Mini-série
Cette blessure aura ma peau. Je le sens au plus profond de mes entrailles.
Chaque mouvement, chaque inspiration, chaque expiration… Tout devient douloureux. Personne n’a aucune idée de quelle poison il s’agit et même si certains le savent, beaucoup des médecins ont été mobilisé pour préparer les infirmeries de fortune.
Ils ont arrêté le saignement, mais la douleur elle, continue. Le temps me manque.
Je penche un peu la tête sur le côté. Ça tire. Mes muscles sont crispés. Je regarde Huayan, à mon chevet depuis l’incident. Quand les serviteurs ne sont pas là et que j’ai les yeux fermés, elle pleure. Elle doit croire que je dors mais… Je ne peux pas. Je n’y arrive pas. Même les calmants n’ont pas l’air de faire beaucoup d’effet.
Cette femme, je l’aime.
Je l’ai toujours aimé. Pourtant, depuis que je suis allongé sur ce lit, le poids de la culpabilité m’alourdit les épaules de plus en plus. Je ne lui ai pas donné la vie qu’elle méritait et au final, tout ce qui nous arrive aujourd’hui, à tous les deux : c’est entièrement ma faute et ma responsabilité.
Ils ont l’espoir de me guérir, ou au moins Huayan : je sais que ce ne sera pas sûrement le cas.
Est-ce que j’ai peur de la mort ? Non. Elle doit bien venir un jour ou l’autre, tôt ou tard. Ce qui me pétrifie, c’est le fait de la laisser elle avec notre fils.
Je… Je pensais vraiment que tout son plan pouvait marcher. Nous aurions pu continuer à vivre, heureux ici dans le sud. Loin des préoccupations de tous. J’aurai tellement voulu voir mon fils grandir… Je ne verrai jamais tous ces moments de joie et de bonheur futurs.
J’ai été trop faible, trop égoïste, trop inconscient. Voilà le résultat.
Ma femme va aller combattre sur les remparts de sa ville natale, pendant que moi je suis là à dépérir lentement mais sûrement et ce malgré tous les soins qu’elle tente de m’appliquer. Je suis devenu quelque chose que tout homme redoute : je suis impuissant.
Je ne peux pas me lever, je ne peux pas bouger et je suis trop faible pour utiliser mes pouvoirs. Un poids mort, un futur cadavre sans intérêt. Un homme qui va mourir sans connaître le son de la voix de son propre enfant : n’est-ce pas un sort misérable ?
« Tu as l’air bien pensif tout d’un coup. Repose toi l’esprit, Haojun. Ne pense pas trop et concentre-toi sur ta guérison. » me rappelle la douce voix de mon épouse.
J’aimerais bien Huayan. Lorsque je te vois ainsi, je regrette tellement mes décisions passées… Si seulement je pouvais trouver un moyen de gagner du temps… De tromper l’au-delà pendant au moins un temps…
Je ferme un instant les yeux… Énervé. Je me calme un peu et je me concentre… Je dois trouver une solution ! Je veux continuer d’être aux côtés de ma femme et de mon fils ! Il doit bien exister un moyen !
Je me rappelle d’une chose… Je me suis rendu comme témoin silencieux dans un rêve du « Lieutenant » Harch. Son esprit semblait plutôt enjoué de contempler une marque sur le bras de Huayan. Une marque magique sombre… Un pacte. Elle m’en avait parlé en effet. Elle ne m’avait pas dit clairement avec qui, mais c’était une entité ténébreuse.
Un choix que je n’ai pas approuvé, mais qui suis-je pour critiquer le choix des autres ?
Harch a des rêves des plus terribles que l’on pourrait aisément ranger dans la catégorie des cauchemars. Suite à cette discussion avec Huayan, il a rêvé à des morts-vivants. C’était suffisamment inhabituel pour que je le relève. Il faut que je confirme mes doutes auprès de ma femme.
« Huayan… » tenté-je, avant de m’arrêter par une brusque quinte de toux qui m’arrache les poumons.
Arf… Ça fait mal. Je dois continuer.
« Huayan. Je dois savoir. Tu as un haut niveau de nécromancie à présent non ? »
Elle me regarde avec des yeux grands ouverts. Elle se retourne pour vérifier que personne n’a entendu. Elle me répond en se penchant très près de moi.
« Tu es fou ! Pourquoi est-ce que tu me demandes ça maintenant ? Quelqu'un pourrait t'entendre ! »
Sa réaction répond à mon interrogation. Je réunis quelques forces pour bouger ma main pour prendre la sienne et la serrer contre moi. Il y a peut-être encore une chance pour moi de gagner du temps.
« Si je meurs…
- Ne commence pas à dire des choses pareilles. Tu ne vas pas mourir.
- Si je meurs… Il faut que tu me gardes avec toi et Yue. »
Elle me regarde avec questionnement. Elle ne comprend pas vraiment ce que je veux dire. Je peux le percevoir, elle ne s’y attend pas vraiment.
« Utilise tes pouvoirs pour garder mon âme. Il est hors de question que je parte maintenant, c’est trop tôt. »
Elle ne semble pas d’accord, pas d’accord du tout même. Son visage triste se voile pour devenir plus froid et impassible.
« Hors de question. La nécromancie est une magie risquée. Je ne souillerai pas ton âme, Haojun. Jamais.
- Il doit bien y avoir un sort qui pourrait contourner le problème sans influencer mon âme en tant que tel non ? »
Elle réfléchit un instant. Puis revient vers moi.
« Oui. Mais je refuse quand même. Pourquoi tu parles de cela maintenant ? Tu t’en sortiras, il faut juste du temps pour que tu te rétablisses.
- Peut-être. Ou peut-être pas. Écoute Huayan, j’ai été un mauvais mari et un mauvais père. Ce n’est pas une « envie », c’est un besoin pour moi. Promet-le moi, si je meurs… Garde mon âme auprès de toi pour un moment et lorsque je sentirai qu’il est vraiment temps, tu pourras me relâcher.
- Non. »
Elle fait sa tête de mule. Il va falloir que j’y aille plus fort.
« Il est hors de question que je t’impose cette…
- Huayan, je suis ton mari et tu feras ce que je te demande ! S’il te plaît ! »
J’hausse exceptionnellement le ton contre elle. Ce n’est pas méchant ou agressif, juste j’impose mon autorité à la sienne. Il faut qu’elle accepte, elle doit comprendre que c’est important pour moi. Je me fiche des risques : je veux la voir elle et Yue. Il est impensable pour moi d’attendre aussi longtemps seul dans l’au-delà sans eux.
Elle n’est pas en colère. Elle sait ce que je veux, nous nous connaissons assez pour ça. Elle finit par hocher légèrement la tête.
« Comme tu le voudras Haojun. Je ferai de mon mieux pour que tout se passe bien s’il t’arrive malheur. Maintenant, concentre-toi sur ta guérison au lieu de palabrer sur des insanités. La nécromancie... On voit que tu ne sais pas ce que c'est. C'est dangereux. Je sais de quoi je parle. »
En temps normal, elle m’aurait probablement giflé. C’est comme ça aussi que je peux voir qu’elle va mal. Elle le prend comme une suite logique des choses. Tsss… Quel con je suis. Quel con.
Notre lien est si fort… Aucun de nous deux ne veut le briser ou le perdre. Je comprends qu’elle soit contre l’idée mais… Je refuse de partir maintenant. Ce n’est pas juste pour Huayan et encore moins pour Yue. Cette solution peut être temporaire, le temps qu’elle et moi puissions trouver un moyen de remettre les choses dans un ordre plus équitable.
J’espère aussi que les soins marcheront mais… La douleur est si forte. Même si la plaie a été refermée et que le sang ne coule plus, je sens la maladie se répandre dans mes veines et dans mes organes. Cette sensation… Je peux la décrire comme si un serpent s’insinuait lentement dans mon corps.
Il s’enroule autour de mes os, se frotte à mon cœur, me noue la gorge, me brûle le sang de son poison… Je ne sens déjà plus mes jambes, je ne peux plus les bouger. Il m’a volé toutes mes forces.
Il faut garder espoir. Comme le dit Huayan, il y a peut-être encore une chance. Les médecins et les alchimistes trouveront peut-être quelque chose pour me requinquer. J’ai entendu dire que le père de Long Xinya l’a formé à l’alchimie taoïste : peut-être seront-ils en mesure d’apaiser ma douleur et la soigner avant la bataille. Je l’espère sincèrement.
« Je vais me reposer maintenant…
- Oui mon chéri, vas-y. Je vais veiller sur toi. Prend ton médicament d’abord… Voilà. Allez, ne pense plus à rien et repose ton corps et ton esprit. Ça va aller, tout ira mieux demain. »
Je ferme les yeux après avoir ingurgité le doux liquide amer. Aucune idée de ce que c’est, mais si ça marche j’en prendrais tous les jours s’il le faut. Peu avant de m’endormir, j’ai l’occasion d’entendre brièvement un échange entre ma femme et Xinya.
« Faites-en sorte qu’il survive. Je… Je ne peux pas le perdre. Notre fils a besoin de son père.
- Je comprends Madame Song. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir avec les deux médecins sous vos ordres pour le soigner. Je ne vous promets pas une guérison parfaite mais je ferai au mieux.
- Très bien… Faites votre possible. »
Chaque mouvement, chaque inspiration, chaque expiration… Tout devient douloureux. Personne n’a aucune idée de quelle poison il s’agit et même si certains le savent, beaucoup des médecins ont été mobilisé pour préparer les infirmeries de fortune.
Ils ont arrêté le saignement, mais la douleur elle, continue. Le temps me manque.
Je penche un peu la tête sur le côté. Ça tire. Mes muscles sont crispés. Je regarde Huayan, à mon chevet depuis l’incident. Quand les serviteurs ne sont pas là et que j’ai les yeux fermés, elle pleure. Elle doit croire que je dors mais… Je ne peux pas. Je n’y arrive pas. Même les calmants n’ont pas l’air de faire beaucoup d’effet.
Cette femme, je l’aime.
Je l’ai toujours aimé. Pourtant, depuis que je suis allongé sur ce lit, le poids de la culpabilité m’alourdit les épaules de plus en plus. Je ne lui ai pas donné la vie qu’elle méritait et au final, tout ce qui nous arrive aujourd’hui, à tous les deux : c’est entièrement ma faute et ma responsabilité.
Ils ont l’espoir de me guérir, ou au moins Huayan : je sais que ce ne sera pas sûrement le cas.
Est-ce que j’ai peur de la mort ? Non. Elle doit bien venir un jour ou l’autre, tôt ou tard. Ce qui me pétrifie, c’est le fait de la laisser elle avec notre fils.
Je… Je pensais vraiment que tout son plan pouvait marcher. Nous aurions pu continuer à vivre, heureux ici dans le sud. Loin des préoccupations de tous. J’aurai tellement voulu voir mon fils grandir… Je ne verrai jamais tous ces moments de joie et de bonheur futurs.
J’ai été trop faible, trop égoïste, trop inconscient. Voilà le résultat.
Ma femme va aller combattre sur les remparts de sa ville natale, pendant que moi je suis là à dépérir lentement mais sûrement et ce malgré tous les soins qu’elle tente de m’appliquer. Je suis devenu quelque chose que tout homme redoute : je suis impuissant.
Je ne peux pas me lever, je ne peux pas bouger et je suis trop faible pour utiliser mes pouvoirs. Un poids mort, un futur cadavre sans intérêt. Un homme qui va mourir sans connaître le son de la voix de son propre enfant : n’est-ce pas un sort misérable ?
« Tu as l’air bien pensif tout d’un coup. Repose toi l’esprit, Haojun. Ne pense pas trop et concentre-toi sur ta guérison. » me rappelle la douce voix de mon épouse.
J’aimerais bien Huayan. Lorsque je te vois ainsi, je regrette tellement mes décisions passées… Si seulement je pouvais trouver un moyen de gagner du temps… De tromper l’au-delà pendant au moins un temps…
Je ferme un instant les yeux… Énervé. Je me calme un peu et je me concentre… Je dois trouver une solution ! Je veux continuer d’être aux côtés de ma femme et de mon fils ! Il doit bien exister un moyen !
Je me rappelle d’une chose… Je me suis rendu comme témoin silencieux dans un rêve du « Lieutenant » Harch. Son esprit semblait plutôt enjoué de contempler une marque sur le bras de Huayan. Une marque magique sombre… Un pacte. Elle m’en avait parlé en effet. Elle ne m’avait pas dit clairement avec qui, mais c’était une entité ténébreuse.
Un choix que je n’ai pas approuvé, mais qui suis-je pour critiquer le choix des autres ?
Harch a des rêves des plus terribles que l’on pourrait aisément ranger dans la catégorie des cauchemars. Suite à cette discussion avec Huayan, il a rêvé à des morts-vivants. C’était suffisamment inhabituel pour que je le relève. Il faut que je confirme mes doutes auprès de ma femme.
« Huayan… » tenté-je, avant de m’arrêter par une brusque quinte de toux qui m’arrache les poumons.
Arf… Ça fait mal. Je dois continuer.
« Huayan. Je dois savoir. Tu as un haut niveau de nécromancie à présent non ? »
Elle me regarde avec des yeux grands ouverts. Elle se retourne pour vérifier que personne n’a entendu. Elle me répond en se penchant très près de moi.
« Tu es fou ! Pourquoi est-ce que tu me demandes ça maintenant ? Quelqu'un pourrait t'entendre ! »
Sa réaction répond à mon interrogation. Je réunis quelques forces pour bouger ma main pour prendre la sienne et la serrer contre moi. Il y a peut-être encore une chance pour moi de gagner du temps.
« Si je meurs…
- Ne commence pas à dire des choses pareilles. Tu ne vas pas mourir.
- Si je meurs… Il faut que tu me gardes avec toi et Yue. »
Elle me regarde avec questionnement. Elle ne comprend pas vraiment ce que je veux dire. Je peux le percevoir, elle ne s’y attend pas vraiment.
« Utilise tes pouvoirs pour garder mon âme. Il est hors de question que je parte maintenant, c’est trop tôt. »
Elle ne semble pas d’accord, pas d’accord du tout même. Son visage triste se voile pour devenir plus froid et impassible.
« Hors de question. La nécromancie est une magie risquée. Je ne souillerai pas ton âme, Haojun. Jamais.
- Il doit bien y avoir un sort qui pourrait contourner le problème sans influencer mon âme en tant que tel non ? »
Elle réfléchit un instant. Puis revient vers moi.
« Oui. Mais je refuse quand même. Pourquoi tu parles de cela maintenant ? Tu t’en sortiras, il faut juste du temps pour que tu te rétablisses.
- Peut-être. Ou peut-être pas. Écoute Huayan, j’ai été un mauvais mari et un mauvais père. Ce n’est pas une « envie », c’est un besoin pour moi. Promet-le moi, si je meurs… Garde mon âme auprès de toi pour un moment et lorsque je sentirai qu’il est vraiment temps, tu pourras me relâcher.
- Non. »
Elle fait sa tête de mule. Il va falloir que j’y aille plus fort.
« Il est hors de question que je t’impose cette…
- Huayan, je suis ton mari et tu feras ce que je te demande ! S’il te plaît ! »
J’hausse exceptionnellement le ton contre elle. Ce n’est pas méchant ou agressif, juste j’impose mon autorité à la sienne. Il faut qu’elle accepte, elle doit comprendre que c’est important pour moi. Je me fiche des risques : je veux la voir elle et Yue. Il est impensable pour moi d’attendre aussi longtemps seul dans l’au-delà sans eux.
Elle n’est pas en colère. Elle sait ce que je veux, nous nous connaissons assez pour ça. Elle finit par hocher légèrement la tête.
« Comme tu le voudras Haojun. Je ferai de mon mieux pour que tout se passe bien s’il t’arrive malheur. Maintenant, concentre-toi sur ta guérison au lieu de palabrer sur des insanités. La nécromancie... On voit que tu ne sais pas ce que c'est. C'est dangereux. Je sais de quoi je parle. »
En temps normal, elle m’aurait probablement giflé. C’est comme ça aussi que je peux voir qu’elle va mal. Elle le prend comme une suite logique des choses. Tsss… Quel con je suis. Quel con.
Notre lien est si fort… Aucun de nous deux ne veut le briser ou le perdre. Je comprends qu’elle soit contre l’idée mais… Je refuse de partir maintenant. Ce n’est pas juste pour Huayan et encore moins pour Yue. Cette solution peut être temporaire, le temps qu’elle et moi puissions trouver un moyen de remettre les choses dans un ordre plus équitable.
J’espère aussi que les soins marcheront mais… La douleur est si forte. Même si la plaie a été refermée et que le sang ne coule plus, je sens la maladie se répandre dans mes veines et dans mes organes. Cette sensation… Je peux la décrire comme si un serpent s’insinuait lentement dans mon corps.
Il s’enroule autour de mes os, se frotte à mon cœur, me noue la gorge, me brûle le sang de son poison… Je ne sens déjà plus mes jambes, je ne peux plus les bouger. Il m’a volé toutes mes forces.
Il faut garder espoir. Comme le dit Huayan, il y a peut-être encore une chance. Les médecins et les alchimistes trouveront peut-être quelque chose pour me requinquer. J’ai entendu dire que le père de Long Xinya l’a formé à l’alchimie taoïste : peut-être seront-ils en mesure d’apaiser ma douleur et la soigner avant la bataille. Je l’espère sincèrement.
« Je vais me reposer maintenant…
- Oui mon chéri, vas-y. Je vais veiller sur toi. Prend ton médicament d’abord… Voilà. Allez, ne pense plus à rien et repose ton corps et ton esprit. Ça va aller, tout ira mieux demain. »
Je ferme les yeux après avoir ingurgité le doux liquide amer. Aucune idée de ce que c’est, mais si ça marche j’en prendrais tous les jours s’il le faut. Peu avant de m’endormir, j’ai l’occasion d’entendre brièvement un échange entre ma femme et Xinya.
« Faites-en sorte qu’il survive. Je… Je ne peux pas le perdre. Notre fils a besoin de son père.
- Je comprends Madame Song. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir avec les deux médecins sous vos ordres pour le soigner. Je ne vous promets pas une guérison parfaite mais je ferai au mieux.
- Très bien… Faites votre possible. »