Arthur Rainbow a écrit:Tao : la voie, le chemin où l’on marche, un pas après l’autre, en contemplant le monde. Ce chemin, généralement en montagne, des poètes l’ont décrit, qui nous convient à emprunter leurs pas et à partager leur extase. Souvent, au bout du chemin, la rencontre avec un maître dans son ermitage. Composé dans l’ermitage d’un moine, les fleurs des arbres fruitiers jonchent la cour, la mousse pénètre dans la salle silencieuse et tous deux ensemble transcendent concept et parole : dans l’air flotte un parfum extraordinaire. C’est ce parfum, le parfum caractéristique du tao, le parfum de la liberté absolue, qu’exhalent les poèmes rassemblés dans ce recueil.
L'interpénétration des contraires, l'intrication des opposés, est naturelle et montre le chemin ; elle est le chemin, la Voie, le souffle du vide médian, l'équilibre du vivant.
Un peu comme vous et moi ; je suis l'homme, vous êtes la femme. Je suis la flamme ; vous voilà le charme. Je suis de ce qui est bizarre et met le bazar, fidèle agent du hasard ; vous n'êtes qu'ordre et harmonie en sublimes habits.
L'interpénétration des contraires, l'intrication des opposés, est naturelle et montre le chemin vers son sommet ; voilà le chemin, la Voie, le souffle du vide médian, l'équilibre du vivant.
Sur la Voie Tao, il n'y a aucune question à poser, aucune réponse à donner. Celui qui pose malgré cela des questions, pose des questions spécieuses, et celui qui répond quand même se place hors de la Voie. Celui qui se place en dehors pour répondre à des questions spécieuses, celui-là ne verra pas l'univers qui est autour de lui, il ne connaîtra pas la grande source de vie qui sommeille au dedans.
Arthur Rainbow a écrit:Du fer, du feu, du sang ! C'est elle ! C'est la Guerre ! Debout, le bras levé, superbe en sa colère et animant le combat d'un geste souverain. Aux éclats de sa voix s'ébranlent les armées ; autour d'elle traçant des lignes meurtrières, quand le métal va saigner la chair. Partout chars, cavaliers, chevaux, masse mouvante ! En ce flux et reflux, sur cette mer vivante, à son appel ardent l'épouvante s'abat. Sous sa main qui frémit, en ses desseins féroces, pour aider et fournir aux massacres atroces… toute matière devient arme, et tout homme soldat.
Puis, quand la Guerre a repu ses yeux et ses oreilles de spectacles navrants, de rumeurs sans pareilles ; quand un peuple agonise en son tombeau couché, pâle sous ses lauriers : l'âme d'orgueil remplie, devant l'œuvre achevée et la tâche accomplie, triomphante la guerre crie à la Mort: « Bien fauché ! »
Oui, bien fauché ! Vraiment la récolte est superbe ; pas un sillon qui n'ait des cadavres pour gerbe ! Les plus beaux, les plus forts sont les premiers frappés. Sur son sein dévasté qui saigne et qui frissonne, le peuple du Chengdu, semblable au champ que l'on moissonne, contemple encore avec douleur tous ces épis coupés.
Hélas pour la Guerre ! Le soleil lui verse encore ses rayons magnifiques ; riches de leurs trésors qui, sous les cieux pacifiques, peuvent encore mûrir pour une autre moisson.
Après le feu, les flammes, la passion ; après les braises, les larmes, la raison ; restent à la fin les cendres, les débris. Après le printemps et les jolis bourgeons, après l’été, et les fleurs et fruits de saison ; arrivent à la fin, le froid, l’automne et l’hiver.
De la poussière, qu’on répand sur la terre pour nourrir la vie sous-jacente sommeille en latence… de l’amour, qui nous aura au moins traversé un jour, derrière l’indifférente douleur de nos pertes. Le coeur de Chengdu reste averti, bat en silence, au ralenti.
Un nouveau cycle, une nouvelle saison, un nouvel amour, une nouvelle passion ; car si la vie reprend ses droits, le coeur suit.
Arthur Rainbow a écrit:Aux alentours… les maisons des marchands, l'hôtellerie ouverte à tout le monde avec ses lits de passage ses mangeoires et ses fumiers… en retrait, l'enceinte hautaine, la Conquérante aux âpres remparts, aux redans, aux châteaux d'angles pour ses bons défenseurs.
Au milieu, cette muraille colossale, réservant au plus petit nombre son carré d'amitié parfaite.
Mais, centrale, souterraine et supérieure, pleine de palais, de lotus, de leurs eaux mortes, d'eunuques et de porcelaines, est la Cité Interdite.
Oh non ! Certainement pas ! Je ne la décrirais pas ; je ne la livrerais pas ; on n'y accède par des voies inconnues et uniques. Uniques et solitaires -sécrètes et mystérieuses- sont les routes au travers du foyer impérial, ce mâle étrange dans ce troupeau servant. Je n'enseignerais ni mon entrée, ni mon départ ; ni mon intrusion, ni mon évasion ; ni ma charge, ni ma retraite.
Arthur Rainbow a écrit:La première tasse humecte mon flair mes lèvres et mon gosier.
La deuxième rompt ma solitude ; la troisième fouille mes entrailles mises à nu et y débusque mille volumes d'étranges idéogrammes.
La quatrième suscite une légère sueur… et tout le noir de ma vie se dissout à travers mes pores réchauffés.
A la cinquième tasse, je suis purifié.
La sixième m'expédie au royaume des Immortels.
La septième ?! Ah, je ne saurais en absorber davantage ! Je sens seulement un souffle de vent frais gonfler mes manches. Où est Peng Lai Shan ? Ah ! Laissez-moi chevaucher cette douce brise et m'envoler loin d'ici !
Par une nuit d'automne, l'ami arrive et ensemble, nous ne boirons non pas du vin mais du thé.
La bouilloire siffle enfin, le charbon de bois crépite tant il rougeoie ; une lune éclatante brille au-dehors et nos coeurs, à l'arrivée du Thé, brille comme milles aurores. Que soit servit Le Thé dans de belles tasses chinoises, celles où des poissons dorés cherchent noises au guerrier rosé dans les abysses du breuvage le plus sacré.
« En espérant que ça vous plaise… » Dans sa toge rouge à la Grecque, préférant venir naturel que de singer les coutumes locales ; c'est bel et bien un étranger ici, il se doit de l'assumer. « …Reine des Fleurs. »
Et prestement, Arthur jette élégamment sa main en l'air pour que les fleurs présentes fassent révérence.
« Déjà j'entends vos fleurs, Dame Consule, qui chantent vos louanges et loue l'harmonie profonde qui nait de votre règne. » Jusqu'ici le regard dans le vide, c'est un peu mélancolique qu'il jette finalement un oeil hagard à Huayan. « L'Artiste ne vaut que son Art ; l'Art ne vaut que la réaction qu'il suscite. J'ai préféré vous remettre les poèmes en personne. A la première lecture de ces poèmes, aux premières sensations éprouvés en les lisant, je verrais de mes propres yeux naitre mon oeuvre d'art sur votre doux visage. »
Et Arthur lève les yeux, guettant la réaction de son plus grand accomplissement au sein du Consulat.