Lulu s’était démarquée toute sa vie par son attention. Le moindre détail attirait son regard, elle prenait l’habitude d’analyser dans son ensemble chaque élément d’un problème avant d’y réfléchir. Autrement dit, elle n’avait jamais rien fondé de solide sur les décisions hâtives et les improvisations. Des mois en cellule avaient découlé de sa réflexion trop spontanée et d’actions irréfléchies, quand elle partit arrêter avec quelques templiers, les criminels à la solde de Swain. C’était une première preuve de son incapacité à être efficace dans des situations qui exigeaient une réponse immédiate. Et ce jour-là, le matin-même de son départ, elle mettait en évidence la deuxième. Lulu était partie du domaine enchanté, avait emporté Menrva avec elle, se faisant sans doute traîtresse. À présent, elle était plus ou moins perdue dans l’espace. Convaincue, quelques heures plus tôt, que Menrva pouvait naviguer dans l’univers, à raison d’ailleurs, elle avait fait un raccourci regrettable en supposant que la machine avait tous les moyens nécessaires pour se repérer dans l’immensité galactique et se diriger d’elle-même vers le Jardin Radieux, où elle voulait se rendre.
Grande erreur. Lulu patientait donc dans son vaisseau à la dérive, consciente qu’elle trouverait bien une solution mais dépitée par sa méprise et sa bêtise. Le vaisseau auquel elle prêtait des capacités extraordinaires avait des limites plus restreintes que sa simple imagination. Autrefois, elle avait compris le fonctionnement global de la machine. Il suffisait de penser à une commande, à une fonction, pour qu’elle l’exécute. Cela avait marché jusque-là mais se révélait à présent insuffisant.
Elle était assise sur le lit de Galenth Dysley, dans sa superbe chambre jonchée à présent de sacs, de bagages appartenant à la sorcière. Elle observait de temps à autre le tableau la fixant de ses nombreux yeux… C’était une peinture représentant un monstre de métal, au sourire carnassier, et dont le crane était incrusté d’autres visages plus purs mais figés, comme morts. Bien qu’elle ait volé ce vaisseau, elle le considérait d’une certaine façon sien, ce qui ne manquait pas de la déranger. Lulu avait longtemps admiré le seigneur Dysley, très grand sage et premier Primarque, fondateur du Sanctum, jusqu’à ce qu’elle découvre en ce lieu-même, à quelques pas, un passage dans un livre qui semblait d’une importance prodigieuse, semblant dévoiler d’autres intentions au vieux magicien.
Qu’il ait été autre chose que ce qu’il avait prétendu ou non… La sorcière, alors âgée de trente-trois ans, était la jeune héritière d’un sorcier ayant changé l’histoire mais dont l’histoire ignorait tout, jusqu’à son âge. Elle était une mage noire, tout comme lui. Menrva lui obéissait, tout comme à lui. Elle vivait dans sa chambre, et surtout, était en mesure de connaître des informations que lui seul connaissait jadis. Il y a quelques années, elle avait refusé d’en apprendre plus sur cet homme, convaincue que ces découvertes feraient plus de mal qu’à leur tour. Une légère grimace déforma son visage. Elle secoua légèrement le menton, ferma les yeux, pour oublier l’image qui était apparue à son esprit. Lulu n’avait jamais voulu détruire ce livre, mais avait caché son contenu à l’entièreté du Sanctum et non seulement au peuple… tout comme Matthew March s’apprêtait à le faire en détruisant toutes les informations trop sensibles.
Mais tout les différenciait. Il blâmait une politique ésotérique qu’Angeal et elle avaient eu, d’avoir entraîné le Sanctum à la guerre civile, et en retour, proposait de créer d’autant plus de secrets en détruisant toutes les preuves compromettant le Sanctum ou ses croyances. Lulu n’avait jamais voulu cacher ou détruire un secret par honte ou peur, seulement parce qu’elle estimait, sans vraiment de doutes ou de réserves, que les hommes étaient trop idiots pour que l’on compte sur leur bonne compréhension.
À présent, ce qu’elle pouvait découvrir n’aurait d’incidence que sur elle. Elle était débarrassée de toutes obligations envers le Sanctum vis-à-vis de ces informations… Et avec son expérience, les choses terribles qu’elle avait vues et faites, sa vision du Sanctum était ternie. Elle n’avait plus peur de lire quelques lignes...
La sorcière se leva donc et marcha jusqu’au lutrin où était posé l’imposant ouvrage aux feuilles dorées qui retenaient dans ses pages l’entièreté des notes de Galenth Dysley. Une très grande partie de l’œuvre était écrite en Oerba ancien. Elle l’avait découvert, s’intéressant de près à cette langue et avait réalisé plus tard que s’il y avait une clé pour apprendre à décoder ce langage, elle était dans ce livre. C’était donc un mal pour un bien… En décortiquant les deux parties de la bible de Galenth Dysley, elle pourrait commencer l’analyse de cette langue, du moins à l’écrit.
Elle recommença à lire, sa poitrine tremblant de tant de coups de cœur, une main sur l’ouvrage, l’autre chipotant nerveusement à son collier, les premières lignes en français du Seigneur Dysley.
« C’est pour toi, mais avant tout pour le Sanctum que tu agiras, mon enfant. C’est ce que je lui ai dit, à cet homme à qui je donnai l’illusion de m’intéresser. C’est encore un pathétique… un instrument rouillé mais une marche solide que je foulerai pour atteindre le Kingdom Hearts. Il apprendra en temps voulu que le Sanctum, c’est moi. Ils verront enfin que leur culte est une machine avançant dans une direction que je leur ai imposée. Etro, qu’ils vénèrent, n’entendra rien de leur prière ubuesque car jusqu’à sa première pièce, cette machine ne servira ni justice, ni bonté, seulement mon dessein. J’ai pitié pour ces ouaille mais je reconnais que leur sort n’est pas si indu. Tout comme moi, ils rejoindront l’astre, tout comme moi ils rejoindront le créateur.
Je donnerai à ces priant les culte qu’ils désirent, les signe qu’ils veulent voir. Qu’ils pensent qu’Etro les aime, qu’ils pensent qu’Etro les aide. Etro mourra avant d’agir. Plus immobile que le Créateur, moins sacrée que la boue… Je ne leur donne pas d’amour, je leur donne un but. Cette humanité trouvera à mes pied la réponse à leur existence. Si j’ai été créé par Etro, c’est sans doute pour répondre à ce Pourquoi qu’ils se posent. Mais il n’y a pas de raison, seulement un but.
Je leur ressemble pour qu’ils veuillent me ressembler. Et quand ils arriveront, selon mes instructions, aux pieds de cette image que je leur donne d’Etro, là… ils embrasseront l’astre. Le monde sera détruit. Quant à moi, je cesserai de fonctionner, enfin. »
La page s’acheva là. Elle ferma le livre et s’assit une nouvelle fois sur le lit aux draps de soie. Cette bribe de vérité la troublait, bien sûr, mais lui faisait moins de mal que ce qu’elle avait imaginé. Elle ne voulait pas conclure trop vite, préférait dormir sur ces pages avant d’établir une théorie mais qu’importent ses futures découvertes, elle pouvait clairement affirmer que le Sanctum, dans son fondement avait été créé pour un autre propos que le service et la prière d’Etro. Tout pouvait dépendre de cela. Bien que Galenth Dysley ne représentât que quelques mois par rapport à l’existence du Sanctum, il était cohérent d’admettre qu’une large portion de ce qu’était aujourd’hui le Sanctum servait encore les mauvaises idées.
Cependant, Lulu croyait encore en le Sanctum. Elle pouvait avoir été écartée du pouvoir, de l’influence qu’elle avait autrefois, elle n’était pas ambitieuse. Seule sa Sainteté avait changé, seules ses décisions mettaient l’intégrité du groupe en péril. Du reste, elle n’avait aucun doute sur les valeurs que pouvait avoir une personne comme Pentaghast. Et aucune de ses valeurs ne pouvait, de son point de vue, servir autre chose qu’Etro. Lulu croyait et servait toujours la même cause et la même déesse.
Elle se leva. Il était temps de servir, précisément. Elle marcha jusqu’au vaste poste de pilotage et demanda à Mnerva.
« Es-tu capable de te diriger en pilote automatique jusqu’à un point donné si tu as des coordonnées précises ? »
L’écran de commandement s’alluma sur une fenêtre avec plusieurs champs vides. La jeune femme hocha la tête et s’éloigna. Elle avait là la première raison de se plonger dans ses archives personnelles. Lulu alla jusqu’à la chambre de Dysley, une nouvelle fois et déballa les journaux qu’elle récoltait depuis des années. Elle n’avait jamais piloté un vaisseau jusque-là, ne s’était jamais soucié des données galactiques… mais n’avait besoin que d’une chose : les coordonnées d’un monde, idéalement du Jardin radieux.
Elle utilisa les heures suivantes à éplucher journal après journal de l’éclaireur à la recherche de ces chiffres. Elle trouva finalement un journal d’il y a plus ou moins deux ans, un 5 décembre. La Conquête de l’Ouest, un monde, avait été découvert par les gardes du jardin radieux. L'éclaireur avait diffusé les coordonnées de ce monde pour permettre à chacun de le visiter, en précisant toutefois que rien ne garantissait la sécurité des premiers aventuriers à y poser le pied. C’était un monde qu’elle ne connaissait que des rumeurs qu’elle avait entendues. Un monde de bandits, de canailles, d’hommes et de femmes vivant difficilement. Des informations lacunaires, en somme. Elle décida donc d’y aller, transmettant les coordonnées à Menrva.
Le vaisseau changea d’allure et en quelques secondes, commença sa traversée fulgurante de l’espace qui la séparait de ce monde ignoré jusque-là par le Sanctum.
Jeu 12 Avr 2018 - 19:31Grande erreur. Lulu patientait donc dans son vaisseau à la dérive, consciente qu’elle trouverait bien une solution mais dépitée par sa méprise et sa bêtise. Le vaisseau auquel elle prêtait des capacités extraordinaires avait des limites plus restreintes que sa simple imagination. Autrefois, elle avait compris le fonctionnement global de la machine. Il suffisait de penser à une commande, à une fonction, pour qu’elle l’exécute. Cela avait marché jusque-là mais se révélait à présent insuffisant.
Elle était assise sur le lit de Galenth Dysley, dans sa superbe chambre jonchée à présent de sacs, de bagages appartenant à la sorcière. Elle observait de temps à autre le tableau la fixant de ses nombreux yeux… C’était une peinture représentant un monstre de métal, au sourire carnassier, et dont le crane était incrusté d’autres visages plus purs mais figés, comme morts. Bien qu’elle ait volé ce vaisseau, elle le considérait d’une certaine façon sien, ce qui ne manquait pas de la déranger. Lulu avait longtemps admiré le seigneur Dysley, très grand sage et premier Primarque, fondateur du Sanctum, jusqu’à ce qu’elle découvre en ce lieu-même, à quelques pas, un passage dans un livre qui semblait d’une importance prodigieuse, semblant dévoiler d’autres intentions au vieux magicien.
Qu’il ait été autre chose que ce qu’il avait prétendu ou non… La sorcière, alors âgée de trente-trois ans, était la jeune héritière d’un sorcier ayant changé l’histoire mais dont l’histoire ignorait tout, jusqu’à son âge. Elle était une mage noire, tout comme lui. Menrva lui obéissait, tout comme à lui. Elle vivait dans sa chambre, et surtout, était en mesure de connaître des informations que lui seul connaissait jadis. Il y a quelques années, elle avait refusé d’en apprendre plus sur cet homme, convaincue que ces découvertes feraient plus de mal qu’à leur tour. Une légère grimace déforma son visage. Elle secoua légèrement le menton, ferma les yeux, pour oublier l’image qui était apparue à son esprit. Lulu n’avait jamais voulu détruire ce livre, mais avait caché son contenu à l’entièreté du Sanctum et non seulement au peuple… tout comme Matthew March s’apprêtait à le faire en détruisant toutes les informations trop sensibles.
Mais tout les différenciait. Il blâmait une politique ésotérique qu’Angeal et elle avaient eu, d’avoir entraîné le Sanctum à la guerre civile, et en retour, proposait de créer d’autant plus de secrets en détruisant toutes les preuves compromettant le Sanctum ou ses croyances. Lulu n’avait jamais voulu cacher ou détruire un secret par honte ou peur, seulement parce qu’elle estimait, sans vraiment de doutes ou de réserves, que les hommes étaient trop idiots pour que l’on compte sur leur bonne compréhension.
À présent, ce qu’elle pouvait découvrir n’aurait d’incidence que sur elle. Elle était débarrassée de toutes obligations envers le Sanctum vis-à-vis de ces informations… Et avec son expérience, les choses terribles qu’elle avait vues et faites, sa vision du Sanctum était ternie. Elle n’avait plus peur de lire quelques lignes...
La sorcière se leva donc et marcha jusqu’au lutrin où était posé l’imposant ouvrage aux feuilles dorées qui retenaient dans ses pages l’entièreté des notes de Galenth Dysley. Une très grande partie de l’œuvre était écrite en Oerba ancien. Elle l’avait découvert, s’intéressant de près à cette langue et avait réalisé plus tard que s’il y avait une clé pour apprendre à décoder ce langage, elle était dans ce livre. C’était donc un mal pour un bien… En décortiquant les deux parties de la bible de Galenth Dysley, elle pourrait commencer l’analyse de cette langue, du moins à l’écrit.
Elle recommença à lire, sa poitrine tremblant de tant de coups de cœur, une main sur l’ouvrage, l’autre chipotant nerveusement à son collier, les premières lignes en français du Seigneur Dysley.
« C’est pour toi, mais avant tout pour le Sanctum que tu agiras, mon enfant. C’est ce que je lui ai dit, à cet homme à qui je donnai l’illusion de m’intéresser. C’est encore un pathétique… un instrument rouillé mais une marche solide que je foulerai pour atteindre le Kingdom Hearts. Il apprendra en temps voulu que le Sanctum, c’est moi. Ils verront enfin que leur culte est une machine avançant dans une direction que je leur ai imposée. Etro, qu’ils vénèrent, n’entendra rien de leur prière ubuesque car jusqu’à sa première pièce, cette machine ne servira ni justice, ni bonté, seulement mon dessein. J’ai pitié pour ces ouaille mais je reconnais que leur sort n’est pas si indu. Tout comme moi, ils rejoindront l’astre, tout comme moi ils rejoindront le créateur.
Je donnerai à ces priant les culte qu’ils désirent, les signe qu’ils veulent voir. Qu’ils pensent qu’Etro les aime, qu’ils pensent qu’Etro les aide. Etro mourra avant d’agir. Plus immobile que le Créateur, moins sacrée que la boue… Je ne leur donne pas d’amour, je leur donne un but. Cette humanité trouvera à mes pied la réponse à leur existence. Si j’ai été créé par Etro, c’est sans doute pour répondre à ce Pourquoi qu’ils se posent. Mais il n’y a pas de raison, seulement un but.
Je leur ressemble pour qu’ils veuillent me ressembler. Et quand ils arriveront, selon mes instructions, aux pieds de cette image que je leur donne d’Etro, là… ils embrasseront l’astre. Le monde sera détruit. Quant à moi, je cesserai de fonctionner, enfin. »
La page s’acheva là. Elle ferma le livre et s’assit une nouvelle fois sur le lit aux draps de soie. Cette bribe de vérité la troublait, bien sûr, mais lui faisait moins de mal que ce qu’elle avait imaginé. Elle ne voulait pas conclure trop vite, préférait dormir sur ces pages avant d’établir une théorie mais qu’importent ses futures découvertes, elle pouvait clairement affirmer que le Sanctum, dans son fondement avait été créé pour un autre propos que le service et la prière d’Etro. Tout pouvait dépendre de cela. Bien que Galenth Dysley ne représentât que quelques mois par rapport à l’existence du Sanctum, il était cohérent d’admettre qu’une large portion de ce qu’était aujourd’hui le Sanctum servait encore les mauvaises idées.
Cependant, Lulu croyait encore en le Sanctum. Elle pouvait avoir été écartée du pouvoir, de l’influence qu’elle avait autrefois, elle n’était pas ambitieuse. Seule sa Sainteté avait changé, seules ses décisions mettaient l’intégrité du groupe en péril. Du reste, elle n’avait aucun doute sur les valeurs que pouvait avoir une personne comme Pentaghast. Et aucune de ses valeurs ne pouvait, de son point de vue, servir autre chose qu’Etro. Lulu croyait et servait toujours la même cause et la même déesse.
Elle se leva. Il était temps de servir, précisément. Elle marcha jusqu’au vaste poste de pilotage et demanda à Mnerva.
« Es-tu capable de te diriger en pilote automatique jusqu’à un point donné si tu as des coordonnées précises ? »
L’écran de commandement s’alluma sur une fenêtre avec plusieurs champs vides. La jeune femme hocha la tête et s’éloigna. Elle avait là la première raison de se plonger dans ses archives personnelles. Lulu alla jusqu’à la chambre de Dysley, une nouvelle fois et déballa les journaux qu’elle récoltait depuis des années. Elle n’avait jamais piloté un vaisseau jusque-là, ne s’était jamais soucié des données galactiques… mais n’avait besoin que d’une chose : les coordonnées d’un monde, idéalement du Jardin radieux.
Elle utilisa les heures suivantes à éplucher journal après journal de l’éclaireur à la recherche de ces chiffres. Elle trouva finalement un journal d’il y a plus ou moins deux ans, un 5 décembre. La Conquête de l’Ouest, un monde, avait été découvert par les gardes du jardin radieux. L'éclaireur avait diffusé les coordonnées de ce monde pour permettre à chacun de le visiter, en précisant toutefois que rien ne garantissait la sécurité des premiers aventuriers à y poser le pied. C’était un monde qu’elle ne connaissait que des rumeurs qu’elle avait entendues. Un monde de bandits, de canailles, d’hommes et de femmes vivant difficilement. Des informations lacunaires, en somme. Elle décida donc d’y aller, transmettant les coordonnées à Menrva.
Le vaisseau changea d’allure et en quelques secondes, commença sa traversée fulgurante de l’espace qui la séparait de ce monde ignoré jusque-là par le Sanctum.