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Nous sommes quatorze ans après les évènements de Kingdom Hearts 2. En tant d’années, les choses ont considérablement changé. Les dangers d’hier sont des soucis bénins aujourd’hui, et au fil du temps, les héros ont surgi de là où on ne les attendait pas. Ce sont les membres de la lumière qui combattent jour après jour contre les ténèbres.

Ce n’est plus une quête solitaire qui ne concerne que certains élus. C’est une guerre de factions. Chaque groupe est terré dans son quartier général, se fait des ennemis comme des alliés. Vivre dehors est devenu trop dangereux. Être seul est suicidaire. A vous de choisir.

La guerre est imminente... chaque camp s'organise avec cette même certitude pour la bataille.

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Sora ne pouvait s'empêcher de ressasser ce que la Générale venait de lui dire. Une fois sorti de la tente où se réunissait tout le haut commandement, il prit une longue inspiration. Autour de lui, le camp semblait en pause. On attendait les décisions. On savait que les quatre représentants de la Lumière partaient plus tard dans la journée. La Lumière avait rempli son rôle : le monde était sauvé, les ténèbres en étaient chassées. Charge aux rebelles de panser les blessures du monde et de reconstruire.

"Sans lui, cette guerre aurait été gagnée plus vite."

Primus avait sans doute raison. Aiden avait tué de nombreux rebelles, il avait maltraité le peuple de Nottingham. Pourtant, Sora ressentait un malaise à l'idée de le ramener avec eux au Château Disney.

"Les conditions dans nos cachots sont souhaitables pour un homme tel que lui."

Des cachots où il allait attendre et attendre encore son jugement. La Générale avait parlé d'un procès, peut-être, dans quelques années. Pourquoi pas plus tôt ? Et était-ce vraiment à la Lumière de le juger pour ses actions ? Qui pouvait être assez vertueux, assez juste pour décider du sort d'autres personnes, quoi que fussent leurs actes ? Il avait posé simplement la question : "Il ne devrait pas plutôt être jugé ici, dans son monde ?" Visiblement fatiguée, Primus lui avait répondu : "Je ne lui souhaite pas. De toutes façons, tout a été réglé avec le Shérif."

Sora n'avait pas insisté. Maintenant, ses pas le portaient dans les travées du campement, à travers la brume dense qui tardait à se dissiper et donnait au campement silencieux une allure fantomatique. A chaque foulée, il grimaçait. Ses jambes étaient trop lourdes, comme engourdies, et même si son ventre lui faisait moins mal, il se sentait bien fatigué. Une heure plus tôt, il s'était réveillé de son sommeil sans rêves avec la nausée. Sang-Bleu, dont il partageait la tente depuis son arrivée ici, l'avait traité de "Visage Très Pâle." Une portion de soupe lui avait depuis redonné un peu de force et de couleurs.

Non, quelque-chose clochait dans cette décision de ramener Aiden. Le Château Disney n'était pas son monde, il n'y avait aucun souvenir, aucune attache, aucun ami. Et c'était pire que ça, quand on y réfléchissait. La Lumière ne se contentait pas d'aider les mondes dans le besoin. Elle s'immiscait. Elle jugeait. Nul doute qu'elle enverrait des troupes pour conforter sa position ici. D'autres pions pour occuper ce que semblaient être devenus les mondes : de simples cases sur un échiquier.

Sora secoua la tête. Il délirait, sûrement la fatigue. Mieux valait la Lumière que la Coalition Noire, assurément. Pourtant...

Si tous les voyages de Sora lui avaient appris une chose, c'était que chaque monde était unique. Chacun avec ses héros, son histoire, ses merveilles. "Il ne faut pas déranger l'ordre des mondes". Cette phrase, il l'avait entendue beaucoup de fois dans la bouche de Donald et Dingo. Il n'y avait pas accordé tant d'importance que ça à l'époque, trop passionné, trop curieux de ce qu'il pouvait encore découvrir. Maintenant, il comprenait. Déranger les mondes, s'y immiscer de trop, c'était leur enlever de cette magie dont il s'était goulument rassassié plus jeune.

C'était aussi les rendre plus visibles, les élever en cibles pour ceux qu'on désignait ennemis. Que faire, alors, pour empêcher ça ? Verouiller les Entrechemins ? Ridicule, la Shinra était déjà partout. Ses circuits interstellaires étaient autant de veines où pouvaient librement se propager venin et corruption. Il était trop tard, le mal était fait, il se répandait de manière continue dans les mondes, contaminait les coeurs faibles comme un virus. Ici Kefka, là-bas Death. Combien d'autres encore ? Qui donc pouvait les arrêter ? Qui était assez fort ?

Sora posa la main sur un ratelier d'armes pour reprendre son souffle, rauque. Bien vite, une toux féroce le prix. Il toussa encore et encore, croyant que ses poumons brûlants allaient remonter par sa gorge. Quand, les yeux rougis, il put de nouveau respirer normalement, il leva la tête. La brume l'empêchait de bien voir mais Sora le savait : derrière ses nombreux voiles, le ciel était toujours le même.

Tout ça était vraiment trop compliqué pour lui, pensa-t-il. Il n'était pas très intelligent, ça il le savait, on le lui avait assez répété. Suivre son coeur était plus à sa portée. Et même si ses battements l'avaient poussé dans des directions contraires depuis son retour, ils l'amenaient maintenant, dans un rythme régulier, vers Aiden.

Chaque chose en son temps.

***

Aiden était avec les autres prisonniers, dans un coin reculé, brumeux et boueux du camp, sous bonne garde, les pieds et les poings enchaînés. Des gamelles de soupe à moitié vides trainaient non loin, trop loin pour les prisonniers.

Quand il le vit, Sora en fut d'abord répulsé. Pourquoi aurait-il pitié de ce rat, pourquoi même avait-il voulu défendre sa liberté auprès de la Générale ? Il avait tué Freyja, il avait ôté la vie de son amie, et il lui ressemblait bien trop ! Puis Sora se remémora le cimetière bordant la chapelle de Frère Tuck. Cette croix parmi toutes les autres, un peu à l'écart, sur laquelle personne n'était allé se recueillir. Même lui avait trouvé ça au dessus de ses forces. Aiden l'aurait fait. Il repensa à ce moment, quand Aiden l'avait aidé à battre le sans-coeur et sa boule de cristal, il se souvint de la colère sourde qu'il avait choisi de réveiller, de ne plus contrôler. Comment pouvait-il continuer à en vouloir a Aiden ? A suivre ce chemin, il finirait comme lui, aveuglé par sa propre haine.

*C'est pourtant toi qui te voiles la face. Je ne veux que te montrer la vérité.*

*Tais-toi. Tais-toi. Silence.* Il ne se sentait pas la force de faire face à la voix dans sa tête, pas maintenant, pas aujourd'hui.

*Tu perds ton temps. Rentre vite au Château, imbécile. Tu es malade.*

Sora serra les dents. Comme à propos, une nouvelle quinte de toux menaçait de le prendre. Il suait, pourtant il ne faisait pas bien chaud ce matin. Juste un rhume, c'était juste un rhume. Il le chassa de son esprit et s'agenouilla face à Aiden, cherchant à capter son regard. Aiden le tortionnaire. Aiden le meurtrier.

"Je viens d'apprendre que vous allez venir avec nous, au Château Dis... dans le monde où la Lumière s'est installée. On vous mettra aux cachots là-bas, et votre procès n'est pas pour tout de suite." C'était un euphémisme. Sora poussa un soupir sifflant. "J'aimerais pouvoir faire quelque-chose."

Oh, il pouvait. Prétexter qu'il devait l'amener à la Générale, briser ses chaînes et le laisser fuir. Désobéir ne lui faisait pas peur d'habitude, il avait même déjà désobéi à un roi. Seulement cette fois il était seul et Primus ne pardonnerait certainement pas aussi facilement que Mickey. Il s'assit dans la gadoue,  entre Aiden et un autre prisonnier, un loup bien amoché, aux plaies putrides mais à l'air digne. Les bras autour des genoux, Sora pencha la tête vers le rat. "Vous n'aurez aucune récompense pour ce que vous avez fait. Vous saviez que de toute manière, ça allait mal se terminer pour vous. Mais vous l'avez fait quand même." Il fronça les sourcils. "Pourquoi ?"

Cette question lui trottait dans la tête depuis ce moment. Le moment où, répondant a sa supplique, Aiden, se sachant condamné, ayant tout perdu, avait choisi de sauver le monde.
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Un regard las, le rat fixait le regard du gamin avant de ruminer sa rage en fixant ses pieds. Encore des chaînes. L’envie de plonger sa gueule dans la boue, s’étouffer dans celle-ci ou du moins oublier pour une heure le visage de son compagnon de pilori. Depuis le temps que l’ancien Shérif traînait ici, à même le sol et pareil à une bête, il avait eu le temps de détailler la gueule sclérosée du loup.

Du temps… Il ne lui restait rien de plus et il allait devoir le partager avec lui. Grimaçant, se redressant, faisant cliqueter le métal et craquer son dos.

Avait-il réellement autre chose à foutre que de répondre à sa question. Il relevait son regard, témoignant du manque de temps qu’il avait passé à se reposer et à se remémorer la même scène. Encore et toujours le même visage. Celui qu’il voyait se décomposer et qu’il prenait maintenant place sur chacune de ses victimes lors de cet affrontement.

- Pourquoi.
Il répétait la dernière question de son interlocuteur, prenant soin à le détailler. Sora n’était probablement pas dans un meilleur état que lui. Après tout, il avait eu le temps de sortir du château avant de s’écrouler.

- Nous sommes deux à chercher une réponse à cette question. Pas de chance ?
Il se retournait, déposant ses deux mains sur ses cuisses et roulait ses épaules. La douleur s’invitait à ses mouvements, il se rappelait alors pourquoi il restait immobile depuis tout ce temps. Toutefois, il continuait à jouer ce rôle qu’on lui accordait. Depuis tout ce temps, il n’y avait jamais eu qu’une seule personne pour croire en lui.

Aujourd’hui, elle était morte.

- Tu veux quoi, la rédemption ? Oui, c’est probablement cette raison. Moi, le terrible Shérif, j’ai causé tellement de tort qu’une idée m’a frôlé l’esprit. Si… Je sauvais le monde ou que j’allais abattre Kefka moi-même ? Jamais les rebelles ne chercheront à me faire prisonnier et ils me laisseront vivre ma vie.
Il ricanait, nerveusement, le son partait dans les aigus à cause de la douleur dans ses côtes.

- Non, j’ai mieux. Sauver le héros de la Lumière. Tu sais, dès le début de l’attaque, nous t’avons remarqué à fanfaronner devant les murs. Cerbère hurlait pour t’abattre. Dommage que tu sois encore en vie. Alors, si grâce à une raclure comme moi, t’étais vivant ? Il y avait moyen de négocier.
Il hochait la tête, cherchant lui-même à croire à ses propres histoires.

- Quoi que, les cachots d’un autre monde ? Je m’en sors pas trop mal.
Aiden rigolait presque de cela, s’offrant le luxe de gâcher ce temps dans ses délires. Lentement, il reprenait son ton las, s’affaissant sur lui-même. Maintenant que le temps défilait et créait lui-même le malaise, il se permettait de souffler sa propre question dans un murmure.

- Où est-elle.
Après tout, c’était tout ce qui lui restait.


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"Vous dites n'importe quoi."

Sora n'en était pas certain mais il voulait s'en convaincre. Aucune des réponses d'Aiden ne le satisfaisait, lui qui était venu chercher un peu de réconfort, un peu de sens, quelque-chose qu'il pouvait rattacher à ses expériences passés. Le rat n'aurait préservé son monde que par intérêt personnel, juste pour sauver sa peau ? Il ne paraissait même pas soucieux de devoir quitter Sherwood.

*Comme c'est étonnant.*

Pire, Aiden le mettait lui, Sora, dans la balance. Une monnaie d'échange, voilà ce que son statut de "héros", ses exploits passés faisaient de lui. Une pièce à négocier, à manipuler. Et à bien y réfléchir, c'était vrai. D'autres avant le rat avaient essayé de se servir de lui, d'autres essaieraient encore. Maléfique, l'Organisation...

*Yen Sid. Primus.*

Sora grogna. La brume qui les entourait, lui, Aiden et le loup, était si consistante qu'il lui semblait impossible de ne pas l'avaler. Elle lui donnait le tournis, menaçait de l'étouffer. Aiden avait beau les avoir sauvé, lui et le monde, il n'arrivait pas à lui en être reconnaissant. Peut-être que la Générale avait raison : si ses actes n'étaient guidés que par le désir de survivre, s'il ne subsistait en lui aucune espèce d'empathie, rien d'altruiste, alors il ne méritait pas d'être sauvé. Peut-être qu'il ne suffisait pas de bien agir pour être une bonne personne. Peut-être que personne n'était vraiment bon, en fin de compte.

Cette réflexion le fit baisser les yeux sur la gadoue entre ses pieds.

Non, ce n'était pas possible. Aiden mentait, il devait y avoir autre chose, il le sentait, il le savait, il l'avait vu. Il l'entendait encore quand Aiden murmurait "Ou est-elle."

*Toi et les causes perdues. D'abord Freyja, maintenant lui. Tu n'as pas retenu la leçon ?*

Oh, il savait où était Freyja, son amie. Il savait surtout où elle n'était pas, et il avait du mal à le supporter. Il avait gambergé des jours et des nuits là-dessus, sans pouvoir l'expliquer. Ainsi, c'est sans aucune gaieté qu'il se releva pour faire face au rat et répondre à sa question, la voix sèche : "Elle est avec vous." Puis, plus bas, entre ses dents et le poing serré : "C'est vous qu'elle a choisi." Ca lui faisait mal de le dire mais c'était la réalité, aussi injuste semblait-elle.

Il lui prenait soudain l'envie d'étrangler Aiden, qui osait lui tourner le dos. La nuque s'offrait quasiment à lui. Une nouvelle quinte de toux le saisit et bien qu'il en eut la volonté, il ne pouvait l'arrêter. *Abrège ses souffrances. Quelque part, tu lui rendras service. Il va juste moisir au cachot.* Sa main alla machinalement se fourrer dans sa poche droite et ses doigts effleurèrent la rugosité des coquillages thalassa. Cela lui procura un peu de réconfort, un soulagement. Quand sa toux se calma enfin, il contourna Aiden pour se planter face à lui, essouflé, les yeux brillant un peu. "Dites-moi la vérité. Vous l'avez fait pour elle. Parce qu'elle le voulait."

Ce n'était qu'un espoir infime, une petite lueur dans le brouillard à laquelle Sora vouvait encore se raccrocher. Comment la serrure aurait-elle pu se refermer autrement ?
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Le rat relevait les yeux, quelque chose en lui l’interdisait de détacher son regard. Immobile dans la boue, il n’avait rien à ajouter ou à dire à Sora. Pourtant, il écoutait.

- Qu’est-ce que ça change ? Rien.
Il avait volontairement laissé le silence planer avant de répondre à sa propre question.

- Elle n’est plus là, pour le voir.
Il soufflait du nez, négligemment, rappelant à Aiden que Sora n’avait pas répondu à sa propre question. Ou bien, il venait de lui parler par énigmes. Freyja n’était plus là et rien n’y changerait. Aucun hybride, humain ou Dieu n’y changerait quelque chose. Et qui était-il pour parler ainsi ?! Il s’énervait pour rien. Péniblement, il ramenait ses mains liées au niveau de son abdomen et abandonnait l’idée de lui répondre.

Aiden n’a jamais été un rebelle, il n’avait rien fait de plus que d’alimenter la machine de guerre. Il était responsable de bien trop d’horreur pour encore chercher à se cacher derrière quelques excuses.

- Freyja ne connaissait rien de Sherwood, elle vivait dans une bulle à l’écart de ce que Kefka créait. Une chaumière, un verger et un champ. Elle n’avait rien d’autre. Son père devait chercher à la protéger des rumeurs de la ville, j’imagine. Il y a encore huit ans, elle était une gamine qui rêvait de quitter sa chaumière et découvrir ce que le monde avait à lui offrir.
Des histoires… Toute une vie rythmée par des légendes et un gamin un peu trop curieux pour venir lui raconter ce qu’elle attendait.

Cette époque lui semblait beaucoup plus simple, oubliée.

Pourtant, il était encore là, dans la boue et à se remémorer des souvenirs qu’il était aujourd’hui le seul à connaître. Dorénavant, il se retrouvait à les partager. Il n’y avait rien de pire que l’oubli, ils étaient deux à le savoir et Aiden n’avait qu’une crainte. Celle que la fille qu’il avait appris à aimer finisse par définitivement disparaître.

Quelqu’un unissait Sora et Aiden, c’était elle et il n’avait pas besoin de plus.

- Ce n’est pas moi le sauveur de ce monde, ce n’est pas toi ou encore la générale. C’est elle. Elle était là, à côté de nous et c’est encore elle qui a écouté tes conseils.
Si seulement Aiden n’avait pas attendu qu’elle soit morte pour l’écouter. Maintenant, il se revoyait partir sans elle et prendre le premier vaisseau en direction de Sherwood en suivant la seule motivation qui l’animait. Celle d’être son sauveur. Force est de constater que même ça, il en était incapable.

Les yeux dans les yeux, il répétait sa dernière question en espérant que cette fois ? Il, daignerait y répondre.

- Où est-elle. S’il vous plaît.
Il n’y a rien de pire que l’oubli, il voulait savoir où elle se trouvait pour s’en souvenir.


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D'abord, Sora serra les dents. A quel jeu jouait Aiden ? Le rat répondait à côté de la plaque et sa patience, déjà entamée par le manque de sommeil, la douleur et les questionnements, menaçait de disparaître une bonne fois pour toutes.

Puis le rat évoqua l'enfance de Freyja dont Sora ne savait rien. Ce ne fut pas le désir d'aventure de la jeune rate qui le troubla. Dans la tête de Sora, tous les enfants rêvaient de découvrir le monde. Non, ce fut autre chose qui lui fit ravaler sa salive : la réalisation que Freyja ne lui avait jamais parlé de ça.

Car Sora était en train de comprendre une chose, à son grand désarroi : il ne connaissait pas vraiment Freyja. Il ne l'avait pas autant cotoyée que Riku, que Kairi, que Donald et Dingo. Ses amis. Et les personnes qu'il avait croisé aux quatre coins de l'univers, avec lesquelles il s'était lié ? Il aimait les appeler ainsi : des amis. Il l'avait proclamé haut et fort, satisfait à l'idée que simplement le penser en faisait une vérité partagée.

Une angoisse le saisit et, comme au cimetière, il se sentit vaciller. Le lien entre Freyja et Aiden était si fort car il s'était nourri du temps. Freyja avait choisi Aiden même s'il ne croyait plus en elle. Ce n'était pas étonnant pour Sora, en fin de compte. N'avait-il pas lui même continué à croire en ses amis, même quand ceux-ci lui donnaient toutes les raisons d'arrêter ?

Comme d'habitude, dès son arrivée dans ce monde, il avait voulu aller vite, trop vite, en proclamant sa vérité. Il avait voulu faire ce qu'il savait faire, comme avant. Mais, le rat l'avouait, c'était la force du lien entre Freyja et Aiden qui avait sauvé le monde. Sora aurait du en être soulagé : il y avait bien un sens à ce qui s'était passé, une logique qui correspondait à sa propre expérience ! Pourtant, il ressentait toujours un certain malaise, une aigreur volatile. Et, réalisait-il enfin, ce n'était pas à cause de la mort de Freyja. Non, ce qui faisait plus que l'attrister, ce qui le minait profondément, c'était que...

Freyja n'était pas son amie.
Et il n'était pas au centre de l'histoire.

Avant son départ pour Sherwood, il avait vu Roxas, et Roxas lui avait dit qu'il n'était plus le héros. Bien sûr, Sora avait acquiescé. Mais c'était si dur. Si dur de croire que ce temps là était révolu. Et tout ici semblait lui prouver que c'était bel et bien le cas.

Ses épaules s'étaient affaissées. En face de lui, Aiden répétait la même question, comme une supplique désespérée. "Ou est-elle." Bon sang, pourquoi ne comprenait-il pas ? "Je vous l'ai dit. Elle est-"
"Ce n'est pas à toi qu'il parle."
"Hein ?"
Sora se tourna vers le loup blessé, prisonnier, qui était resté jusque là agenouillé et stoïque à observer la scène. L'animal montra ses crocs pour répondre, du mépris dans la voix : "Tu n'es qu'un humain. Un humain ne peut pas répondre à cette question. Tout comme un humain ne peut la ramener. Elle est morte et sera oubliée." Sora fronça les sourcils, répliquant du tac au tac : "Tu te trompes !" Ce qui provoqua un rire appuyé, sardonique du loup. "Tu es bête à t'acharner de la sorte. Le remords finira par vous perdre, toi et les tiens. Il vous rend faibles."

*Je l'aime bien, lui.*
"Silence", ordonna Sora. "Je te signale que vous avez perdu."
"Vraiment ? A vous voir, je flaire que c'est bien temporaire."
*Il a raison et tu le sais. Cette guerre ne peut pas être gagnée. Tu perds ton-*
"Silence !" répéta Sora et il balança son coude dans la machoire du loup. Celle-ci craqua sous la force du coup et, le souffle rauque, l'animal gronda. Sora le regardait, un peu surpris : avait-il vraiment fait ça ? Le loup ne dit rien. Il se contenta de retrousser ses babines et lui sourire.

Comment le détromper ? Comment prouver que Freyja n'était pas perdue ? Ca aurait été tellement plus facile s'il se sentait lié à elle. Mais, et y repenser lui faisait mal, c'était à Aiden de jouer. Sora réfléchit un instant en se massant le nez, le regard distraitement posé sur le rat aux yeux perdus. Mais oui ! Il existait bien un moyen de préserver les souvenirs. "Je reviens !" affirma-t-il avec un entrain renouvelé, faisant volte-face pour fendre la brume.

Lorsqu'il fut de retour, toussotant, transpirant de son maigre effort, il tenait dans ses mains un carnet relié de cuir, un encrier et une plume effilochée. Il s'assit à côté d'Aiden aux poings liés. Peu importait la gadoue, peu importait le peu de temps qu'il leur restait avant de devoir retourner au Château Disney. Il arracha vivement les premières pages déjà noircies du carnet, trempa la plume dans l'encrier qu'il avait posé à terre dans la boue et leva les yeux vers Aiden.

"Parlez-moi encore d'elle."

Le loup grogna et détourna la tête.

Par delà la brume, chatouillant la cime de la Forêt de Sherwood, le soleil se levait encore.
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