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Nous sommes quatorze ans après les évènements de Kingdom Hearts 2. En tant d’années, les choses ont considérablement changé. Les dangers d’hier sont des soucis bénins aujourd’hui, et au fil du temps, les héros ont surgi de là où on ne les attendait pas. Ce sont les membres de la lumière qui combattent jour après jour contre les ténèbres.

Ce n’est plus une quête solitaire qui ne concerne que certains élus. C’est une guerre de factions. Chaque groupe est terré dans son quartier général, se fait des ennemis comme des alliés. Vivre dehors est devenu trop dangereux. Être seul est suicidaire. A vous de choisir.

La guerre est imminente... chaque camp s'organise avec cette même certitude pour la bataille.

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Assise devant la coiffeuse de sa chambre, Lulu finissait d’arranger ses cheveux, alors que les heures s’écoulaient doucement. Autant d’heures qu’elle aurait pu passer dans l’étrange Hill Valley au lieu de se réserver à elle-même… À vrai dire, elle appréciait assez ce qu’elle connaissait de ce monde pour ne pas en vouloir en partir immédiatement. Effectivement, elle avait un planning assez précis. Elle avait quitté le Sanctum et son père l’avant-veille au soir, et si le Sanctum comprenait, au-delà des sept jours, qu’elle l’avait trahi, cela lui laissait encore cinq précieux jours d’innocence présumée, en comprenant celui-ci. Deux jours plus tard, si tout se passait bien sur le chemin, elle arriverait au Fort Hood, un avant-poste militaire représentant la plus grande puissance militaire et sans doute gouvernementale des environs. Il lui resterait donc deux jours pour se trouver des alliés capables de la protéger au Jardin Radieux. Plus qu’assez, à son humble avis. Quoi qu’il en soit, cela lui laissait trois jours pour se lasser de cet endroit. Certes, elle aurait grand plaisir à retrouver le confort de Menrva, l’infatigable machine volant au-dessus de la petite ville, mais du reste, ce monde représentait une telle curiosité, principalement dans la culture des locaux, qu’elle considérait son voyage avec patience.

Pour autant, rester dans sa chambre, à se coiffer, après avoir enfilé sa robe, lui était plus qu’agréable. Pouvoir s’habiller, se coiffer et se maquiller comme elle l’entendait était la première preuve de sa liberté. Aussi prenait-elle le temps d’ajuster les broches dans ses cheveux, la mèche tombant sur son visage et les tresses dans son dos transportant avec elles quelques grigris retentissants. Elle aborda son maquillage avec la même précaution, avant de finalement se lever. Lulu marcha quelques secondes dans cette chambre d’hôtel, réfléchissant à ce qu’elle y avait amené, et sortit finalement pour régler ses comptes. Quelques quarante munnies plus tard, elle se retrouva, une sacoche à la main, dans l’allée principale de la ville, rejoignant les écuries, qui faisaient aussi office de poste pour le maréchal-ferrant. La diligence l’y attendait déjà, attelée à deux chevaux. Deux hommes installaient au-dessus de celle-ci les quelques bagages d’autres voyageurs, aussi au nombre de deux, attendant patiemment sur le banc le plus proche. Elle vit, à sa surprise, le shérif Gabe discuter avec les deux cochers, alors que ceux-ci étaient occupés. Lulu s’approcha sans pudeur et écouta la conversation. Le shérif s’interrompit une seconde en la voyant avant de reprendre malgré tout.


« Donc… Un troupeau de buffles m’semble être b’in dans l’coin, Earl, à cinq lieues d’ici sur ta route. »

« Avant la grande vallée ? »

« Quoi ? Non... après. » répondit, agacé, Gabe.

« Y a bien huit lieues avant d’en finir avec la grande vallée. Et avec le poids de la carriole, c’t’aut’chose qu’en ch’val, on y arrivera dans... . »

« Bon d’accord, tu vas pas m’faire l’topo. Bref, au sortir du coin… troupeau de buffles. Et les Cheyennes chassent ‘core bien en c’moment. »

« … »

Le plus trapu des deux cochers se redressa au sommet de la montagne de bagages.

« Dure affaire. C’est fiable ? »

« Ah Jane est formelle. Puis… »

« Mais c’est des Cheyennes ? Quelques tirs en l’air et ils devraient s’calmer, non ? »

« Rien n’est sûr dans c’monde, Earl. »

« S’ils nous voient alors qu’ils chassent, ils ne devraient pas nous attaquer, vous ne croyez pas ? » se permit-elle de demander, se joignant à la discussion sans saluer les deux compères.

« … Comme j’viens d’le dire, rien n’est certain. Deux fusils, c’est peu contre dix peaux-rouges. »

« J’ai recruté une escorte d’un autre monde. À priori compétente. »

Le shérif la regarda longuement avant de lui faire un large sourire et de poser le canon de son fusil sur son épaule. « Ah bah ravi d’voir qu’vous m’écoutez pas, mam’zelle Lulu. C’est comm’ça qu’vous vous faites discrète ? En am’nant l’Général Burr et ses troupes en terr’toire sauvage ! »

« J’ai demandé quelqu’un de discret, justement. Parlons d’autre chose. Quand part-on ? »

Le shérif éclata d’un rire jaune avant de pointer la sorcière d’une main à son ami Earl. « Cesar, Earl, j’vous présente vot’passagère. Elle s’appelle Lulu. Menez-la à bon port, Fort Wood, puis r’partez et… la laissez pas vous commander, voilà un bon conseil. »
« Enchanté mad’moiselle. » prononça Earl, repris par un homme plus élancé, dont le visage écarlate de tant d’efforts peinait à expirer le moindre son. « Voilà vos compagnons de voyage. Mme Epping et son fils, Jonathan. » Elle les salua d’un signe de tête, observant quelques secondes le fils en question, un adulte ayant à sa ceinture un pistolet, ce qui ne la ravit pas. Elle ne souhaitait pas spécialement voir une arme dans la voiture, devant d’ailleurs statuer avec le ou la mercenaire la place qu’il aurait.

« Dès qu’vot’garde du corps est là, on pourra y aller, mad’moiselle. »
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Naran sortit de la boîte de conserve qui lui avait servi de vaisseau, les cheveux encore humides du bain qu’elle s’était permis entre deux missions.

Un air sec et sablonneux vient l’accueillir à la sortie de l’appareil, s’infiltrant par le col largement ouvert de sa chemise et jusque dans les coutures de son pantalon. Elle grimaça. Tant pis pour le bain.


Du coffre du vaisseau, Naran reçu son sac de voyage et son aigle visiblement traumatisé. Elle prit le temps de tresser ses cheveux, et de réajuster épaulières et ceinture, avant qu’un agent bougonnant vienne lui faire un inventaire de ses armes laissées en soute. Les sourcils broussailleux du pauvre homme s’élevaient, à mesure qu’il empilait sur une table un vieux pistolet à peine entretenu, une arbalète, couteaux, carreaux et munitions ainsi que quelques doses de liquide non étiquetés, mais soigneusement empaquetés.

La Mercenaire lui offrit son plus beau sourire, et décampa avec son matériel avant que ne lui vienne l’idée de poser des questions. Il était plus que temps qu’elle se trouve un vaisseau personnel…


Une fois équipée, elle rallia le petit groupe qui s’avançait vers Hill Valley. Trois locaux, reconnaissables à leurs bottes éperonnées, avançait avec assurance vers la petite ville. Ils étaient bien chargés, tant en armes à leur ceinture qu’en lourdes caisses de bois, qui ballottaient entre leurs bras.

Réprimant sa curiosité pour leur chargement, Naran s’arrêta pour détacher le capuchon de son rapace, avant de le lancer en l’air. Une petite balade allait peut-être remettre ses idées en place, après le cauchemar qu’avait dû être la cale du vieux coucou qui les avaient menés ici.

L’animal pris lourdement son envol. Quelques cris perdus, une vrille malhabile, et à nouveau il planait sur les courant d’air chaud, dorant silencieusement au soleil.


Débarrassée de son poids, la Mercenaire pu prendre la suite de ses compagnons de voyage, admirant au passage le paysage semi désertique qui les entouraient.

Pas de grand changement depuis son dernier passage. La ville était toujours debout, déjà. Un miracle, considérant les bourrasques que devaient affronter les fragiles constructions de bois. Quelques tombes de plus au cimetière, quelques chevaux de moins à l’écurie… Rien de bien étonnant, pour une ville pareille.


Un petit attroupement s’était formé sur la grand rue, rassemblant chevaux et voyageurs. Une pile de bagage dominait le groupe, à l’ombre de laquelle deux cochers s’entretenaient avec les locaux.

Il semblerait que la Mercenaire arrivait à point nommé pour le départ de la diligence. Une chance, puisque devoir rattraper son client avant même de l’avoir rencontré n’aurai pas été du meilleurs effet…


Alors que ses compagnons de vaisseau discutaient avec l’un des cochers, payant de quoi transférer leurs précieux cargo, Naran se rapprochait du sheriff en pleine conversation.


Il faut dire que la dame qui l’accompagnait détonnait, et ce, particulièrement sur la route poussiéreuse de Hill Valley.

Tout la mettait à part : Tant dans sa prestance presque aristocratique, que la déférence malaisée dont faisaient part les hommes autours d’elle.

Sa robe bordée de fourrure n’était qu’un indice de plus. Son décolleté, tout à la fois glorieux et scandaleux, révélait une peau encore laiteuse, malgré le soleil impitoyable de la vallée. Elle était tout juste arrivée, donc ? Sans ombrelle, son teint n’allait pas durer…


Mais c’était les mots du sheriff qui avait attiré l’attention de Naran.
« Dès qu’vot’garde du corps est là, on pourra y aller, mad’moiselle. »
Bingo.

« Vous êtes ma commanditaire, je présume ? »
Naran s’était approchée, enlevant machinalement son gant de fauconnerie.

« Narantuyaa Engke Ubilaï, pour vous servir. »
La mercenaire inclina brièvement la tête, avant de la redresser pour scruter sa cliente.


Plus grande qu’elle, coiffée comme une noble chinoise mais maquillée avec plus de couleur qu’une courtisane de Port Royal, l’inconnue était troublante. C’était sans parler de son regard carmin, de ses lèvres violettes, de son porte-jarretelle fleuri que Naran était certaine d’avoir aperçu d’entre ses jupes…

Mais, malgré tous ses atours, malgré son apparence de favorite de quelque puissant roi ou guerrier, malgré le regard de chacun fixé sur elle… La dame ne semblait pas s’en concerner un instant.


Etrange mélange. Étrange, mais intriguant, aussi.

Naran tendis sa main droite, à la manière des gens de ce monde.
« Ravie de faire votre connaissance. »

Se rappelant les recommandations du sheriff, la Mercenaire ajouta : « J’apprends que la diligence s’apprête à partir. Je comptai trouver une monture pour suivre le convoi… Mais peut être préférez-vous que je prenne une place en voiture ? »

Ses compétences seraient limitées, dans l’espace étouffant de la diligence. Mais, habillée comme elle l’était, sa commanditaire aurait peut-être l’utilité d’une présence de plus à ses côtés.
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La jeune femme jeta un regard au shérif dont elle abusait consciemment de la patience. Si elle avait jugé la situation avec celui-ci vraiment risquée, elle n’aurait pas agi de la sorte ces dernières heures. Mais il lui semblait sincère et relativement bon, bien qu’elle ne doutât pas de son inclinaison pour la violence. Il regardait la jeune arrivante avec un air certes méfiant, mais pas particulièrement menaçant ou haineux. Les choses changeraient radicalement, non seulement pour Lulu mais aussi pour tous les étrangers à venir, si cette personne, inconnue au demeurant, provoquait la colère des habitants de ce monde. De ce que la sorcière avait compris, leur seul droit… plus moral que de fait… était de se défendre contre des bandits, dont certaines têtes étaient mises à prix, ce qu’elle n’avait pas encore eu le temps d’étudier, et contre les indiens.
Lulu aurait pu s’estimer contente de voir une femme arriver pour l’escorter durant cette traversée, compte tenu de ce à quoi les femmes l’avaient habituée, une longue partie de sa vie, soit une certaine maturité. En vérité, Pentaghast avait redéfini l’excès de zèle et l’inconscience dans son imaginaire et remettait tout en perspective. Et comme les songes de la veille en témoignaient, elle savait y faire avec les mauvais garçons. Dans un pays qui semblait clivant, puisqu’aucune femme ne semblait armée jusque-là, il aurait été de meilleur ton d’avoir un garçon à ses côtés. Un garçon avec lequel elle aurait compté sur son autorité pour se faire obéir. De là à dire que Lulu, en voyant cette Asiatique, soupira de déception, il ne fallait pas exagérer. Comme souvent, la sorcière avait une fâcheuse tendance à intellectualiser toutes les possibilités, sans vraiment se rendre compte du peu d’importance que comportaient certains facteurs au cours de l’expérience.


« Lulu. »

Sa main sortit légèrement de sous sa longue manche et serra la main de sa gardienne. Un rapide coup d’œil à son autre main lui fit observer un gant assez épais qui aurait du recouvrir tout son avant-bras. Elle était fauconnière, comme en témoignait l’objet. Lulu se promit de chercher l’oiseau dans le ciel à la première occasion. D’un côté comme de l’autre, elle ne souhaitait pas une confrontation entre Menrva et un rapace.

« Non, faites comme vous le pensiez. » répondit Lulu à la question qu’avait posée un peu plus tôt la mercenaire du Centurio, concernant ses propres conditions de voyage. Elle ne souhaitait pas de cette escorte à l’intérieur de la voiture, à vrai dire. Bien que contrairement à l’idée qu’elle s’en était faite, la mercenaire fût une femme somme toute assez soignée et vêtue – sa coiffure était à la fois simple et sophistiquée, ses vêtements témoignaient de son métier mais aussi d’un certain désir de plaire, ou du moins de se plaire, ce qu’elle comprenait – elle trouvait passablement idiot de bloquer les faits et gestes d’un garde-du-corps entre les portes d’une diligence. En cas d’attaque, quoique le cocher décide, elle aurait à agir aussitôt et pas attendre que le véhicule soit à l’arrêt pour défendre la calèche, ou du moins ce qu’elle aurait appelé une calèche au domaine enchanté. Qui plus est, si ces Indiens que le shérif lui avait décrit sauvages voyaient le convoi, une escorte à cheval, même faible, aurait un caractère dissuasif. « Avant que vous ne vous occupiez du cheval… » Elle s’interrompit une seconde, ignorant si elle devait appeler une guerrière que l’on paie d’une certaine manière.  « Je vous réexplique la situation. Nous partons pour Fort Wood, le plus proche point militaire. Cela nous prendra deux jours. Je compte sur votre protection, votre obligeance et votre sérieux. Une fois arrivés, je n’aurai plus besoin de vous et je vous paierai. Vous devez savoir que des troupes indiennes peuvent éventuellement nous attaquer durant notre voyage. Je vous invite à poser vos questions à ce sujet, en temps voulu, aux messieurs Earl et César, nos cochers, durant le voyage. » dit-elle d’une traite et d’une voix neutre, sans élever un mot plus haut que l’autre. Ses yeux, toutefois, rivés sur ceux de l’Asiatique, guettaient le moindre signe d’inattention ou de lassitude. « N’hésitez pas, s’il y a la moindre chose. »

Lulu hocha la tête, salua le shérif d’un sourire et s’adressa à Earl en montant dans la voiture, suivant les Epping.

« Si vous pouviez attendre son accord avant de démarrer, j’apprécierais. »

Elle s’installa, relativement confortablement sur la banquette vide en face de la femme et de son fils, le dos à la route, ce qui ne la dérangeait pas.

« Vous êtes nerveuse, madame ? » demanda le jeune homme, d’une voix lente et grave.

« Non. »
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La main de sa cliente était délicate. Son ton professoral la distinguait toutefois, tant de la sècheresse de la haute noblesse que de la grâce sirupeuse des dames de cour. Intérieurement, Naran était perplexe : Deviner son occupation s’avérait de plus en plus complexe.

Mais, visiblement, l’heure n’était pas aux questions.
En bonne mercenaire, Naran hocha la tête, acceptant silencieusement les instructions de sa commanditaire avant d’aller chercher sa monture.


Pressée par le temps, et n’ayant pas le temps de faire du charme au garçon d’écurie, la Mongole se contenta d’un bai pas trop cher et couvert de taches blanches. L’animal avait beau ne pas être de la première jeunesse, il semblait sain et encore énergique.

Une fois monté, son choix lui parut un peu moins judicieux. D’une part, les races locales étaient bien plus grandes que les chevaux de ses plaines natales, ce qui demandait une certaine adaptation. Mais surtout, là où elle avait pensé son destrier vif, il se révélait de plus en plus nerveux. Après avoir installé un perchoir pour son oiseau sur la croupe blanchie de sa monture, elle dû jouer des genoux pour contrôler les coups de culs terrifiés de l’animal, avant que celui-ci ne daigne accepter un rapace sur son dos.

Fusillant du regard l’écuyer rieur, Naran finit par reprendre le contrôle de sa monture, et, les reines serrées, le mena auprès de la diligence. Son aigle, lui, enfonça ses serres sur son support de cuir pour glatir ce qui ressemblait fort à un juron.


De retour à la place du village, Naran put surveiller les derniers préparatifs du haut de sa selle. Sa commanditaire était à peine visible à l’intérieur de la diligence, perdue dans un fourmillement hyperactif alors que chaque commerçant local semblait insister pour accrocher un paquet de plus à la diligence déjà surchargée.

L’un des cochers fini par faire claquer son fouet, signifiant à tous que l’heure du départ était arrivée. Les quatre chevaux de l’équipages, fringants et frustrés par la longue attente, ne se firent pas prier pour dévaler la longue rue de la ville.


Naran aiguilla sa monture pour ne pas se perdre dans le nuage de sable soulevé par la caravane. S’écartant d’abord, elle suivit le sillage cahoteux de l’expédition, curieuse de voir l’équilibre précaire des bagages ficelés. La diligence avait beau tanguer comme un bateau, elle refusait de perdre son chargement. Un instant fasciné par le prodige physique, Naran finit par presser sa monture jusqu’à la tête de l’équipée.

Elle y fut accueillie par un silence renfrogné.

Les deux conducteurs lui jetaient des regards réprobateurs. Ses pantalons n’étaient pas bien vu dans ce monde, pis encore de son carquois plein de flèches. Mais ces à priori n’étaient rien face au dédain des locaux pour tout facies asiatique.
Gardant sans peine le rythme de la diligence, Naran leur fit un sourire provocateur.



Du coin de l’œil, elle pouvait entrapercevoir le regard étrangement perçant de sa cliente, encadrés par les cadres de bois rougis de la diligence. « Lulu », quel que soit son vrai nom, ne lui avait pas précisé grand-chose quant à la conduite à tenir face aux locaux…

Enorgueilli par l’attention, si brève soit elle, de sa commanditaire, Naran siffla son rapace à son bras, avant de le lancer dans les airs. L’oiseau pris lourdement son envol, vrillant vers le lambeau de chair qu’elle lui avait lancé.

Paniquée par ce gros oiseau qui virevoltait au-dessus de lui, le cheval de la Mercenaire fit une embardée sur le côté. Souriante, Naran garda aisément son assise, heureuse de retrouver le plaisir d’une bonne chevauchée.


« T’s’rais pas croisée de peau rouge, à voler avec les piafs ? »
C’était le plus jeune des deux cocher, qui, penchant finalement plus pour la curiosité que la méfiance, avait brisé le silence.

Naran ricana. « Mon clan en ferait de la charpie, de vos peaux-rouges. » Des genoux, elle rapprocha son cheval encore tremblant du siège des cochers. Languide sur sa selle, Naran repris.
« Je viens de la Terre des Dragons. On y a mieux à faire que de chasser l’emplumé… »

Un éclair de colère passa dans les yeux gris de son interlocuteur.
« Attend d’voir ce que 30 Apaches assoiffés de sang peuvent faire de convoi plus gros qu’le nôtre, et tu c’mprendra l’danger ! »
Le blondinet avait mordu à l’hameçon… Une expérience personnelle, peut-être, pour qu’il prenne si facilement.

Pour Naran, c’était tout aussi bien. Les gens de Hill Valley n’aimaient pas les étrangers, et vu qu’elle n’avait ni or ni alcool pour les amadouer, la colère servirait à briser la glace.


« C’est donc ça qui nous attend pour cette traversée ? »
Le jeune homme avait pâli. Un exploit, vu son teint basané par le soleil désertique. Ses yeux fuyaient vers la diligence, tandis que son compagnon de voyage le fusillait du regard.
« Non, non… »

Le jeune cocher baissa le ton.
« Il y’a juste – »
« Un troupeau de buffle. Et pour l’instant, rien n’indique qu’on croisera plus que ça, donc pas la peine d’affoler la clientèle, pigé ? »


César les avait interrompu, le regard toujours aussi noir. Sa voix, grave et fêlée par la chique, était assez reconnaissable : Naran l’avait surprise au détour du chantier de chemin fer, lors de son dernier passage dans ce monde.

Finalement, son visage reflétait assez bien son ton. Fatigué, érodé par la vie en plein air, et pas si dissimilaire des bergers mongols parcheminé par le soleil.  

La Mongole sourit doucement. Elle avait eu des oncles tout aussi butés que celui-ci… Mais, cette fois, elle allait devoir creuser plus que ça.
« Et ces… buffles, vous craigniez qu’ils viennent nous bloquer la route ? »
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Une fois lassée de regarder le faucon de la mercenaire voler, Lulu détourna les yeux pour fixer Mme Epping légèrement endormie. Chacune des nombreuses secousses qu’affrontait le convoi lui faisait ouvrir les yeux une petite seconde, avant qu’elle ne se rendorme. La jeune femme aurait pu croire qu’à force de tumultes, sa co-passagère s’habituerait et s’endormirait pour de bon, quand bien même la voiture perdrait une roue, ou encore que son fils assis à ses côtés était suffisamment large d’épaule pour caler le corps frêle de sa mère au coin de son siège. Au lieu de ça, Mme Epping se réveillait toujours un peu. Lulu ne comptait pas dormir mais savait qu’un long chemin les attendait. Loin d’elle les compétences d’une cartographe ou d’une environnementaliste, mais elle faisait cette traversée en calèche, et non à bord de Menrva, aussi pour prendre le temps d’observer les détails qu’une vue objective vue du ciel n’offrait pas. La chaleur en était un, l’inconfort… sans doute le plus important. En effet, si elle n’avait pas de voisin à sa droite sur sa banquette, la famille à ses côtés ainsi que plusieurs individus de la ville avaient tenu à négocier le transport de certains objets. Si au début seul le toit était surchargé, il avait fallu faire des choix : tout abandonner ou encombrer davantage. Lulu se retrouvait donc avec peu d’espace alors qu’à sa droite s’entassaient une dizaine d’objets bien ficelés ensemble. Il y avait en particulier une caisse en bois, plus large que haute, qui lors des secousses régulières, venait la heurter de ses sommets.

« Z’avez l’air préoccupé, si j’puis m’permettre, madame. » s’exprima une nouvelle fois Jonathan de sa voix si lente et caverneuse. Elle le regarda. Il avait l’air solide mais idiot. Toutefois, le fait que malgré l’absence de conversation, il continuait à s’inquiéter pour elle, laissait croire à la jeune femme qu’elle ne perdrait pas tout à fait son temps à lui parler.

« C’est assez désagréable. » Elle tourna légèrement la tête vers la caisse décrite plus tôt avant de regarder à nouveau Jonathan. « Ces bagages me… »

Elle avait espéré qu’il l’aide, et c’est ce qu’il fit sans attendre, mais dans sa hâte, Jonathan lui arracha un sursaut car il leva son pied et le cala avec violence entre sa robe et la caisse qui la dérangeait. Lulu fixa le pied, à présent pressé entre les bagages et elle, avant de lever les yeux vers Jonathan, sombrement.

« Merci. »

En effet, la caisse ne l’embêtait plus. Tout juste sentait-elle une vibration à travers le pied botté du jeune homme. Elle lui sourit une petite seconde avant de refermer son visage et de regarder à travers sa fenêtre le paysage défilant. Si sa robe n’était pas abimée, c’était tout ce qui comptait. La botte était poussiéreuse, peut-être un peu sale, mais pas malodorante. C’était rude mais gentil. À bien y réfléchir, elle trouvait le comportement de Jonathan assez plaisant.

« Y a pas d’quoi, si j’peux vous être utile. »

« C’est gentil. »

Quelques minutes passèrent sans que l’un ou l’autre ne parle vraiment. Elle décida d’engager une nouvelle conversation pour grapiller quelques informations supplémentaires. Tout en regardant par-dehors, elle demanda d’une voix neutre :

« Vous aviez déjà vu ça ? Un faucon dressé aussi bien ? »

« Hum ? » Jonathan se pencha exagérément vers elle, maintenant son pied droit en place, pour voir lui aussi l’oiseau. « Oui m’dame, sur des photographies d’indiens. »

« Vous… » Elle se retint de lui demander s’il s’agissait bien de photos telles qu’elle et le monde moderne les imaginaient. À vrai dire, elle n’aurait pas pensé que Hill Valley aurait la technologie nécessaire. « Les Indiens se laissent photographier ? »

« Certains oui, m’dame. Z’avez déjà entendu parler des Navajos ? L’armée les a réprimés et a accepté qu’ils vivent dans une réserve tant qu’ils nous font rien. On peut y aller et ils ont pas l’droit d’tenter quoi que ce soit pour notre vie. »

« Et ils élèvent des faucons. »

« Ils ont beaucoup de trucs avec les animaux, les Apaches. »

Elle regarda une nouvelle fois le cheval de la mercenaire, un peu nerveux à l’approche du rapace… avant de lever les yeux vers Menrva, volant haut dans le ciel, surveillant toujours le convoi. Lulu comprenait l’angoisse du cheval. Elle avait été, à son arrivée dans ce monde, blessée à l’épaule par sa chouette se posant sur sa peau nue. Les griffures se voyaient encore, attiraient l’attention plus parfois que sa robe et son décolleté.

« Vous connaissez bien les Indiens ? » demanda-t-elle d’une voix faible, regardant distraitement la poussière soulevée par les sabots des chevaux.

« Mon père est mort à la guerre contre eux. »

« Le Shérif Gabe m’a dit que les Comanches étaient réputés pour être particulièrement violents, cruels. »

« ‘Sont fous. »

« Et les Cheyennes ? »

« Des saloperies aussi, pardonnez-moi pour mon vocabulaire. »

Elle hocha la tête sans regarder Jonathan Epping dans les yeux. Il ne lui serait pas utile s’il n’était pas objectif. Mais il avait perdu son père sans doute à cause d’Indiens, de son point de vue, elle ne pouvait et ne voulait pas lui imposer une comparaison plus raisonnée.

« Vous v’nez d’un autre monde,  si je ne me trompe ? » Lulu regarda Jonathan sans réagir. Il semblait étonné par sa propre perspicacité, levant un sourcil comme une médaille et souriant sans se retenir.

« Oui. »

« Vos maisons sont immenses. J’ai vu ça sur vos appareils. Et vous avez de la lumière partout. »

« Pas tous les mondes. Là d’où je viens, n’avons pas de locomotive à vapeur, de pistolet. » Si tenté de croire qu’elle pouvait considérer ça comme une marque d’évolution. « Nous avons d’autres choses. Tous les mondes sont très différents. »

« Ah ouais donc vous… vous avez jamais vu ça, par exemple ? » Le jeune homme sortit son revolver qu’il montra avec fierté. Elle ferma les yeux une petite seconde d’agacement et les rouvrit avant de dire :

« J’ai vécu dans un monde très éclairé et dont la technologie était très avancée. J’ai déjà vu une arme à feu. »

Il ne sembla pas remarquer qu’il l’avait frustrée. Elle décida de ne pas insister, attendant impatiemment qu’il range son arme.
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D’un geste plein d’enthousiasme, Earl arma son fusil.
« Ils ont qu’à v’nir, les bestiaux, j’les attend de pied ferme ! »

Naran lui sourit. Le jeune homme se donnait des airs de guerrier avec une innocence vengeresse tout à fait attendrissante.

César, lui, grommela, pas impressionné pour un sou.
« Prend les rênes plutôt qu’d’te vanter. »


Laissant son junior diriger l’équipage, il sortit un pochon de cuir de sa poche. Ses yeux quittèrent la route pour scruter la mercenaire, laissant ses mains usées par le cuir opérer seules.

« Les bisons d’ici, c’pas les grosses vaches dociles d’paysan. C’est d’vrais monstres, une tonne cinq de viande et de crin malodorant, buté et lourd comme des locomotives, et amassés des berges du Rio Grande aux toundras du grand Nord. »
Sa voix, toujours étriquée, avait acquis la profondeur d’un conteur.


« Voyez la route qu’on prend ? »
Naran réalisa que la diligence n’errait pas au hasard dans l’étendue désolée qui les entourait. Au contraire, ils suivaient une large balafre qui lacérait le paysage, difficile à distinguer mais épaisse de plusieurs centaines de mètre et aussi plate que le lit d’une rivière asséchée. Les hauts plateaux de la plaine amérindiennes se dessinaient aléatoirement à l’horizon, comme des gardiens silencieux de leur traversée.

« V’savez pourquoi elle est si large ? »
La question était rhétorique ; Naran, bon public, secoua la tête.

« Parc’que cinq cents d’ces bêtes là l’empruntent tous les automnes. Et c’est l’coup d’leur sabot qu’a forgé nos routes, d’même pour l’sillage d'not’ ch’min d’fer. »
Il y avait de la fierté dans le ton de l’homme. D’avoir dompté cette nature démesurée, peut-être ; ou simplement d’en être témoin.


Il fronça les sourcils, et repris avec un brin d’amertume.
« Normalement, l’foutus bovins nous font pas chier. Ils broutent c’qu’ils peuvent puis filent vers les réservés indiennes… »

Ses mains dessinèrent un trait de tabac sur une fine tranche de papier. Malgré les secousses de la diligence brinquebalante, Naran remarqua avec une certaine admiration qu’il n’en perdit pas une miette.
« Mais là, c’est la fin d’l’été. Les troupeaux mâles partent en chasse d’femelle, - il eut un regard noir vers son collègue, visiblement tout aussi empressé de plaire aux dames - et s’battent à tout bout d’champs…. Tout ça pendant que les jeune d’l’année précédente commencent à s’aventurer hors du troupeau. »


Après avoir soigneusement refermé sa cigarette, César reporta ses yeux gris acier sur Naran.
« J’vous préviens. »
Il fit une pause, en profitant pour glisser son œuvre entre ses lèvres.
« C’t’une saloperie quand ça s’énerve. Pire qu’les ours, ils t’foncent dessus dès qu’ils te voient. Un s’rait suffisant pour détruire la diligence… »

Allumant sa cigarette d’un coup de briquet, César continua.
« Pour mériter vot’ salaire, va falloir gérer l’bestiau. » Après une bouffée de fumée, il finit.
« Ça a beau s’énerver facilement, c’est pas bien difficile à effrayer. Quelques coups de feu aux bon endroits… »

Sa voix diminua en un grondement presque inaudible.
« Mais si vous tombez sur des indiens, vous avisez pas d’les attaquer seule… »
Après un coup d’œil à la diligence, il poursuivi, toujours aussi bas que possible:
« Ils traînent parfois près des troupeaux, pour préparer des chasses ou que sais-je... Et croyez moi c't'une tout autre paire de manche. Si vous les trouvez, rev'nez immédiatement. »


L’homme avait trouvé les mots pour intéresser Naran. Ne pouvant plus résister à l’appel de cette immensité sauvage, elle se proposa immédiatement.
« Dans ce cas, je vais partir en éclaireur, ça me paraît la meilleure utilisation de mes talents... »

Elle hésitait toutefois. Sa commanditaire l’avait embauché pour protection, l’abandonner ici seule, même si elle ne s’éloignait pas, était risqué.


Après un regard vers la diligence, la Mercenaire siffla son rapace. L’aigle descendit des cieux, agacé d’être coupé de son élément naturel.
L’oiseau sur le bras, Naran s’approcha ensuite de sa cliente.

Rapprochant sa monture de la fenêtre, elle toqua.
« J’aimerai vérifier que la voix est sûre. Vous permettez que je m’éloigne le temps de repérer les lieux ? »

Levant son aigle, Naran ajouta : « Il saura me prévenir si quelqu’un approche. »
Le rapace ouvrit son bec en une belle imitation de bâillement.
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C’est la première fois qu’elle put observer d’aussi près l’oiseau, les serres cramponnées sur le gant de cuir de sa maîtresse. Elle le détailla avec intérêt, sans vraiment regarder la mercenaire, et avec une certaine appréhension tout de même. Même accompagnée depuis quelques jours par une chouette en métal, Lulu ne pouvait se dire habituée à la présence d’un tel animal. Et si elle n’était pas particulièrement fascinée par les animaux en temps normal, l’institutrice restait impressionnée par ce que pouvait faire l’homme : domestiquer le prédateur.  

Les yeux de la sorcière remontèrent jusqu’aux cheveux et finalement jusqu’au visage de la jeune mercenaire, attendant une réponse.


« Bien entendu. » Lulu n’aurait pas refusé, même dans une autre situation. Elle n’aimait pas qu’on lui expliquât comment enseigner, du temps où elle en vivait, et ne doutait pas que les cochers détestaient qu’on leur donnât des conseils pour faire avancer les bêtes. Suivant une certaine logique, les mercenaires ayant comme principale qualité d’être des aventuriers, les plus à même de fonctionner en extérieur, en territoire inconnu, elle ne pouvait questionner leurs méthodes sur des a priori.

Elle laissa Narantuyaa s’en aller et prit son bloc-notes et un crayon, se concentrant aussitôt sur ce qu’elle venait de constater, grâce à Jonathan Epping et Narantuyaa. Elle écrivit ses notes, dans discontinuer.

Ce monde, La conquête de l’ouest, avait de particulier ce clivage existant entre l’espace habité et l’espace sauvage. Elle n’avait pas voyagé autant qu’elle l’aurait voulu, mais lisait assez de journaux pour savoir que la plupart des mondes se divisaient en deux catégories, ceux totalement dénaturés par la présence humaine, transformés par les humains et contrôlés par les humains… et ceux que les humains tentaient de contrôler, tel que le Nouveau Monde. Celui-ci ne semblait bien sûr pas entièrement sauvage puisque l’on y parlait de locomotive à vapeur, donc d’un réseau ferroviaire. On y circulait relativement facilement, du moins jusqu’à ce moment précis, et les peuples civilisés avaient étendu leur territoire suffisamment pour qu’il y ait deux jours de calèche à supporter pour rejoindre un fort « non-loin » depuis le concessionnaire Shinra. Malgré cela, comment ne pas remarquer la route d’infortune, l’absence totale de forts, de tours ou même de relais aux alentours du sillage qu’ils empruntaient ? Il existait des forêts éloignées de n’importe quel village, au domaine enchanté, mais il suffisait de quelques heures de promenade pour trouver un abri, témoignage d’un passage humain.
Et de fait, qu’en était-il de la chasse ? Grâce au shérif et à Jonathan, elle avait appris que les Indiens avaient une véritable culture cynégétique. Avec de tels territoires vierges de toutes habitations humaines, il y avait de quoi se questionner concernant les cow boys, comme les nommait l’Éclaireur. D’autant plus avec une telle présence des armes à feu.

Soit. Ce qu’elle remarquait revenait à dire que malgré sa prédominance, le peuple qu’elle avait rencontré ne pouvaient vraiment dire diriger ce monde.


« Madame ? »

Elle releva les yeux de sa propre écriture et croisa ceux de Jonathan Epping. C’est tout ce qu’il eut comme réponse, du moins jusqu’à ce qu’il posât une nouvelle question.

« Est-ce que vous avez un homme, d’où vous venez ? »

« Non je suis seule. Je vivais chez mon père, il y a peu. » répondit-elle sans hésiter, ne se trouvant pas embarrassée par son célibat.

« Qu’est-ce qu’il fait votre père ? »

« Il est architecte. »

Jonathan Epping soupira et lâcha un rire sonore qui réveilla légèrement Mme Epping, toujours à ses côtés, ballottée par l’effort de la diligence. « Vous aimez les intellectuels, les marchands, ce genre de chose. »

« J’aime bien discuter avec les intellectuels, oui. » Elle daigna sourire et reprit la rédaction de ses interrogations, très vite interrompue à nouveau. « Un moment, il faut discuter. Mais il faut aussi savoir agir. » Pour la sorcière, difficile de ne pas taire ces lieux communs et tautologies que pouvaient affirmer les simples d’esprit, mais après tout, elle appréciait assez le jeune Epping pour rester stratège et ne pas se faire un ennemi d’un compagnon de voyage. « Un bon gars, un type qui sait s’occuper de ses terres et qui sait les défendre, vous en pensez quoi ? »

« Je pense que c’est… un bon gars. » dit-elle en reprenant son expression, sans vraiment communiquer autre chose d’une expression ou d’une autre. « Mais oui, je préfère un homme fort. »

« Ah. Moi vous savez, j’vous parle de ça, c’est surtout pour faire la conversation, vous… »

« Vous avez raison de demander. » le coupa-t-elle. Elle n’avait pas l’habitude d’être aussi patiente. C’était un exercice curieux à son goût que d’être conciliante. Une partie de la jeune femme se demanda si cela pouvait être du au fait qu’à présent, elle était seule et ne bénéficiait plus d’aucun privilège. Bien sûr, elle avait connu la prison. Mais derrière des barreaux, l’insolence était l’une des dernières armes qui lui restaient. « Vous avez quelqu’un, vous ? »

« Non. Ma mère n’est pas bien vieille mais elle est pénible. Me faudrait quelqu’un qui peut la supporter et qu’elle peut supporter. »

« Et vous, vous êtes supportable ? »

« Oui m’dame. » Il lui fit un sourire heureux tout en ajustant son col, comme par jeu.

« Ca ira, alors. » affirma-t-elle sans y croire. Elle ne connaissait rien en histoire d’amour, et en belle, encore moins. Si, bien sûr, il y en avait une qu’elle aimait, celle de son royaume. Lulu ressentit, ce souvenir dans la tête, un peu de tristesse pour la première fois, d’avoir quitté ce pays, sans doute pour toujours. La sorcière se sentait encore profondément liée au Sanctum, et convaincue, encore à cette heure, qu’elle servait ce groupe ou du moins ses intérêts, d’une manière ou d’une autre. Mais son roi, sa reine et sa princesse étaient bien loin et la considéreraient sans doute bientôt comme une traîtresse. Et pour elle, il était douloureux de s’imaginer détestée par des êtres qu’elle avait toujours vus comme une partie d’elle-même.

Le présent revint la rattraper lorsque Jonathan prononça une phrase qu’elle ne comprit pas. De fait, la sorcière n’avait pas le tempérament pour une histoire d’amour. Tout en elle devenait politique, secret et machination. Et quand ses pensées s’égaraient aux détours d’une histoire d’amour, ils revenaient errer autour de ses vieux démons.


« C’est un beau pays. » finit-elle par dire, sans raison, en regardant légèrement par la fenêtre de la diligence. Ses yeux s’illuminèrent légèrement, elle hésita mais céda à son envie et demanda finalement. « J’ai cru comprendre que les gens d’ici étaient chrétiens, c’est cela ? » [/color]
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Foulée après foulée, Naran traçait son chemin en un galop à en perdre la raison.
L’immensité de la plaine désertique rendait leur course sans fin : Cheval comme cavalier étaient pris d’un vertige euphorique, sourd à tout bruit sinon ceux des sabots sur le sable, du cliquetis du mors, du claquement du cuir asséché.

Derrière eux, la diligence disparaissait déjà derrière un nuage de poussière. A sa place, l’horizon de terre rouge et de soleil éclatant, à peine distingué à travers les bourrasques desséchées.


Leur course les avait menés sur ce qui passait pour des hauteurs. Depuis, ils chevauchaient sur le terrain inégal, dominant de là la large piste qui transperçait la plaine.

Même hors du sentier, rien ne gênait leurs foulées : Les arbustes et touffes d’herbes sèches, déjà rares, s’étaient effacé. Ne restaient que quelques larges plantes écailleuses, érigées en troncs privé de branches et de feuille, ou enflées en balles recouvertes de piques blanches.

Toutes exotique qu’elle puisse être, la botanique locale ne les intéressaient pas : Naran et sa monture préféraient plutôt prendre pour repère les rochers gigantesques qui tailladaient le ciel. On eut dit les jouets d’un géant, précairement posé sur la plaine…. Pourtant, ils finissaient par s’accumuler à l’horizon, laissant que d’étroits canyons entre la roche.

Ce paysage titanesque semblait presque immobile. Malgré la vitesse, malgré la brise, malgré le halètement de son cheval et l’odeur de cuir et de sueur mêlée, c’était à peine si Naran approchait l’ombre de ces étranges sentinelles.


Toujours lancée à pleine vitesse, la Mercenaire glissa une main sur ses étriers. Crier sa joie était délicat, avec ces histoires d’indiens… Mais elle ne pouvait laisser passer une telle occasion sans quelques cabrioles.

Et puis, il était plus que temps de mettre la fameuse selle western au test d’une véritable chevauchée. Certes, son cuir rembourré était plus confortable que les planches de bois utilisées par les Huns. Mais, permettait-il autant de mobilité ?

En quelques gestes précis, la Mercenaire vérifia les boucles qu’elle avait arrangée à son départ. Puis, presque malicieusement, elle flatta l’encolure de sa monture.
Il allait avoir droit à un petit entrainement, spécial tradition Hun…


Quelques secondes plus tard, Naran était perchée sur le flanc gauche de son cheval, incapable de retenir son fou rire. Plaqué contre sa monture toujours galopante, elle soutenait son corps sur l’un de ses étriers, tout spécialement descendu pour pendre plus bas que d’ordinaire.

Le pauvre bai qui la portait s’ébroua, mais pas autant qu’elle ne l’aurait imaginé. La Mongole aurait dû le deviner : Les cow-boys d’ici aussi passaient leur journée à cheval, il était bien normal qu’ils développent quelques techniques. D’autant que celle-ci était particulièrement utile pour s’abriter des tirs, que ce soit ceux des armes à feu chinoises ou des pistolets américains.

Naran quitta son étrier, ne se retenant que par sa poigne sur son pommeau. Ses deux jambes étaient libres. Pourtant, sa monture ne semblait pas plus surprise. Radieuse, la Mercenaire imita les larges foulés de sa monture, et entamant quelques pas en l’air.

Sa monture renâcla, visiblement déséquilibrée par sa posture, mais ne faibli pas.


Ça faisait bien trop longtemps que Naran n’avait pas dansé.

Et, prenant pour partenaire un hombre à peine valable et plus nerveux qu’un lapin sauvage, elle se mit à virevolter.

Ses mains frôlaient la robe, s’enfonçait dans cette crinière désordonnée, embrassant d’abord l’encolure, puis glissant d’un côté à l’autre de la bête.
Dès que ses pieds pouvaient toucher terre, ils prenaient appui sur le sol et vrillait en l’air pour se remettre en selle, avant de pirouetter sous le ventre même de sa monture. Ses jambes, elles, volaient au-dessus de la croupe, nouant et dénouant ses accroches.

Les mouvements lui revenaient plus facilement même que dans ses souvenirs, comme si tout ce temps passé loin des chevaux rejaillissait dans ses membres tendus.

Tantôt accroupie, tantôt debout ou allongée ; Debout sur ses étriers, ou perchée pour sauter ; Aplatie à l’abris, ou au contraire prête à tirer… Naran se sentait plus fluide que jamais. Plus libre, aussi.

Pourtant, le manque d’exercice commençait à se faire sentir. Peu à peu, la Mercenaire ralentit son tourbillon d’acrobatie.

De nouveau en selle et face à l’horizon, elle permit à son cheval haletant une dernière accélération.
Puis, presque à regret, elle desserra les jambes.



Le retour à la réalité fut progressif.

Naran jeta d’abord un coup d’œil sur la colonne de poussière qui marquait la diligence, déjà à une certaine distance.

Puis son regard parcouru l’étendue jaunissante qui les attendait.
Le fameux troupeau se dessinaient déjà, larges tâches noires massées près du cours d’eau asséché qui avait creusé la vallée. Paisibles, du moins pour les quelques formes qu’elle pouvait distinguer.

Mesurant son allure, elle se rapprocha.



Au sol, des pistes indistinctes convergeaient autour du troupeau.
Beaucoup de pistes.

Des traces larges et fendus, traînant une boue écailleuse hors du lit de la rivière. Des sillons d’insectes qui nettoyait bouses et crottin avec assiduité. Les craquelures de la terre asséchées, d’où surgissait de rares brins d’herbes.
Et, perdu au milieu de ce fourmillement, l’ovale familier des pas d’un cheval.

Pas de fer pour alourdir son sabot. Pas de charge pour creuser un sillage.
Naran immobilisa sa monture.
La trace était profonde, mais incomplète.


La Mercenaire leva la tête.
Peu probable qu’un cheval isolé ait choisi de traverser la plaine…

Ses yeux se reportèrent sur les bisons.
Elle s’était placée de façon que le vent ne porte pas son odeur, mais même cela ne lui permettrait pas de les approcher de près. Peu importait : A quelques centaines de pieds, elle distinguait déjà l’essentiel de leur morphologie.


Le vieux cocher n’avait pas menti. Les bêtes étaient immenses, et leur stature déjà exagérée était encore enflée de laine crasseuse. Ils se balançait sur la piste, creusant un peu plus le sol usé dans leur lente migration. Leur allure avait toute la placidité d’une vache domestique… Pourtant, tant leur poids que leur nombre rendaient leur marche implacable.  

Quelques jeunes jouaient en bordure du troupeau. Des jeux dangereux, des jeux de presque adultes : Ils se défiaient, s’entrechoquaient en un début de rivalité. Mais ce n’était pas leurs incartades qui inquiétaient le troupeau.

Perchée sur sa selle, Naran pouvait observer leur formation compactes, leur trajet précautionneux, le vacillement des oreilles des plus âgés.


Peut-être était-ce simplement la saison des amours qui les rendaient nerveux.
La Mercenaire détourna sa monture, contournant lentement la masse herbivore.
Peut-être.

Au sol, la piste d’un cheval reprenait. De plus en plus, Naran y voyais un autre cavalier : Dans sa volte rapide autour du troupeau ; dans son galop mesuré, loin de la folie haletante des étalons sauvage ; dans sa position qui, comme la sienne, ne laissait pas le vent porter son odeur.
Plus qu’un cavalier. Un chasseur.


La Mercenaire fit volteface.
La diligence, toujours indistingable de son sillage de poussière, progressait toujours. Son aigle planait paresseusement au-dessus.
Tout autour, le paysage désolé laissait peu d’opportunité pour une embuscade. Et pourtant…


Ses poings se serrèrent sur ses rênes.
Il y avait bien quelque chose qui convoitait ce troupeau. Cheyenne, ou pas, c’était encore trop tôt pour le dire. Et, même si Naran mourrait d’envie de se mesurer à ces fameux indiens, la véritable question était : Etaient-ils dangereux pour son convoi ?

Elle huma la brise chargée de fumée.
Un duel, ici, au milieu d’une centaine de bête de plusieurs tonnes. L’idée était plaisante.
Mais sa mission était de protéger un convoi, pas de commencer une guerre.

A regret, Naran repris le chemin de la diligence.
Autant rendre son rapport, avant que tout ça ne tourne au vinaigre…



La Mercenaire approcha la diligence de face, laissant ses mains libres et loin de ses armes.

Earl l’avait déjà mis en joue, même si à sa posture c’était plus par précaution que conviction. Une fois son visage en vue, le canon s’abaissa – découvrant deux visages à nouveau renfrognés.

Quelques mots brefs, et les deux cochers grimacèrent. Leurs fusils étaient déjà armés, à portée de main, et pourtant l’air semblait se charger de poudre.

« Qu’ils soient en chasse ou pas, je doute qu’ils nous laissent approcher le troupeau comme ça. »

Reprenant sa place au côté de la diligence, Naran scruta la route.
« Pas d’autre itinéraire ? »

Earl secoua la tête.
« Ça nous rajouterai des semaines de voyage. Non, va falloir passer… D’une façon ou d’une autre. »

« Leur tactique habituelle, c'est quoi ? »
La question de Naran était simple. Pourtant, les deux hommes échangèrent un regard.

Ils baissèrent d’un ton.
« Embuscade. Soit de nuit, soit d’entre les canyons… »

« Je vois pas grand choses qui pourrait les abriter, ici dans la plaine. »

César grogna, méfiant, et repris.
« Ils attaquent en horde. Désorganisé, comme toujours avec ces sauvages. D’abord, ils encerclent les convois, juste assez loin pour qu’on n’puisse pas les tirer. »

« Z"ont beau se battre comme des bêtes, ils battent en retraite si on en tue assez - »
« Pour peu qu't'arrive à les toucher! »

« Et après ? »

César ricana.
« N’t’attend pas à d’la pitié de la part d’ces vermines. »
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« Y a beaucoup de p » Jonathan fut coupé par le bruit sourd d’un des deux cochers frappant deux fois le convoi de la crosse de son arme, faisant sursauter les deux jeunes gens et réveillant la mère Epping. Elle prononça à peine quelques mots « Qu’est-ce que… » Lulu regarda Epping, les sourcils froncés, alors que celui-ci sortit sa tête et ses épaules de la fenêtre de la diligence pour se tenir au courant. La sorcière n’entendit rien de ce qui se dit alors, se contenta de regarder Mme Epping et de s’autoriser à lui sourire. Jonathan revint quelques secondes plus tard, déjà une main sur la crosse de son arme qu’il avait abandonnée à cette espèce d’étrange sangle que portaient les hommes d’ici comme un genre de ceinture. « Les Indiens ! Ils vont nous attaquer ! »

« Nous arrivons près du troupeau ? » demanda-t-elle calmement, tout en se risquant à jeter un œil d’un point de vue plus avancé, se penchant légèrement vers la fenêtre. L’absence de réponse du jeune Epping l’incita seulement à se faire confiance. « Mon dieu. » prononça à la droite de Jonathan la voix fragile de sa mère. Elle joignit ses mains, ferma les yeux et commença à prier à la manière de certains habitants du Jardin Radieux ou du quartier fauve au domaine enchanté, prononçant des paroles qui ressemblaient à d’autres. Jonathan sortait déjà sa tête et son thorax du convoi, l’arme brandie, quand elle posa une main sur son dos. « Rasseyez-vous. » Il ne l’écouta pas de suite. Elle se répéta avant qu’il s’exécutât enfin. « Vous ferez ça quand nous les verrons. » Car si les Indiens tiraient bien, il ne faudrait pas longtemps avant que Jonathan se retrouve basculant par-dessus bord suite à une flèche trop bien plantée dans son abdomen. À l’intérieur du convoi au moins étaient-ils un peu protégés le temps que les Cheyennes profitent de leur initiative. Jonathan la regarda fixement, les sourcils froncés, peut-être fâché. Elle s’en moquait, scrutant l’horizon, hésitant à appeler Menrva. Non. Lulu ne voulait pas risquer des vies pour quelques tocades… Toutefois, elle n’était pas venue ici pour perturber totalement le cours des choses en utilisant des armes aussi puissantes que la chouette. Et elle voulait apprendre. Tout en elle espérait la venue des Indiens.

Le convoi continua d’avancer, sans rencontrer d’Indiens, pendant encore de longues dizaines de secondes, faisant douter Lulu sur ce que les cochers avaient entendu et installant en la sorcière un sentiment qu’elle n’avait alors connu qu’une seule fois dans sa vie : l’inquiétude du combat à venir. Elle ne s’était battue qu’à deux reprises dans sa vie et avait à chaque fois détesté ça. Bien sûr, la jeune femme connaissait la nécessité de se défendre, surtout dans de tels cas.

Enfin, Lulu observa le début d’un troupeau de bisons dans cette prairie au creux d’une vallée. Ils étaient statiques, mangeaient paisiblement, ignorant l’arrivée de leur convoi. Celui-ci ralentit légèrement l’allure pour s’engouffrer dans ce chemin sinueux entre tous les bovins. Mme Epping sursauta brusquement, les deux passagers la regardèrent vivement.
« Vous entendez ? » prononça-t-elle à mi-voix. La sorcière tendit l’oreille, essaya d’ignorer le bruit des bêtes, celui de la carriole, des chevaux. Le son qui était venu aux oreilles de Madame Epping gagna en puissance, sembla s’avancer, pour devenir en quelques secondes, un cri aigu provenant de toutes les directions. « Ils sont là ! » cria Jonathan. Lulu ne vit rien, les cochers bien puisque le convoi accéléra en quelques secondes pour atteindre une vitesse qu’ils n’avaient jamais approchée du voyage. Les chevaux galopèrent en tirant derrière eux la diligence. Prudente, la sorcière resta, tête collée au dossier de son siège, évitant d’aventurer un regard tant qu’elle n’y comprenait pas davantage à la situation. Elle entendit, sans comprendre tout de suite, des bruits secs derrière elle sur le convoi, celui des flèches qui se plantent dans le bois. Le convoi continuait d’avancer quand deux coups de feu retentirent. De sa position, tout ce qu’elle pouvait voir était les bestiaux qui commençaient à s’agiter, à avancer.

Jonathan sortit son bras de la fenêtre, attendit quelques secondes et tira.
« Ils vont trop vite ! » Il tira encore quelques fois avant de revenir dans la diligence. Lulu ne devait pas lui faire confiance, c’était un fermier avec une arme, après tout. La jeune femme se risqua à un coup d’œil par la fenêtre. Elle ne pouvait les compter. En fait, de sa position, elle n’en voyait qu’un, par-dessus le dos des bisons, sur son cheval, tenant un arc et bandant sa corde. Lulu se recula. La flèche vola et se planta dans l’encadrement de la fenêtre, la pointe traversant celle-ci. La sorcière se pencha une nouvelle fois pour voir l’ennemi qui recommençait à galoper. Elle ne voulait pas avoir l’usage d’une magie trop visible devant les locaux qui n’étaient pas habitués… et ne voulait pas être chassée pour sorcellerie, précisément. Aussi, alors que Jonathan rechargeait de ses deux mains tremblantes son pistolet, elle fit un bref geste du bras, lançant un sort presque invisible de sa main. Elle observa l’indien, durant son galop, brusquement faire changer de direction à son cheval, comme mu par une nouvelle décision. Le cheval ne s’y attendit pas, le corps du Cheyenne pas plus, et il tomba de sa selle alors que la monture continuait sa route, paniqué.

Lulu regarda du côté de Mme Epping, demandant aux deux :
« Combien en avez-vous vus ? » Elle n’eut pas de réponse de la mère mais le jeune homme lui répondit : « Plus d’une vingtaine, je dirais ! »

Elle acquiesça. Pas vraiment paniquée, seulement soucieuse de trouver un moyen de défendre le convoi sans révéler sa magie aux locaux et du fait de ne pas tuer. Après ce qu’elle avait vécu, elle voulait laisser cet acte aux autres.
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Ils avaient surgi d’entre les bêtes en un instant.

Un instant tumultueux, chaotique, fracassant, où une multitude de têtes noires coiffées de blanc jaillirent d’entre les bisons pour hurler leur fureur à l’unisson. Comme une onde de choc, une volée de flèches suivit l’explosion de colère, s'abattant sur la caravane dans un craquement ; les vociférations des guerriers si bruyantes que le claquement caractéristique des arcs en était inaudible.


Naran sentit sa monture tressaillir. La fuite désorganisée des bisons tout autour d’eux faisait trembler la terre, mais pas assez pour justifier le galop emballé de sa monture: La Mercenaire  n’eut pas besoin de se retourner pour comprendre qu’une flèche avait amoché l’animal. Pressée par la situation, la Mercenaire serra les mollets avec toute l’autorité dont elle était capable. Elle ne pouvait se permettre de rester une cible immobile au milieu du champ de bataille.

Sa main droite, déjà crispée sur son arbalète, fusait vers les attaquants. Sans prendre le temps de choisir sa cible, elle tira un carreau sur un guerrier tonitruant coiffé de deux plumes pâles.

Le projectile, droit et penné de gris, vrombit au dessus de l’herbe sèche, traçant une onde à travers la fumée âcre qui envahissait la plaine. Un instant, encore, de ce cri perçant, et le fin pieu de bois se plantait dans un torse peint de rouge et de blanc.


Déjà, Naran basculait, prenant refuge derrière la masse suante et sanglante de sa monture. Ignorant tant le râle de sa cible qui glissait au sol que le rugissement de ses camarades, elle palpa le cuir poisseux. La plaie, couverte d’écume écarlate, était plus profonde que prévu ; Seule peut être la panique communicative du troupeau bovin maintenait l’animal sur la lancée de sa dernière course.

Profitant de ces dernières foulées, Naran cala son arbalète sur la selle, et reposa les yeux sur la masses confondues de bisons et d’assaillants. En moins d’une seconde, elle avait une nouvelle cible: une tresse tissée de rouge battant un dos griffé de cicatrices. Le second carreau sauta à sa place, prêt à voler, et son doigt se tendait sur la gâchette -


Un nouveau cri, vociférant derrière elle.
Naran eut à peine le temps de vriller sur elle même, laissant son deuxième carreau se perdre dans les air, qu’elle se trouva nez à nez à un cavalier enragé. Elle vit d’abord un visage, haineux et à demi peint d’écarlate, puis la hachette qui s'abattait sur elle. Acculée, sa dague encore à sa hanche, elle dût se résoudre à parer de son arbalète.


La hache fendit quelques centimètre du bois ouvragé. Dégainant son poignard, elle prit un dernier appui sur sa monture haletante, et sauta. Abandonnant l’animal, elle vint à l’assaut de son opposant, lame en avant.

Il esquiva abruptement, plus souple qu’elle ne l’aurait soupçonné, et la dague de la Mercenaire pénétra le bras du guerrier plutôt que son poitrail. Malgré la douleur, le cri vengeur de ce qui se révélait être, derrière le rictus, une jeune homme tout juste pubère, ne faiblit pas.

Jouant d’équilibre, Naran maintint sa prise sur sa dague et se nicha dans le dos de son assaillant. La hache de ce dernier vola, cisaillant ses bras, frappant sa poigne du manche de bois peint. Excédée, Naran retourna la lame toujours enfoncée dans la plaie.
Malgré l’entêtement du guerrier, la douleur fut suffisante pour le faire faiblir. D’un coup d’épaule, Naran finit par le déloger de sa selle, déterminée à le laisser choir sous les sabots toujours battant de sa monture.


Délaissant le jeune homme, les yeux plissés de la Mercenaire filèrent sur le brouillard de poussière et de cris qui l’entouraient. La diligence, obscurcie par la brume paniquée, continuait sa course folle ; de son toit surchargé, sac après sac s’écrasaient au sol, délogés par la première volée de flèche.

Naran siffla à son aigle de redescendre, sentant une sueur froide à sa nuque. Elle avait beau scruter les nuages de poussière,  impossible de distinguer sa commanditaire, si ce n’est l’ombre d’une fenêtre piquée de flèches.
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Au creux de ses oreilles résonnaient uniquement, malgré les nombreuses occurrences bruyantes autour de la calèche, les cris de douleur de Jonathan Epping, le corps tout entier voûté sur lui-même. Il tenait dans une main son autre bras comme si ce dernier ne lui appartenait plus. La paume de sa main sanguinolait de se voir transpercée par une flèche longue comme le pied d’une chaise. La sorcière, face à cette effroyable scène, restait bouche-bée, immobile. En une dizaine de secondes, le sol de la diligence se retrouva taché de sang. Il poussa de nouveaux hurlements.

« Ma main ! Ces salopards ! Ils m’ont… » Le cri se changea en un sanglot. La sorcière voulut regarder ailleurs, surveiller l’extérieur. Cette flèche n’aurait pas pu être calculée. Pour le prix de quelques centimètres, elle-même aurait pu se retrouver blessée. Un nouveau râle la fit reporter son attention sur Jonathan, bien qu’elle ne sût en aucun cas comment l’aider. Il ne lui était arrivé qu’à une seule occasion de secourir une personne. Celle-ci était alors à une aune de la mort et la solution qu’elle avait trouvée était extrême, de telle sorte qu’il aurait été imprudent d’emprunter cette même voie considérant la blessure. Lulu n’était pas médecin mais supposait que passée la douleur, ce ne devait pas être trop grave. Stimulée par cette pensée, la sorcière se pencha en avant, essayant de se rapprocher du jeune Epping tout en restant à couvert des flèches. Elle en oubliait le combat… Pourtant, à l’extérieur, le convoi se débattait avec des dizaines de chevaux, pour une voie jusqu’aux frontières de la vallée. Plus que jamais, l’attelage bondissait de saccade en saccade, menaçant chaque seconde leur équilibre, frappant la voyageuse des bagages à ses côtés.

« Jonathan ! Jonathan, réponds-moi ! Dis-moi que » Lulu cessa d’écouter les cris et les questions de Mme Epping, dont le tempérament, une fois qu’elle était éveillée, lui procurait un tracas supplémentaire qu’elle souhaitait éviter. Au lieu de ça, elle essaya d’étudier la situation de l’extérieur, entre le fils et la mère ayant mis en pause leur survie pour la perte d’une main. « Essayez de vous taire, Jonathan. » lui adressa-t-elle d’une voix froide, peu compatissante. Il l’ignora. Davantage encore, il poussa un grognement comme pour donner de la légitimité à ses plaintes. « Prenez mon Colt ! » Ses sourcils se froncèrent en tentant de comprendre ce qu’il avait essayé de lui dire. « Mon colt ! Le révolver ! »

Lulu baissa les yeux et vit, dans la flaque de sang, l’arme à feu tremper dans le même liquide qui salissait les coutures de l’ourlet de sa robe. Dire qu’il l’avait lâché dans la voiture. Elle n’y connaissait pas assez pour être certaine, mais croyait cohérent le fait qu’un coup soit tiré dans de pareilles circonstances, comme cela pouvait arriver pour une arbalète.

« Non. » murmura-t-elle une première fois avant de répéter. « Non, Jonathan. »

« Prenez-le ! Prenez-le et tirez sur ces peaux-rouges ! » lui cria le jeune Epping, les yeux rivés sur le bois humide figé dans sa main, les yeux révulsés de douleur. Lulu ne répondit rien, regardant plus attentivement à sa gauche le combat qui faisait rage… ou ce qu’elle entendait. Un épais nuage de poussières l’empêchait de voir beaucoup plus loin qu’à deux mètres.

« Maman ! Prends-le ! Fais ce que je te dis ! »

Lulu fit volte-face pour fixer Mme Epping qui était déjà plongée vers le centre de la carriole, cherchant  à saisir l’arme. La sorcière voulut l’attraper en premier lieu, avant, ses ongles ne faisant que gratter le bois et le sang épais du fermier. Elle se redressa, pour voir la mère de famille fixer l’arme comme le plus exigeant des livres. Profitant de l’occasion, elle saisit l’arme, tandis que son autre main se posa au-dessus de la poitrine de Mme Epping. Une décharge parcourut son bras et secoua brusquement sa vis-à-vis. En se retournant sur elle-même, d’un geste, la sorcière jeta le pistolet par la fenêtre.

« Mais qu’avez-vous fait ?! » cria Jonathan. Elle ne tarderait pas à le mettre hors d’état de nuire s’il continuait à lui causer autant d’inquiétudes. Lulu voulut répondre, commença la bribe d’une phrase. « C’est fini, vous ne pouv… » Elle sursauta lorsqu’elle vit du coin de l’œil la tête d’un cheval s’approcher de la diligence, avec au-dessus de lui un Indien torse nu et le crâne rasé, tenant une dague dans une main. Le bras de la jeune femme se leva par réflexe à sa gauche alors que dans un tremblement et un vacarme assourdissant, apparut entre l’Indien et la diligence un pic de pierre aussi large qu’un autel et aussi grand qu’un cyclope. Elle entendit un choc, un hennissement, et chercha aussitôt, plus qu’un ennemi, une réaction dans les yeux du jeune homme qui la regardait avec incompréhension. Peu lui importait, somme toute. Son inquiétude se reporta bien vite sur un autre problème. Le convoi semblait brusquement ralentir. Son crane se rabattit contre le dossier de son siège, son épaule se cala le plus possible sur la paroi en cuir de la voiture et ses yeux cherchèrent en avant la raison de ce ralentissement. Lulu vit les nombreuses bêtes que ce combat avait réveillées s’agglutiner devant le convoi, effrayées par les Indiens et guidées là pour les ralentir.
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Au milieu des cris de guerre, un hurlement de douleur jaillit de la diligence.
Furieuse, Naran siffla à nouveau - Un son abrupt, sans équivoque.

L’ombre de son rapace piqua sur la fenêtre.
A la dernière seconde, ses ailes brunes s'ouvrirent brutalement, créant un tourbillon de plus dans la cohue de bêtes et de poussière.

Il n'eut toutefois pas le temps d'attaquer. Non, avant que l’oiseau ne puisse faire quoique ce soit, un pic de roc surgit du sol.


Le pilier fit, l’espace d’une seconde, la stupéfaction générale.

Même certains bisons, pourtant lancé de toutes leurs tonnes de crin et de viande, trébuchèrent devant l’incongruité géologique, ou au moins sur le corps du cavalier indien qui en avait fait les frais.  

Le craquement de la terre avait été étouffé par le martèlement de leurs sabots; Mais, maintenant face à une gigantesque stalagmite, les bêtes se bousculaient en un amas confus et terrifié.


Coincée entre leurs masses crasseuses et d’autant plus agitée, la Mercenaire eut d’abord du mal à ne serait-ce que garder l’équilibre. La bousculade eut vite raison de sa première monture. Le bai, déjà mourant, fut englouti sous les sabots du troupeau en quelques seconde.

Son second cheval, un petit étalon encore sonné de s’être ainsi fait subtilisé, peinait à garder le rythme de leur cavalcade.

Plus que l’endurance de sa monture, toutefois, c’était la masse de museau ecumeux bloquaient sa progression. Certains étaient si proche de Naran que leur souffle chaud résonnait à ses oreilles; que leur cuir rêche venant brûler ses cuisses.  

L’essaim mugissant l'empêchaient aussi de se glisser au côté de sa selle, ou même de pivoter - quelques manoeuvres que soit pour éviter les flèches des assaillants.

La Mercenaire était ralentie, sans arme, et à découvert.
Elle déglutit, main serrée sur son arbalète vide… Puis leva les yeux.


Plusieurs guerriers s’étaient glissé dans le troupeau. Rabattu sur leurs bêtes et peint des pieds à la tête, on les distinguait à peine des pelages marron ocre qui se bousculaient sur la plaine. Quand à la diligence…
Entre la poussière et les quelques flèches ennemies, Naran ne discernait qu’une esquisse de l’équipage, noyé entre bisons et cavaliers.

Aucun signe d’un mage ou d’un tremblement de terre, aucun indice sur l’origine de la stalactite. Le pilier lui même, gigantesque et absurde, était déjà loin derrière eux. Le cri lui même n’était plus audible...

Tout ce que Naran savait, c’est que la diligence continuait son cahotement erratique, tandis qu’un indien et son cheval gisaient au sol, piétinés en une trainée de tripes et de boue.


D’un coup de genoux, elle força sa monture à se frayer un chemin. Elle le guida sévèrement de ses cuisses, ses deux mains occupée à recharger son arme qu'elle espérait fonctionnelle.

Le petit étalon, encore étourdi d’avoir perdu son cavalier, fit une large enjambée... puis trébucha brutalement.


Naran sentit alors une main lui empoigner l’épaule.

Un des guerrier, carré et couvert de terre ocre rouge puante, venait de se jeter sur elle. Son seul poid fit tanguer leur monture. Sentant un corps étranger plaqué sur son dos, Naran eut une nausée soudaine.

Son cheval renâcla, malmené par sa charge soudainement doublée. Son galop déséquilibré força l’Indien à se cramponner à l’épaule de la Mercenaire.

A la seule poigne du guerrier, Naran sentit ses os craquer ; à la vue de sa hachette ceinte de rouge, soudain brandie à sa gauche, elle ne pu réprimer une seconde de panique.

L'indien fendit l’air de sa lame ébréchée.


Les mains encore prises par le mécanisme de son arbalète, Naran ne pouvait contrer le coup de l’Indien. Elle vit la hache filer vers sa gorge, et, en désespoir de cause, elle se projeta en arrière.

Son crâne percuta le menton de son assaillant. Elle sentit ce dernier sursauter, sa lame déviée vers son épaule plutôt que son cou.

Le métal s’enfonça brièvement, déchirant lin, cuir et chair en un bref mouvement.

Aucune douleur. Naran vit pourtant la hache jaillir de son épaulière, crachant une gerbe rouge sombre… Mais seul un dégoût profond, viscéral, brûlait au fond de son estomac.


Un clic - Enfin libre du mécanisme de son arme, Naran abattit son arbalète par dessus sa tête, percutant cette fois le crâne de l’indien.

L’homme perdit prise ; Sa hache vola, s’enterrant entre les sabots grondants qui les entouraient.


Mais, plutôt que de chuter avec son arme, le guerrier resserra sa prise sur son épaule. Pire, sa main libre fondit sur le cou de la mercenaire.

La large paume se cala sur sa gorge. Ses ongles creusèrent dans sa nuque.

Respiration coupée, Naran s'étouffa sur le relent âcre qui envahissait son palais. Le souffle effréné de l'Indien grinçait à ses oreilles, plus fort encore que le grondement du troupeau en folie.

L'étau se resserrait, inévitable, et elle gémit, sentant ses doigts glisser sur le bois de son arbalète. Un geste presque avorté, et l’arme retrouvit son attache, pendant maintenant sur le devant de sa selle.

La Mercenaire tenta de troubler son assaillant, tailladant de ses coude et ses talons - sans effet si ce n'est un grognement abrupt.


Trop faible, trop contrainte pour être efficace, la Mercenaire sentit une deuxième paume vint se placer sur son cou, et la pression augmenta encore, au point qu'elle crut ses orbites proches d'exploser.

Devant elle, le champs de bisons se perdait en vagues taches de brun. Le vent, les cris, tout résonnait dans son crâne pressurisé. Le sable sec collait à ses lèvres asséchées, criblait ses paupières tombantes, mordant ses larmes étouffées.

Ses membres étaient de plus en plus flasque.
Leur gesticulation était devenue hasardeuse; un énième coup dans l’air, et elle heurta l'arme qui pendait à sa hanche. Ses doigts s’emparèrent de la crosse, s'agrippant au métal rouillé comme à un dernier espoir.

L’arme glissa hors de son étui. Lourde.


Une secousse agita la Mercenaire, puis une autre. Mu par l’instinct, sa tout son corps se tendait par spasme, tentant vainement de happer l’air qui lui manquait. Incapable d’inspirer, les vertiges la frappait à chaque foulée de son cheval épuisé.

Dans la brume sablonneuse, le galops des bisons semblait suspendu dans le temps.

Pendant quelques secondes, Naran perdit le fil de la bataille. Peu importait les bovins qui vibraient autour d'elle, les cris de guerre et de souffrance, ni même le glatissement amusé de son aigle.

Du coin de l’oeil, elle pouvait distinguer une myriade de couleurs, étrangement imbriqués dans la terre ocre de la plaine.


Les mains autour de sa gorge se reserrèrent encore.

Naran ferma les yeux, et frappa.
Le canon de son pistolet s’enfonça dans la hanche de son assaillant. Un coup, et la pression diminua. La surprise, la douleur, qu’importait: Naran frappa à nouveau, enfonçant le canon froid de son colt dans l’abdomen, dans l’aine, dans la cuisse, jusqu’à ce qu’enfin l’Indien retire l’une de ses mains.

Une inspiration, un râle, et ses doigts trouvèrent la gâchette. Elle tira, visant à l’aveugle le torse de son assaillant. L’écho du coup résonna entre leurs corps, amortit par la chair de l’Indien.

La pression sur son cou s’effaça peu à peu.


Avachie sur l'encolure de son cheval, la Mercenaire hoqueta. Son poing était toujours serré sur son arme. Elle cracha, à peine capable de se maintenir sur son cheval, et tira derrière elle. Le deuxième coup loupa, sifflant vers le ciel - le troisième et le quatrième percèrent à nouveau le cadavre, achevant de la faire glisser au sol.


Entre larmes et soubresauts, Naran happa de larges et crachottantes bouffée d’air.

Sa gorge brûlait comme si elle avait avalé des braises. Peu à peu, elle distinguait la douleur diffuse de sa plaie à l’épaule, en même temps que la bosse naissante sur le haut de son crâne.


La Mercenaire n'eut pas le temps d'accuser le coup. Un coup de feu retentit à ses oreilles, à peine audible dans le fracas général, et elle sentit son souffle se couper.

Un instant, elle ne sentit non pas la douleur, mais une sorte de confusion.
Un nouveau flottement, suspendu entre deux foulée.


Seulement après ressentit elle le piaillement de ses plaies. Puis, comme au ralenti, son épaule gauche lui sembla exploser en mille et un morceaux.


Une balle venait de transpercer son épaulière.
Le cuir déjà amoché avait ralentit la balle - Sûrement, sinon son dos aussi dégoulinerait de poisse.

Naran scrutait le champ de bataille. Elle allait trouver la raclure qui -


La Mercenaire cligna des yeux. Elle avait quitté le champs de bataille pour une douzaine de secondes, peut être une minute - le temps de se débarrasser du guerrier qui lui était tombé sur le dos.

Pourtant… L’air était différent. La fumée âcre s’était intensifiée. Leur cortège bovins ralentissait, piétinait devant eux.

Une douzaine de cavalier les encerclaient, dispersé à distance. Ils pressaient les bisons en fuite, tout en restant à distance des fusils des cochers.

Habiles, moqueurs, entourés de cette odeur âcre infâme, ils avaient réussi à compresser le gros du troupeau autour de la diligence.


Enfin, elle tomba sur le tireur qui galopait maintenant à quelques dizaine de mètres d’elle. Son fusils encore fumant laissait peu de doute quant à l'origine de la balle qui lui était encore logé dans l’épaule.

La Mercenaire pouvait distinguer ses sourcils rouge sang, les crocs blancs qui marquaient sa mâchoire, une haine calculatrice dans son regard.

Le guerrier la fixa un instant, puis cria. La syllabe, unique et sifflante, résonna sur le troupeau avec l'autorité d'un ordre.


Encore haletante, Naran leva le bras. Ses yeux cillèrent, encore flou, sur les plumes qui piquait la tête du tireur.

Une pression sur la gâchette, et -
L’arme tressailli, sans pour autant cracher de balle.

Jurant, Naran passa ce qui n’était plus qu’un encombrant bout de métal à sa ceinture.

Le temps de sortir son arbalète, et le guerrier était déjà loin, s’effaçant avec une aisance déconcertante entre les groupes de bisons qui se massaient sur la plaine.


Frustrée, la Mercenaire lâcha un carreau maladroit sur un autre des guerriers - carreau qui passa près d'un mètre à sa droite, se perdant dans la plaine.

Tout les cavaliers prenaient leur distance : Comme une marée haineuse, ils disparaissaient d'entre les bisons.


Trop affaiblie pour poursuivre, la Mercenaire jura à nouveau. Sa main pressait à son épaule, bloquant tant bien que mal un filet de sang qui entachait le cuir de son épaulière. Finalement, elle serra les mollets, laissant son cheval peiner jusqu’à la diligence.


Cette dernière reprennait déjà de la vitesse; la masse de bisons, libre de l'influence indienne, se dispersait dans la plaine en petit groupes.


Foulée après foulée, Naran s’approchait de la diligence, jusqu’enfin apercevoir le canon encore fumant du fusil des cocher.

Elle déglutit, sa gorge encore sèche, puis cria d’une voix cassée:

“Tout va bien ?!”

Sa question était absurde, elle le savait.
Redondante, aussi: Arrivée à quelques mètre, la Mercenaire pu voir la posture avachie d’Earl, main pressée sur sa côté gauche, et le regard noir que lui jeta son collègue. Grimaçante, la Mercenaire posa son visage encore couvert de crasse vers la fenêtre de la diligence.
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« Qu’avez-vous fait à ma mère ? » hurla  Jonathan Epping, les yeux injectés de sang. « Vous l’avez tuée ?! »

« Taisez-vous. Non. » répondit-elle, ne pouvant dissimuler une certaine inquiétude. Elle se logea le plus possible au fond de son siège, essayant de ne pas être visible depuis l’extérieur. À sa gauche, faisant sonner le bois de la calèche, se plantaient de temps en temps quelques flèches sur la paroi de leur véhicule. Rien qui ne lui donnât le courage de tenter encore la moindre action. Et de toutes façons, elle en avait trop montré. Si les attentifs avaient aperçu la terre se soulever elle-même pour devenir un obstacle, à son simple commandement… la famille Epping ne fermerait pas les yeux sur le sort qu’elle avait lancé à la mère. Rien de très visible, certes… Une secousse électrique procurée au simple contact de la main… mais finalement, le manque d’accessoires et d’artifices à ce petit tour l’avait sûrement rendu, aux yeux du fils, d’origine maléfique, magique, selon les mœurs de ce monde.

Nonobstant la vérité qui sauterait bientôt aux yeux de tous, Lulu ne s’imaginait plus lancer le moindre sort. Elle ne serait pas celle qui perturberait l’ordre de ce monde avec une magie trop exotique… Au-delà de ça, avec le vacarme des bovins aux côtés du convoi, le pressant de part et d’autres, déviant sa trajectoire, la contrôlant davantage que les cochers et les chevaux ne le faisaient, que pouvait-elle faire à part les effrayer davantage ?

Sous les cris d’un Epping heureusement trop blessé et fatigué par sa colère pour s’en prendre à elle, Lulu tentait de discerner la chose à faire dans cette situation chaotique. Elle avait espéré des Indiens. Elle déchantait déjà. La violence de cet affrontement soulignait une vérité dans les mots de tous les locaux rencontrés. Ces indigènes pouvaient avoir de très bonnes raisons d’être en colère, ils n’en semblaient pas moins effroyablement impitoyables. Et comment ne pas croire les rumeurs sur ce qu’ils faisaient aux captifs, lorsqu’on voyait ce qu’ils infligeaient aux civils.

Ce qui ne devait être qu’une minute sembla en durer quinze. Les cris qu’elle entendit lui rappela ceux qui alimentaient l’horreur de l’attaque de la Coalition noire sur la citadelle. Mais le son du galop qui s’éloignait avait un plus bel écho. Elle se risqua à un coup d’œil. Les Indiens s’enfuyaient. Une calèche ne devait pas valoir autant de morts, sans doute.

La mercenaire arriva, parla un peu aux cochers, pour finalement arriver jusqu’à eux. Mme Epping était toujours assommée par la décharge. Jonathan avait arrêté de crier de rage, de sangloter de douleur. Mais ses yeux trahissaient les deux, rivés sur la sorcière. Quant à elle, Lulu vit Narantuyaa, cramponnée à une blessure à l’épaule. Voilà encore une chose qu’elle ne pourrait arranger en ce jour, mais elle espérait qu’une aventurière comme cette jeune mercenaire aurait l’habitude de traiter les premiers soins. Lulu ne dit rien, pas plus que son escorte. Le convoi continua sa cavalcade pendant une quinzaine de minutes, à en épuiser les chevaux, abandonnant les bisons à leur pâturage piétiné par cette chevauchée. C’est seulement après de nombreux kilomètres creusés entre les Indiens et eux, que la compagnie en terre sauvage fit la première chose logique à faire : s’arrêter.

Chacun sortit, y compris une Mme Epping éveillée mais encore sonnée, soutenue par Cesar. La sorcière observa sa compagnie dont les gros effectifs étaient blessés : Jonathan à la main, Narantuyaa  à l’épaule et finalement, Earl au flanc. Les blessés s’assirent pendant que Cesar partit fouiller la calèche, ne dérangeant le silence que par le bruit de valise que l’on déplace. Lulu se tint légèrement isolée, subrepticement tournée vers le groupe, pour ne pas avoir l’air de les regarder, sans toutefois leur tourner le dos. Ses deux mains se rejoignaient, son menton était bas. Elle sentit le sang de Jonathan sur ses doigts, à peine séché, salir sa robe. Avec une touche de dégoût, elle veilla à ne plus toucher ses vêtements avec ça. Cela ne lui était pas souvent arrivé. À vrai dire… hormis le sien, elle n’en avait pas souvenir.
Mais aujourd’hui encore, elle avait tué. Peut-être. Ce n’était que des hommes qu’elle avait fait tomber de cheval de manière plus ou moins violente. Parfois, cependant, cela suffisait à tuer un général de guerre. Pourquoi pas un Indien ? Cette pensée n’était pas rassurante. Elle qui se voulait simple témoin, observatrice, les oreilles et les yeux du Sanctum ou quoi que ce soit d’autre qui voudrait d’elle… C’était aujourd’hui le début d’un échec. Et Lulu n’avait pas souvent échoué dans sa vie.


« Je ne sais pas ce qu’il s’est passé. » témoignait d’une voix fébrile, agonisante, Mme Epping, soutenue par la roue de la diligence, écoutée par Earl, davantage intéressé par sa propre blessure que par le récit. « Je… j’ai voulu ramasser le pistolet de John. Je l’avais dans mes mains ! » raconta-t-elle en levant ses mains devant elle avant de les laisser tomber mollement le long de son corps. « Et… » Elle sanglota, empêchant la sorcière de la regarder une seconde de plus sans trahir son mépris pour la comédie. « J’ai cru m’être tiré dessus ! »

« C’est elle, monsieur ! L’étrangère ! » rugit Jonathan, pointant une main accusatrice vers Lulu, alors que l’autre se faisait recouvrir d’un bandage par Cesar. « Elle n’a jamais nié ! Elle a posé sa m… Mais attention ! » cria-t-il à l’encontre du silencieux infirmier de fortune, visiblement trop rude dans ses gestes. « Une main sur la poitrine de ma mère et c’en était fini ! Ma pauvre maman s’est vue secouer, comme attaquée de l’intérieur par le mal d’un démon ! »

Lulu affronta les quelques regards froidement, ne leur faisant toujours pas face, la tête à peine tournée vers eux. Elle détourna après quelques secondes ses yeux, ramena son menton dans l’axe de son corps, ignorant leurs accusations.

« C’est vrai, mademoiselle ? » demanda, à travers les nouveaux propos de Jonathan, Earl. Lulu daigna les regarder à nouveau, cherchant Narantuyaa du regard, occupée à sa propre plaie, découvrant son épaule pour l’entreprise. « Avez-vous déjà tiré, Mme Epping ? » demanda Lulu d’une voix catégorique.

« Répondez à la question s’il vous plait. »

« Mme Epping ? »

Celle-ci sembla trembler de peur. « Je n’en ai pas eu le temps, je… vous m’avez attaquée. »

« Soit. Mme Epping n’a aucune expérience des armes, pas plus que moi. On ne laisse pas un fusil dans les mains d’une personne si elle risque d’en blesser d’autres. »

« Donc vous avouez ? » Earl lui parlait d’une voix relativement neutre, mais ses yeux parlaient pour lui, exprimaient sa prudence, sa méfiance. « J’avoue que je l’ai désarmée. »

« Comment ? Que lui avez-vous fait ? »

Lulu détourna une nouvelle fois les yeux. Non pas pour regarder le paysage et ignorer l’existence de ces rustres mais pour chercher Narantuyaa une nouvelle fois. Elle pourrait comprendre. Une mercenaire, quoique cette bande ne soit pas connu pour son développement de la magie.
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Narantuyaa venait de nettoyer sa plaie. Un peu d’eau, un peu d’alcool, et un pansement de lin qu’elle tirait de ses dents et de sa main saine. Nouant son bandage, elle leva les yeux, et croisa le regard de sa cliente.

Là où Lulu était restée silencieuse le long de leur fuite, elle semblait maintenant presque… éperdue. C’était grotesque. Que lui voulait-elle ?

Naran n’avait pas eu le temps de préciser les termes de son contrat.
L’intitulé ne mentionnait qu’une escorte. Evidemment, on ne l’appellerait pas de si loin - et pour si cher - s’il s’agissait de tenir la main d’une jeune femme sans problèmes.

Il était clair que Lulu détonnait. Elle avait vocation à provoquer, de sa garde-robe à son verbe incisif. Jusqu’ici, elle avait su concilier avec la méfiance naturelle des gens de ce monde… Mais là, alors que tous étaient excédés de fatigue et d’angoisse, sa façade impérieuse semait déjà la discorde.

Le risque de dérapage était d’autant plus lourd que Lulu ne semblait pas maîtriser la situation. Malgré ses répliques, sa commanditaire avait perdu de sa superbe, avec sa robe tâchée de sang et ses mouvements nerveux.


C’était sans parler d’attaquer ses compagnons de voyage.

Ceci dit, le témoignage de Jonathan était intriguant. Était-ce Lulu qui avait levé cette colonne de terre, lors de la poursuite ? Des compétences bien exotique, pour ce monde de charbon et d’acier…

La douleur, un instant ravivé par le rhum blanc, diminuait peu à peu. Naran soupira, puis se leva lentement. Si sa cliente voulait qu’elle prenne partie, elle pouvait se plier à l’exercice. Mais si tout ceci finissait par dégénérer, elle la ferait payer les heures et meurtres supplémentaires. Naran avait un semblant de réputation, dans ce monde, et serait au regret de devenir hors la loi…

La Mercenaire fit quelque pas, ouvrant et fermant son poing gauche - plus pour tester l’étendue des dommages que pour menacer qui que ce soit.

« Calmons-nous. » Naran affecta le ton lourd et raisonnable d’une fin de raid. Le ton qui ramenait à la réalité, qui rappelait le goût âcre de la fumée, qui calme les ardeurs et débouchait les oreilles des plus âpres pillards.

Trois paires d’yeux fondirent sur elle. Outrage d’une femme amollie et encore tremblante de l’attaque, la colère de son fils… et le calme étrangement insondable du cocher blessé.  

« J’étais moi-même aux côtés de la diligence. Vous auriez tiré sans réfléchir, et vous auriez peut-être privé Madame – les yeux de Narantuyaa soulignèrent un instant Lulu – de sa seule escorte. »
Main sur son arbalète, Naran scruta les membres de la diligence.
« L’attaque a été repoussée. Pour l’instant. »
La corde de son arbalète craqua, chargeant de nouveaux carreaux.
« Mais nous restons vulnérables, et en terres sauvages. »
Si leurs attaquants avaient une once de jugeote, en plus de leur ardeur au combat, ils formeraient une seconde excursion. Affaiblis comme ils l’étaient, les membres de la diligence ne serait pas plus résistant qu’une volée de perdrix.

Voix paniquée, Jonathan protesta.
« Je ne laisserai pas ma mère remonter dans la voiture avec cette, cette- »
Naran le fixa, ton dur.
« Si vous voulez scinder cette compagnie, je ne donne pas cher de la survie de cette diligence sans mes compétence… Surtout privé de vos deux tireurs. »

« Elle n’a toujours pas admis ce qu’elle avait fait ! »
Se détournant, Naran inspecta sa nouvelle monture, essuyant la bave qui moussait à ses naseaux.
Elle se remit en selle souplement, puis, assise sur la selle de fortune indienne, toisa Jonathan.
« Epping, si vous voulez appliquer la loi, attendez d’être de retour à la civilisation. »

Pressant les flancs de son cheval, Naran le lança au pas, étirant les jambes de la bête fatiguée.
« En attendant, le temps presse. »
Cherchant à nouveau le regard de sa commanditaire, la Mercenaire demanda d’une voix plus douce : « Lulu, vous désirez continuer en diligence ? »
Un sourire sauvage s’étira sur ses lèvres. « A moins que vous préfèreriez le grand air ? A deux, il nous s’rait aisé de distancier ces ingrats… »
L’offre était plus spectacle que raisonnable. Ce serait certes l’occasion d’en savoir plus sur les compétences de la jeune dame, et l’idée de voir Lulu à cru devant elle avait quelque chose de terriblement amusant… mais ce serait aussi la priver de ses bagages, et de la maigre protection du cadre de bois de la diligence.
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« Ça ira. » répondit-elle sèchement à la mercenaire. « Je suis ici pour connaître davantage ce monde et ses habitants. Pas votre cheval. » Aussitôt dit, la sorcière fit volte-face, laissant ses cheveux voler légèrement et faire tintinnabuler les bijoux qui les ornaient. Elle suivit Mme Epping et Jonathan pour rejoindre sa place inconfortable dans la diligence, évitant tout contact visuel avec ces deux nouvelles connaissances. Elle avait assez peu apprécié les paroles de la mercenaire. À dire vrai, son comportement avait été exemplaire, et si elle s'était arrêtée de parler au moment où elle appelait cette compagnie à la prudence et à l'unité, Lulu aurait sans doute été agréablement surprise par cette proposition à chevaucher avec elle. L'idée lui était plaisante malgré l'éducation que sa mère lui avait donnée, l'écartant des rênes et des activités pétulantes.

Aussi peu fière de son mensonge que désolée d'avoir envoyé promener son escorte, elle laissa ses songes s'embrumer de ce qu'elle avait pris comme une attaque ou en tous cas un signe manifeste de manque de professionnalisme. La calèche commença à rouler, tirée par les bêtes, transportant de nouveau des personnes, si pas indemnes, au moins hors de danger.
Elle pouvait comprendre, vu la délicatesse de la situation et du manque de culture évident d'un mercenaire, que la jeune femme ait davantage distrait les locaux du véritable sujet de la querelle, à savoir la sorcellerie de Lulu, que pris sa défense. Il était même approprié de parler de véritable savoir-faire, d'un pragmatisme imparable et d'une maîtrise de la langue vraiment appréciable. Il était suffisamment rare, voire exceptionnel, pour Lulu de trouver ces qualités chez quelqu'un, pour ne pas ignorer cette occurrence. Mais cette suggestion à Epping, cette invitation, d'appliquer la loi à son retour en ville n'avait pas suscité chez elle la même appréciation, loin de là.

Au-delà de la grossièreté, qu'elle pouvait apprécier chez des hommes et des femmes aussi libres de contraintes et de codes que les mercenaires, il s'agissait de sous-entendu. Elle n'avait pas invité Jonathan à porter cette affaire devant un tribunal ou à l'accuser en présence du shérif, mais à appliquer la loi, comme si elle était déjà coupable. Soit. Lulu essaya de reporter son attention, pour diminuer son agacement, sur le paysage, qui lui semblait changer de plus en plus. En sortant légèrement sa tête par la fenêtre, elle pouvait distinguer un plateau vers lequel se dirigeait le carrosse et son escorte. Comme pour confirmer cette impression, les trois passagers entendirent l'un des deux charretiers tambouriner au bois de la voiture et crier.


« Voilà qu'on quitte la grande vallée et ces foutus Cheyennes ! »

La bonne nouvelle ne parvint toutefois pas à occulter une sensation plus terre-à-terre. Alors qu'à présent, ils rejoignaient le chemin remontant la vallée et rejoignant le plateau, l'itinéraire en devenait plus sinueux, cahoteux. Lulu et les deux Epping se retrouvèrent une nouvelle fois ballottés dans tous les sens, et elle ne bénéficiait malheureusement plus de la bottine de Jonathan pour la protéger des secousses et va-et-vient de la caisse en bois à ses côtés. Maladroitement, elle regarda Jonathan, espérant peut-être retrouver ce garçon un peu bourru et simplet qui lui avait plu, mais ne put se mesurer qu'à un regard particulièrement féroce, qu'elle ne soutint pas.

La cavalière dut se rapprocher du convoi, alors que de plus en plus le chemin se resserrait. Petit à petit, la sorcière put voir quelques sapins border la route, pour qu'ils soient de plus en plus nombreux, accordant à ces terres de très belles couleurs et un charme qu'elle n'avait encore jamais vu ailleurs. Il était encore possible pour elle de retirer quelque chose de positif, au moins d'agréable, de cette traversée. Un peu lasse d'attirer l'attention en recommençant à prendre des notes devant le garçon de ferme, elle prit la décision de ne retrouver son calepin qu'à la soirée tombée.

Bientôt, il leur fut annoncé – ou crié pour reprendre les codes de ce monde – qu'ils s'arrêteraient ici pour la nuit. Il n'était pas de son tempérament de se plaindre ou de parler d'elle, mais au sortir de la calèche, lorsque ses souliers touchèrent le sol, elle se rendit compte qu'elle n'avait sûrement jamais enduré un exercice aussi difficile que celui-là. De sa propre impression, son dos était en miettes, son bassin était meurtri, son cou la lançait terriblement, et le bas de son corps lui donnaient le sentiment qu'elle ne supporterait pas le voyage du lendemain. La soirée tomba rapidement, elle sortit les affaires essentielles, se tenant assez éloignée du groupe, alors que se posait la question du feu.
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