup d’œil. La foule est dense et ne semble pas presser de laisser passer le cheval. Je profite de l’immobilité du véhicule pour allumer discrètement une grenade fumigène que je fais glisser sous le chariot.
« Ce n’est pas grave, je vais continuer à pied. Laissez tomber.
- Mais vous allez être en retard, monsieur !
- Je suis bientôt à la retraite, personne au Ministère ne me fera la leçon mon cher Zhang ! Allez, tiens, voilà pour ta course et revient me chercher demain matin !
- D’accord, encore désolé monsieur ! »
Le vieil homme descend… Huayan va tellement me massacrer si elle l’apprend…
« Par les Dieux, de la fumée ! » dit le vieil homme.
En effet, le fumigène fait son effet. Le cocher descend, il a peur que son chariot ait pris feu pour une raison mystérieuse. Je ne perds pas de temps et je suis le mouvement de foule qui s’éloigne du véhicule. Je sors discrètement ma lame et je me positionne derrière la cible.
Alors que la foule s’agite pour s’éloigner. Je plante la lame dans le dos de l’administrateur. Il lâche un « Ah ! » assez silencieux je dois dire. Les personnes âgées ne sont pas les plus dures à vaincre. Leurs vies sont tellement fragiles. Une fois que je sens l’objet bien placé, je lâche la garde et m’en vais en courant dans une ruelle.
J’entends la tunique se frotter sur le sol. Puis les cris de la foule confus. Le fumigène finira bientôt, et le sang se répand sur les pavés. Les gens m’ont certainement vu mais au final, est-ce vraiment grave ?
Entre nous, je ne crois pas. On ne me reconnaîtra avec mon visage enrubanné. Il n’y a plus qu’à retourner dans la Cité Interdite. Je me dirige rapidement vers le lieu où je dois récupérer le chariot avec les jarres d’excréments vides… Je sens que je vais encore aimer cette partie de la mission.
De capitaine d’un destroyer de la Shinra à assassin dans des jarres de merdes. Je suis même sûr que Francis serait déjà plaqué au sol, assommé par les rires, s’il entendait cette histoire des plus… Ridicules. Enfin, un homme est mort quand même mais… Je ne vais pas nier que cela ne me dérange pas outre mesure.
Je suis surtout mal à l’aise vis-à-vis de Huayan… Si elle l’apprend, je suis potentiellement mort.
Je vais donc rejoindre mon complice et celui du Prince.
« Alors ? Mission accomplie ?
- Tais-toi et laisse-moi monter.
- Ça marche, vas-y je t’ai gardé la même. »
Formidable.
Je monte dans le chariot et je me range gentiment sans me plaindre. Au moment où l’eunuque referme, je remarque un détail qui m’étreint la poitrine comme jamais : un corbeau sur une branche d’un arbre proche.
Je me retrouve dans les ténèbres avec ce doute : est-ce un corbeau « normal » ou est-ce un agent de la Dame de Chengdu ? Qu’est-ce qui va se passer si elle l’apprend ? Suis-je déjà mort ?
Puis je repense au pacte que nous avons fait… Non. Ce n’est pas aussi facile que je l’espérais pour des raisons que je n’attendais pas…
Je vais rentrer et écrire une série de rapports… Même si certains sont faux, cela me permet de faire bonne figure… En espérant que cette saleté de vermine aérienne ne soit pas un espion.
Je suis caché dans une jarre, et pas n’importe laquelle, une jarre qui doit normalement contenir les excréments de la Cité Interdite qui sont évacués plusieurs fois par semaine par des charrettes dédiées.
Je me suis glissé dans l’une d’elle, avec la complicité d’un eunuque du Prince. L’odeur est infecte. Rien ne m’atteint en général, mais je dois bien admettre que ces derniers temps, je vis des aventures « palpitantes ». Elle est loin la belle journée que j’ai vécu en allant « faire de la place » dans la prison de Chengdu…
La charrette s’arrête au poste de garde, à la grande porte. Après une brève inspection peu minutieuse -on se demande pourquoi- les excréments et moi-même prenons le large. Une fois dans Beijing, loin des yeux des gardes impériaux, je sors de de ma jarre avec l’aide de l’eunuque. J’empeste.
Il me tend des vêtements de rechange que j’accepte volontiers.
« Part vite avant qu’on ne te voie. » lancé-je à son attention.
Les oiseaux de Huayan sont de plus en plus nombreux en ville. Comme elle l’avait prévu, son réseau d’informateurs aviaires se développe et a pu étendre ses ailes jusque dans le nord du pays. Il faut que je sois prudent.
Le Prince Hailong m’a demandé d’aller éliminer un haut-fonctionnaire influent du Ministère des Finances. Le vieil administrateur aurait eu des déclarations… Ambiguës vis-à-vis de Son Altesse et de Huayan.
Apparemment, l’idiot aurait parlé aux mauvaises personnes, qui se sont empressées de le signaler à Hailong. Il se serait moqué des compétences du Prince et aurait fait beaucoup d’éloges quant à la gestion des régions du Sud par le Duc Song et sa sœur.
Et maintenant il doit mourir.
Je crois que Son Altesse n’est pas très contente de voir que même loin de Huayan, à la capitale impériale, certains membres du gouvernement et des autorités apprécient plus la gouvernance de la Dame de Chengdu que lui, futur Empereur de Chine.
Je dois l’attaquer sur sa route en allant au travail et le tuer en faisant croire à un larcin qui tourne mal. Enfin… Je n’ai pas vraiment envie en vérité. C’est un scénario pitoyable, mais l’Empereur semble tellement troublé ces jours-ci entre ses courtes nuits et les affaires de fin d’année qu’un « accident » ne lui parviendra même pas. Le Prince fera le nécessaire pour cela. Donc autant régler le problème rapidement, qu’importe la technique.
Bref. Il faut que je me mette en position.
Il va passer par une rue proche du Temple de Confucius. Elle n’est pas petite, mais il y a du monde à cette heure matinale, des marchands et commerçants en grande majorité. Vu son âge, il va certainement utiliser une voiture tirée par un cheval. J’ai qu’une lame. Une arme plutôt standard, que tout le monde peut se procurer. Hailong va de toute façon faire en sorte que le dossier n’atteigne pas l’Empereur, ni lui. Pourquoi se compliquer la vie ?
« Je commence à me dire que je n’aurais peut-être pas dû bosser pour le Prince… » murmuré-je à moi-même.
J’enfile un capuchon et je me glisse dans les ruelles de Beijing en direction du Temple de Confucius. Je finis par atteindre la rue du temple, perpendiculaire à celle d’un manoir d’un des ministres. Il y a du monde, je grimpe sur le toit d’un des hutong pour éviter les regards inquiets de la population. Je cache du mieux que je peux mon œil cybernétique.
Ça fait mal… Je souffre. Terriblement. C’est comme si des parties de moi pourrissaient avec le temps, dévorées par une gangrène invisible. Mais aujourd’hui, je vais pouvoir satisfaire un peu cette douleur… Tuer. Tuer est la solution.
Je repère la cible. Un vieil homme est dans un petit chariot, façon pousse-pousse, tiré par un cheval. Je descends de mon point d’observation discrètement et me mêle à la foule. Je m’approche et je cherche à savoir s’il s’agit bien de lui.
Premier indice en ma faveur : il a la tenue des administrateurs impériaux. Soit une tunique noire avec les bords rouges. Le chapeau indique qu’il est d’un rang assez élevé. Soudain, le chariot s’arrête. Il y a trop de monde, le cheval ne peut pas bouger. Je me cache derrière pour ne pas paraître trop suspect.
Le conducteur s’agite :
« Bougez-vous je veux passer ! Allez, allez ! »
Je jette un coup d’œil. La foule est dense et ne semble pas presser de laisser passer le cheval. Je profite de l’immobilité du véhicule pour allumer discrètement une grenade fumigène que je fais glisser sous le chariot.
« Ce n’est pas grave, je vais continuer à pied. Laissez tomber.
- Mais vous allez être en retard, monsieur !
- Je suis bientôt à la retraite, personne au Ministère ne me fera la leçon mon cher Zhang ! Allez, tiens, voilà pour ta course et revient me chercher demain matin !
- D’accord, encore désolé monsieur ! »
Le vieil homme descend… Huayan va tellement me massacrer si elle l’apprend…
« Par les Dieux, de la fumée ! » dit le vieil homme.
En effet, le fumigène fait son effet. Le cocher descend, il a peur que son chariot ait pris feu pour une raison mystérieuse. Je ne perds pas de temps et je suis le mouvement de foule qui s’éloigne du véhicule. Je sors discrètement ma lame et je me positionne derrière la cible.
Alors que la foule s’agite pour s’éloigner. Je plante la lame dans le dos de l’administrateur. Il lâche un « Ah ! » assez silencieux je dois dire. Les personnes âgées ne sont pas les plus dures à vaincre. Leurs vies sont tellement fragiles. Une fois que je sens l’objet bien placé, je lâche la garde et m’en vais en courant dans une ruelle.
J’entends la tunique se frotter sur le sol. Puis les cris de la foule confus. Le fumigène finira bientôt, et le sang se répand sur les pavés. Les gens m’ont certainement vu mais au final, est-ce vraiment grave ?
Entre nous, je ne crois pas. On ne me reconnaîtra avec mon visage enrubanné. Il n’y a plus qu’à retourner dans la Cité Interdite. Je me dirige rapidement vers le lieu où je dois récupérer le chariot avec les jarres d’excréments vides… Je sens que je vais encore aimer cette partie de la mission.
De capitaine d’un destroyer de la Shinra à assassin dans des jarres de merdes. Je suis même sûr que Francis serait déjà plaqué au sol, assommé par les rires, s’il entendait cette histoire des plus… Ridicules. Enfin, un homme est mort quand même mais… Je ne vais pas nier que cela ne me dérange pas outre mesure.
Je suis surtout mal à l’aise vis-à-vis de Huayan… Si elle l’apprend, je suis potentiellement mort.
Je vais donc rejoindre mon complice et celui du Prince.
« Alors ? Mission accomplie ?
- Tais-toi et laisse-moi monter.
- Ça marche, vas-y je t’ai gardé la même. »
Formidable.
Je monte dans le chariot et je me range gentiment sans me plaindre. Au moment où l’eunuque referme, je remarque un détail qui m’étreint la poitrine comme jamais : un corbeau sur une branche d’un arbre proche.
Je me retrouve dans les ténèbres avec ce doute : est-ce un corbeau « normal » ou est-ce un agent de la Dame de Chengdu ? Qu’est-ce qui va se passer si elle l’apprend ? Suis-je déjà mort ?
Puis je repense au pacte que nous avons fait… Non. Ce n’est pas aussi facile que je l’espérais pour des raisons que je n’attendais pas…
Je vais rentrer et écrire une série de rapports… Même si certains sont faux, cela me permet de faire bonne figure… En espérant que cette saleté de vermine aérienne ne soit pas un espion.