Mille Épines

La politique, les alliances et les engagements. Tant de contraintes que Death ne maîtrisait pas et que Namtar avaient hérité lors de son accession au trône, une tâche ingrate dont-il lui était impossible à se soustraire. Revêtant cette enveloppe de chair grisâtre, le démon dirigeait les commandes de son vaisseau pour entrée dans l’atmosphère de ce monde inconnu à ses yeux, les Terres d’Oerba. Une perte de temps, une terre stérile sans la moindre importance à quelques exceptions. Dans le cas où l’on porte de l’intérêt pour les champignons ou ce genre de créatures ailées répondant au nom de chocobo.

Sauf qu’aujourd’hui, l’homme le plus influent de l’univers désirait avoir un animal de compagnie pour un quelconque projet. L’un des termes à respecté pour l’alliance entre les deux groupes. Une corvée à accomplir et dans les plus brefs délais.

Fort heureusement pour la bête, elle n’allait pas être seule dans cette tâche. Plusieurs membres de la Coalition Noire avaient accepté de se rendre avec lui sur cette terre aride pour affronter la menace, un gigantesque Pampa surmonté d’une couronne et vivant dans le désert de ce monde. On croirait entendre le début d’une mauvaise histoire, pourtant, cela restait la triste réalité.

Ils étaient avec lui, tous pilotait leur vaisseau. Au moins, le groupuscule ténébreux pouvait se vanter de posséder bon nombre de pilote parmi ses rangs. Seul quelques irréductibles continuaient d’utiliser les transports de la compagnie, est-ce que celle-ci voyait notre groupe d’un mauvais oeil ? Après tout, bon nombre de nos actions restaient discrètes par l’utilisation de nos propres moyens de transport. Il allait falloir creuser dans cette direction, pouvoir s’affranchir de cet allié en cas de problème avec lui.

– Vaisseau-commandant à Death, me recevez-vous ?
Grimaçant, le démon appuyait sur la commande vocale et activait cette dernière avant de prendre la parole sur un ton lasse.

— Oui, nous vous entendons tous. Que me voulez-vous ?
— Votre cible a été repérée à vingt kilomètres au sud de votre position, nous vous envoyez les coordonnés ainsi que la zone de tir sur laquelle vous devez l’amenée. Engagez la manoeuvre quand bon vous semble.
— Entendu…
Modifiant la position d’un cadran, coupant la liaison avec les vaisseaux de le Shin’ra, le démon activait la communication avec les autres membres de la Coalition Noire.

— Vous venez de recevoir la position de notre cible dans l’ordinateur de bord de votre vaisseau, le Pampa géant. La mission est simple, coalisés. Nous avons à amener cette créature jusqu’à la zone de tir et distraire celle-ci assez longtemps pour qu’elle puisse être abattue par les forces de la Shin’ra.
Pas de réponse, il laissait quelques secondes passer avant de poursuivre.

— Tout devrait se produire en deux phases. La première étant d’attirer l’attention de la créature sur nous pour ensuite l’amener sur la zone de tir, rien de bien compliqué, vous êtes capable de grandes choses aux commandes de vos vaisseaux. La seconde ? Une partie d’entre-nous aura pour mission de quitter son moyen de transport afin d’attirer son attention et de le confiner dans la zone en question. Nous déciderons des personnes chargées de cela au moment opportun, néanmoins, je vais diriger les troupes au sol.
Les vaisseaux avancèrent en formation jusqu’à l’endroit indiqué par le vaisseau-commandant, et progressivement, les traits du pampa se faisaient plus clairs. Vert et gigantesque, trois trous de couleur noire en guise d’yeux et de bouche et quatre membres en équerre. Et sans oublier, une couronne en or au sommet de la fleur du cactus.

Un combat en vaisseau promettait d’être d’un ennui mortel, il n’attendait rien d’autre que l’instant où il pourrait débarquer et déployer ses ailes pour agresser la chair de cet être. Il n’y avait aucun plaisir à retirer du fait de presser des boutons ou diriger les manettes. Aucune adrénaline et aucun frisson. Aucune joie à retirer de tout cela.

— Abigail, vous êtes la plus adroite d’entre-nous, ouvre donc le bal.
Oui, Intendante. Prouvez à chacun que votre chasseur est un avantage par rapport à nos vaisseaux, et surtout, n’oublie pas le but de cette mission.

En fin de compte, il semblerait que la couardise des souverains soit une récurrence À peine Abigail avait-elle lancé son attaque qu’une myriade de serviteurs se jetait à corps perdu afin de protéger le Roi des Pampas, pathétique.

Cette chasse venait de devenir personnel.

Malheureusement, il s’agissait d’un contrat à remplir et non d’une vengeance à assouvir. Par chance, le sort qui était réservé à la créature était bien pire que la mort, et cela n’empêchait pas à un sourire de naître sur le visage de chef de la Coalition Noire. Enclenchant de nouveau la communication, le démon ne s’empêchait pas de réagir à la réaction de Milla, elle avait ce don d’être naturelle, ce qui n’était pas un défaut aux yeux de Namtar.

— Cette merde n’est rien d’autre qu’une créature écervelée et insignifiante, elle n’attendait que nous pour être balayé de la surface de cette planète. Nous n’avons plus qu’à lui rendre ce service…
Observant brièvement son écran de bord, la bête observait le plan de route jusqu’à la zone de tir, une histoire de cinq minutes à en croire les calculs de la machine. Bien, il ne restait plus qu’à le faire marcher jusqu’à sa propre tombe. Augmentant la vitesse de son vaisseau, la bête partait loin derrière la créature dans une boucle afin d’arriver dans son dos, actuellement trop occupé par le chasseur de l’Intendante. Ajustant la mire de ses canons, le démon pressait le bouton pour faire feu et vriller le dos du Pampa de quelques marques, le reste étant bloqué par les subalternes porteurs de bouclier.

Il allait falloir s’en débarrasser, pourtant, il semblait-il y avoir toujours plus de sujets aux pieds du monarque.

Tirant sur ses commandes, montant en piqué dans les cieux, le démon se laissait tomber pour calibrer l’un de ses missiles dans la masse de pampa. Le tir partait dans une trainée blanche, fendant les cieux jusqu’à exploser au sol. La réponse qu’il eut à cette attaque fut une pluie d’épines venant dans sa direction.

Namtar parvenait à esquiver l’attaque du Roi, trop imposante et prévisible. Ce fut les attaques des sujets ses pieds qui faisait mouche, plantant ainsi des centaines d’aiguilles dans toute la carlingue du vaisseau. Aucune alerte dans le cockpit, cela ne devait pas être aussi grave qu’il voulait l’imaginer, lui donnait ainsi une raison en or pour quitter cette carcasse métal. Non, il allait devoir continuer à piloter encore quelque temps. Soit. Il tirait de nouveau sur le Roi, certains tirs faisant mouche alors que la plupart étaient bloqués et que la créature le suivait enfin.

— Il nous faut rejoindre la position dans les plus brefs délais, continuer de le harceler.
Un appât supplémentaire voilà ce dont-ils avaient besoin. Fermant les yeux un instant, le démon se concentrait à l’invocation d’une créature capable d’être utile dans pareille situation. Il y en avait des centaines, mais ce dont il avait besoin, c’est de plus d’effectif. Subitement, cinq sans-coeurs faisaient leur apparition autour du vaisseau de Namtar, des vouivres.

D’un regard, il ordonnait aux créatures faites de ténèbres d’agir, et semblable à un escadron, elles partaient dans les cieux pour voler autour du Roi des Pampas avoir pour unique but de l’empêcher de dévier de sa trajectoire.

Parfait, la stratégie fonctionnait et le souverain suivait son escorte jusqu’à la zone de tir. Tout ce qui restait à faire, c’était de couvrir l’Intendante contre ses servants-magiciens, une perte de temps à gérer. Enfin, ils seront sur la zone dans cinq minutes, il allait pouvoir agir…

— Milla, contenez les mages pour permettre à Abigail d’avancer… Les autres sont pour moi…
Agrippant la commande de son vaisseau, le démon amenait celle-ci à lui afin de monter assez haut dans les cieux pour éviter les attaques des pampas. Du moins, le déluge d’épine qu’ils ont à offrir. Une fois qu’il était à l’écart, Namtar enclenchait le vol stationnaire de moyen de transport pour ensuite se lever et rejoindre l’arrière de celui-ci.

Combattre enfermé dans une boîte de métal, tout cela était indigne de lui, il pensait à cela tout en déployant ses ailes et ouvrant la soute.

Le vent fouettait son visage, il se sentait vivre maintenant. Un pas après l’autre, le démon se jetait dans le vide et plongeait à toute vitesse en direction du roi des Pampas. Les ailes collés contre son dos, Namtar prenait de plus en plus de vitesse tout en faisant apparaître l’épée d’Auron et sa faux dans ses mains, il n’allait pas être son ennemi pour l’instant, les guerriers étaient sa priorité.

Ouvrant une aile et puis la seconde, le démon commençait à tourner sur lui-même, partant en vrille progressivement jusqu’à dépasser le corps du souverain. Il était temps d’atterrir.

Déployant totalement ses ailes, limitant sa vitesse avant d’atteindre le sol, il posait un premier pied à terre et commençait sa course tout en profitant de l’élan de sa chute. Il frappait grossièrement, donnant de large coup dans la mêlée, frappant des pampas d’un vert clair et tenant des massues de bois dans leurs mains. Éclaircir les rangs, voilà tout ce dont il avait besoin de faire. Il appelait à lui la dernière vouivre encore en vie, celle-ci attrapant un pampa avant de disparaître dans une pluie d’épines.

Heureusement, Namtar ne venait jamais seul. Faisant disparaître ses armes instantanément, l’enveloppe de chair de Death frappait le sol alors qu’il faisait appel à ses invocations. Nul sans-coeur ne venait à lui en ce jour, des squelettes armés d’une épée et d’un bouclier émergèrent du sol pour se lancer dans la mêlée. Quel drôle d’ironie, il s’agissait ici du combat de deux armées, celle des pampas et celle du démon. Malheureusement, il n’y aura qu’un seul vainqueur dans cette histoire.

Dégainant ses armes de nouveau, le démon s’élançait une fois de plus jusqu’à tourner sur lui-même, gagnant de plus en plus de vitesse. Transformant son corps en une toupie bardée d’arme tranchante et s’engouffrant dans les rangs ennemis et découpant les cactus sous son passage. Il allait être mal en point une fois tout cela serait terminé, néanmoins, il pouvait faire confiance aux coalisés présents. Du moins, il savait qu’ils n’allaient pas avoir l’idée de le trahir maintenant.

Bien, ils semblaient doués de conscience. Milla et Abigail venaient d’interrompre ce que préparait le souverain des Pampas, tout cela sans la moindre perte, parfait.

Levant son bras gauche, le démon resserrait progressivement sa poigne avant d’abattre celle-ci vers le sol. Ordonnant ainsi à toutes ses chimères squelettiques de dresser le bouclier et de l’entourer. Namtar avait sous-estimé la puissance des servants du Roi, il avait besoin de plus d’âme à ses côtés. Pointant son autre bras devant lui, l’index vers l’horizon, il dressait celui-ci pour invoquer d’autre squelette dans le périmètre que venait de créer les premières chimères.

Le Pampa à la couronne était peut-être la cible prioritaire de cette mission, néanmoins, il y avait la marmaille à éradiquer avant que le tir puisse être effectué. D’une nouvelle injonction, il ordonnait à ses soldats d’avancer alors qu’un grésillement lui venait à l’oreille.

— Monsieur, le vaisseau-commandant est en place et les canons chauffent. Maintenez la cible dans cette position jusqu’à l’avertissement.
Levant les yeux vers les cieux, le dirigeant de la Coalition Noire distinguait les traits baroques d’une immense carlingue traversant les nuages. Ainsi, voilà ce à quoi ressemblaient les pièces maîtresses des flottes de la Shin’ra. Parmi tout les vaisseaux qu’il avait pu croiser dans sa nouvelle vie, Namtar n’avait observé d’aussi gros et aussi bardé d’arme. À se demander pour quelles raisons le Président avait besoin de voir cette créature immobilisée le temps d’un tir.

Bien. Il n’y avait donc rien d’autre à faire que de le laisser à sa place, il n’était plus nécessaire de le tirer au travers de ce désert.

Les mages n’allaient avoir d’yeux que pour les squelettes et les défenseurs étaient déjà en nette diminution grâce à l’intervention de Milla. Dorénavant, Abigail devait être appelée sur un autre front. Déployant ses ailes, le démon fléchissait ses genoux avant de sauter et s’envoler à pleine vitesse en direction de la chaîne du harpon. Il devait être intact avant le tir, probablement qu’un harpon ne ferait pas plaisir au Président.

Faisant apparaître sa hache lors de son envolé, Namtar abattait celle-ci de bas en haut sur l’un des maillons pour le briser et libérer le monstre. Cabrant dans les airs, le démon filait alors en direction du buste du Pampa tout en se désarmant pour empoigner le harpon en question.

Posant un pied sur la peau verte, il poussait et tournait de toutes ses forces jusqu’à ce qu’il sentait l’arme bouger et finalement se retirer. Projetant ainsi le corps en arrière et le forçant à se reprendre au niveau dans les jambes et évitant une nouvelle attaque du Roi. Les épines qu’il projetait passant tout autour de lui et s’écrasant sur le sol, abattant quelqu’uns de ses servants au passage.

Il ne lui restait plus qu’à tourner tout autour de lui, coupant ses sorties d’une attaque pendant que Milla et Abigail manoeuvraient.

Le vaisseau de la Shin’ra était juste au-dessus de la tête du régent, attirant indubitablement son attention. Le lourd vrombissement des moteurs inondait le désert, harcelant les sens de la Bête, rendant difficile le simple fait de se mouvoir dans cette cacophonie de métal et de fumée.

Une belle récompense suite à cette alliance avec le Président.

Amenant l’une de ses mains à ses tempes, Namtar reculait de plusieurs battements d’ailes dans l’espoir de ne pas être frappé les lasers du vaisseau-commandant. Cependant, l’attention du Pampa royale était accaparée par la carlingue, cela ne pouvait décidément pas être aussi simple que de conduire une Princesse de Coeur à son prince au milieu d’un bal. Moins d’une minute devait s’être écoulée et le Pampa agitait une fois de plus ses bras.

— Tir chargé à soixante pourcents, tenez le occuper.
— Tu parles…
Milla et Abigail semblaient s’occuper de la marmaille, parfait. Vainement, il tentait d’occulter le bruit qui le harcelait pour finalement faire apparaitre l’épée d’Auron dans sa main droite. Il allait faire avec. Balançant son torse en avant, le Démon fonçait à vive allure en direction du corps du Pampa en laissant la lame pendre derrière lui. Plus que quelques mètres le sépareraient de son ennemi, et d’un geste vif, il pointait vers les cieux avant de brandir l’arme au-dessus de sa tête pour une ultime attaque ascendante.

Il arrête de battre des ailes, laissant son corps chuter alors que la lame embrassait la chair du cactus, dessinant une balafre entre les épines

— Quatre-vingts pourcents.
Un immense poing, recouverte de mille piquants, vint alors frapper le Démon et le projeter au loin dans un râle de douleur. Reprenant difficilement consistance, le corps percé et endolori, Namtar parvenait à conserver la hauteur et la clairvoyance nécessaire de virevolter sur la gauche afin d’éviter la salve d’épine. Putain de souverain. De rage, le Démon passait son épée sur sa droite et lui faisait décrire un arc de cercle en la passant sur sa gauche, dessinant une large onde qui partait en direction de pampa en réponse à une pluie d’épines qu’il s’apprêtait à cracher.

Trop tard pour lui d’esquiver, le poids de l’arme le trainait déjà sur le côté et faisait de lui la proie idéale.

— Arme parée et prête à faire feu, nous enclenchons la séance de tir.
Le Pampa s’illuminait un bref instant, comme si un soleil se trouvait au sommet de son crâne. Un fin très de lumière rouge le touchait, inoffensif, jusqu’à ce qu’un éclair apparaisse à la base du vaisseau-commandant et ne frappe en une imposante colonne de lumière sa cible. Un son, bref, se répercutait pour qu’ensuite une imposante déflagration se propage dans le périmètre. Comme s’il n’était qu’un simple fétu de paille, le dirigeant de la Coalition Noire perdait le contrôle sur son vol et se voyait emporter au vent alors qu’une chaleur irradiante lui brûlait la peau.

Tout aussi rapidement que cela c’était produit, la déflagration s’arrêtait. Namaar reprenait difficilement contenance pour finalement diriger son regard sur le Roi Pampa.

Il ne restait plus que de la créature un corps carbonisé, toujours debout avant de lentement juter au sol, telle une poupée désarticulée. Dans la même occasion, les pampas qui accompagnait sa majesté se dispersaient pour rejoindre le trou qu’ils avaient quitté plutôt. Devant la violence du tir, personne ne parlait au travers de l’oreillette. D’un tir, il l’avait balayé comme l’on écrase une mouche. Ainsi, voilà à quoi ressemblait la puissance de la Shin’ra.