« Aie ! Saloperie… »
Une énième épine de pin venait de s’enfoncer dans ses pieds nus. Naran leva son pied, délogeant l’intru à l’aide de ses ongles noircit par la terre. La boue accumulée sur ses mollets se craquela, tirant sur sa peau mise à vif.
Elle releva la tête. Ses cheveux entrevêchés de brin d’herbe, laissés libres de s’emmêler en une crinière sauvage, retombèrent sur ses hanches.
Quelque chose… Quelque chose, dans l’agencement des arbres…
Le chemin était sinueux, plus marqué par les pas des hommes que celui des chevaux. Mis à part le sentier, rien, si ce n’est les pins et leurs épines. Pas une fleur, pas même un malheureux champignon : Rien que l’odeur d’humus et les fines aiguilles.
Pourtant…
Naran se retourna, les yeux plissés.
Rien.
L’air se serrait. Un parfum de pluie, de tempête. Et quelqu’un – ou quelque chose – la suivait depuis tout à l’heure.
Elle avait beau sentir une présence, au bord de sa vision périphérique, pas moyen d’en apercevoir plus qu’une ombre indistincte.
Frustrée, Naran poursuivi sa route.
Mais l’impression désagréable persistait.
Persistait malgré son pas rapide, malgré ses jurons et provocations. Persistait même à ses rageur coups de pied, qui faisaient trembler les pins incriminés…
La Mercenaire commençait à perdre patience.
Avisant un virage, Naran accéléra soudain. Elle était prête à perdre, ou au moins surprendre son poursuivant. Elle pris le tournant, puis, au lieu de suivre le sentier, s’élança à travers le bois.
Zigzagant entre les vieux arbres, ignorant les piqures des aiguilles ou l’épuisement qui gagnait lentement ses jambes –
Un coup de tonnerre, soudain, fit trembler la forêt toute entière.
Les arbres s’affaissèrent, mis à terre par l’onde de choc. Ne restait que le crâne rasé de la colline, quelque débris d’écorce et… Le Roi de la Montagne.
Ses sabots venaient de marteler le sol, détruisant autour d’elle la forêt familière. Naran recula, instinctivement.
Elle n’avait pas sur elle une flèche, un arc…
Rien, si ce n’est ses poings nus.
Naran leva la tête vers le monstre bucentaure, qui la dominait de plusieurs têtes. Elle se sentit franchement petite, tout à coup.
Le démon avait le visage à découvert. Sa peau y était aussi noire que sa robe : Des reflets bleutés y soulignaient des traits carrés, bestiaux, ainsi que deux yeux ambrés et calculateurs.
Passée la furie, la rage de leur combat. Le géant la regardait avec… Un rictus. Un sourire ? En dépassaient pourtant deux ou trois crocs, d’apparence pas très herbivore…
Il avança une main massive.
Naran recula, esquiva, trébucha –
Rien n’y fit.
Les doigts du démon se refermèrent sur sa tête, la soulevant du sol.
Compressant son crâne dans un étau, pressant sur ses tempes de ses griffes grisâtres, le monstre continuait son observation.
Elle avait beau se débattre avec l’énergie du désespoir, Naran n’arrivait pas à se dégager. Ses mains glissaient sur les griffes du démon, tandis ses pieds se balançaient inutilement dans l’air.
Le Roi de la Montagne ne semblait pas s’en formaliser.
Au contraire, la frustration de l’archère lui arracha un renâclement amusé.
Il leva son autre main, la braquant lentement vers le haut. Son regard doré était toujours posé sur Naran, et pourtant le ciel s’obscurci. Les nuages se rassemblaient en une masse gris-obscur tourbillonnante, transpercée de flash de lumière.
Le tonnerre gronda. Les nuages s’obscurcirent, puis crachèrent un éclair tonitruant. La foudre tomba droit sur la main ouverte du démon, s’y réunissant en une orbe grésillante.
Toujours suspendue, Naran loucha sur le bras chargé du monstre, qui descendait lentement à son niveau.
Ouvrant son poing sous le nez de la Mongole, le bucentaure sourit. L’électricité frétillait entre ses griffes d’acier.
Naran sentit une sueur froide le long de son dos.
La main toujours ouverte, le Roi de la Montagne recula son avant-bras… puis frappa.
Le coup heurta Naran en pleine poitrine. L’impact, et la charge électrique qui y était mêlée, l’envoyèrent voler. Une douleur intense surgi, enflammant tous ses membres au même instant.
Naran ouvrit les yeux dans un râle.
La forêt avait disparu.
Ne restait que des murs couverts de tenture.
Après un moment de panique, Naran fini par se rappeler de sa convalescence ; de la chasse qui l’avait mené à se trouver allongée sur ce lit, couverte de bandage et d’onguent.
Rassurée, elle reposa sa nuque sur son oreiller.
Étrangement, les quelques mèches folles échappées de sa tresse se dressaient en l’air, chargées d’électrostatique.