Mini-Série
« Compagnie ! Marche ! »
Nous rentrons au camp. La patrouille s’est bien passée. Pas d’incidents, pas d’intrus repérés dans cette région proche de la Grande Muraille. Mon unité rejoint la garnison locale. Je passe mes soldats en revue. Une trentaine de soldats à pied, de l’infanterie moyenne.
« Rompez. Nous reprenons l’entraînement demain matin. Reposez-vous bien. » dis-je, autoritaire.
Être dans l’armée impérial est un honneur. Être lieutenant-colonel – ou DuiFu - en son sein en est un encore plus grand. Être au service de son peuple et le protéger des envahisseurs, c’est une cause que je crois louable.
Je m’en vais rentre compte à l’un des commandants de la Garnison, Nie Xiao. Il veut un rapport de ma patrouille, comme toujours. C’est un homme fort et intelligent. Toujours à l’écart de la politique, toujours au service de la protection des frontières.
Il est un peu plus vieux que moi, il a été nommé colonel - Jinzhou- suite à une sanglante bataille pour défendre le mur contre un bataillon de Mongols, il y a quelques temps déjà. Il n’est pas issu d’une famille noble, comme moi. Lorsque j’ai été placé sous son commandement, nous avons vite créer un lien cordial, puis amical. Nous partageons beaucoup de valeurs.
Je rentre dans son bureau. Une salle ouverte vers l’extérieur, sur le terrain d’entraînement, où nous pouvons discuter entre gradés. Il commence à faire froid dans cette région de la Chine. Si bien que nous avons commencé à mettre nos capes d’hiver avec de la fourrure. Réchauffant nos mains grâce au brasero au centre de la pièce, nous revoyons les activités de la journée. Vient enfin mon tour.
« Nie Jinzhou. La patrouille s’est bien déroulée dans le secteur trois. Pas de traces de passages récents des Mongols. Rien à signaler autrement.
- Merci Song DuiFu. Par ailleurs, j'ai décidé de t'accorder ta permission pour la Fête de la Lune. Va voir un peu ta famille.
- Merci Nie Jinzhou. »
Nous poursuivons notre petite réunion, puis nous repartons dans nos quartiers dans le camp. Il fait nuit désormais, alors que les hommes s’endorment peu à peu et que les gardes veillent sur notre sommeil.
Enfin pas pour moi. A la lueur des bougies, j’écris.
J’écris à mes parents, pour leur donner des nouvelles. J’écris à mes compagnons d’armes qui sont dans d’autres détachements ou d’autres garnisons. J’écris mes faits d’armes et mes journées que je tente de détailler au mieux, pour la postérité. Peut-être que cela sera utile entre des mains inexpérimentées.
Il y a une personne à qui j’aimerais écrire, mais à chaque fois, je n’arrive jamais à trouver les bons mots…
J’aimerais écrire à ma sœur.
Je n’y arrive pas. Il y a quelques temps, j’y arrivai encore. Mais depuis que je l’ai revu, l’année dernière, et qu’elle a sauvé ma vie au péril de la sienne, je n’ai plus de mots. Lorsque nous nous voyons, tout semble tellement naturel. J’aimerais pouvoir lui dire…
Nous rigolons ensemble, mais je n’ai jamais partagé mes craintes, mes doutes ou mes peines avec elle. Pour la protéger d’abord, aussi parce que je suis un homme. Ce n’est pas mon rôle de pleurnicher. Pourtant, j’ai l’impression d’avoir manqué quelque chose. Un moment.
Mes parents restent toujours abstraits dans leur lettre lorsqu’ils parlent de Huayan. Ça a duré longtemps, plusieurs années je crois. Notamment lorsqu’elle était dans d’autres mondes là… Il s’est tramé des choses, j’ai le sentiment que j’aurai dû creuser à ce moment-là, mais je ne l’ai pas fait.
Je le regrette.
Mon instinct me dit que des choses mauvaises lui sont arrivées, mais je n’ai pas le courage de lui demander directement. Je sais que mes lettres resteraient sans réponses. J’ai failli à mon devoir de grand frère. Cela me hante. J’essaye d’écrire une lettre. Je sais qu’elle est revenue à Chengdu récemment, Mère me l’a dit. Je dois essayer.
« 我妹妹,
Je sais que tu m’as toujours dit de ne pas m’inquiéter, pourtant je ne cesse de repenser à toutes ces années où tu étais loin de nous, sans Haojun.
Nous avons trois années d’écart, mais nous partageons un lien fort. Si fort que j’ai comme l’impression d’avoir manqué des choses, des choses que tu aurais peut-être dû me dire… Ou peut-être aurai-je dû chercher à te rejoindre par tous les moyens ?
J’ai été faible et lâche. J’aurai dû te rejoindre, j’aurai dû partir pour cette ville d’Illusiopolis au-delà les étoiles, j’aurai dû te ramener à la maison. Je ne l’ai pas fait, et je m’en veux terriblement.
J’ai besoin de savoir. Je veux savoir ce qui s’est passé. Ne m’écarte pas plus de la vérité.
Ma petite sœur, nous avons grandi ensemble, nous avons partagé nos joies et nos bonheurs, nous sommes complices. Tu peux me faire confiance, tu l’as toujours fait. Ne pense pas à me protéger. Nous devons parler de tout cela.
J’ai réussi à obtenir une permission. Je viendrai pour la Fête de la Lune. Lorsque nous serons là-bas, je veux que nous aillons une discussion honnête, entre frère et sœur. Je veux connaître la vérité, même si elle fait mal.
Je t’embrasse fort, petite sœur.
哥哥Gao. »
Je prends le parchemin de bambous et le casse en deux. C’est pitoyable. Je n’arrive pas à exprimer ce que je ressens. Mettre les bons mots où il faut. Je risquerai de la froisser autrement et c’est tout le contraire de ce que je souhaite faire.
J’aimerais pouvoir lui dire que je l’aime, et qu’elle peut encore me faire confiance. Je me fiche de si elle veut m’utiliser ou non, si elle veut me protéger volontairement ou pas. Tout ce que je veux, c’est d’avoir encore un rôle dans sa vie, autre que celui du simple grand frère parti dans l’armée loin de sa famille.
J’aimerais redevenir le frère qu’elle a toujours aimé. Celui qu’elle venait voir lorsqu’elle prenait. Le frère sur lequel elle venait poser son épaule lorsqu’elle était fatiguée. Son confident lors de nos discussions nocturnes. L’instrument de ses petites manigances, comme lorsque nous volions des bonbons à Xupeng.
Huayan. J’aimerais tellement te dire que… Que je veux de nouveau faire parti de ta vie.
Je t’aime petite sœur, et je n’arrive pas à te le dire. Je suis si lâche.
Je prie pour avoir la force d’ouvrir mon cœur lorsque nos chemins se croiseront à nouveau.
Nous rentrons au camp. La patrouille s’est bien passée. Pas d’incidents, pas d’intrus repérés dans cette région proche de la Grande Muraille. Mon unité rejoint la garnison locale. Je passe mes soldats en revue. Une trentaine de soldats à pied, de l’infanterie moyenne.
« Rompez. Nous reprenons l’entraînement demain matin. Reposez-vous bien. » dis-je, autoritaire.
Être dans l’armée impérial est un honneur. Être lieutenant-colonel – ou DuiFu - en son sein en est un encore plus grand. Être au service de son peuple et le protéger des envahisseurs, c’est une cause que je crois louable.
Je m’en vais rentre compte à l’un des commandants de la Garnison, Nie Xiao. Il veut un rapport de ma patrouille, comme toujours. C’est un homme fort et intelligent. Toujours à l’écart de la politique, toujours au service de la protection des frontières.
Il est un peu plus vieux que moi, il a été nommé colonel - Jinzhou- suite à une sanglante bataille pour défendre le mur contre un bataillon de Mongols, il y a quelques temps déjà. Il n’est pas issu d’une famille noble, comme moi. Lorsque j’ai été placé sous son commandement, nous avons vite créer un lien cordial, puis amical. Nous partageons beaucoup de valeurs.
Je rentre dans son bureau. Une salle ouverte vers l’extérieur, sur le terrain d’entraînement, où nous pouvons discuter entre gradés. Il commence à faire froid dans cette région de la Chine. Si bien que nous avons commencé à mettre nos capes d’hiver avec de la fourrure. Réchauffant nos mains grâce au brasero au centre de la pièce, nous revoyons les activités de la journée. Vient enfin mon tour.
« Nie Jinzhou. La patrouille s’est bien déroulée dans le secteur trois. Pas de traces de passages récents des Mongols. Rien à signaler autrement.
- Merci Song DuiFu. Par ailleurs, j'ai décidé de t'accorder ta permission pour la Fête de la Lune. Va voir un peu ta famille.
- Merci Nie Jinzhou. »
Nous poursuivons notre petite réunion, puis nous repartons dans nos quartiers dans le camp. Il fait nuit désormais, alors que les hommes s’endorment peu à peu et que les gardes veillent sur notre sommeil.
Enfin pas pour moi. A la lueur des bougies, j’écris.
J’écris à mes parents, pour leur donner des nouvelles. J’écris à mes compagnons d’armes qui sont dans d’autres détachements ou d’autres garnisons. J’écris mes faits d’armes et mes journées que je tente de détailler au mieux, pour la postérité. Peut-être que cela sera utile entre des mains inexpérimentées.
Il y a une personne à qui j’aimerais écrire, mais à chaque fois, je n’arrive jamais à trouver les bons mots…
J’aimerais écrire à ma sœur.
Je n’y arrive pas. Il y a quelques temps, j’y arrivai encore. Mais depuis que je l’ai revu, l’année dernière, et qu’elle a sauvé ma vie au péril de la sienne, je n’ai plus de mots. Lorsque nous nous voyons, tout semble tellement naturel. J’aimerais pouvoir lui dire…
Nous rigolons ensemble, mais je n’ai jamais partagé mes craintes, mes doutes ou mes peines avec elle. Pour la protéger d’abord, aussi parce que je suis un homme. Ce n’est pas mon rôle de pleurnicher. Pourtant, j’ai l’impression d’avoir manqué quelque chose. Un moment.
Mes parents restent toujours abstraits dans leur lettre lorsqu’ils parlent de Huayan. Ça a duré longtemps, plusieurs années je crois. Notamment lorsqu’elle était dans d’autres mondes là… Il s’est tramé des choses, j’ai le sentiment que j’aurai dû creuser à ce moment-là, mais je ne l’ai pas fait.
Je le regrette.
Mon instinct me dit que des choses mauvaises lui sont arrivées, mais je n’ai pas le courage de lui demander directement. Je sais que mes lettres resteraient sans réponses. J’ai failli à mon devoir de grand frère. Cela me hante. J’essaye d’écrire une lettre. Je sais qu’elle est revenue à Chengdu récemment, Mère me l’a dit. Je dois essayer.
« 我妹妹,
Je sais que tu m’as toujours dit de ne pas m’inquiéter, pourtant je ne cesse de repenser à toutes ces années où tu étais loin de nous, sans Haojun.
Nous avons trois années d’écart, mais nous partageons un lien fort. Si fort que j’ai comme l’impression d’avoir manqué des choses, des choses que tu aurais peut-être dû me dire… Ou peut-être aurai-je dû chercher à te rejoindre par tous les moyens ?
J’ai été faible et lâche. J’aurai dû te rejoindre, j’aurai dû partir pour cette ville d’Illusiopolis au-delà les étoiles, j’aurai dû te ramener à la maison. Je ne l’ai pas fait, et je m’en veux terriblement.
J’ai besoin de savoir. Je veux savoir ce qui s’est passé. Ne m’écarte pas plus de la vérité.
Ma petite sœur, nous avons grandi ensemble, nous avons partagé nos joies et nos bonheurs, nous sommes complices. Tu peux me faire confiance, tu l’as toujours fait. Ne pense pas à me protéger. Nous devons parler de tout cela.
J’ai réussi à obtenir une permission. Je viendrai pour la Fête de la Lune. Lorsque nous serons là-bas, je veux que nous aillons une discussion honnête, entre frère et sœur. Je veux connaître la vérité, même si elle fait mal.
Je t’embrasse fort, petite sœur.
哥哥Gao. »
Je prends le parchemin de bambous et le casse en deux. C’est pitoyable. Je n’arrive pas à exprimer ce que je ressens. Mettre les bons mots où il faut. Je risquerai de la froisser autrement et c’est tout le contraire de ce que je souhaite faire.
J’aimerais pouvoir lui dire que je l’aime, et qu’elle peut encore me faire confiance. Je me fiche de si elle veut m’utiliser ou non, si elle veut me protéger volontairement ou pas. Tout ce que je veux, c’est d’avoir encore un rôle dans sa vie, autre que celui du simple grand frère parti dans l’armée loin de sa famille.
J’aimerais redevenir le frère qu’elle a toujours aimé. Celui qu’elle venait voir lorsqu’elle prenait. Le frère sur lequel elle venait poser son épaule lorsqu’elle était fatiguée. Son confident lors de nos discussions nocturnes. L’instrument de ses petites manigances, comme lorsque nous volions des bonbons à Xupeng.
Huayan. J’aimerais tellement te dire que… Que je veux de nouveau faire parti de ta vie.
Je t’aime petite sœur, et je n’arrive pas à te le dire. Je suis si lâche.
Je prie pour avoir la force d’ouvrir mon cœur lorsque nos chemins se croiseront à nouveau.