Mini-série
« Les épées ? Elles sont ici, très bien… Les haches ? Oui… Flèches, javelots, carreaux… Elles sont là-bas, très bien… »
Je continue à griffonner des notes sur des parchemins. J’en ai de partout. Je préfère amplement faire l’inventaire du garde-manger du manoir ou entretenir les vêtements de Huayan mais vu les circonstances… Je crains de ne pas avoir que d’autres choix que de l’aider. C’est mon devoir après tout, en paix comme en guerre.
Je sais que certains eunuques ou serviteurs rêvent de fuir ou bien d’être parmi les soldats que Francis est entrain d’entraîner. Je ne suis pas de cet avis : je sais que je serai un piètre combattant. Je sais utiliser une arbalète à répétitions c’est vrai, mais je n’ai pas la force de commandement d’un Harch, d’un Francis, d’une Huayan ou encore d’un autre militaire.
Non. Je sais que je suis utile pour la logistique, c’est ce que je ferai certainement le mieux pour cette bataille. Ma seule espérance est de passer ces heures difficiles pour retourner à mon service habituel par la suite.
Ah ! Voilà les ingénieurs pour les catapultes, ce n’est pas trop tôt !
« Messieurs, venez avec moi je vous prie ! » leur lancé-je.
Nous nous dirigeons vers la grande porte sud et je désigne du doigt toute cette zone où il y a suffisamment de place pour installer au moins quatre ou cinq engins.
« Nous pouvons faire des mesures ?
- Mais certainement allez-y messieurs ! »
Pendant ce temps, je regarde d’un œil aguerri les serviteurs sous ma supervision : il n’y a pas de temps pour le repos aujourd’hui, ni demain, ni après-demain. Il faut bien tout préparer pour que la bataille puisse se passer dans les meilleures conditions pour nous. Comme l’ont dit les hauts-gradés, il y a peu de chance qu’ils puissent tenir un siège et ils n’ont pas le temps en leur faveur.
Ce sera certainement un assaut brutal, rapide et infernal.
J’ai horreur de la violence. J’ai déjà tué sous les ordres de Huayan par le passé… Mais une bataille ? C’est une boucherie sans nom. Je suis content d’être de ce côté du mur. Je n’imagine même pas être sur les remparts pendant les combats : voir venir à soi un flot d’hommes formés et prêts à vous tuer sans scrupules dans un déchaînement de souffrances ?
Non merci, très peu pour moi.
« Nous pourrons installer cinq catapultes, est-ce que c’est suffisant pour Madame Song ?
- Oui, tout à fait ! Mettez-vous au travail au plus vite, je vous prie. Madame Song veut les engins prêts rapidement.
- Très bien, nous allons faire de notre mieux, Eunuque. »
Bien, les catapultes c’est réglé. Ils ont intérêt à les monter vite, sinon je ferai remonter à Huayan qu’ils ne travaillent pas assez rapidement. « Eunuque », comme s’ils avaient besoin de me rappeler mon statut.
Si Huayan était là, elle les aurait fermement réprimandés. Jamais elle ne tolère qu’on me parle ainsi : je ne suis pas complètement un homme c’est vrai, mais ma vie a tout de même une valeur. Une valeur que Huayan sait apprécier elle, bande de sauvageons.
Bref, il faut mettre les barils d’huile en sécurité pour éviter les accidents et il faut aussi faire monter un peu de charbon pour les braseros en haut des murs. Nous n’en avons pas beaucoup mais cela devrait être suffisant.
Elle m’a demandé aussi beaucoup de cordes. Elle a une tactique pour tenter de faucher toute l’armée d’un coup. Je ne sais pas si cela marchera mais l’effet devrait tout de même avoir de fortes répercussions sur les assaillants. J’espère qu’ils mourront rapidement. Habituellement les blessés sur un champ de bataille sont… Il est nécessaire de les aider à arrêter de souffrir.
Brrrr… Rien que d’y penser, j’en ai la chair de poule.
Huayan m’a demandé de porter au moins une armure moyenne lorsque les ennemis arriveront. J’aurai préféré rester au manoir, mais elle pense que je suis important pour la défense pour gérer l’ « arrière-cour » tandis qu’elle est sur la ligne de front avec les autres. Plus facile à dire qu’à faire, mais j’ai fait un serment autrefois avec ses parents. Où qu’elle aille, je dois aller. Quelque soit l’ordre, je dois suivre. Ainsi va la vie des eunuques. Même si la mienne est largement meilleure que celles de la plupart de mes collègues.
« Hey vous ! S’il vous plaît, retournez ranger ces barils d’huile ! Ils ne vont pas se ranger tout seuls ! Vous irez porter les nouvelles cordes là-bas après ! »
Tsss… Ces jeunes.
Nous faisons les choses dans l’ordre. Rien n’est aléatoire.
« Monsieur Xupeng ?
- Oui ? »
Un jeune serviteur s’approche de moi. Il me salue poliment -je suis son supérieur- et vient m’apporter une nouvelle.
« Nous avons monté le charbon comme prévu. Nous sommes onze sans ordres maintenant.
- Très bien. Six d’entre vous, allez aider à ranger ces barils d’huile. Les cinq autres, allez aider à porter les flèches, carreaux, javelots, etc sur les murs.
- Tout de suite ! »
Bien. Je sors un parchemin avec la liste des tâches à accomplir… Le charbon, c’est fait.
Je vois un râtelier d’armes avec des arbalètes. L’appel aux armes résonne aussi pour moi. Normalement les eunuques ne combattent jamais : nous ne sommes pas vraiment des hommes que je l’ai dit, mais je peux au moins aider un peu. Même si j’espère ne pas devoir en utiliser une dans les jours qui viennent.
Ce serait formidable que cette « armée » ne vienne jamais. Un tremblement terre, un éboulement, un orage… Que sais-je ? Cela n’arrivera pas, les pires choses arrivent toujours… Mais mon petit espoir demeure. Tout le monde en vie, tout le monde rentre chez soi et tout rentre dans l’ordre. Ce serait parfait, mais… Il faut rester réaliste.
Une fois que les tambours de guerre commencent à résonner, il faut attendre un peu avant qu’ils ne s’arrêtent. La bataille ne sera pas très longue j’imagine de ce que les gens en disent mais… Je ne sais pas. Je ne suis pas comme Francis, je ne jubile pas à cette idée.
Il sait d’ailleurs qu’il a intérêt à bien se battre en haut. S’il arrive quelque chose à Huayan, je devrais m’occuper du petit Yue tout seul… Je ne veux pas que cet enfant grandisse sans sa mère, donc il va devoir combattre nos ennemis comme jamais il n’a combattu auparavant.
Harch, je lui fais moins confiance que Francis. Cependant, il a l’air d’avoir un lien d’une certaine nature avec Huayan. Un lien que je ne saurai caractériser. Ce que je sais parcontre, c’est qu’il est doué pour tuer comme mon comparse alcoolique et obèse. Il sera aussi en premier ligne, j’espère qu’il sera aussi efficace qu’il en a l’air.
« Messieurs, transportez ces armes au centre temporaire des jeunes recrues là-bas ! Francis et Guo ont l’air d’avoir déjà préparé des hommes aptes pour le combat. Faites attention, elles sont très aiguisées ! »
Nous avons prévenu les districts autour des murs sud : ils devront évacuer pour rejoindre des centres d’hébergement de fortune dans le centre-ville pour ceux qui ne peuvent être logés chez des proches. Huayan veut éviter le plus de morts innocentes possibles.
J’espère que le jeune maître Gao nous reviendra à temps avec des troupes de l’armée régulière. C’est notre meilleure assurance pour survivre et gagner cette escarmouche qui s’annonce sanglante. Je lui fais confiance, c’est un homme courageux et c’est un Song. Il tient ses promesses.
De temps en temps, je jette un œil vers les cieux et les hauteurs, pour voir si les agents volants de Huayan sont là. Il y en a toujours un qui me suit. Je sais qu’elle le fait pour tous ses proches autant que ses ennemis. Les uns, c’est pour les surveiller, les autres c’est pour l’avertir s’ils nous arrivent quelque chose. Leurs croassements me sont devenus quelque part… Bienveillants. Aussi étrange que cela puisse paraître.
« Eunuque Xupeng ?
- 在.
- Voici l’armure demandée par votre Maîtresse, pour vous.
- Merci, vous pouvez la poser ici monsieur. »
Je salue l’homme qui doit être un des employés de la forge du quartier.
Je vais sérieusement devoir me battre sur un champ de bataille ? Arf… J’ai peut-être la vie la plus excitante de tous les eunuques de Chine, mais de là à aller à cette extrémité… J’espère que je serai béni de tous les Dieux taoïstes et de tous les Bouddhas lorsque je rejoindrai l’au-delà.
Et voici que je deviens un… Eunuque de guerre ? Tsss… Il faudra que je la dise à Francis, je suis sûr qu’il en rira de celle-là.
Je continue à griffonner des notes sur des parchemins. J’en ai de partout. Je préfère amplement faire l’inventaire du garde-manger du manoir ou entretenir les vêtements de Huayan mais vu les circonstances… Je crains de ne pas avoir que d’autres choix que de l’aider. C’est mon devoir après tout, en paix comme en guerre.
Je sais que certains eunuques ou serviteurs rêvent de fuir ou bien d’être parmi les soldats que Francis est entrain d’entraîner. Je ne suis pas de cet avis : je sais que je serai un piètre combattant. Je sais utiliser une arbalète à répétitions c’est vrai, mais je n’ai pas la force de commandement d’un Harch, d’un Francis, d’une Huayan ou encore d’un autre militaire.
Non. Je sais que je suis utile pour la logistique, c’est ce que je ferai certainement le mieux pour cette bataille. Ma seule espérance est de passer ces heures difficiles pour retourner à mon service habituel par la suite.
Ah ! Voilà les ingénieurs pour les catapultes, ce n’est pas trop tôt !
« Messieurs, venez avec moi je vous prie ! » leur lancé-je.
Nous nous dirigeons vers la grande porte sud et je désigne du doigt toute cette zone où il y a suffisamment de place pour installer au moins quatre ou cinq engins.
« Nous pouvons faire des mesures ?
- Mais certainement allez-y messieurs ! »
Pendant ce temps, je regarde d’un œil aguerri les serviteurs sous ma supervision : il n’y a pas de temps pour le repos aujourd’hui, ni demain, ni après-demain. Il faut bien tout préparer pour que la bataille puisse se passer dans les meilleures conditions pour nous. Comme l’ont dit les hauts-gradés, il y a peu de chance qu’ils puissent tenir un siège et ils n’ont pas le temps en leur faveur.
Ce sera certainement un assaut brutal, rapide et infernal.
J’ai horreur de la violence. J’ai déjà tué sous les ordres de Huayan par le passé… Mais une bataille ? C’est une boucherie sans nom. Je suis content d’être de ce côté du mur. Je n’imagine même pas être sur les remparts pendant les combats : voir venir à soi un flot d’hommes formés et prêts à vous tuer sans scrupules dans un déchaînement de souffrances ?
Non merci, très peu pour moi.
« Nous pourrons installer cinq catapultes, est-ce que c’est suffisant pour Madame Song ?
- Oui, tout à fait ! Mettez-vous au travail au plus vite, je vous prie. Madame Song veut les engins prêts rapidement.
- Très bien, nous allons faire de notre mieux, Eunuque. »
Bien, les catapultes c’est réglé. Ils ont intérêt à les monter vite, sinon je ferai remonter à Huayan qu’ils ne travaillent pas assez rapidement. « Eunuque », comme s’ils avaient besoin de me rappeler mon statut.
Si Huayan était là, elle les aurait fermement réprimandés. Jamais elle ne tolère qu’on me parle ainsi : je ne suis pas complètement un homme c’est vrai, mais ma vie a tout de même une valeur. Une valeur que Huayan sait apprécier elle, bande de sauvageons.
Bref, il faut mettre les barils d’huile en sécurité pour éviter les accidents et il faut aussi faire monter un peu de charbon pour les braseros en haut des murs. Nous n’en avons pas beaucoup mais cela devrait être suffisant.
Elle m’a demandé aussi beaucoup de cordes. Elle a une tactique pour tenter de faucher toute l’armée d’un coup. Je ne sais pas si cela marchera mais l’effet devrait tout de même avoir de fortes répercussions sur les assaillants. J’espère qu’ils mourront rapidement. Habituellement les blessés sur un champ de bataille sont… Il est nécessaire de les aider à arrêter de souffrir.
Brrrr… Rien que d’y penser, j’en ai la chair de poule.
Huayan m’a demandé de porter au moins une armure moyenne lorsque les ennemis arriveront. J’aurai préféré rester au manoir, mais elle pense que je suis important pour la défense pour gérer l’ « arrière-cour » tandis qu’elle est sur la ligne de front avec les autres. Plus facile à dire qu’à faire, mais j’ai fait un serment autrefois avec ses parents. Où qu’elle aille, je dois aller. Quelque soit l’ordre, je dois suivre. Ainsi va la vie des eunuques. Même si la mienne est largement meilleure que celles de la plupart de mes collègues.
« Hey vous ! S’il vous plaît, retournez ranger ces barils d’huile ! Ils ne vont pas se ranger tout seuls ! Vous irez porter les nouvelles cordes là-bas après ! »
Tsss… Ces jeunes.
Nous faisons les choses dans l’ordre. Rien n’est aléatoire.
« Monsieur Xupeng ?
- Oui ? »
Un jeune serviteur s’approche de moi. Il me salue poliment -je suis son supérieur- et vient m’apporter une nouvelle.
« Nous avons monté le charbon comme prévu. Nous sommes onze sans ordres maintenant.
- Très bien. Six d’entre vous, allez aider à ranger ces barils d’huile. Les cinq autres, allez aider à porter les flèches, carreaux, javelots, etc sur les murs.
- Tout de suite ! »
Bien. Je sors un parchemin avec la liste des tâches à accomplir… Le charbon, c’est fait.
Je vois un râtelier d’armes avec des arbalètes. L’appel aux armes résonne aussi pour moi. Normalement les eunuques ne combattent jamais : nous ne sommes pas vraiment des hommes que je l’ai dit, mais je peux au moins aider un peu. Même si j’espère ne pas devoir en utiliser une dans les jours qui viennent.
Ce serait formidable que cette « armée » ne vienne jamais. Un tremblement terre, un éboulement, un orage… Que sais-je ? Cela n’arrivera pas, les pires choses arrivent toujours… Mais mon petit espoir demeure. Tout le monde en vie, tout le monde rentre chez soi et tout rentre dans l’ordre. Ce serait parfait, mais… Il faut rester réaliste.
Une fois que les tambours de guerre commencent à résonner, il faut attendre un peu avant qu’ils ne s’arrêtent. La bataille ne sera pas très longue j’imagine de ce que les gens en disent mais… Je ne sais pas. Je ne suis pas comme Francis, je ne jubile pas à cette idée.
Il sait d’ailleurs qu’il a intérêt à bien se battre en haut. S’il arrive quelque chose à Huayan, je devrais m’occuper du petit Yue tout seul… Je ne veux pas que cet enfant grandisse sans sa mère, donc il va devoir combattre nos ennemis comme jamais il n’a combattu auparavant.
Harch, je lui fais moins confiance que Francis. Cependant, il a l’air d’avoir un lien d’une certaine nature avec Huayan. Un lien que je ne saurai caractériser. Ce que je sais parcontre, c’est qu’il est doué pour tuer comme mon comparse alcoolique et obèse. Il sera aussi en premier ligne, j’espère qu’il sera aussi efficace qu’il en a l’air.
« Messieurs, transportez ces armes au centre temporaire des jeunes recrues là-bas ! Francis et Guo ont l’air d’avoir déjà préparé des hommes aptes pour le combat. Faites attention, elles sont très aiguisées ! »
Nous avons prévenu les districts autour des murs sud : ils devront évacuer pour rejoindre des centres d’hébergement de fortune dans le centre-ville pour ceux qui ne peuvent être logés chez des proches. Huayan veut éviter le plus de morts innocentes possibles.
J’espère que le jeune maître Gao nous reviendra à temps avec des troupes de l’armée régulière. C’est notre meilleure assurance pour survivre et gagner cette escarmouche qui s’annonce sanglante. Je lui fais confiance, c’est un homme courageux et c’est un Song. Il tient ses promesses.
De temps en temps, je jette un œil vers les cieux et les hauteurs, pour voir si les agents volants de Huayan sont là. Il y en a toujours un qui me suit. Je sais qu’elle le fait pour tous ses proches autant que ses ennemis. Les uns, c’est pour les surveiller, les autres c’est pour l’avertir s’ils nous arrivent quelque chose. Leurs croassements me sont devenus quelque part… Bienveillants. Aussi étrange que cela puisse paraître.
« Eunuque Xupeng ?
- 在.
- Voici l’armure demandée par votre Maîtresse, pour vous.
- Merci, vous pouvez la poser ici monsieur. »
Je salue l’homme qui doit être un des employés de la forge du quartier.
Je vais sérieusement devoir me battre sur un champ de bataille ? Arf… J’ai peut-être la vie la plus excitante de tous les eunuques de Chine, mais de là à aller à cette extrémité… J’espère que je serai béni de tous les Dieux taoïstes et de tous les Bouddhas lorsque je rejoindrai l’au-delà.
Et voici que je deviens un… Eunuque de guerre ? Tsss… Il faudra que je la dise à Francis, je suis sûr qu’il en rira de celle-là.