L'araignéeExperte en discrétion La patience est une vertu. Et lorsque l'on est une femme, il faut savoir être vertueuse, bien plus qu'un homme. La plupart ne le comprennent pas, et pour celles à qui ça effleure l'esprit, la seule chose qu'elles en font, c'est s'en plaindre. Je suis au dessus de tout ça.
La vie n'est qu'un jeu injuste et déséquilibré, et ce pour tout le monde; pour nous encore plus. Mais comme tout jeu, il devient amusant lorsque l'on y est fort. Ce n'est qu'une fois les règles comprises que l'on peut les contourner, les plier, les tordre et s'en servir à notre avantage. Je ne suis pas étrangère à tous ces concepts.
Alors quand je suis arrivée dans ce trou, tout a été un jeu d'enfant, pour moi. Ça a été facile de deviner les relations de chacun, leurs amitiés, leurs amours, mais aussi leurs tensions, leurs ennemis. Le plus intéressant était de voir comment ils étaient liés par le sang.
Je n'ai pas été affectée à cet endroit. En réalité, je suis sensée avoir pris ma semaine. Mais c'est plus fort que moi, il faut que m'occupe. L'ennui est le pire des fléaux. Lorsque j'ai mis le pied dans ce monde arriéré, je suis tombée de haut. Je pensais qu'il s'y passerait plus de choses. En réalité, les chasseurs de primes n'étaient pas si courants que l'on pourrait penser, et on pourrait dire la même chose des duels et autres activités sympathiques de l'époque. La barbe.
Cela dit, il y avait quelque chose. Ou du moins quelqu'un. Quelqu'un de douloureusement familier. Ils l'appelaient l'Étranger. Un surnom aussi vague que stupide, mais ce n'est que mon avis. Dans le temps bien sûr, il avait sa petite notoriété. Le Magelame. Ce bon vieux Phil l'annonçait ainsi, en tout cas. Ça avait beau être de bien meilleure qualité, ça restait un surnom. Suis-je vraiment la seule à savoir qu'il s'appelle Hoper ?
Dans tous les cas, il faut dire qu'il a bien changé depuis le temps. Mes souvenirs du gamin aux cheveux blancs qui tremblait comme une feuille prirent un sale coup lorsque je l'ai vu revenir avec une tête d'homme. Mais je dois avouer que ça m'a fait du bien de le constater. Un peu comme si l'on venait de m'enlever une écharde dont je n'avais pas conscience de l'existence du pied.
Puis vint l'histoire de la diligence. Il n'avait pas hésité une seule seconde pour aider les habitants de la ville. Je n'étais pas étonnée. Lorsqu'il revint, accompagné des passagers de la diligence, acclamé par ceux-ci, certains de mes doutes furent confirmés. Cet endroit n'était pas son domicile.
Alors, quelle était la raison de sa venue? Je l'ai observé, et tout ce qu'il avait fait, c'était aider les gens. Il n'était arrivé que... Allez, quelques heures après moi. Je ne pensais pas avoir manqué quoi que ce soit d'important. Et pourtant, j'avais ce sentiment irritant que quelque chose m'échappait.
Puis vint la danseuse. Kiki ou Riri, un nom stupide dans le genre. Elle était avec lui lors de l'incident de la diligence. Et quelques jours après, je la vit se diriger vers l'auberge. Pour la première fois, depuis que j'étais ici. Sans attendre, je me faufilait entre quelques bâtiments, et bien que par réflexe ma main frôlait le manche de mon pistolet-grappin, je décidais de grimper sur le bâtiment sans son aide.
Je fais attention à bien utiliser mon pas le plus léger pour ne pas me faire repérer, rôdant telle une araignée sur le toit odieusement poussièreux, et je me positionne là où devrait être sa chambre. Autant j'aime beaucoup entrer dans l'intimité des gens sans qu'ils ne le sachent, autant je n'avais aucune envie d'entendre les deux individus faire la bête à deux dos. Une danseuse et un "héros", il y avait toutes les chances du mondes pour qu'elle lui soit tombée dans les bras après qu'il ne l'ait sauvée, ou je ne sais quoi.
Je fermais les yeux un instant, alors que j'approchais mon visage de la poussière, faisant attention à ce que mes cheveux n'y traînent pas. Au bout de quelque secondes... J'entends.
"...Merci pour le coup de la diligence... Je suis désolée de t'avoir forcé la main, mais je n'ai pas eu le choix. Elle n'aurait jamais dû revenir ici, Je m'était arrangée pour qu'elle reste dans une autre ville..."Bingo. Ils parlèrent un long moment, de plusieurs choses intéressantes. Je me suis sentie bête sur le moment de ne pas m'être intéressée à la danseuse plus tôt. Enfin, l'appeler ainsi était certainement inapproprié, vu que ce n'était visiblement qu'une couverture. Il faisait partie d'un groupe.
Très clairement, il n'avait pas l'air pieux, ou même d'un saint, donc je pouvais oublier le Sanctum et la Lumière, Dieu merci. Vu la manière dont ils ont parlé des colisées, ils en étaient loin, aussi. S'ils étaient de la Shin-Ra, je le saurais. Cela nous laissait le Consulat, et les Mercenaires. Étant donné que leur conversation n'était pas devenue une mauvaise comédie musicale en plein milieu, je pense pouvoir éliminer le Consulat.
La fenêtre s'ouvrait brusquement, et je sursautais aussi discrètement qu'il était possible de faire.
"Comment... Rester enfermé ici..."Claustrophobe? Peu importe, cette peste m'avait fait perdre ma concentration, en plus de m'avoir foutu un sacré frousse. J'écoutais la fin de la conversation, qui s'était révélée jusque là très enrichissante.
Ils avaient fait quelque chose qu'ils tenaient secret. J'adore les secrets. Et je découvrirais de quoi il s'agit.
Ils avaient parlé d'une jeune aux colts. De tous les gens qui étaient partis sauver la diligence, j'avais une idée bien précise de qui était leur cible.
Il se faisait appeler Marcus. P'tit jeune avec à peine trois poils au menton, grande gueule, débauché, rien d'extraordinaire, si ce n'est qu'il était un peu... Comment dire. Il avait tout d'un rat. Opportuniste, lâche, tout ça. Le côté futé en moins, bien entendu. J'étais étonné qu'il n'ait encore rien dit, vu son profil. Qu'est-ce qu'il savait ? Savait-il réellement quelque chose, d'ailleurs? Après tout, il n'avait que des soupçons.
Je me faufilais vers la grande rue alors que la fin de journée approchait, prenant soin de rester invisible. Il allait se passer des choses ce soir, et je ne pouvais me permettre d'en manquer ne serait-ce qu'une miette. J'en oubliais le travail; à vrai dire, je ressentais une certaine excitation. Je trépignais d'impatience de voir mes deux petits comploteurs à l'oeuvre.
Depuis le toit du bâtiment d'en face, j'observait à l'aide de jumelles l'intérieur de l'endroit. Finalement, le petit héros pointa le bout de son nez, et lorsqu'il entra, je me décidais d'avancer. Maintenant dans le petit espace sombre entre le saloon et le bâtiment d'à côté, je tentais d'écouter à l'intérieur, mais entre la musiques, les railleries et les cris sauvages de cow-boys éméchés, difficile de filtrer les informations intéressantes de la pollution sonore. Je décidais d'attendre.
Ce n'est qu'une fois la nuit tombée que les choses sont devenues intéressantes: d'abord sortit la danseuse mercenaire, et, quelques secondes après seulement, sa cible. Le jeune imbécile n'était pas au courant qu'il se dirigeait droit vers un piège. J'usais de mon grappin pour me rendre rapidement sur le toit, et les suivre.
Le gamin la filait maladroitement, passant d'un bâtiment à un autre avec autant de discrétion qu'un orchestre de fanfare. Amateur. Mais la rousse ne semblait pas l'avoir vu non plus. Et il ne lui fallut qu'une minute ou deux pour l'attraper et l'immobiliser. Et c'est à ce moment qu'il vida son sac, me donnant les pièces manquantes du puzzle, ou presque.
Un meurtre pour une couverture, d'accord, mais la dite couverture, pourquoi? Les Mercenaires avaient-ils trouvé quelque chose d'important dans ce monde?
J'avais récolté assez de réponses, et malgré tout, mon esprit était encore embrumé de questions. Je devrais confronter l'un des deux mercenaires si je voulais en apprendre plus.
Il me fallait une couverture, et c'est donc ainsi que le jour suivant, c'est près de l'école que je rôdais. Une fois de plus, j'ai été témoin d'un acte de bienveillance de la part du petit Magelame, ce qui eut un tout autre impact, maintenant que je savais qu'il était complice d'un meurtre. Mais peu importe, parce que lorsqu'ils eurent fini, ce fut à moi d'entrer en scène. Je longeais les murs, me faufilant, invisible, fantomatique. Et une fois à l'intérieur, d'un mouvement sec et maîtrisé, j'arrachais la conscience de l'institutrice.
Quelques secondes me suffirent pour l'amener dans l'arrière salle, qui semblait être son bureau ou quelque chose du genre. Une zone privée qui lui était propre, sans fenêtres, et c'était tout ce dont j'avais besoin. Je prenais soin de bloquer la porte, avant de déshabiller ma victime. Je l'observais ainsi un instant. prenant son visage entre mes mains. Ses yeux fermés, son souffle paisible s'échappant d'entre ses lèvres roses, qui contrastaient avec sa peau de nacre. Il faut dire que j'ai un faible pour les blondes.
C'était une très belle femme. Et après un court instant, moi aussi, je devenais une très belle femme. Je me débarrassais de mes propres habits, maintenant, constatant avec une certaine euphorie ma peau pâle. Ce n'était pas la première fois bien sûr, mais c'était toujours agréable de m'admirer après un "changement".
Un adorable soupir venait me caresser les oreilles, me rappelant la présence de ma charmante jumelle assoupie. Je me rapprochais d'elle, saisissant depuis le holster de ma ceinture un petit dispositif, auquel j'ajoutais un flacon et une aiguille, pour former une seringue. Une piqûre et un pssht plus tard, et la petite institutrice passerait la journée dans un état léthargique, et ferait de beaux rêves jusque là.
Avant de m'en aller, je prenais soin de bâillonner la jolie blonde, et de la couvrir ne serait-ce qu'une peu, à l'aide de ma chemise écarlate et de mon pantalon noir. En fouillant dan,s le tiroir de son bureau, je trouvais la clé de la petite pièce, que je m'empressais de verrouiller.
Je retrouvais mes élèves, et tapais dans mes mains comme le faisait leur maîtresse habituelle. Il fallait commencer par me débarrasser d'eux.
"Alors les enfants, aujourd'hui nous allons arrêter le cours plus tôt. Maintenant, en fait." Je constatais l'air réjoui de certains, et surpris d'autres. J'enchaînais, par précaution, l'index levé:
"Il faut savoir bien se reposer, car ça aide à avoir l'esprit clair pour mieux apprendre !"Il ne leur fallut pas plus pour déguerpir vite fait bien fait, me laissant tranquille pour le reste de la journée. Ou presque. Il serait bientôt midi, et c'était l'heure où Miss Marsh retrouvait l'aubergiste, sa meilleure amie. L'auberge était donc naturellement ma prochaine destination.
Bien sûr, ce n'était pas... Un moment de qualité. Contrairement à l'institutrice qui m'avait gracieusement permis d'emprunter ses traits, l'aubergiste était une femme plutôt ennuyante, malgré son énergie. Elle souffrait d'un clair manque de poigne et de caractère dont les habitants de ce trou profitaient régulièrement, et l'idée de devoir la supporter même quelques minutes me filait des boutons. Mais bon, ce n'était pas la pire chose que j'ai eue à faire sous couverture. Alors j'obligeais.
Après quelques temps de conversation vide de sens et de fraîcheur, je laissais échapper la nouvelle du duel qui allait avoir lieu entre l'étranger et le petit jeune, et elle sembla soudainement concernée. Elle ne relevait pas mon erreur; Elena Marsh ne se rendait jamais au Double Colt, et ne parlait qu'à peu de gens, certes elle aurait pu avoir accès à cette nouvelle mais je frôle l'hors personnage.
Je gardais ma réserve, en disant le moins possible. Étais-je supposée savoir pourquoi elle avait cette tête de six pieds de long ? Elle mentionnait un frère. Le petit Marcus ? Son frère ? Qui l'eut cru. Je l'avais échappée belle, en tout cas, un peu plus et elle aurait pu se douter de quelque chose. Au moins j'avais pu tirer quelque chose de cette conversation. Une belle information, qui plus est.
La situation devenait intéressante. Mais il était temps pour moi de disparaître; je ne pouvais rester trop longtemps à découvert. Il fallait que je rentre m'occuper de ma belle endormie, et m'assurer qu'elle le reste, et surtout que personne ne la trouve. J'en avais assez fait pour aujourd'hui, je poussais un peu, d'ailleurs, pour quelqu'un qui n'était même pas en mission. Je décidais de passer la nuit dans le bureau, avec ma jolie blonde. Il ne fallait pas risquer qu'elle se réveille et qu'elle ne fasse tout rater. Je répétais le processus. Dispositif, seringue, pssht. Et je m'allongeais, près d'elle, alors que peu à peu, mon apparence me revenait.
J'avais réussi à avoir quelques heures de sommeil. Il était encore tôt, et assise contre le mur, j'observais l'institutrice, toujours inconsciente. Je n'ai pas réellement planifié la suite des événements. Toute cette opération était déjà démesurée; tout ça pour lui. Mais je ne tarderais certainement pas à m'en aller de ce monde poussiéreux. J'irai certainement interroger le gamin aux colts, aujourd'hui, pour avoir la pièce manquante à mon puzzle. Mais il fallait que j'attende midi, avant, pour me débarrasser de l'aubergiste. La blonde devrait se réveiller dans l'après-midi, et l'on se rendrait vite compte de son absence. Je n'avais même pas pris la peine d'aller voir sa mère. Trop de risques.
Un peu avant l'heure, je sortais de l'établissement, me dirigeant vers l'auberge, me préparant à gâcher une heure de ma vie à écouter les soucis d'une femme avec qui je n'avais rien à voir. Et cette femme à qui je pensais était justement en train de se diriger vers moi, l'air paniqué. Je feignais la surprise. Bien sûr, je l'étais, mais j'ai pour habitude de garder ça pour moi. Quelque chose n'allait pas. Elle balbutiais quelque chose d'à peine compréhensible, et mon sang ne fait qu'un tour.
Quel genre d'imbécile prévoit un duel de la veille au lendemain? Rah, j'avais vraiment manqué d'intelligence, moi aussi, pour le coup..! Peu importe, vite, je me dirige vers l'auberge, avec Lucy. Mais c'est trop tard. Il est là. Et il a l'air de bien se moquer de moi. Je reprends mon apparence, sous les yeux ébahis de l'aubergiste, à qui je ne prête plus attention.
"Oh, c'est toi." Ricane-t-il.
"Je ne sais pas ce que tu viens faire ici, mais si tu veux m'arrêter, tu arrives trop tard.""Tu ne bouges plus, pourtant." Je rétorque, inclinant légèrement la tête, mon rictus s'allongeant légèrement.
Il descend une marche, en me fixant, comme pour me défier.
"J'imagine que personne ne sait qui tu es, ni d'où tu viens, parce que ce sont tous des arriérés, ici. Moi, par contre, l'arme que tu tiens, je sais bien d'où tu la sors."Merde. L'aubergiste m'a vue, et je m'en était déjà pris à une habitante. C'était déjà plus de vagues que je ne pouvais faire, sans assignement. J'ai pris soin de ne rien utiliser qui ne vienne de la Compagnie, mais les gens d'ici ne feraient certainement pas la différence, et ça me retomberait inévitablement dessus.
"Exactement."Enfoiré. Je faisais de mon mieux pour ne rien laisser paraître, mais j'étais folle de rage. Je soupirais, abaissant mon arme. Lucy écarquillait les yeux, semblant comprendre que je ne protègerais pas son frère bien aimé.
"Tu n'es pas lui, n'est-ce pas?""Non, mais il te passe le bonjour."Il continuait de descendre les marches, alors que la femme nous regardait dans l'impuissance la plus totale, nous suppliant des yeux; elle n'osait pas prononcer un mot. C'était sûrement beaucoup de choses, en peu de temps, pour elle. Je réduisais la distance qui nous séparait, l'attrapais par le col, et avec un coup de crosse en plein sur le front, la neutralise, la laissant tomber lourdement au sol, inconsciente.
Il ricane de plus belle.
"J'aimerais beaucoup rester discuter, mais j'ai un meurtre qui m'attend. C'était bon de te revoir, tout de même."J'était frustrée. Tout ça pour ça. J'entendais les battants de la porte grincer derrière moi. J'avais perdu. Mais bon, au moins il va... Bien. Il y a des gens avec lui. Il a toujours son Passager, mais il n'est pas tout seul. Et il se débrouille. C'est tout ce qui compte, j'imagine. Et ça me rassure, un peu. Je jette un dernier regard à l'aubergiste, avant de me faufiler dehors, moi aussi.
Bientôt, je récupérais mes vêtements et m'en allais pour de bon. Je n'avais même pas envie de savoir ce qu'il adviendrait de la victime de "Hoper".