« Il ne devrait pas tarder ma Dame, les gardes ont annoncé sa venue. » me murmure Xupeng.
Dans la salle d’audience du palais du gouverneur de Chengdu, je patiente impatiemment. Le fameux Consul du Taiji Quan, Wu Jiahao, vient à ma rencontre. C’est l’un des chefs de file des consuls ici de l’Empire, l’un des plus respectés et par conséquent l’un des plus influents avec moi. Il est donc tout naturel que nous cherchions à nous rencontrer.
De ce que j’ai entendu des autres consuls qui commencent déjà à investir ma chère cité, c’est un homme décrit comme étant très sage et vivant par les préceptes du Tao. Long Xinya me l’a également recommandé : les deux sont comme les deux côtés d’une même pièce. Xinya est l’alchimie, Jiahao est la pratique martiale sensée augmenter notre durée de vie.
Les deux, ensemble, ont pour but de nous accorder l’immortalité.
Immortalité à part, j’aimerais former un partenariat, une alliance avec ce maître-consul pour le futur grand Temple des Arts qui se construit actuellement. Bien que je suivrais avec attention ce qui s’y passe et dirigerait avec passion et ambition cette structure prometteuse, je ne peux malheureusement pas y être constamment pour superviser les opérations. C’est là que Jiahao intervient.
Le Temple des Arts sera un édifice dédié à la gloire des Arts, de la civilisation impériale et du Consulat. Ce sera également une école, gratuite, en lien avec l’Académie du Jardin Radieux qui transmettra savoir, connaissance et expertise à des centaines d’étudiants issus de toute condition sociale. A moi la présidence bien entendu, mais il est hors de question que je concentre tous les pouvoirs. Ça ferait mauvais genre. La direction générale de l’établissement disons, reviendra donc à ce maître-consul Han.
Peu de chances qu’il refuse. C’est quelque chose de prestigieux que je vais lui offrir. De plus, ça ne s’oppose en rien aux préceptes taoïstes… Ce sera même l’occasion pour lui de prêcher pour notre noble pensée s’il le souhaite.
Je pense d’ailleurs que Xinya entretient déjà un lien avec cette personne. Elle m’en a parlé comme si elle le connaissait personnellement et non uniquement par réputation. L’arrivée de Jiahao à Chengdu n’est pas anodine : elle a dû lui rappeler que nous sommes tous les trois de fervents taoïstes et que par conséquent, nous étions faits pour nous entendre.
Xinya a toujours cette position ambiguë me concernant : d’un côté je sens qu’elle a besoin de moi, autant que j’ai besoin d’elle. C’est une alliée intéressante, bien que plus mystérieuse que la famille Lin par exemple. Lin père comme fils, en dehors de leur habilité à gérer des troupes et des gardes, ne sont pas des hommes transpirant l’esprit. Ils n’en restent pas moins des hommes bons et globalement bien intentionnés.
En attendant le maître du Taiji, je ne peux m’empêcher d’imaginer le dîner de ce soir. Pour l’occasion, il y aura mon frère, sa femme, Long Xinya et Wu Jiahao. J’espère que mon frère a révisé ses classiques, je n’ai pas envie qu’il fasse honte à notre famille face aux deux lettrés qui partageront notre table. J’en profiterai pour lui « transmettre certaines recommandations » concernant des décrets qui pourraient être utiles à notre région et tous ceux qui rejoignent jour après jour notre cercle d’influence. Le fait que Gao soit Duc du Sud et moi Ambassadrice du Consulat… Cela nous donne beaucoup d’arguments pour convaincre les nobles et les fonctionnaires de se joindre à notre famille. Sans compter le prestige que nous avons tiré de la bataille de Chengdu.
« Le Maître Wu Jiahao ! » annonce l’eunuque crieur.
Je bouge légèrement mes jambes sur l’espèce de petit trône qui préside le hall. Je me remets bien droite et prend un air détendu avec un petit sourire en coin. Mon siège a été décoré pour faire transmettre ma passion pour les fleurs. Au bois de l’ancien, nous avons rajouté des fleurs, notamment des pivoines et des roses dessus. Les épines n’ont pas été retirées. Une sorte de rappel que même la plus belle des fleurs peut blesser.
Le hall n’est pas des plus lumineux, j’y conserve une ambiance feutrée : plus propice aux confessions et à la réflexion.
Les gardes ouvrent les portes, la lumière du jour entre, lumineuse comme jamais, façonnant une silhouette humaine d’apparence plutôt mince. Elle se met en mouvement avant de marquer un temps d’arrêt.
L’accès se referme et le contrejour disparaît, me laissant le loisir d’observer les traits du maître Jiahao. Et le loisir va vite devenir un plaisir non dissimulé. Mon sourire se fait plus naturel, plus honnête lorsque j’aperçois son visage.
Il ne s’agit pas d’un vieux maître ermite du Tao comme on peut souvent le voir, non. C’est un homme qui semble avoir mon âge, moins de trente ans en tout cas. Il a un corps et un visage fin. Seule sa peau, légèrement bronzée par le soleil trahi sa condition actuelle d’errant mystique. Son visage ressemble à ceux du sud de la Chine. Je serai curieux de savoir d’où il est originaire.
Je lui fais signe d’approcher. Il s’avance et s’incline respectueusement devant moi, sans se prosterner toutefois. Il a lui aussi un léger sourire en coin. Nos regards se croisent et une légère émotion me traverse. C’est certainement le maître du Tao le plus… Charmant que j’ai rencontré de toute ma vie.
Je ne peux m’empêcher de caresser légèrement le flanc de mon visage avec ma griffe tandis que je lui lance sur un ton moqueur :
« Je vous imaginais un peu plus vieux, Maître. »
Il pouffe légèrement de rire avant de rétorquer sur le même ton :
« Je vous imaginais moins belle, ma Dame. »
Le courant semble passer, c’est déjà ça.
« Pardonnez le temps qu’il m’a fallu pour venir. J’étais dans des régions isolées de notre pays.
- Il n’y a rien à pardonner, Maître. C’était une invitation et non une convocation comme vous le savez.
- Vous n’êtes pas obligée de m’appeler « maître », appelez-moi Wu Jiahao.
- Dans ce cas, vous pouvez m’appeler Songzi Huayan. « Ambassadrice » sonne très bien pour le protocole mais en réalité je ne l’utilise pas vraiment au quotidien. »
Je me lève et toujours avec un léger sourire je descends les quelques marches qui me séparent de lui pour lui intimer de me suivre hors du hall. Les gardes, menés par Wuhan, nous suivent en direction des jardins où nous allons nous promener tranquillement.
« J’ai entendu dire par Long Xinya que vous étiez une adepte du Tao vous aussi ?
- En effet. Chengdu est une ville très marquée par ce dernier. Je me rends très régulièrement au Temple de la Chèvre Noire un peu plus loin pour rendre hommage à nos dieux. J’imagine que vous êtes déjà allé au Mont Qincheng ?
- Oui, c’est magnifique n’est-ce pas ?
- Mystique et merveilleux, oui. C’est un pèlerinage que j’ai fait lorsque j’étais un peu plus jeune. »
Nous continuons de discuter à propos des temples taoïstes de la ville avant de marquer un arrêt sous un des pavillons du jardin, près de l’eau. Au loin, on peut entendre légèrement les bruits du chantier du Temple des Arts. Xupeng nous apporte du thé. J’ai choisi un thé simple, absolument pas rare mais de très bonne qualité pour mon invité de marque. Ce n’est pas avec du thé exceptionnel que je pourrais m’en faire un allié.
« Wu Jiahao, je vous ai invité car je souhaitais m’entretenir avec vous de certaines opportunités qui commencent à se dégager au sein de notre organisation. Des possibilités que j’aimerais éventuellement partager avec vous. » commencé-je, tentant de voir sa première réaction.
Ce jeune homme est une forme d’énigme. Il m’est difficile de l’analyser tant il arrive à maîtriser ses expressions faciales et manuelles. Il va falloir que je me base sur ce qu’il dit pour en tirer des conclusions.
« Je suis le Consul du Taiji Quan. Vous êtes l’Ambassadrice et nous sommes tous les deux taoïstes et Hans… Vous pouvez me donner des ordres et je les exécuterai. Vous le savez et pourtant vous préférez m’en parler en souhaitant, j’imagine, ma collaboration. Pourquoi ? » rétorque-t-il sans aucune agressivité.
Sa voix n’est pas forte, mais elle a beaucoup d’énergie. On peut sentir que c’est un joueur. Il ne m’est pas hostile mais il semble vouloir me tester. Je fais mine de sourire légèrement, puis continue de répondre.
« Je pourrais, oui… dis-je tout en buvant un peu de thé, Malgré tout, je ne cherche pas à avoir des serviteurs qui ne font qu’exécuter des tâches que je leur confie. Je veux des alliés. Des personnes qui osent venir me parler lorsqu’ils ne sont pas d’accord avec moi, des personnes volontaires qui s’engagent de nos causes , des personnes en qui je peux avoir confiance… » conclu-je tout en regardant un instant la main de Jiahao sur la table avant de revenir à ses yeux.
Il a l’air de réfléchir brièvement, puis répond :
« C’est noble de votre part. Vous êtes certainement la personne chinoise la plus haute gradée après l’Empereur au Consulat. Nous partageons les mêmes croyances et d’après notre amie commune Long Xinya, bien plus. Allons droit au but. Proposez-moi ce à quoi vous pensiez et j’y réfléchirai avec assiduité. » lance-t-il, honnête et toujours avec un léger sourire charmeur.
Je me rapproche légèrement de la table, comme pour faire une confession à mon invité. Je fais mon regard de séductrice, même si je sais qu’Haojun me fera une petite réflexion plus tard à ce sujet. C’est pour le bien commun.
« Vous êtes au courant que je suis entrain de transformer la ville de Chengdu pour y installer un Temple des Arts ?
- Oui, Long Xinya m’a expliqué.
- Bien. Ces installations seront à la gloire de la civilisation chinoise, de notre empire et du Consulat. En plus de mettre en avant les arts et la culture de notre peuple, nous transmettrons également des savoirs. En effet, le Temple des Arts fera office en second lieu d’école. Des étudiants de l’Académie du Jardin Radieux mais aussi de tout l’Empire viendront ici. L'enseignement y sera gratuit et ouvert à tous.
- C’est un projet louable. Quel serait ma place dans tout cela ?
- Au service des étudiants. Il me faut quelqu’un estimé et inestimable pour diriger l’école. Superviser les professeurs et donner des cours. Le tout pour faire en sorte de mener le plus d’étudiants possibles sur… La bonne Voie. »
Il continue de me regarder, impassible. Il semble réfléchir tout en buvant quelques gouttes de thé. Il détourne son regard vers les jardins avant de revenir vers moi.
« C’est un poste à très haute responsabilité que vous souhaitez m’accorder. Je ne sais pas si j’en serai à la hauteur.
- Rien ne presse, Wu Jiahao. Le Temple n’est pas encore achevé.
- Pourriez-vous m’accorder quelques jours de réflexion pour me décider ? C’est un changement majeur pour moi, en tant que Consul autant qu’en tant que maître du Taiji Quan.
- Prenez votre temps. Comme vous pouvez peut-être l’entendre, les travaux ne sont pas encore finis. Les fondations sont achevées et les ouvriers et artisans commencent à peine à bâtir le reste. Nous avons bien plus que quelques jours de marge.
- Merci. Nous aurons peut-être le loisir d’en parler un peu plus lors de notre dîner de ce soir ?
- Bien plus qu’un loisir, ce sera un plaisir Wu Jiahao. »
Ceci étant fait, nous n’avons plus qu’à attendre le repas de ce soir avant de conclure cette première rencontre qui est pour l’instant placer sous les meilleurs auspices. Un beau brun ténébreux en plus à Chengdu… Cela va me changer de Francis.
Dans la salle d’audience du palais du gouverneur de Chengdu, je patiente impatiemment. Le fameux Consul du Taiji Quan, Wu Jiahao, vient à ma rencontre. C’est l’un des chefs de file des consuls ici de l’Empire, l’un des plus respectés et par conséquent l’un des plus influents avec moi. Il est donc tout naturel que nous cherchions à nous rencontrer.
De ce que j’ai entendu des autres consuls qui commencent déjà à investir ma chère cité, c’est un homme décrit comme étant très sage et vivant par les préceptes du Tao. Long Xinya me l’a également recommandé : les deux sont comme les deux côtés d’une même pièce. Xinya est l’alchimie, Jiahao est la pratique martiale sensée augmenter notre durée de vie.
Les deux, ensemble, ont pour but de nous accorder l’immortalité.
Immortalité à part, j’aimerais former un partenariat, une alliance avec ce maître-consul pour le futur grand Temple des Arts qui se construit actuellement. Bien que je suivrais avec attention ce qui s’y passe et dirigerait avec passion et ambition cette structure prometteuse, je ne peux malheureusement pas y être constamment pour superviser les opérations. C’est là que Jiahao intervient.
Le Temple des Arts sera un édifice dédié à la gloire des Arts, de la civilisation impériale et du Consulat. Ce sera également une école, gratuite, en lien avec l’Académie du Jardin Radieux qui transmettra savoir, connaissance et expertise à des centaines d’étudiants issus de toute condition sociale. A moi la présidence bien entendu, mais il est hors de question que je concentre tous les pouvoirs. Ça ferait mauvais genre. La direction générale de l’établissement disons, reviendra donc à ce maître-consul Han.
Peu de chances qu’il refuse. C’est quelque chose de prestigieux que je vais lui offrir. De plus, ça ne s’oppose en rien aux préceptes taoïstes… Ce sera même l’occasion pour lui de prêcher pour notre noble pensée s’il le souhaite.
Je pense d’ailleurs que Xinya entretient déjà un lien avec cette personne. Elle m’en a parlé comme si elle le connaissait personnellement et non uniquement par réputation. L’arrivée de Jiahao à Chengdu n’est pas anodine : elle a dû lui rappeler que nous sommes tous les trois de fervents taoïstes et que par conséquent, nous étions faits pour nous entendre.
Xinya a toujours cette position ambiguë me concernant : d’un côté je sens qu’elle a besoin de moi, autant que j’ai besoin d’elle. C’est une alliée intéressante, bien que plus mystérieuse que la famille Lin par exemple. Lin père comme fils, en dehors de leur habilité à gérer des troupes et des gardes, ne sont pas des hommes transpirant l’esprit. Ils n’en restent pas moins des hommes bons et globalement bien intentionnés.
En attendant le maître du Taiji, je ne peux m’empêcher d’imaginer le dîner de ce soir. Pour l’occasion, il y aura mon frère, sa femme, Long Xinya et Wu Jiahao. J’espère que mon frère a révisé ses classiques, je n’ai pas envie qu’il fasse honte à notre famille face aux deux lettrés qui partageront notre table. J’en profiterai pour lui « transmettre certaines recommandations » concernant des décrets qui pourraient être utiles à notre région et tous ceux qui rejoignent jour après jour notre cercle d’influence. Le fait que Gao soit Duc du Sud et moi Ambassadrice du Consulat… Cela nous donne beaucoup d’arguments pour convaincre les nobles et les fonctionnaires de se joindre à notre famille. Sans compter le prestige que nous avons tiré de la bataille de Chengdu.
« Le Maître Wu Jiahao ! » annonce l’eunuque crieur.
Je bouge légèrement mes jambes sur l’espèce de petit trône qui préside le hall. Je me remets bien droite et prend un air détendu avec un petit sourire en coin. Mon siège a été décoré pour faire transmettre ma passion pour les fleurs. Au bois de l’ancien, nous avons rajouté des fleurs, notamment des pivoines et des roses dessus. Les épines n’ont pas été retirées. Une sorte de rappel que même la plus belle des fleurs peut blesser.
Le hall n’est pas des plus lumineux, j’y conserve une ambiance feutrée : plus propice aux confessions et à la réflexion.
Les gardes ouvrent les portes, la lumière du jour entre, lumineuse comme jamais, façonnant une silhouette humaine d’apparence plutôt mince. Elle se met en mouvement avant de marquer un temps d’arrêt.
L’accès se referme et le contrejour disparaît, me laissant le loisir d’observer les traits du maître Jiahao. Et le loisir va vite devenir un plaisir non dissimulé. Mon sourire se fait plus naturel, plus honnête lorsque j’aperçois son visage.
Il ne s’agit pas d’un vieux maître ermite du Tao comme on peut souvent le voir, non. C’est un homme qui semble avoir mon âge, moins de trente ans en tout cas. Il a un corps et un visage fin. Seule sa peau, légèrement bronzée par le soleil trahi sa condition actuelle d’errant mystique. Son visage ressemble à ceux du sud de la Chine. Je serai curieux de savoir d’où il est originaire.
Je lui fais signe d’approcher. Il s’avance et s’incline respectueusement devant moi, sans se prosterner toutefois. Il a lui aussi un léger sourire en coin. Nos regards se croisent et une légère émotion me traverse. C’est certainement le maître du Tao le plus… Charmant que j’ai rencontré de toute ma vie.
Je ne peux m’empêcher de caresser légèrement le flanc de mon visage avec ma griffe tandis que je lui lance sur un ton moqueur :
« Je vous imaginais un peu plus vieux, Maître. »
Il pouffe légèrement de rire avant de rétorquer sur le même ton :
« Je vous imaginais moins belle, ma Dame. »
Le courant semble passer, c’est déjà ça.
« Pardonnez le temps qu’il m’a fallu pour venir. J’étais dans des régions isolées de notre pays.
- Il n’y a rien à pardonner, Maître. C’était une invitation et non une convocation comme vous le savez.
- Vous n’êtes pas obligée de m’appeler « maître », appelez-moi Wu Jiahao.
- Dans ce cas, vous pouvez m’appeler Songzi Huayan. « Ambassadrice » sonne très bien pour le protocole mais en réalité je ne l’utilise pas vraiment au quotidien. »
Je me lève et toujours avec un léger sourire je descends les quelques marches qui me séparent de lui pour lui intimer de me suivre hors du hall. Les gardes, menés par Wuhan, nous suivent en direction des jardins où nous allons nous promener tranquillement.
« J’ai entendu dire par Long Xinya que vous étiez une adepte du Tao vous aussi ?
- En effet. Chengdu est une ville très marquée par ce dernier. Je me rends très régulièrement au Temple de la Chèvre Noire un peu plus loin pour rendre hommage à nos dieux. J’imagine que vous êtes déjà allé au Mont Qincheng ?
- Oui, c’est magnifique n’est-ce pas ?
- Mystique et merveilleux, oui. C’est un pèlerinage que j’ai fait lorsque j’étais un peu plus jeune. »
Nous continuons de discuter à propos des temples taoïstes de la ville avant de marquer un arrêt sous un des pavillons du jardin, près de l’eau. Au loin, on peut entendre légèrement les bruits du chantier du Temple des Arts. Xupeng nous apporte du thé. J’ai choisi un thé simple, absolument pas rare mais de très bonne qualité pour mon invité de marque. Ce n’est pas avec du thé exceptionnel que je pourrais m’en faire un allié.
« Wu Jiahao, je vous ai invité car je souhaitais m’entretenir avec vous de certaines opportunités qui commencent à se dégager au sein de notre organisation. Des possibilités que j’aimerais éventuellement partager avec vous. » commencé-je, tentant de voir sa première réaction.
Ce jeune homme est une forme d’énigme. Il m’est difficile de l’analyser tant il arrive à maîtriser ses expressions faciales et manuelles. Il va falloir que je me base sur ce qu’il dit pour en tirer des conclusions.
« Je suis le Consul du Taiji Quan. Vous êtes l’Ambassadrice et nous sommes tous les deux taoïstes et Hans… Vous pouvez me donner des ordres et je les exécuterai. Vous le savez et pourtant vous préférez m’en parler en souhaitant, j’imagine, ma collaboration. Pourquoi ? » rétorque-t-il sans aucune agressivité.
Sa voix n’est pas forte, mais elle a beaucoup d’énergie. On peut sentir que c’est un joueur. Il ne m’est pas hostile mais il semble vouloir me tester. Je fais mine de sourire légèrement, puis continue de répondre.
« Je pourrais, oui… dis-je tout en buvant un peu de thé, Malgré tout, je ne cherche pas à avoir des serviteurs qui ne font qu’exécuter des tâches que je leur confie. Je veux des alliés. Des personnes qui osent venir me parler lorsqu’ils ne sont pas d’accord avec moi, des personnes volontaires qui s’engagent de nos causes , des personnes en qui je peux avoir confiance… » conclu-je tout en regardant un instant la main de Jiahao sur la table avant de revenir à ses yeux.
Il a l’air de réfléchir brièvement, puis répond :
« C’est noble de votre part. Vous êtes certainement la personne chinoise la plus haute gradée après l’Empereur au Consulat. Nous partageons les mêmes croyances et d’après notre amie commune Long Xinya, bien plus. Allons droit au but. Proposez-moi ce à quoi vous pensiez et j’y réfléchirai avec assiduité. » lance-t-il, honnête et toujours avec un léger sourire charmeur.
Je me rapproche légèrement de la table, comme pour faire une confession à mon invité. Je fais mon regard de séductrice, même si je sais qu’Haojun me fera une petite réflexion plus tard à ce sujet. C’est pour le bien commun.
« Vous êtes au courant que je suis entrain de transformer la ville de Chengdu pour y installer un Temple des Arts ?
- Oui, Long Xinya m’a expliqué.
- Bien. Ces installations seront à la gloire de la civilisation chinoise, de notre empire et du Consulat. En plus de mettre en avant les arts et la culture de notre peuple, nous transmettrons également des savoirs. En effet, le Temple des Arts fera office en second lieu d’école. Des étudiants de l’Académie du Jardin Radieux mais aussi de tout l’Empire viendront ici. L'enseignement y sera gratuit et ouvert à tous.
- C’est un projet louable. Quel serait ma place dans tout cela ?
- Au service des étudiants. Il me faut quelqu’un estimé et inestimable pour diriger l’école. Superviser les professeurs et donner des cours. Le tout pour faire en sorte de mener le plus d’étudiants possibles sur… La bonne Voie. »
Il continue de me regarder, impassible. Il semble réfléchir tout en buvant quelques gouttes de thé. Il détourne son regard vers les jardins avant de revenir vers moi.
« C’est un poste à très haute responsabilité que vous souhaitez m’accorder. Je ne sais pas si j’en serai à la hauteur.
- Rien ne presse, Wu Jiahao. Le Temple n’est pas encore achevé.
- Pourriez-vous m’accorder quelques jours de réflexion pour me décider ? C’est un changement majeur pour moi, en tant que Consul autant qu’en tant que maître du Taiji Quan.
- Prenez votre temps. Comme vous pouvez peut-être l’entendre, les travaux ne sont pas encore finis. Les fondations sont achevées et les ouvriers et artisans commencent à peine à bâtir le reste. Nous avons bien plus que quelques jours de marge.
- Merci. Nous aurons peut-être le loisir d’en parler un peu plus lors de notre dîner de ce soir ?
- Bien plus qu’un loisir, ce sera un plaisir Wu Jiahao. »
Ceci étant fait, nous n’avons plus qu’à attendre le repas de ce soir avant de conclure cette première rencontre qui est pour l’instant placer sous les meilleurs auspices. Un beau brun ténébreux en plus à Chengdu… Cela va me changer de Francis.